100% Sénat diffuse et décrypte les moments forts de l'examen des textes dans l'Hémicycle, ainsi que des auditions d'experts et de personnalités politiques entendues par les commissions du Sénat. Année de Production :
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00:00:00Générique
00:00:10Bonjour à tous et bienvenue dans cette nouvelle édition 100% Sénat pour suivre aujourd'hui l'audition de Florent Ménégaud, le PDG du groupe Michelin.
00:00:18Il était auditionné le 22 janvier dernier et ses propos font grand bruit depuis maintenant deux semaines.
00:00:24Ainsi, le journal Le Point qui parle même d'un lanceur d'alerte qui n'a pas peur de dire la vérité.
00:00:29Lors de cette audition, le chef d'entreprise a fait une grande démonstration sur les complexités auxquelles il fait face.
00:00:36Ce n'est plus tenable, a-t-il ainsi lancé devant les sénateurs.
00:00:39Depuis 2019, entre la hausse des coûts de l'énergie et l'inflation qui s'est retraduite dans les salaires,
00:00:44il est devenu globalement deux fois plus cher de produire des pneus en Europe qu'en Asie.
00:00:49Sans plus attendre, direction de la salle de la Commission.
00:00:52Notre commission poursuit ainsi son cycle d'audition sur l'industrie automobile.
00:00:57Nous avons déjà auditionné dans ce cadre-là Luc Châtel, président de la plateforme automobile française au mois d'octobre dernier,
00:01:06et Jean-Dominique Sénard, qui était président de Renault en mars dernier.
00:01:11Je l'ai dit, l'avenir de l'industrie automobile française préoccupe notre commission au plus haut point.
00:01:17C'est la raison pour laquelle trois de nos collègues, Alain Cadec, Rémi Cardon et Annick Jacquemé,
00:01:23sont rapporteurs d'une mission d'information sur l'avenir de la filière automobile française.
00:01:29Et donc, avec votre audition, nous ouvrons le début de leurs travaux.
00:01:34Vous êtes entré chez Michelin en 1997, après dix ans de carrière dans le consulting et la logistique.
00:01:43Vous avez d'abord été directeur commercial des pneus poids lourds pour les îles britanniques,
00:01:49puis pour l'Amérique du Nord et du Sud, avant de devenir directeur de la zone Proche et Moyen-Orient.
00:01:56Revenu en Europe en 2006, vous y avez gravi les échelons jusqu'à devenir directeur général des opérations,
00:02:04directeur général exécutif, puis en 2019, président du groupe Michelin.
00:02:11Je souligne que vous êtes seulement la deuxième personne à ce poste à n'être pas issue de la famille Michelin,
00:02:19après Jean-Dominique Senard, à qui vous avez succédé.
00:02:23L'entreprise Michelin, que vous dirigez donc depuis près de six ans,
00:02:28est le leader mondial de la fabrication des pneumatiques pour les secteurs de l'automobile, des poids lourds et des deux roues,
00:02:36mais aussi pour l'aviation et pour les engins agricoles.
00:02:41Elle est implantée dans une vingtaine de pays et emploie au total plus de 100 000 personnes.
00:02:49Entreprise plus que centenaire, fleuron de l'industrie française, Michelin est une marque familière aux Français,
00:02:56fameuse pour son célèbre bibendum, son attachement à son berceau de Clermont-Ferrand,
00:03:03mais aussi et surtout pour la qualité de ses productions et ses nombreuses innovations.
00:03:10Cette assise historique et ce capital de sympathie n'empêchent pourtant pas Michelin de subir les contre-coups de la tourmente
00:03:18dans laquelle est plongée la filière automobile française.
00:03:23Après les remous de la crise Covid et de la crise ukrainienne, les constructeurs sont confrontés, depuis plusieurs mois,
00:03:29à une baisse drastique de la demande, notamment pour les véhicules électriques, doublés d'une féroce concurrence des producteurs chinois.
00:03:39Ces difficultés se répercutent sur les équipementiers.
00:03:43Forvia, Valeo, Continental, Bosch et Scheffler suppriment des postes des deux côtés du Rhin.
00:03:50Michelin a, pour sa part, annoncé il y a quelques semaines la fermeture de deux de ses usines, à Vannes et à Cholet,
00:03:58ce qui représente plus d'un million de suppressions de postes.
00:04:02Plus d'un millier de suppressions de postes.
00:04:16Dans ce contexte, mes questions porteront sur trois sujets.
00:04:20La situation de Michelin, la situation de la filière automobile française et européenne et la situation de l'industrie de manière plus générale.
00:04:29Tout d'abord, en ce qui concerne Michelin, je vous laisserai bien entendu présenter l'entreprise et nous exposer votre stratégie pour les mois et les années à venir.
00:04:38En particulier, vous avez récemment ralenti votre stratégie de diversification hors du pneu.
00:04:45Pouvez-vous nous expliquer pourquoi cette stratégie de diversification reste-t-elle cependant valable à moyen et long terme ?
00:04:54Et par ailleurs, concernant le véhicule électrique, quel est l'impact de son développement sur l'industrie des fabricants de pneumatiques ?
00:05:04Sur le deuxième point, l'avenir de la filière automobile, vous avez sans doute beaucoup à nous dire sur les racines de la crise.
00:05:11La réglementation environnementale européenne est régulièrement dénoncée par les constructeurs,
00:05:17en particulier la fin des ventes des véhicules thermiques neufs à compter de 2035.
00:05:24Quel est l'impact de ce couperet sur votre propre activité ?
00:05:29Je crois que Michelin est aussi particulièrement affecté par la réglementation européenne sur la traçabilité des matières premières.
00:05:39Selon vous, comment restaurer la compétitivité des acteurs européens sans jeter le bébé de la protection environnementale avec l'eau du bain de la surréglementation ?
00:05:51Faut-il revoir nos ambitions environnementales à la baisse, laisser plus de temps aux industriels pour s'adapter,
00:06:00mieux contrôler les produits pour que la qualité redevienne un véritable avantage compétitif ?
00:06:07Que pensez-vous de l'activation par la Commission européenne des instruments de défense commerciale en vue de protéger l'industrie automobile européenne ?
00:06:18Nous souhaiterions également recueillir votre analyse plus globalement sur l'avenir de l'industrie en France et en Europe.
00:06:25Nous avons entendu, pas plus tard que la semaine dernière, Olivier Luancy, auteur d'un rapport remarqué sur la réindustrialisation.
00:06:35Partagez-vous son diagnostic sur le manque historique d'investissement dans l'appareil productif français et sur le poids déterminant des prix de l'énergie.
00:06:46Comment remédier, selon vous, à ces difficultés structurelles ?
00:06:51Voici, Monsieur le Président, quelques-unes des questions que je souhaitais vous soumettre au début de cette audition
00:06:57et que les membres de la Commission ne manqueront pas de compléter après votre intervention.
00:07:04Avant de vous céder la parole, je précise que votre audition fait l'objet d'une captation vidéo et est diffusée en direct sur le site du Sénat.
00:07:13Voilà, Monsieur le Président. C'est avec un grand plaisir que je vous cède maintenant la parole.
00:07:20— Madame la Présidente, mesdames et messieurs les sénateurs, d'abord, merci beaucoup pour cette introduction.
00:07:27Je suis très honoré de partager avec vous la modeste expérience de Michelin.
00:07:35Et alors, je vais démarrer par d'abord resituer qui est Michelin, ce que fait Michelin.
00:07:44Donc Michelin est une marque qui a le privilège de rayonner dans le monde entier.
00:07:52La marque Michelin est une des marques les plus connues au monde et est quasiment la seule marque dans le secteur industriel à avoir ce type de notoriété.
00:08:04Nous sommes un groupe très international. Vous l'avez très bien résumé. Nous avons 121 sites de production dans 26 pays.
00:08:12Nous faisons à peu près 28 milliards de chiffres d'affaires. Et nous employons... Alors les chiffres bougent en permanence.
00:08:18Environ 132 000 personnes dans le monde entier. Nous sommes une entreprise qui est fondamentalement ancrée dans les territoires.
00:08:25L'industrie, c'est une affaire de territoire. Et une usine, une implantation commerciale, c'est une affaire très locale.
00:08:33La France joue bien sûr un rôle très important au sein du groupe Michelin. C'est d'abord notre siège, le lieu de notre siège,
00:08:41le lieu de différents holdings. C'est le lieu de plusieurs sièges. Nous avons le siège de la France, le siège de l'Europe,
00:08:47le siège de la recherche et du développement en France et le siège du groupe. La France représente 9% de notre chiffre d'affaires,
00:08:56soit environ 2,6 milliards d'euros de chiffre d'affaires. Mais c'est plus de 16% de nos effectifs mondiaux.
00:09:04Donc nous avons à peu près 18 000 équivalents en plein employés en France, dont 9 000 sont dédiés à la production.
00:09:13Nous avons aussi un peu plus de 16% de nos prélèvements fiscaux mondiaux sont en France. Donc vous voyez 9% de notre chiffre d'affaires.
00:09:22Et nous sommes beaucoup plus présents en effectifs et beaucoup plus présents en contributions fiscales, ce qui est normal,
00:09:29puisque c'est le siège de notre recherche et de notre développement et le siège de nos sièges.
00:09:38Nous avons investi plus de 2,6 milliards d'euros en France depuis 2014, dont un peu plus d'un milliard et demi depuis une dizaine d'années,
00:09:48pour moderniser nos outils industriels. Donc c'est un effort constant. Je tiens à rappeler ça, parce que j'ai lu à plusieurs endroits
00:09:57disant que Michelin quittait la France. C'est pas du tout le cas. Michelin est en permanence en train d'investir dans des nouvelles activités,
00:10:05mais aussi en train de réadapter ses activités en fonction de l'évolution des marchés, l'évolution des circonstances, etc.
00:10:14Nous avons un budget d'innovation d'environ 1,2 milliard d'euros, dont un tiers pour la recherche et développement en France.
00:10:23Notre vaisseau amiral de la recherche et développement, si vous voulez le visiter, vous serez les bienvenus.
00:10:29C'est un très, très beau site qui est basé à Clermont-Ferrand. Et nous avons 8 sites de recherche et développement dans le monde.
00:10:40Michelin est un des plus gros déposeurs de brevets français. Nous avons 269 brevets qui ont été déposés en 2023.
00:10:47Et nous avons environ 12 000 brevets actifs dans le monde. Notre valeur ajoutée, c'est-à-dire une fois qu'on a prélevé ce que nos fournisseurs devaient gagner,
00:11:02ce qui nous reste, c'est 58... Dans notre chiffre d'affaires, c'est diminué de nos fournisseurs. C'est 58% de masse salariale.
00:11:12Donc c'est à peu près 7,6 milliards d'euros de masse salariale. Nous avons 2,9 milliards d'euros d'investissement, à peu près.
00:11:20Nous versons 1 milliard d'impôts. Donc c'est à peu près 8% de l'ensemble de la valeur ajoutée. Et nos actionnaires perçoivent, on perçut en 2023, 900 millions d'euros,
00:11:34c'est-à-dire 7% de la valeur ajoutée. Donc si on prend la répartition de la valeur, 58% sur la masse salariale, 22% sur les investissements, 8% sur les impôts et 7% pour l'actionnaire.
00:11:50Le rendement de l'action pour l'actionnaire... Il faut imaginer qu'un actionnaire qui met son argent chez Michelin a le choix de le mettre dans plusieurs endroits.
00:11:58On pourrait le mettre dans l'immobilier. On a juste voulu faire une petite comparaison. Le rendement pour l'actionnaire, c'est 5,2%. Donc le prix du dividende par rapport au cours de l'action.
00:12:10Le loyer à Paris, le rendement, c'est 3,5%. Donc quand on prend le risque associé à investir chez Michelin par rapport à investir ailleurs,
00:12:22vous voyez que la rémunération n'est pas disproportionnée. Alors maintenant, dans quel contexte opérons-nous ? Parce que là, c'est un point assez important.
00:12:33Donc le marché mondial du pneumatique, c'est à peu près un marché d'une valeur au niveau mondial de 200 milliards d'euros.
00:12:41Il se vend à peu près dans le monde 1,6 milliard de pneus, ce qui correspond au nombre de véhicules qui existent dans le monde.
00:12:54En gros, il se vend à peu près dans le monde 1 pneu par véhicule par an. La caractéristique de nos marchés en Europe, c'est que nous subissons une invasion massive
00:13:09de pneumatiques en provenance d'Asie. Et je vais vous l'illustrer. Je vais préparer une petite slide. Donc si vous avez juste la gentillesse d'appuyer, voilà, là.
00:13:19Donc ici, vous avez l'évolution des parts de marché de tous les pneumaticiens dans le monde. Vous avez en bleu foncé l'évolution de la part de marché de Michelin.
00:13:29Donc vous voyez... Et c'est exprimé en valeur. Donc vous voyez que la part de marché de Michelin a diminué, mais qu'elle s'est stabilisée
00:13:35depuis une dizaine d'années en valeur, pas en volume. Elle continue à diminuer en volume. Mais en valeur, elle s'est stabilisée.
00:13:43Vous voyez qu'on pourrait se dire que Michelin a été moins performant que les autres. Alors Michelin reste le leader des pneumatiques dans le monde.
00:13:53Vous voyez que notre principal concurrent japonais, qui est à peu près équivalent à nous dans le monde, c'est le n°2. C'est la ligne rouge.
00:14:00Vous voyez qu'il a subi exactement la même chose que nous, sauf que même il subit plus fortement que nous encore la pression.
00:14:08Vous voyez que notre troisième concurrent, qui est le troisième au niveau mondial, c'est Goodyear. C'est un concurrent américain. C'est la ligne jaune.
00:14:18Donc lui, il a parfaitement décroché. Et vous voyez que les autres concurrents à l'échelle mondiale... Vous voyez notre concurrent allemand.
00:14:27C'est la ligne orange, nos concurrents... Et après, vous avez le rose. Et le rose, c'est la somme des manufacturiers chinois.
00:14:36En 25 ans, il s'est créé 200 manufacturiers de pneus en Chine. D'accord ? Donc vous voyez, nous sommes partis d'une situation
00:14:48dans laquelle les 3 principaux manufacturiers dans le monde détenaient à peu près 60% de la part de marché mondiale.
00:14:56Et aujourd'hui, nous avons perdu à peu près 15 points globalement à la somme de nous trois de part de marché à l'échelle mondiale.
00:15:05Donc ça, c'est un phénomène majeur. Il existe une surcapacité mondiale massive de pneumatiques dans tous les secteurs.
00:15:16Mais c'est massif, ce qui crée un certain nombre de difficultés et de challenges que je vais vous exposer.
00:15:25Alors la compétitivité, en plus, en France et en Europe, s'est fortement dégradée au cours des 5 dernières années, depuis 2019,
00:15:35pour d'autres circonstances liées au Covid, mais pas uniquement. Et le contexte international de fragmentation,
00:15:44les tensions géopolitiques à l'échelle mondiale ont aussi créé d'autres difficultés en termes de compétitivité.
00:15:52Et je vais vous donner l'évolution de la base des coûts de production de Michelin. Et c'est Michelin sur Michelin.
00:16:01Donc c'est Michelin... Quand on se compare, on a la chance d'être dans beaucoup de pays dans le monde. Donc on peut se comparer entre nous.
00:16:07Si on prend une base 100 de Michelin en 2019, vous prenez 100 bases 100 Michelin en Asie. On a beaucoup d'usines en Asie. 100 en 2019.
00:16:19En 2024, en Asie, c'est toujours 100. Les prix ont quasiment pas évolué. On a fait de la productivité qui a compensé l'inflation.
00:16:26L'énergie est restée stable. Les prix sont restés stables. En 2019, l'Europe, par rapport à l'Asie, était à un coût de production à 134.
00:16:38Donc on était 30% plus cher que l'Asie. Mais c'était gérable, parce qu'avec de la productivité, on a un contenu innovant
00:16:48plus important en Europe qu'en Asie. On a une valeur ajoutée qu'on arrive à extraire qui est plus forte en Europe qu'en Asie.
00:16:55Et donc c'était gérable. Et on avait des plans pour arriver à gérer cela. Et aux États-Unis, on était 27% plus cher que l'Asie en 2019.
00:17:06Donc 27. On était à 127 pour une base 100 Asie, 127 dans les Amériques et 134 en Europe. C'était une situation qui était gérable.
00:17:16En 2024... Donc nous sommes toujours à 100 en Asie. Mais aux États-Unis, maintenant, nous sommes à 176 et en Europe à 191.
00:17:27Donc on est deux fois plus cher maintenant en Europe qu'en Asie. Et c'est nous contre nous. On comprend très bien ce qui se passe.
00:17:32On voit très bien. Et il y a deux phénomènes qui se sont produits. Vous avez d'un côté l'énergie qui s'est envolée.
00:17:40Et de l'autre, vous avez l'inflation cumulée qui est arrivée de partout et qui s'est retraduite dans les salaires.
00:17:49— À qualité égale. — À qualité égale. Rien n'a changé. On continue à investir. On continue à innover. Nos produits sont toujours très performants.
00:17:57Mais toutes choses égales par ailleurs, les coûts ont explosé. Ce qui fait que maintenant... Et c'est un constat.
00:18:05Ça, c'est pas un manque de volonté. Nous ne sommes plus en capacité d'exporter à partir de l'Europe. Or, tout notre modèle de croissance
00:18:14au cours des 5 ans de dernières années, ça a été d'utiliser l'Europe comme moyen d'investir le monde. Pour développer un marché dans le monde,
00:18:22ce qu'on fait, c'est qu'on développe d'abord une présence commerciale. Mais la partie production, les usines, elles sont sur des bases
00:18:30plus massifiées pour avoir des coûts de revient les plus faibles possibles. Et une fois que votre marché a une capacité suffisante,
00:18:36vous avez suffisamment développé votre marché, vous mettez une importation industrielle. Donc ce mécanisme-là a fonctionné pendant pas mal de temps.
00:18:44Et on a utilisé ça pour compenser une partie des sujets structuraux qu'on avait en Europe ou aux États-Unis en faisant de l'export.
00:18:53Donc aujourd'hui, nous sommes net importateurs aux États-Unis, parce qu'on n'est plus en situation économique d'exporter.
00:19:02Mais en Europe, on était encore exportateurs et on est encore net exportateurs. Mais ça n'est plus tenable. On a une hyper-concurrence,
00:19:12des surcapacités massives avec des... Vous voyez ce qui s'est passé en termes d'évolution de nos parts de marché.
00:19:17Donc le sujet, c'est que pour maintenir notre outil industriel en Europe, il faut maintenant qu'on ait un outil ramassé extrêmement productif.
00:19:28On parlait des questions d'investissement. Il faut qu'on investisse massivement dans la robotisation, dans la mécanisation, dans la valeur ajoutée.
00:19:35Mais on n'a plus d'espace pour pouvoir exporter et pour pouvoir faire des produits d'entrée de gamme. Ça, c'est les deux réalités.
00:19:43Et ça, ça a changé en 5 ans, 2019-2024. Et malheureusement, je vais prendre les coûts de l'énergie.
00:19:53Le coût de l'électricité en Europe, en moyenne, est à 132 € mégawatt-heure. Lorsqu'on est en Amérique du Nord, c'est 68 € du mégawatt-heure.
00:20:05Donc c'est l'électricité. La France a la chance d'avoir une électricité décarbonée. Mais son coût est encore à 108 € du mégawatt-heure,
00:20:16alors qu'en Amérique du Nord, c'est 68. Et l'Espagne... Ça, c'est une particularité de l'Europe. L'Espagne est beaucoup moins chère que la France, en Europe.
00:20:27Elle est à 97 € du mégawatt-heure. Là, je parle de l'électricité. Mais dans le gaz, c'est un énorme problème.
00:20:34Dans le gaz, après les baisses... Aujourd'hui, le gaz naturel en Europe, en moyenne, il est à 53 € du mégawatt-heure.
00:20:40En France, il est à 51 € du mégawatt-heure. En Espagne, il est à 39. Mais en Amérique du Nord, il est à 16.
00:20:50Or, l'industrie du pneumatique, c'est une industrie qui consomme beaucoup d'énergie, parce qu'il faut transformer la matière.
00:20:57Il faut associer les matières, les malaxer, faire en sorte que les réactions chimiques se produisent, etc. Nous sommes fortement consommateurs d'énergie.
00:21:09Alors face à ce défi-là, on a développé des outils technologiques pour transformer l'énergie.
00:21:15Notamment, l'énergie principale qu'on consomme, c'est au moment de la cuisson des pneumatiques.
00:21:22Le pneumatique, c'est un peu comme dans la cuisine. Il faut assembler les matériaux. Il faut les cuire.
00:21:26Et au moment de la cuisson, il se passe une transformation chimique qui fait que le pneu a ses propriétés viscoélastiques que vous connaissez.
00:21:36Donc on a développé une technologie. On a démarré il y a 20 ans une technologie pour substituer dans la cuisson des pneumatiques l'énergie gaz et faire des cuissons électriques.
00:21:49Mais si on reprend l'analogie de la cuisine, si vous faites un poteau-feu dans une cocotte, ce n'est pas pareil que si vous faites un poteau-feu dans un grille-pain.
00:22:02C'est pas pareil. Mais nous, le pneu, il sera différent. D'accord ? Voilà. Mais en fait, c'est à peu près l'équivalent.
00:22:12Donc nous, on a appris à faire du poteau-feu dans des grille-pains. Et donc on sait maintenant cuire des pneus dans des presses électriques.
00:22:22Et Michelin est aujourd'hui le seul au monde à savoir le faire. Donc on est en train de déployer. Mais on a plus de 10 000 cavités de cuisson dans le monde.
00:22:29C'est des investissements assez colossaux. C'est plusieurs milliards d'euros. Et on est en train de déployer cette technologie.
00:22:35Pourquoi je vous en parle maintenant ? Parce que l'avantage de cette technologie, c'est que non seulement elle est plus propre, elle consomme moins d'énergie fossile,
00:22:42mais en plus, elle consomme intrinsèquement 7 fois moins d'énergie quand on cuit en électrique. On consomme 7 fois moins d'énergie que quand on cuit au gaz.
00:22:51Donc il y a des voies technologiques qui permettent de le faire. Par contre, n'oubliez pas que l'industrie, c'est du temps long.
00:22:57Et donc pour déployer ça, il va nous falloir 15 ans à l'échelle mondiale pour déployer cette technologie. Il nous a fallu 20 ans pour la mettre au point.
00:23:06Maintenant, si je prends le coût de la fiscalité, c'est toujours un sujet qui est délicat. La part des impôts de production dans le PIB en France, c'est 4,5.
00:23:17La moyenne en Europe, c'est 2,2, alors qu'en Allemagne, on subventionne la production.
00:23:23Quand on parle de réindustrialisation, il y a quelque chose qui ne fonctionne pas. Quand vous taxez la production, quand vous voulez faire de l'exportation,
00:23:30comment voulez-vous être compétitif ? C'est pas possible. Donc là, il y a un sujet à traiter. Les prélèvements obligatoires.
00:23:39La France est championne d'Europe des prélèvements obligatoires, avec 45,6% de prélèvements obligatoires. L'Allemagne est à 40.
00:23:48La moyenne de l'UE est à 40 et la moyenne est à 40. Donc bien sûr qu'on peut augmenter les taxes sur les industries en France. Bien sûr.
00:24:02Mais en fait, il faut pas s'étonner si après, les industries vont aller ailleurs. Parce que d'ailleurs, c'est pas possible dans un environnement concurrentiel ouvert, mondial,
00:24:12si on imprime des charges de cette nature sur les industriels d'un côté, avec un jeu totalement ouvert et que vous n'imposez pas de l'autre côté,
00:24:25dans l'univers concurrentiel, des règles du jeu équitables. On ne demande pas des règles du jeu uniformes. On ne demande pas... Nous, on aime la compétition.
00:24:33On adore ça. On aime être en concurrence. Mais il faut que... Si vous jouez au foot, il y a une équipe qui a 11 joueurs et vous en avez une équipe qui a 22 joueurs
00:24:42et qui peut prendre la balle avec la main, c'est pas le même jeu, quoi. C'est pas le même problème. D'accord ? Donc les règles du jeu équitables...
00:24:49Et ça, l'organe politique, vous jouez un rôle fondamental. Les règles du jeu, c'est pas nous qui les établissons. Les règles du jeu, l'équité des règles du jeu,
00:24:59pour avoir un jeu concurrentiel au bénéfice du consommateur qui soit juste, c'est avoir des règles du jeu équitables. Or, aujourd'hui, les règles du jeu,
00:25:07elles sont pas réellement équitables. Les coûts salariaux. On va prendre 100 € bruts versés en France. Le coût pour l'entreprise, pour 100 € bruts versés en France,
00:25:19le coût moyen pour l'entreprise, c'est 142. Le salarié, lui, va toucher 77,5. D'accord ? Donc pour 100 versés, ça coûte à l'entreprise 142 et le salarié va toucher 77,5.
00:25:32Les mêmes 100 € versés en Allemagne, l'entreprise, ça va lui coûter 120 et le salarié va toucher 80. Donc c'est normal qu'en France, les salariés râlent parce qu'eux,
00:25:44ils touchent 77,5. Et c'est normal que les entreprises râlent parce que ça leur coûte 142. Mais derrière, il faut voir qu'est-ce que ce différentiel apporte réellement.
00:25:55Nous, les entreprises, on voit bien ça. Mais après, derrière, je vais prendre le Canada. Le Canada, pour les mêmes 100 €, le coût pour l'entreprise, c'est 115.
00:26:04Pour le salarié, c'est 85. Mais après, pour la Thaïlande, le coût brut, c'est 100 €. Le coût pour l'entreprise, c'est 120. Et le salarié, c'est 80.
00:26:14C'est comme en Allemagne. Pour les mêmes 100 €. D'accord ? Michelin est une politique de salaire équitable partout dans le monde, etc.
00:26:21Donc ce sont des comparaisons. Mais la France a une particularité en termes de coût pour les entreprises salariales qui va pas.
00:26:29Et le gros problème, c'est pas tant le niveau de salaire, c'est l'écart entre le brut et le net. Et là, on a un sujet collectif qui va pas du tout.
00:26:39Le coût salarial en France pour l'entreprise, il est trop élevé. Et le net perçu par les salariés est trop faible. Et donc à un moment, il faut traiter ce sujet.
00:26:50Parce que derrière, quand on parle de réindustrialisation, si on n'aborde pas ce sujet-là, on pourra pas avancer.
00:26:58Autre chapitre, la complexité administrative. Nous avons une réglementation créative. On a beaucoup d'innovation en matière de réglementation, notamment en Europe.
00:27:10Sauf que derrière, une industrie, quand vous mettez 20 ans à développer une technologie, si vous avez une réglementation qui change tous les ans,
00:27:17c'est très difficile d'investir. C'est très difficile de se projeter. C'est très difficile de faire ce qu'on appelle dans notre jargon une MRI, un retour sur investissement.
00:27:27Si vous avez une réglementation qui bouge en permanence, en fait, vous avez du mal à investir. Et donc les industriels sont dans le temps long.
00:27:35Et donc il faut comprendre qu'on a besoin d'une stabilité du système réglementaire fiscal dans tous les secteurs,
00:27:45qu'il soit fiscal, environnemental, social. Tout ça, ça doit être relativement stable. On ne dit pas qu'il ne faut pas faire de changement.
00:27:52Mais il faut vraiment avoir des choses dans la durée de manière à ce qu'un investisseur, un industriel puisse se dire comment je prends cet environnement
00:28:03et je le considère stable. Et donc du coup, comment moi, je fais mon travail. La loi Climat et Résilience de 2021 a modifié tous les articles du Code de l'environnement
00:28:13relatifs à la prévention et à la gestion des déchets. Et malgré la promulgation de la loi en 2020, AGEC, qui avait déjà modifié ces mêmes articles,
00:28:25à l'agenda européen, la France a rajouté, par rapport à la loi européenne avec le marquage CE sur les déchets, le logo TRIMAN, qui est une complexité supplémentaire.
00:28:39En Europe, nous avons des directives. Michelin est présent dans tous les pays d'Europe. Donc une directive qui a une déclinaison par pays, pour nous,
00:28:48c'est 27 déclinaisons sur une même réglementation, avec des spécificités ici ou là et avec des surenchères locales qui se produisent et qui font que,
00:29:00pour nous, c'est un cauchemar administratif. Et donc chaque proposition de loi... Et encore une fois, Michelin est vraiment... On essaie d'être bons citoyens.
00:29:12Et on a vraiment envie de faire progresser socialement les choses en profondeur. Mais là, on a une machine qui est complètement emballée et complètement déréglée en Europe.
00:29:23C'est-à-dire qu'on a vraiment un sujet qui va pas du tout. Et moi, je préfère qu'on ait une réglementation européenne sans déclinaison qu'une des directives
00:29:32où chaque pays va décider ici ou là de mettre sa touche. Chaque projet ou proposition de loi devrait précéder une analyse d'impact. Il n'y a pas d'analyse d'impact.
00:29:45Donc je vais prendre un sujet favori, le UDR, donc la loi sur la déforestation. La France a poussé la loi sur la déforestation pour inclure le caoutchouc naturel
00:29:58dans la loi sur la déforestation. Michelin, uniquement les achats de caoutchouc naturel de Michelin, nous faisons vivre à peu près 1,5 million de paysans dans le monde.
00:30:08C'est des petites exploitations qui font 2 hectares, 3 hectares. On n'est pas du tout dans le même champ que l'huile de pâme avec des milliers d'hectares,
00:30:18où on est sur une exploitation vivrière des petits paysans qu'on souhaite continuer à faire vivre. On nous a demandé à travers la loi sur la déforestation
00:30:31une traçabilité à la parcelle, sur 1,5 million de paysans, à l'échelle mondiale. Et il faut qu'on démontre que tout le caoutchouc qu'on achète n'a pas été sur des parcelles
00:30:46qui ont été déforestées préalablement. Donc Michelin s'est mis en marche. Le coût pour Michelin de cette réglementation, c'est 150 millions à 200 millions d'euros,
00:30:58dont on sait... Alors elle vient d'être repoussée. On l'a repoussée fin novembre. Nous, on est prêts. Elle devait être applicable 1er janvier 2025.
00:31:07Donc nos caoutchoucs naturels, il est déjà tracé. On a déjà mis les drones dans les forêts indonésiennes, thaï, vietnamiennes, au Laos, etc.,
00:31:17pour aller vérifier que nos parcelles fonctionnent bien, etc. On a déjà fait tout ça. Repousser d'un an, c'est le pire qui puisse exister,
00:31:25parce que nous, on a le coût direct, et on sait qu'aucun de nos concurrents ne va l'appliquer. Donc on a ce coût qui est là. Et on est dedans.
00:31:39Et ça, je dis derrière, l'intention, elle est bonne. On a dit, redit, attention, le caoutchouc, c'est pas du tout les mêmes filières, c'est pas du tout les mêmes sujets.
00:31:48Et puis, l'évéa, c'est un arbre qui met 7 ans avant de produire des caoutchoucs naturels. 7 ans. Ça déforeste pas. Ça reforeste. Et c'est un puits à carbone.
00:32:02L'évéa, c'est le meilleur puits à carbone de tous les arbres, parce que le latex, c'est une chaîne carbonée extrêmement sophistiquée qui met 7 ans à être produite par l'arbre.
00:32:13Et l'arbre, il produit que pendant 30 ans. Et je peux vous dire que les paysans qui dépendent de ces arbres pour vivre, ils les coupent pas. Ils en prennent soin.
00:32:24Et puis nous, on les aide à améliorer les rendements. On aide à ce qu'il y ait une agriculture vivrière qui naisse à travers ça. Et donc nous, on encourage.
00:32:32Et au contraire, plus on a des paysans qui gèrent des petites exploitations d'évéa, eux-mêmes font barrière aux gens qui viennent déforester pour aller couper les arbres,
00:32:43parce qu'eux, ils connaissent la valeur des arbres. Et donc plus vous mettez... On a en Indonésie une exploitation spéciale que Michelin gère pour protéger des forêts primaires.
00:32:55On a mis devant des exploitants de forêts d'évéa. Et ils empêchent les personnes de venir couper les arbres derrière, parce qu'ils veulent pas que des gens viennent couper les arbres.
00:33:06Les arbres, c'est leur nourriture. Voilà. Donc on a un environnement quand même très challengeant au niveau industriel. Alors ça s'est traduit par les annonces.
00:33:19Et madame la présidente faisait référence à Vannes et Cholet. Alors sur Vannes et Cholet, ça n'est pas une décision prise court terme. C'est la fin d'un cycle sur Cholet de 50 ans.
00:33:33On a investi, développé, redéployé. Mais on est arrivé au bout de ce qu'on arrivait à faire sur ce site. Ce site était le plus cher du monde pour fabriquer des pneus de camionnettes,
00:33:47était peu chargé parce qu'on a perdu des parts de marché et puis qu'on ne peut plus exporter à partir de l'Europe, parce que ça n'a aucun sens économique.
00:33:53Donc on avait un taux de charge prévisionnel pour cette usine de moins de 40%. On peut pas faire vivre économiquement notre industrie avec ce niveau de chargement.
00:34:05Donc dans ces moments-là, on a regardé si on pouvait trouver d'autres solutions. C'est pour ça qu'on a pris du temps. Et je peux vous garantir que chez Michelin,
00:34:13la fermeture d'un site, c'est un événement extrêmement grave. On le prend vraiment en dernier ressort. Donc on a étudié toutes les possibilités, mais on voit pas ce qu'on peut faire.
00:34:22Donc il vaut mieux qu'on redéploie ce site pour faire autre chose que d'essayer de maintenir une production qui n'est plus là.
00:34:30Et Vannes, lui, est un site qui fabriquait des câbles métalliques, des câbles de renfort métallique pour des pneumatiques poids lourds.
00:34:37Nous avons perdu massivement des parts de marché en Europe. Et nous ne pouvons plus exporter à partir de l'Europe sur les pneus poids lourds.
00:34:43Et donc malheureusement, les usines de câbles qui fabriquaient ça sont obligées de fermer. Et on a deux usines de câbles qui fabriquent les mêmes choses en France.
00:34:50On a une à l'est et une à l'ouest. Quand on a regardé la France, on a dit que ces deux usines sont sous-chargées, en dessous de 50%.
00:35:00On a dit que ça n'a pas tellement de sens. Il vaut mieux qu'on rapatrie toutes les productions sur un seul site. Et donc on a regardé les bassins d'emploi.
00:35:09Et on s'est rendu compte que le bassin d'emploi du Morbihan était beaucoup plus actif, beaucoup plus dynamique.
00:35:14Et on n'aurait aucun problème pour valoriser nos salariés et pour redéployer et recréer au moins autant d'emplois que ceux qu'on avait supprimés dans le Morbihan.
00:35:25Par contre, le site dans l'est est à Epinal. Là, le bassin d'emploi est beaucoup plus délicat. Et en plus, pour livrer l'Europe en pneumatiques et en câbles,
00:35:38il vaut mieux de placer à l'est plutôt qu'à l'ouest, à la pointe de l'Europe à l'ouest. Donc quand on prend tout ça, on a dit qu'il vaut mieux qu'on ferme le site de Vannes.
00:35:48Et on n'aura aucun problème pour le remettre en état de fonctionner et pour remettre sur le territoire une empreinte d'emploi équivalente à celle qu'on avait précédemment.
00:36:04Donc sur les fermetures de sites, Michelin prend toujours 2 engagements fermes. Le premier, c'est qu'on va accompagner chaque personne individuellement touchée
00:36:15pour qu'elle se redéploie professionnellement et qu'elle retrouve un emploi stable. Alors je peux pas vous donner trop de détails en ce moment,
00:36:21parce que nous sommes en négociation avec les organisations syndicales pour définir le package. Mais cet engagement est ferme.
00:36:27Nous avons déjà des cellules psychologiques, nous avons des cellules d'accompagnement pour tous les salariés pour que chacun redéfinisse son projet professionnel
00:36:34et qu'on puisse les accompagner là-dessus. Et je sais qu'on l'a toujours fait. Si je prends La Roche-sur-Yon, qui était le dernier site que nous avons restructuré en France,
00:36:45nous avons recréé plus d'emplois que ceux que nous avons supprimés. Et ça, c'est le deuxième engagement que nous prenons, c'est de recréer toujours au moins autant d'emplois
00:36:52que ceux qu'on a supprimés dans un territoire, dans un rayon de 50 kilomètres autour du site. Nos sites sont en bon état, ils ont tous les fluides.
00:37:00Et j'ai déjà plusieurs signaux de personnes qui sont intéressées par venir implanter industriellement leur site. Par contre, quand un industriel vient s'implanter,
00:37:12il va regarder si l'industrie et l'économie... C'est pas une donnée... Tous les jours, nous, on joue la finale des Jeux olympiques. Michelin, on est en bataille permanente tous les jours.
00:37:26Et c'est jamais gagné. C'est jamais gagné. C'est pas un acquis, une entreprise. C'est pas... On peut très bien ne pas y arriver. Alors Michelin est en bonne santé.
00:37:37Et c'est pour ça qu'on fait ces opérations en anticipation avant que les choses se dégradent franchement. Maintenant, la situation nette en France, sur nos activités en France,
00:37:49c'est qu'il faut que vous compreniez que nos activités de production en France perdent de l'argent et que les résultats du groupe Michelin, ils sont faits à l'extérieur de la France.
00:38:02Mais la France a la chance d'avoir le siège, la recherche et le développement et donc de facturer des tas de prestations à l'extérieur. Mais nos activités de production en France ne sont pas rentables.
00:38:13Ça n'est pas la faute de nos salariés. Nos salariés, ils sont super forts, super bons, bien entraînés, bien formés, très engagés. Mais il y a des circonstances.
00:38:23Et il faudra que je vienne avec une slide juste. Les circonstances marchées bougent, évoluent. Lorsque le marché du véhicule électrique s'effondre, nous, on peut pas produire.
00:38:37Et donc il faut bien comprendre qu'une activité économique, c'est pas un acquis. C'est pas un droit. C'est une sorte de devoir qui se gagne au quotidien.
00:38:51Alors maintenant, il y a quand même des tas de choses qu'on peut faire. Et donc pour rendre la compétitivité en France et pour y arriver, d'abord, on a besoin d'avoir des réglementations harmonisées, simplifiées
00:39:06et beaucoup plus arcoboutées sur les principes plutôt que dès qu'il y a quelqu'un qui va dévier, de faire une réglementation sur la déviance. Ça, c'est un...
00:39:17Quand on a une déviance, il faut taper dessus. Il faut être sanctionné. Il faut être ferme. Mais par contre, ne pas surréglementer parce qu'il y a un cas sur des milliers qui fonctionnent bien,
00:39:28il y a un cas qui dysfonctionne. On fait une réglementation pour le cas qui dysfonctionne. Honnêtement, ça, c'est contreproductif, parce que ça crée une lourdeur,
00:39:36une charge administrative. Ça distrait toutes les entreprises qui font bien de ce qu'elles font bien. Et ça les occupe à faire autre chose.
00:39:44Deuxième chose, c'est que les réglementations doivent être adaptées au secteur d'activité. Et donc on prend l'UDR. Là, c'est pas du tout adapté.
00:40:04La réglementation, elle doit avoir aussi une destination. Elle doit faciliter... Le rôle du pouvoir politique, c'est d'orienter, en fait. C'est de pouvoir guider.
00:40:13Et donc de mettre l'accent aux endroits où on a des entreprises innovantes, où on a de l'innovation, où on a des choses, et pas essayer de se raccrocher
00:40:23sur des choses qui sont devenues trop courantes et trop banalisées. Et en fait, on est dans une espèce de cycle permanente. Mais ça, ça s'appelle le progrès.
00:40:32L'être humain, il est en progrès permanent. On est en développement permanent. Une entreprise, c'est pareil. Donc vous avez des phases de maturité,
00:40:40vous avez des phases d'expansion, des phases... Donc ce qui est important, c'est d'être sur les secteurs innovants et d'avoir tout un écosystème d'innovation
00:40:49qui permette de créer des industries de demain qui vont, elles, connaître des périodes de croissance et d'accepter que d'autres soient dans d'autres phases plus déclinantes,
00:40:58mais qu'à ce moment-là, on les incite à se redéployer et à réinvestir ailleurs. Avoir une cohérence dans la réglementation entre les ambitions et les moyens,
00:41:10notamment si on fait trimane, qui va contrôler quoi, en plus de CE. Et tout le problème de la réglementation, c'est... On va prendre la déforestation.
00:41:21À supposer que la réglementation soit restée en vigueur. Vous avez des dizaines de milliers de containers qui arrivent dans tous les ports d'Europe toutes les semaines.
00:41:32Comment on va contrôler la traçabilité de cailloux naturels sur tous les pneumatiques qui arrivent en Europe ? Ce sont des millions de pneumatiques qui arrivent en Europe.
00:41:43Ça va pas être fait. Donc faire une réglementation qui n'est pas contrôlée, ça ne sert à rien. D'accord ? Par contre, vous avez les bons citoyens. Ils vont les mettre en place.
00:41:55Et donc... Et ça, c'est tout le problème. Bon. Réaliser au préalable une analyse d'impact, ça, je vous l'ai déjà dit. Et privilégier les règlements aux directives avec des déclinaisons dans tous les pays.
00:42:09Alors maintenant, chez Michelin, nous sommes absolument convaincus que... D'abord, nous sommes toujours très positifs. Malgré les difficultés, nous, on y croit. On innove.
00:42:20On pense qu'il y a un contenu d'innovation. La France a un savoir-faire cumulé énorme, a des très belles filières de formation. Par contre, attention, la formation de base, c'est fortement dégradé.
00:42:35Donc là, on a un sujet à long terme sur la compétitivité de la France. On le voit pas trop encore parce qu'il y a une forme d'inertie. Mais par contre, il faut faire attention parce que nous, on constate une dégradation dans l'enseignement de base.
00:42:50Ce qui nous a amenés, nous, d'ailleurs, à développer des nouvelles filières de formation pour compenser. Mais c'est pas notre rôle, en fait. Ça, c'est un autre sujet. Donc à la base de la compétitivité, vous avez la formation.
00:43:05Pour innover, il faut avoir des personnes formées et il faut un environnement qui accepte que ça ne marche pas. Une innovation sur 10 innovations que vous allez lancer, il y en a peut-être une qui va fonctionner.
00:43:18Et puis donc, il faut encourager l'innovation parce que si vous ne développez pas les 10, vous n'aurez pas celle qui va marcher. Et il faut accepter donc que ça ne marche pas.
00:43:32Mais il faut accepter aussi que quand ça marche, à ce moment-là, il faut y aller, développer, accompagner. Les financements en France et en Europe ne sont pas suffisants pour accompagner les filières de développement aux différents stades de développement.
00:43:46Ce qui fait la force des Etats-Unis ou de la Chine, c'est que vous avez des filières entières à tous les stades de développement d'accompagnement avec des gens qui ont bien compris que ça marcherait ou que ça marcherait pas et qu'une entreprise, elle peut faillir à différents stades.
00:43:59Et une innovation, c'est une création qui rencontre un marché. Il faut d'abord une création. Et en France, on a cette chance d'être très créatif. Par contre, on ne va pas suffisamment accompagner dans tous les stades qui permettent d'aller rencontrer le marché.
00:44:16Et là, il y a plein plein d'obstacles. La pré-industrialisation, l'industrialisation, les marchés sont un peu erratiques. La voiture électrique en est un exemple. L'électrification du parc de véhicules est inéluctable.
00:44:29La seule façon réellement de décarboner le transport, ça sera d'électrifier le parc de véhicules. Maintenant, on a le choix sur le rythme. Il y a un certain nombre de conditions préalables.
00:44:40C'est pas en déclarant, en imposant les choses directement qu'on va l'obtenir sur l'électrification du parc automobile. Nous, Michelin, on a depuis le premier choc pétrolier.
00:44:51On a commencé à rechercher quelles seraient les alternatives aux fossiles. Et on a découvert que l'électricité serait très bien. Et donc, on est convaincu que les batteries auront leur place, mais que l'hydrogène aussi aura sa place.
00:45:05Parce que l'hydrogène, c'est une bonne façon de stocker l'énergie électrique qui est produite en continu avec une consommation discontinue. Et donc, l'hydrogène, c'est un bon moyen de stocker le surplus d'énergie qu'on va produire en continu pour ensuite le redistribuer dans les phases de consommation auxquelles on a besoin.
00:45:25Et donc, l'électrification, elle est inéluctable. Maintenant, le rythme, la manière dont on le fait, ça, il faut faire attention. Il faut écouter les industriels. Il faut écouter les marchés.
00:45:40Aujourd'hui, les consommateurs sont habitués à recharger leur quantité de kilomètres en 3 minutes. Et puis, c'est très flexible. Il y a un contenu énergétique très puissant. Il y a une quantité d'énergie dans le fossile qui est énorme.
00:45:57L'électrique, c'est une autre façon de concevoir les choses. Mais si vous n'avez pas l'infrastructure de recharge, si vous n'avez pas qui est suffisamment prête, si vous n'avez pas des véhicules, la technologie qui est suffisamment avancée, etc. Et ça, sur 10 ans, honnêtement, c'est extrêmement difficile. C'est presque impossible.
00:46:21Nous, on a démarré... Tous nos pneumatiques sont compatibles avec les véhicules électriques. Mais on a démarré il y a 30 ans. Ça fait 30 ans qu'on modifie toutes nos productions pour avoir des pneumatiques qui consomment moins d'énergie parce qu'on ne sait pas, mais 20% de la consommation énergétique d'un véhicule, c'est uniquement le pneu.
00:46:40Donc la manière dont le pneu gère l'énergie a une incidence directe sur la consommation d'énergie du véhicule. Mais on a mis 30 ans. Donc une réglementation qui modifie toute la chaîne de valeur automobile à l'échelle d'un continent sans se préoccuper de... Est-ce que c'est un mouvement, d'ailleurs, qui se passe dans tous les continents ? Et sans modifier les règles de la concurrence sur le marché européen, ça ne peut pas marcher.
00:47:07Ça, on va tout droit à travers la difficulté. Et puis, ce qui se passe en ce moment... Je profite pour faire une petite incartade. En ce moment, ce sont des à-coups liés à l'innovation, ça. Il y a des moments, des périodes... On a fait le plein de ce qu'on appelle des early adopters, les personnes qui aiment bien adopter au début les technologies.
00:47:30On a fait le plein de ces gens-là. Et ensuite, il faut convaincre la masse. Et ça, ça va prendre plus de temps. Il faut changer les idées, changer les mentalités. Mais il faut aussi que... Quand l'infrastructure de développement de la France se développe beaucoup plus vite que celle de l'Italie, les transfrontaliers qui sont entre la France et l'Italie, s'ils sont obligés de se recharger en France quand ils vont en Italie, ça peut pas marcher.
00:47:57Donc c'est pareil sur les transfrontaliers italiens. Mais espagnols, c'est pareil. Allemands, c'est pareil. Il faut imaginer que l'autonomie dans un véhicule, ça reste quand même un sujet primordial, même si le kilométrage moyen vous dit que le kilométrage moyen est faible. Voilà.
00:48:17Alors dernier élément sur le crédit impôt recherche. Donc il y a eu beaucoup de buzz autour de ces questions-là. Michelin touche 40 millions de crédits impôts recherches. Ça permet d'irriguer... Nous avons 12 labos communs avec le CNRS. Je sais qu'il y a beaucoup de questions autour de ces éléments-là.
00:48:40Le crédit impôt recherche, c'est une mesure qui a très bien fonctionné et qui fonctionne très bien. Le crédit impôt recherche, il a permis à la France d'être compétitive sur le coût de son chercheur. Le coût d'un chercheur sans le CIR en France est 100. En Allemagne, c'était 84. En Italie, 71. En Espagne, 56. Et en Inde, 34.
00:49:03Avec le CIR, la France a un coût chercheur 72. Donc on est mieux que l'Allemagne. Donc on est dans l'Italie, dans l'Espagne, etc. Donc c'est bien. Donc c'est bien. Bien sûr, on peut supprimer le crédit impôt recherche. Michelin va pas mourir si on supprime le crédit impôt recherche.
00:49:21Simplement, Michelin, moi, j'ai 75% des actionnaires du groupe Michelin qui sont non-français. 75%. Il faut que je leur explique pourquoi Michelin a mis toute sa recherche fondamentale en France. Pourquoi Michelin a plus de la moitié de ses effectifs de recherche et de développement en France.
00:49:43Aujourd'hui, ça fonctionne. Demain, il va falloir que j'explique pourquoi on continue à faire ça alors que le coût... L'intelligence en Inde, en Chine, aux États-Unis, au Vietnam, c'est la même. D'accord ?
00:50:03Donc pour la France, nous, on a notre attachement historique à la France. On a aussi une base développée. On a une histoire en France. Mais il faut quand même que je sois capable d'expliquer que je gère l'argent des actionnaires et des investisseurs correctement dans un environnement concurrentiel débridé.
00:50:31Et le dernier exemple que je vais vous prendre, nous avons une usine qui fabrique des pneumatiques agricoles à Troyes, à l'est de la France. Nous avons aujourd'hui l'interdiction d'importer des pneus en Inde. L'Inde a décidé en infraction avec toutes les règles de l'OMC d'interdire l'importation de pneumatiques.
00:50:53Donc nous, on n'a pas d'usine qui fabrique des pneus agricoles en Inde. Donc on ne peut pas se développer en Inde. Nous avons perdu plus de 10 points par le marché sur les pneumatiques agricoles en France en face d'un concurrent indien qui, lui, produit en Inde, exporte massivement en France.
00:51:15Je prends la France, puisque c'est vrai, en Europe. Et on laisse faire. Et on laisse faire. Donc je dis, d'ailleurs, c'est ce type de choses-là qu'il faut adresser. Il faut arrêter de faire des choses comme ça. Parce qu'en fait, il ne faut pas s'étonner après.
00:51:31Donc notre site de Troyes, en ce moment... Alors en ce moment, le marché agricole est très bas. Mais notre site de Troyes est en difficulté, parce qu'on a perdu aussi beaucoup de parts de marché. Et on ne peut pas exporter. Donc on fait quoi ? Voilà. J'ai terminé mon propos liminaire. Et je suis maintenant ouvert à toutes vos questions.
00:51:52— Merci beaucoup pour cette première intervention, M. le Président. Donc sans plus tarder, j'ai une liste assez impressionnante de membres de la commission qui souhaitent vous poser des questions. Et on va commencer alors dans le cadre de la mission d'information.
00:52:06L'un des rapporteurs est absent, Rémi Cardon. Mais on va commencer avec Alain Cadec et Annick Jacquet, qui poseront leurs premières questions. Et ensuite, vous pourrez leur répondre. Et puis on prendra, si vous le voulez bien, des questions 3 par 3. Alain et Annick. Alain.
00:52:23— Merci, Mme la Présidente. M. le Président, je voudrais vous interroger sur la stratégie de Michelin face à la concurrence croissante des acteurs extra-européens que vous avez évoqués tout à l'heure, de la filière automobile asiatique en particulier.
00:52:38Nous avons effectué avec la commission des affaires économiques et avec notre chère présidente, il y a 6 mois, à à peine 6 mois, un déplacement en Chine, dont le but principal était d'analyser les avancées techniques et industrielles de l'empire du milieu en matière de construction automobile.
00:52:58Nous n'avons pu que constater l'avance technologique phénoménale des constructeurs chinois, notamment sur les véhicules électriques, avec une montée en gamme impressionnante tout en préservant des prix très en dessous de la production européenne.
00:53:12Dans cette frénésie industrielle et commerciale, les pneumatiques font-ils toujours exception ? Sachant que les 3 principaux manufacturiers restent Bridgestone, Michelin et Goodyear, les manufacturiers low-cost chinois, parce qu'ils font du pneu low-cost, en plein développement, sont-ils des concurrents sérieux pour vous, sachant qu'ils font des progrès en matière de qualité de leurs produits ?
00:53:39Par ailleurs, êtes-vous, Michelin, directement affecté par le ralentissement de la demande mondiale de véhicules ? La demande mondiale baisse, sachant que le marché chinois lui-même stagne. Le marché, mais pas la production.
00:53:55Parce que ça n'empêche pas les Chinois d'être en surcapacité et de continuer à produire, sans doute à terme, pour inonder l'Europe.
00:54:05Enfin, face à la concurrence extra-européenne, notamment asiatique, comme je le disais tout de suite, comment les acteurs de la filière automobile peuvent-ils s'organiser pour travailler ensemble, pour que les pneumatiques achetées en Europe soient des pneumatiques européennes ?
00:54:21L'enjeu de la première monte des véhicules est-il toujours une priorité commerciale ? Parce qu'on a vu en Chine des véhicules avec des premières montes européennes. Michelin, Pirelli, Goodyear et autres.
00:54:37Et enfin, qu'attendez-vous des pouvoirs publics français et européens – vous l'avez évoqué un peu – pour soutenir une telle structuration de la filière ?
00:54:45Et en particulier, qu'attendez-vous du dialogue stratégique sur l'avenir du secteur automobile, qui débute en ce mois de janvier sous la houlette de la Commission européenne ? Voilà, M. le Président.
00:54:55– Merci, M. Alain Cadec, le rapporteur de cette mission d'information. Annick Jacquemy.
00:55:01– Merci, Mme la Présidente. M. le Président, moi, j'aurais deux questions à vous poser. Vous avez en partie répondu dans votre propos léminaire.
00:55:10Premièrement, il y a beaucoup été question, lors de l'examen du projet de loi de finances à l'automne, du crédit impôt-recherche, justement, vous l'avez abordé.
00:55:19Donc, lorsque Michelin a annoncé la fermeture des usines de Cholet et de Vannes, on vous a reproché d'avoir bénéficié, en 2023, de 42 millions d'euros au titre du CIR.
00:55:30L'ancien Premier ministre Michel Barnier avait alors affirmé vouloir savoir ce que Michelin et d'autres grands groupes – vous n'étiez pas le seul –
00:55:39avaient fait de l'argent public qu'on leur a donné. Il n'a pas eu le temps d'obtenir de réponse. Je vous la pose donc, mais de manière moins polémique.
00:55:48Michelin dépense chaque année plus d'un milliard d'euros en faveur de la recherche et développement.
00:55:53Ces investissements sont indispensables pour que la France et l'Europe puissent prétendre à nouveau au leadership technologique dans le secteur automobile.
00:56:02Comment le CIR appuie-t-il cette dynamique ? Quelles seraient les conséquences d'un durcissement des conditions d'accès au CIR pour une entreprise comme la vôtre ?
00:56:13Et, sur le fond, quels sont vos principaux axes de travail en matière d'innovation ?
00:56:18Et ma deuxième question, vous l'avez abordée aussi, concerne les compétences.
00:56:24L'électrification et la numérisation induisent de profondes modifications dans les profils recherchés dans le secteur de l'automobile.
00:56:32Est-ce aussi le cas pour Michelin ? Et si oui, comment mieux accompagner ces transformations pour mettre en adéquation l'offre de formation avec les besoins de la filière ?
00:56:42Vous nous avez dit que la formation de base s'est énormément dégradée. Qu'est-ce que vous entendez par là ?
00:56:49Qu'est-ce qui manque, justement, dans cette formation de base ? Et qu'est-ce que vous pensez qu'on pourrait améliorer pour que les nouveaux formés répondent mieux à vos attentes ?
00:57:01Je vous remercie.
00:57:03Voilà, M. le Président, si vous souhaitez répondre à ces deux interventions.
00:57:07Merci. Alors, la stratégie de Michelin face à la concurrence, c'est l'innovation. L'innovation, l'innovation, l'innovation.
00:57:15Le sujet, c'est d'avoir toujours un temps d'avance, voire deux, et on espère trois.
00:57:21Et par rapport aux concurrents chinois, les concurrents chinois n'ont pas les mêmes technologies que nous, mais ils avancent.
00:57:28Ils avancent très vite. Mais nos meilleures usines sont en Chine, Michelin.
00:57:34Les usines les plus performantes au monde, chez Michelin, sont en Chine. Nous avons un corpus de chercheurs en Chine très performant.
00:57:43Donc, ce que je disais tout à l'heure, l'intelligence, elle est répartie beaucoup plus uniformément qu'on l'imagine.
00:57:51Mais nous avons toujours un temps d'avance. Et nous faisons très attention à protéger nos savoir-faire avec 2, 3 sujets.
00:58:01Un sujet, c'est le secret. On ne dit pas tout ce qu'on fait. Deuxième chose, c'est les brevets. Et là, attention.
00:58:11Les brevets, on arrive à les déposer en France. Il y a une réglementation qui est favorable aux brevets en France.
00:58:17J'ai entendu qu'elle était remise en question. C'est dommage de faire ça, parce que les brevets, ils vont être déposés ailleurs.
00:58:25Et ils seront disponibles ailleurs. Donc on peut faire ça. Mais en fait, la réglementation fiscale sur les brevets,
00:58:35elle a été très utile à la France. Et la troisième chose, c'est d'être constamment en train de remettre en question ce qu'on fait.
00:58:46On est toujours en train de bouger. On est toujours en train de se dire... Donc je peux vous dire que chez Michelin,
00:58:53au moment où on a quelque chose de très innovant qui sort, vous avez tout de suite une équipe qui travaille à comment on peut le casser,
00:59:01comment on peut le faire différemment, comment on peut le rendre. Et cette équipe ne rend compte à personne, d'autre qu'à moi, sûr.
00:59:10Ils n'ont pas de contraintes, de résultats, etc. Leur objectif, c'est de voir comment on peut faire différemment, mieux, moins cher.
00:59:18Donc pour moi, c'est la seule façon de gérer. Il y a des surcapacités au niveau mondial. Donc derrière ça, ce phénomène-là,
00:59:27maintenant, la Chine a un marché intérieur avec plus de consommateurs que l'Europe, qui ont un niveau de vie moyen supérieur à l'Europe.
00:59:39Mais elle a aussi 500 millions de personnes qui ont un niveau de vie très inférieur. Mais elle a 700 millions de personnes
00:59:45qui ont un niveau de vie moyen supérieur au niveau de vie moyen en Europe. Et la Chine a bâti son modèle de départ sur...
00:59:53En fait, je favorise la délocalisation des productions des pays dits « matures » pour les fabriquer. Mais maintenant,
01:00:02ils ont développé suffisamment de surface, suffisamment de choses pour faire en sorte qu'il faut maintenant qu'ils changent.
01:00:09Et quand on écoute le président Xi Jinping, il dit bien que maintenant, il faut passer à de la croissance qualitative et plus de la croissance quantitative,
01:00:18sauf que derrière, c'est la deuxième économie du monde. Et donc derrière, pour faire faire ce virage, ça va prendre quelques années.
01:00:27Là-dessus, il faut... La seule maille économique possible de réponse, c'est l'Europe. Mais il faut que l'Europe ait des réglementations
01:00:35qui permettent d'avoir des règles du jeu équitables. Il s'agit pas d'empêcher les Chinois d'investir en Europe ou d'empêcher les Chinois de...
01:00:43Mais il s'agit de faire en sorte que les règles du jeu soient équitables, fiscales, sociales, environnementales, etc.
01:00:51Et c'est sur quoi les règles de concurrence actuelles de l'Europe ont été bâties sur « Il faut que le consommateur puisse acheter le moins cher possible »,
01:01:00même au détriment des industries locales. Et donc aujourd'hui, moi, j'ai des opérations que je peux faire, que je ne fais pas,
01:01:09parce que derrière, les contraintes que je vais avoir posées par la Commission européenne en matière de concurrence feraient que je serais obligé
01:01:18d'installer un concurrent chinois. Et en plus, pour qu'il s'installe en Europe, il faudrait que je lui explique technologiquement comment faire.
01:01:29Donc ça, je vais pas le faire. D'accord ? Donc on a un certain nombre de choses. Et les règles de la concurrence en Europe doivent être modifiées.
01:01:37Il s'agit pas de protéger l'industrie, parce que la concurrence, c'est sain, c'est utile. Les sportifs dans les Jeux olympiques,
01:01:47ils deviennent performants quand ils sont confrontés à d'autres. S'ils sont entre eux, ils sont moins performants. Donc l'industrie, c'est pareil.
01:01:54Donc il nous faut de la concurrence. Mais il nous faut de la concurrence avec des règles de Jeux équitables. La première montre que oui, ça reste important.
01:02:01Maintenant, ça dépend des véhicules, ça dépend de la taille des pneus, ça dépend des marques de pneus, ça dépend de plein de choses.
01:02:09Et donc en fait, c'est plus ou moins important. Et dans les pays... Donc en Chine, c'est extrêmement important. En Europe, ça l'est beaucoup moins.
01:02:17Pourquoi ? Parce que les Européens ont pris l'habitude de changer leurs pneus. En Chine, vous avez pas l'habitude.
01:02:23Donc quand vous avez quelque chose qui fonctionne, vous avez votre premier véhicule, ça marche, vous avez tendance à dire...
01:02:30Donc ça s'appelle le taux de loyauté entre le remplacement et le loyer, les pneumatiques de première monte. Il est très élevé en Asie.
01:02:40Il est beaucoup moins élevé en Europe. Et après, ça varie de pays à pays, etc. Donc pour Michelin, c'est un investissement important,
01:02:46parce que derrière, la relation avec les constructeurs, on travaille maintenant sur des véhicules qui vont sortir en 2030, 2035.
01:02:54Et on comprend vers quoi l'industrie automobile va à l'échelle mondiale, puisqu'on travaille très bien avec les constructeurs automobiles chinois,
01:03:04coréens, japonais, américains. Et tous les constructeurs automobiles travaillent avec Michelin et Michelin réciproquement.
01:03:13Maintenant, qu'est-ce qu'on attend des pouvoirs publics ? Moi, j'ai un seul message. C'est... Je pense qu'on a besoin d'avoir une vision,
01:03:22effectivement, de savoir qu'est-ce qu'on veut obtenir. Et Michelin, nous avons une raison d'être exprimée, un rêve d'entreprise à 2050,
01:03:33un jalonnement à 2 ans, 5 ans, 10 ans, 20 ans, 30 ans. Nous savons ce que nous voulons faire. Le chemin, il n'est pas tracé,
01:03:41mais on sait où on veut arriver à actuel moment. Et nous avons besoin d'un partenariat public-privé beaucoup plus fort.
01:03:50C'est-à-dire qu'il faut qu'on arrête d'avoir la suspicion entre le public et le privé. Moi, je ne rencontre que des gens formidables dans le privé.
01:03:57Bien sûr, comme dans toute communauté humaine, il y a des déviations. Mais globalement, c'est très sain. Et donc derrière, ce qui est important,
01:04:07c'est qu'on travaille collectivement public-privé. Et puis ensuite, il faut arrêter d'opposer petites entreprises et grandes entreprises.
01:04:15Les grandes entreprises ne sont pas mauvaises, par définition, et les petites entreprises, bonnes, par exemple.
01:04:23Et une grande entreprise, nous faisons vivre plusieurs dizaines de milliers de fournisseurs. Michelin sur l'empreinte territoriale de l'Auvergne-en-Alpes,
01:04:32c'est extrêmement important pour toutes les PME, PMI, ETI du tissu économique local. Mais c'est vrai au Brésil, en Argentine, au Chili, en Vietnam,
01:04:45dans tous les pays dans lesquels Michelin opère. Et on a besoin d'un organe législatif qui travaille sur la prise en compte des impacts
01:04:56avant de mettre en place la législation et d'avoir un organe législatif à peu près stable et qu'on puisse comprendre le code du commerce uniquement,
01:05:10la loi du travail. Vous prenez le code du travail que moi, j'ai appris il y a quelques années maintenant. J'ai beaucoup vieilli, parce qu'il a pris...
01:05:24J'ai appris certains chapitres par cœur. Mais maintenant, il a pris un volume incroyable. Donc on utilise des armées de personnes pour être conformes.
01:05:34Et moi, j'ai toujours une crainte. C'est qu'à un moment, quelque part, on ne soit pas conformes, parce qu'il y a tellement de choses.
01:05:40Voilà. Et donc, il vaut mieux s'accoubouter sur les principes et sanctionner les déviances plutôt que de légiférer sur les exceptions.
01:05:47Alors maintenant, sur le CIR. Je vous ai répondu là-dessus. Le CIR, c'est ce qui permet de rendre compétitif la recherche en France.
01:05:57Donc le CIR, chez nous, il est tracé. Vous pouvez venir voir. Le CIR, il passe pas directement soit dans ma poche – c'est un peu le raccourci qui peut être fait –
01:06:08ou le CIR, il sert pas à servir des dividendes. Le CIR, il sert à accélérer la recherche. Ça nous permet de développer des labos communs avec le CNRS.
01:06:19Ça nous permet de développer des labos avec des universités. Ça nous permet de faire travailler tout un écosystème et d'avoir une recherche compétitive en France.
01:06:26Si on le supprime, je vous le dis, Michelin ne mourra pas. Mais maintenant, Michelin pourra réfléchir à comment réallouer ses efforts de recherche dans le monde.
01:06:37Parce que d'ailleurs, moi, j'obéis à une loi. Michelin opère sur un marché mondial. Michelin est présent dans 175 pays. Michelin a la présence dans les pays du monde la plus forte du CAC 40.
01:06:49On est quasiment présents dans tous les pays du monde. Donc 75% de l'actionnaire de Michelin est étranger. Je rends des comptes à nos investisseurs, à nos actionnaires.
01:07:02Et donc je dois montrer que je gère bien leur argent. Maintenant, l'innovation et les transformations, la formation de base.
01:07:13Nous vivons dans un monde technologique. En France, nous avons fait des mathématiques une sorte de repoussoir. Il est impératif de ramener les mathématiques à la base de l'enseignement.
01:07:31Parce que les mathématiques, c'est simplement une façon de voir le monde autrement et de manière simplifiée. Il ne s'agit pas de développer des mathématiciens.
01:07:41Il s'agit que les personnes comprennent des choses de base. Et on a une énorme menace sociale associée à ça. C'est-à-dire qu'aujourd'hui, on peut dire n'importe quoi sur les réseaux sociaux, n'importe quoi.
01:07:51Et on n'a plus de notion de base. L'être humain, par rapport à la machine, il fait une chose qu'on appelle la metacognition. Il fait une chose très particulière.
01:08:01Quand vous tapez sur votre machine 2 plus 2, de base, si la machine vous répond 100, vous vous dites, tiens, j'ai dû faire une erreur quelque part.
01:08:09Il y a soit de la mémoire, soit j'ai tapé un truc. Vous utilisez la machine donc vous ne connaissez pas le résultat. Mais vous avez déjà anticipé ce que pourrait être le résultat.
01:08:21La machine ne fait pas ça. Mais si vous avez des enfants qui n'ont pas appris que 2 plus 2, ça devait faire moins de 10, à peu près, je ne demande pas à ce que ça fasse 4, c'est un gros problème.
01:08:37Et après, dans l'entreprise, tous les jours, ils sont confrontés à des machines, ils sont confrontés à des questions de proportions. Le pneu, pour que ça marche, c'est 200 matériaux qui vivent ensemble.
01:08:47Il faut des proportions et on a des degrés de précision aux centaines de microns. Le pneu, c'est un produit de très haute technologie.
01:09:01Les agents, on n'a quasiment pas d'emplois non qualifiés chez les machines. Mais on les qualifie. Mais il faut d'abord un contenu de base.
01:09:12Qu'est-ce qu'une proportion ?
01:09:14Proportion, ce n'est pas un gros mot.
01:09:16C'est dire un tiers de quelque chose de tout petit par rapport à un tiers de quelque chose de très gros.
01:09:22Ou même 10% de quelque chose de très gros, ça peut être beaucoup plus grand qu'un tiers de quelque chose de tout petit.
01:09:28Mais ça, on ne l'a pas.
01:09:32Et ça, c'est un gros problème.
01:09:34Parce qu'en face de l'intelligence artificielle, ce qui va être clé pour l'intelligence artificielle qui arrive, et qui est déjà là, d'ailleurs,
01:09:42c'est d'être capable d'utiliser son raisonnement et son jugement.
01:09:46Et pour pouvoir faire ça, il faut avoir des notions de base. Et les mathématiques sont un instrument de base essentiel.
01:09:54Il ne s'agit pas de faire des équations différentielles au second degré dès la maternelle.
01:10:00Mais ce qui se passe, c'est qu'en Chine, à Singapour, il faut qu'on réenchante les mathématiques.
01:10:06Il faut qu'on redonne envie à tout le monde d'aimer les mathématiques.
01:10:10On a un énorme problème pour recruter des femmes ingénieures.
01:10:14Pourquoi ? Parce que dès la sortie de la maternelle, vous avez déjà des biais qui se sont formés,
01:10:22où les femmes commencent à dire « non mais moi, je ne vais pas aimer ça ».
01:10:26Ça n'a aucun sens.
01:10:28On sait que d'un point de vue plastique, le cerveau des femmes et des hommes, c'est exactement le même au départ.
01:10:32On imprime ce qu'on veut dessus.
01:10:34Et donc, sur les mathématiques, c'est un drame de dégoûter dans les filières d'enseignement,
01:10:41de finir par dégoûter les gens des mathématiques.
01:10:44Donc, on a un énorme sujet.
01:10:47Si j'avais une seule recommandation, c'est de dire « heureusement, on est revenu en arrière,
01:10:52mais supprimez le caractère obligatoire des mathématiques ».
01:10:56Franchement, ça c'est une chose qu'il faut absolument éviter par rapport à la technologie qui arrive.
01:11:05Les technologies, si vous croyez l'intelligence artificielle, on est cuit.
01:11:10C'est un outil à l'aide des personnes.
01:11:13J'étais Michelin, on dit toujours « toutes les technos sont au service des êtres humains ».
01:11:17Il n'y a aucune techno qui est au service de la techno.
01:11:20Il n'y a aucun être humain au service de la techno.
01:11:23Les technologies sont au service.
01:11:25Mais il faut que les êtres humains soient capables de s'en servir.
01:11:28Il y a toute la formation, mais il faut une formation de base quand même.
01:11:32Nous, on est amené à réapprendre des proportions à des personnes qui rentrent.
01:11:37Ça, ce n'est pas normal.
01:11:40– Très bien, on va passer aux questions.
01:11:43Trois par trois, vous essayez d'être concis, s'il vous plaît,
01:11:46pour qu'on puisse tenir notre timing.
01:11:48Daniel Fargeau, Daniel.
01:11:50– Merci Madame la Présidente.
01:11:52Merci Monsieur le Président de votre analyse et de votre vision.
01:11:56Alors, vous aviez déclaré au Figaro il y a quelques temps,
01:12:00et vous venez de le formuler à l'instant,
01:12:02que malgré l'ambition du plan France 2030,
01:12:04il était compliqué d'inscrire la réindustrialisation dans le temps long.
01:12:09Je rappellerai que l'objectif gouvernemental serait de porter l'industrie à 15% du PIB en 2035.
01:12:15Il est à préciser qu'à ce jour, le ratio est à moins de 10%, d'où Mission Impossible.
01:12:20Et je serais tenté de dire « et pour cause ».
01:12:22Nous le constatons de façon permanente,
01:12:24l'essentiel des moyens de notre politique de réindustrialisation
01:12:28se fonde actuellement sur des plans outils
01:12:31qui, par nature, ont une dimension exceptionnelle et limitée dans le temps.
01:12:35Alors vous, le fleuron français du pneumatique,
01:12:38vous annoncez la fermeture de vos sites de Vannes et Cholet d'ici 2026,
01:12:42augurant plus de 1 200 emplois.
01:12:45Il en découle trois questions auxquelles vous avez certes partiellement répondu,
01:12:49mais que je vais vous poser malgré tout.
01:12:52Ces fermetures participent-elles à une illustration du déclin industriel français et européen ?
01:12:57Comment pensez-vous que nous puissions renouer avec une profonde ambition industrielle en France ?
01:13:04Et enfin, pensez-vous que la montée de tensions commerciales
01:13:08et le retour de discussions qui s'annoncent musclées sur les droits de douane
01:13:12soit à même d'opérer une prise de conscience
01:13:15et ainsi modifier une vision européenne en matière de concurrence ?
01:13:19Merci, Monsieur le Président.
01:13:21Merci, Daniel.
01:13:22Alors, le local de l'étape, Jean-Marc Boyer.
01:13:28Oui, merci, Madame la Présidente.
01:13:30Je ne serai peut-être pas très synthétique, mais pour une fois, pardonnerai.
01:13:34Je voudrais vous remercier, Monsieur le Président,
01:13:36de votre venue ici à la Commission économique.
01:13:39La Commission économique s'est rendue il y a trois ans sur le site de Michelin, à Catarou.
01:13:45Effectivement, on a, je peux vous le dire, une réelle fierté
01:13:52de compter une entreprise de l'importance de Michelin,
01:13:55non seulement en Auvergne, mais aussi dans le Puy-de-Dôme et à Clermont-Ferrand,
01:14:00où vous avez conservé le siège social de Michelin.
01:14:02C'est très important de le souligner, je crois.
01:14:06Juste une première question concernant l'évolution des nouvelles technologies.
01:14:10Alors, je sais que vous parlez des secrets, des brevets.
01:14:13C'est normal.
01:14:14Lorsque nous étions venus, on avait découvert le pneu nouvelle génération alvéolé.
01:14:19J'en ai pas encore vu sur les véhicules.
01:14:22Quand est-ce que nous le verrons ?
01:14:24Parce que ça nous a éparu intéressant.
01:14:26Et dans l'évolution de ces nouvelles technologies,
01:14:28avec les contraintes environnementales que vous nous avez expliquées,
01:14:31la concurrence féroce et les enjeux de compétitivité
01:14:34avec des coûts qui sont quand même beaucoup plus importants que dans les autres pays,
01:14:38quelle évolution de nouvelles technologies pouvez-vous envisager ?
01:14:43Ma deuxième question, vous avez répondu sur le crédit impôt recherche,
01:14:48donc je ne vais pas y revenir,
01:14:50mais je voulais aussi vous remercier pour ce que vous avez dit concernant Michelin,
01:14:54qui est une entreprise vertueuse,
01:14:56sur le plan écologique, sur le plan fiscal, sur le plan social.
01:15:00Mais cette démarche vertueuse,
01:15:02est-ce que quelque part, n'est pas un handicap
01:15:04dans la concurrence mondiale et internationale ?
01:15:08Quelque chose que je trouve quand même de très grave dans vos propos,
01:15:11c'est la baisse de qualification de l'enseignement de base.
01:15:15Vous avez un peu répondu tout à l'heure.
01:15:17Je sais que, à Clermont, vous avez mis en place une formation spécifique.
01:15:23Vous avez aussi développé le système d'apprentissage,
01:15:26en particulier au niveau de Hall 32,
01:15:28qui est une réalisation que j'espère,
01:15:30lorsque nous aurons l'occasion de venir, Madame la Présidente,
01:15:33que vous pourrez nous montrer,
01:15:35parce que c'est exemplaire, je pense, dans le cadre de la formation.
01:15:39Et ça me paraît important.
01:15:41C'est quand même grave, je trouve,
01:15:42qu'on ait une baisse de qualification de base dans ce pays,
01:15:45avec un système éducatif aujourd'hui,
01:15:47un budget d'éducation nationale,
01:15:49qui est certainement le plus important dans le cadre du budget.
01:15:51Il y a quand même des interrogations à avoir
01:15:53sur notre système éducatif,
01:15:55parce que c'est quand même une des conséquences qui est importante.
01:15:58Dernier point, qui concerne la mobilité
01:16:01et qui concerne le désenclavement de notre région.
01:16:03Monsieur le Président, je vous ai demandé, tout à l'heure,
01:16:05quand vous étiez venu, si vous étiez venu en train.
01:16:07Vous m'avez dit, ah non.
01:16:09Donc, je ne veux pas revenir sur les incidents...
01:16:12Parce qu'il voulait être à l'heure.
01:16:14Exactement.
01:16:16Je ne veux pas revenir sur les incidents importants
01:16:20qu'il y a eu ces dernières semaines, ces derniers mois,
01:16:22qui sont absolument désastreux pour notre région.
01:16:24Et je pense, une incompétence, je le dis très clairement,
01:16:27de la SNCF sur ce sujet-là,
01:16:29parce que c'est inadmissible, ce qui peut se passer.
01:16:32Alors, c'est aussi un handicap,
01:16:34un handicap de compétitivité pour vous,
01:16:36pour d'autres entreprises, bien sûr,
01:16:38mais aussi pour vous.
01:16:39Est-ce que vous avez des propositions
01:16:41à nous faire sur ce sujet-là,
01:16:42non seulement sur le train,
01:16:43mais aussi sur la ligne aérienne, en particulier,
01:16:45clairement, Orly. Merci.
01:16:47Merci, Jean-Marc. Daniel Gremillet.
01:16:49Oui, merci, Madame la Présidente.
01:16:51Monsieur le Président, merci pour la qualité de vos propos.
01:16:54J'aurais deux questions.
01:16:55La première, qui concerne, effectivement, le dossier énergétique.
01:16:59Vous nous avez donné les différences de prix,
01:17:01l'énergie, éléments essentiels aux coûts de production.
01:17:05Ma première question sur ce domaine-là,
01:17:08que faudrait-il à la France,
01:17:10puisque, dans l'Union européenne,
01:17:12chaque État membre a le choix de son mix énergétique
01:17:14pour avoir une stratégie énergétique compétitive
01:17:17pour redynamiser son industrie ?
01:17:21Deuxième point qui va en ligne, en direct avec ça,
01:17:26c'est le dossier hydrogène.
01:17:28Vous l'avez évoqué, votre Michelin est investi
01:17:33de plus de 20 ans sur la pile à combustible, notamment.
01:17:36Je voudrais vous entendre un peu plus sur ce sujet-là,
01:17:41parce qu'on a l'impression, quand même,
01:17:43qu'en France, dans la bataille hydrogène
01:17:45qui se joue à travers le monde,
01:17:46qu'on est en train d'être, à nouveau,
01:17:48un peu à la traîne, pour ne pas en dire plus.
01:17:50Et la petite question subsidiaire, c'est,
01:17:54quelles seront les conséquences de la stratégie Trump
01:17:58sur le véhicule, et notamment, par rapport à son position,
01:18:02la fin du véhicule, enfin, la fin,
01:18:04le non-intérêt du véhicule électrique ?
01:18:06Et je ne pourrais pas terminer mon propos
01:18:08sans vous dire merci pour les investissements
01:18:10que vous réalisez dans le département que je débauche,
01:18:12que le sénateur débauche,
01:18:13mais aussi un petit merci pour votre implication
01:18:16sur le territoire, à travers votre fondation Michelin,
01:18:18puisque vous avez restauré,
01:18:19dans mon petit village de Décimant,
01:18:21un tableau absolument magnifique.
01:18:23Je voulais vous le dire,
01:18:24parce que la population y est très sensible.
01:18:26Ce n'est pas grand-chose, mais c'est beaucoup.
01:18:29Merci, Daniel, de ce beau témoignage.
01:18:32Monsieur le Président.
01:18:33Merci.
01:18:34Il y a beaucoup de questions.
01:18:36L'industrie à 15 %, oui, c'est possible.
01:18:38Quand Michelin ferme deux sites en net,
01:18:42Michelin embauche en France.
01:18:45Net.
01:18:47Et l'autre chose, c'est que Michelin investit beaucoup.
01:18:50On a l'usine de piles à écondustible,
01:18:52elle est à Lyon.
01:18:53Michelin redéploie le parc Catarou.
01:18:56Nous venons de signer une joint-venture
01:18:58avec une co-entreprise avec Danone
01:19:03pour développer des capacités de fermentation,
01:19:05pour développer des biotechnologies de précision
01:19:07qui vont impacter l'Europe et le monde demain.
01:19:10Michelin développe des nouvelles générations de polymères
01:19:14qui vont réparer le corps humain,
01:19:16être biocompatibles, biodégradables,
01:19:19et donc pouvoir aussi porter des médicaments
01:19:21pour régénérer les sols
01:19:24et faire uniquement des fertilisations de précision.
01:19:27Michelin fait tout ça en même temps.
01:19:30Il se trouve qu'il y a un prisme dans la communication
01:19:33sur les choses qui sont douloureuses
01:19:37et pas sur les choses qui sont heureuses.
01:19:39Mais en net, Michelin est heureux.
01:19:42Il est heureux en France.
01:19:43Donc oui, il y a des choses qui sont possibles sur les 15%.
01:19:46Par contre, il y a de l'inertie.
01:19:49Donc là, on est en train de vivre la fin d'un cycle
01:19:55qui est lié à des décisions qui ont été prises
01:19:58il y a beaucoup d'années.
01:20:00Maintenant, il y a une inflexion qui a été donnée.
01:20:03En ce moment, l'environnement n'est pas favorable,
01:20:06mais ça ne change pas le fond.
01:20:09La France, au cours des dernières années...
01:20:13Moi, j'étais à Choose France chaque année.
01:20:15Je voyais bien le mouvement des industriels
01:20:20revenir vers la France.
01:20:22La France a des atouts formidables.
01:20:26On a une infrastructure remarquable.
01:20:28On a, en dehors de certaines lignes ferroviaires,
01:20:31mais le reste est superbe,
01:20:33on a une électricité décarbonée d'ampleur,
01:20:37un peu trop chère, mais elle est quand même disponible.
01:20:41On a des personnes bien formées.
01:20:45On a un tissu industriel déjà préexistant.
01:20:50On manque d'ETI, mais on a beaucoup de PME, PMI,
01:20:55et on a beaucoup de fleurons mondiaux,
01:20:57de grandes entreprises mondiales.
01:20:59Donc on a des atouts formidables.
01:21:01Et géographiquement, la France est super bien positionnée.
01:21:07On est vraiment au centre du monde.
01:21:09Et donc, de ce point de vue-là, la France a énormément d'atouts.
01:21:13Il faut juste repartir sur la question de la vision.
01:21:16Il faut simplement se donner une vision,
01:21:18et s'y tenir dans le temps.
01:21:20C'est long, ardu, difficile, mais ce n'est pas du tout impossible.
01:21:25Et on a simplement...
01:21:27Il faut arrêter de penser que l'industrie n'est pas nécessaire.
01:21:31Une économie sans industrie, ça ne marche pas.
01:21:33Tout ce qu'on a autour de nous, tout ce qui est physique,
01:21:35c'est l'industrie qui le fait.
01:21:37Donc si ce n'est pas nous qui le faisons, ça se fera ailleurs.
01:21:40Maintenant, les questions de compétitivité, on a des questions.
01:21:42On a une question de base sur l'efficacité de la dépense publique.
01:21:46Notre dépense publique est trop chère et pas efficace.
01:21:50Donc on peut l'appeler comme on veut,
01:21:53mais on ne veut pas adresser ce problème.
01:21:56C'est un problème douloureux.
01:21:58Ce n'est pas lié à la qualité des individus qui sont dans la puissance publique.
01:22:01C'est lié à notre système, le système qu'on a construit.
01:22:04Si l'entreprise, moi, je gérais les dépenses de cette manière-là,
01:22:09je serais remercié rapidement.
01:22:12Donc là, on a un vrai sujet.
01:22:15Et en fait, on entretient un système
01:22:18parce qu'on n'a pas voulu adresser ce sujet-là de fond.
01:22:23Et c'est douloureux.
01:22:25Le déclin, à chaque fois qu'on travaille sur les coûts, c'est douloureux.
01:22:29Ce n'est jamais facile.
01:22:32Alors, le déclin, moi, je pense que la France a énormément d'atouts.
01:22:40On a un tissu très innovant.
01:22:43Simplement, il faut qu'on l'entretienne.
01:22:47Il faut qu'on l'incite, il faut qu'on l'accompagne.
01:22:50Mais moi, je ne crois pas du tout à un déclin inéluctable de l'industrie en France.
01:22:54Je pense qu'on peut très bien faire d'autres choses.
01:22:57La géopolitique, oui, le monde s'est fragmenté.
01:23:00On sort d'une ère de l'internationalisation heureuse
01:23:03dans laquelle on pouvait laisser faire tout le monde n'importe quoi,
01:23:08dans une ère où là, il y a du repli sur soi.
01:23:12Le populisme, il répond à un vrai sujet de société.
01:23:17On a différents problèmes sociaux qui ne vont pas.
01:23:22En fait, ça, c'est le terreau du populisme et du repli sur soi.
01:23:27L'histoire nous a déjà montré ça dans le passé.
01:23:29Il faut qu'on fasse attention à ne pas répliquer ça dans le futur.
01:23:33Nous avons des problèmes sociaux importants.
01:23:37La répartition de la richesse, la répartition du salaire.
01:23:42Il y a un certain nombre de sujets de base
01:23:45qui ne sont pas du tout éloignés de la question de la réindustrialisation.
01:23:50En fait, ils sont même directement liés.
01:23:53La géopolitique, oui, elle va jouer.
01:23:55Est-ce que Michelin va être impliqué ?
01:23:57Michelin a une politique d'être américain aux Etats-Unis,
01:24:00italien en Italie, français en France, espagnol en Espagne.
01:24:03Quand vous posez la question aux Etats-Unis,
01:24:07Michelin est considéré comme américain.
01:24:10On n'a pas de sujet.
01:24:13En Chine, on s'appelle Michelin.
01:24:17La marque Michelin en Chine est aussi connue qu'en France.
01:24:21Et aussi réputée qu'en France.
01:24:23On n'a pas de difficultés de ce point de vue-là.
01:24:26Sur les nouvelles technologies, Michelin travaille sur plein de choses.
01:24:30Le savoir-faire de Michelin, ce n'est pas les pneus.
01:24:33Le savoir-faire de Michelin, c'est l'agencement astucieux de matériaux
01:24:38pour créer des composants critiques qui changent la vie.
01:24:42Ce que fait Michelin, c'est ça.
01:24:44Un pneu, c'est 200 matériaux qui cohabitent d'une manière très astucieuse.
01:24:50Mais les mêmes technologies peuvent fabriquer des joints,
01:24:54des voiles pour des carbonets de transport,
01:24:57des engins qui iront sur la Lune.
01:24:59Tout ça, ça fait la même chose.
01:25:01Toutes nos recherches sont basées là-dessus.
01:25:03Par rapport à votre question plus précise,
01:25:05je vais vous donner quelques illustrations,
01:25:07mais je ne peux pas vous dire,
01:25:09comme c'est public,
01:25:11je ne peux pas vous donner plus d'informations,
01:25:14mais Michelin est très innovant.
01:25:16Vous allez voir Michelin arriver sur des territoires que vous n'imaginez pas encore.
01:25:22La concurrence a beaucoup de vertus, je l'ai déjà dit.
01:25:25Elle force l'industrie, les entreprises à être performantes.
01:25:31Mais pour des justes raisons.
01:25:34Est-ce que l'excès de vertus tue ?
01:25:37Non.
01:25:38Nous, on va rester vertueux.
01:25:42Maintenant, on dit plus qu'il faut quand même
01:25:46que quand il n'y a pas de vertus, ça soit sanctionné.
01:25:51Mais ce n'est pas notre boulot.
01:25:53Mais nous, on va rester vertueux.
01:25:56La question de la formation, oui, c'est une question cruciale.
01:25:59La formation à tous les stades.
01:26:01Et Michelin dépense deux fois plus que la moyenne des entreprises de CAC 40
01:26:08en matière de formation.
01:26:09C'est à peu près 6,3% de la masse salariale en formation.
01:26:13Pourquoi ?
01:26:14Parce que nous considérons que les personnes, les Michelins,
01:26:18sont les sujets en développant tout au long de leur carrière professionnelle.
01:26:22Mais tout le monde bouge en permanence.
01:26:25Donc il faut en permanence aider les personnes à se développer.
01:26:29Donc moi, je considère que Fabienne, qui est à côté de moi,
01:26:32est un sujet en développement qui doit se former.
01:26:35Et c'est à elle de se prendre en main pour se former.
01:26:38Et donc nous, on met à disposition tous les outils pour le faire.
01:26:40Mais chaque personne, chez Michelin, est un sujet en développement.
01:26:44Et nous, on favorise aussi beaucoup la promotion interne,
01:26:48le développement de carrière.
01:26:50Et donc la formation est indispensable.
01:26:53À l'échelle d'un pays, c'est indispensable.
01:26:55Une nation, elle est bâtie sur ses enfants.
01:26:58Et donc ne pas investir dans la formation, c'est ne pas investir sur son futur.
01:27:03Et donc là, on a un énorme sujet, mais qui dépasse...
01:27:08Je dis simplement, sur les mathématiques, il faut remettre les mathématiques au centre.
01:27:12Les mathématiques de base.
01:27:13Et il faut réenchanter les mathématiques.
01:27:15Il faut que les gens n'aient pas peur des mathématiques.
01:27:17Il ne faut pas que ce soit un outil de sanction.
01:27:19On a un système éducatif.
01:27:20Quand je compare à d'autres systèmes éducatifs dans lesquels mes enfants ont été éduqués,
01:27:25il y a des systèmes qui valorisent.
01:27:28Notre système a plutôt tendance à sanctionner.
01:27:31En fait, il faut valoriser.
01:27:34La mobilité, vous l'avez citée.
01:27:36Non mais là, Clermont-Ferrand, c'est le tiers monde en matière de transport ferroviaire.
01:27:43C'est le tiers monde en matière de transport ferroviaire.
01:27:48C'est n'importe quoi.
01:27:50Voilà pour cette audition du PDG de Michelin.
01:27:53N'hésitez pas à lire les décryptages avec nos journalistes sur public-sénat.fr.
01:27:58Vous y retrouverez également les replays de toutes nos émissions.
01:28:01Prochain rendez-vous avec l'info à 18h.
01:28:04Thomas Hugues, Essence publique.
01:28:05Très belle suite des programmes sur Public Sénat.