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00:00Avec nous, je le remercie une nouvelle fois, il est atteint, vous êtes guéri d'un cancer de la mâchoire, comment je peux dire ça ?
00:09J'ai eu un cancer de la mâchoire, normalement ça va beaucoup mieux et quant à la guérison absolue, on n'en sait jamais rien.
00:18Mais vous savez, c'est très compliqué parce que j'écoutais avec beaucoup d'attention Julie, faut-il en parler, faut-il ne pas en parler ?
00:23Est-ce qu'on est exhibitionniste ? Est-ce qu'au contraire, on ne joue pas le rôle qu'on devrait jouer ?
00:28Il ne faut quand même pas oublier qu'on n'arrête pas de parler, puisque c'est notre passion Pascale, de politique, de social,
00:33mais il y a 400 000 personnes par an qui sont touchées, dont 150 000 qui meurent.
00:36Donc si vous voulez, la plus grande injustice du monde, elle n'est pas sociale, elle n'est pas économique,
00:41c'est les gens qui justement ont 20 ans, 30 ans et qui d'un coup sont touchés par une maladie dont ils n'ont jamais pu créer les conditions
00:50puisque par définition, ils n'ont pas bu vraiment, ils n'ont pas fumé, en tout cas ils sont jeunes.
00:54Je prends l'exemple d'une grande chanteuse belge qui s'appelle Jodie De Vos, qui a été présentée un peu comme la future Kala, chanteuse lyrique,
01:00elle est morte à 35 ans, brutalement, cancer, et ça a été une sorte de deuil national en Belgique, personne n'a rien vu venir.
01:08Moi j'étais chez le dentiste, 1, 2, 3, j'avais mal aux dents,
01:11« Parabiarits, va faire du surf avec un peu de Doliprane, t'inquiète pas, etc. »
01:15En fait j'avais un cancer de la mâchoire, il n'avait rien vu.
01:18Puis après une radiologue de la salle Pétrière, grande spécialiste de la mandibule, qui m'a fait un scanner, rien du tout, pas de problème, Doliprane, Biarritz.
01:27Et là vous aviez mal ?
01:29J'avais un peu mal, oui.
01:30Un peu ou beaucoup ?
01:31Non, j'avais un peu mal, mais ce n'était pas dramatique, mais c'est justement ce que disait Juliette.
01:35Le symptôme, c'est le mal ?
01:36Non, mais le principe de base, c'est pour ça que j'ai accepté d'être porte-parole de Rouge Gorge, c'est à des cancers ORL,
01:42c'est que le principe de base, dès que vous avez quelque chose de bizarre qui dure, il faut consulter.
01:47On a beaucoup parlé justement de la taxe Lapin, etc., il faut consulter.
01:51Beaucoup de gens ne vont pas chez le dentiste parce qu'ils ont la trouille, mais c'est une erreur terrible parce qu'après ça pose des problèmes considérables.
01:57Alors vous pensez que c'est arrivé parce que votre rythme de vie, alors vous ne buvez pas, vous fumez pas,
02:01mais vous pensez que le journalisme à haute dose, que vous avez exercé la pression, pourquoi pas, le fait d'avoir ces horaires particuliers ?
02:105h du matin, ce n'est quand même pas la vie de M. Tout-le-Monde, donc il est évident qu'on en porte les traces, même physiquement.
02:175h du matin, ce n'est pas 2h du matin non plus !
02:20Oui, mais enfin j'ai commencé à 2h, donc là je vous fais un résumé, j'ai commencé quand j'étais jeune journaliste, c'était comme ça.
02:26Mais je veux dire, on ne pensait pas à ça. Moi, je transporte avec moi la joie de ma famille, la joie d'être avec vous,
02:33et j'ai lu justement ce que je disais parmi tous les médicaments, le mieux c'est quand même de lire ou d'écouter de la musique.
02:39Et Albert Camus, le jour où il a prononcé son discours pour le Nobel, et voilà ce qu'il a dit,
02:45« Ne cherchons pas la porte illussue ailleurs que dans le mur contre lequel nous vivons. »
02:51Un mur est arrivé devant moi, quand un type m'a dit dans un bureau, il s'appelle, je ne vais pas donner son nom, il m'a dit « tu as un cancer »,
02:58le mur s'est mis devant moi, et bien ça ne consiste pas à éviter, à tourner à gauche, à tourner à droite, à aller regarder par terre.
03:04Vous l'avez dit ?
03:05Comment ?
03:06Vous l'avez dit à votre entourage ?
03:08Evidemment.
03:09Il y a des gens qui ont un cancer qui ne le disent pas.
03:11Oui mais à son entourage, on le dit parce que c'est une évidence, moi j'ai été opéré pendant 11 heures.
03:15Vous imaginez ce que c'est, on m'a transféré la jambe à la place de la mâchoire.
03:19Vous pouvez imaginer que quand tout d'un coup mon père au nez voit arriver un steak frites, il trouve ça bizarre.
03:23Quelle est la question que vous avez posée immédiatement quand le cancérologue vous a dit « Guillaume tu as un cancer ».
03:28Qui va m'opérer ?
03:29Vous ne lui avez pas dit « est-ce que je vais guérir ? »
03:31Non mais là on rentre dans une espèce de...
03:34Je disais tout à l'heure qu'en dehors des questions sociales et politiques et artistiques,
03:39on rentre dans quelque chose qui est vraiment du domaine de la condition humaine.
03:43Je ne suis pas du genre pompeux, j'adore le rock, j'adore la peinture, j'adore la vie,
03:50mais il y a quelque chose qui est plus profond que tout ce qu'on traite.
03:53C'est ce fameux mur dont parle Camus.
03:56Tout d'un coup on est confronté à quelque chose qui nous dépasse.
03:59Et quand ce quelque chose vous dépasse et qu'en plus la médecine est capable d'apporter des réponses,
04:04mais qu'en même temps, comme on vous l'avait dit tout à l'heure,
04:07c'est-à-dire que plus elle guérit comme Julie,
04:10plus il y a des choses bizarres qui arrivent, les cancers digestifs pour les adolescents.
04:14Donc c'est une espèce de bataille générale et c'est un problème pour la société.
04:20Et ça nous ramène à ce que je disais tout à l'heure,
04:22faut-il rester l'homme discret dans un coin qui tait sa maladie
04:27ou faut-il venir voir Pascal Praud pour en parler ?
04:30Moi j'ai beaucoup réfléchi et j'ai dit je vais voir Pascal Praud.
04:34Deuxièmement, j'ai écrit un livre sur Manet qui lui-même était atteint de la syphilis
04:38et j'ai eu le Renaudot à cause de ça, c'est pas du tout de la promo.
04:41C'est juste pour dire que j'ai trouvé à travers cette tragédie
04:44la nécessité de la dépasser, de lui foutre un coup de poing dans la gueule,
04:48de continuer à travailler, d'avoir par exemple quand je vais sur les chaînes d'info,
04:52vous voir par moment j'ai des problèmes de respiration, j'ai pas de salive, etc.
04:56Eh ben j'y vais putain !
04:58Mais vous avez mal tout le temps Guillaume ?
05:00Parce que quand je vous vois, moi je vous vois parfois en dehors des studios,
05:02vous vous touchez souvent le visage, et c'est ça qui est quand même rude,
05:06c'est-à-dire que ce cancer est guéri, mais qu'il a une séquelle,
05:09et la séquelle c'est la douleur, et la douleur c'est rude !
05:12Vous savez, moi j'ai été un peu sportif plus jeune, et encore maintenant,
05:17et donc moi je refuse de la morphine.
05:20C'est-à-dire que tous ces trucs-là, c'est pas pour moi.
05:22Le Doliprane, reste le médicament, enfin plus les petites choses,
05:26je vais vous faire le bruit de l'artisial.
05:29C'est quoi l'artisial ?
05:31C'est un truc qui est un substitut de la salive,
05:33parce que quand on court on n'a plus de salive, quand on parle on n'a plus de salive,
05:36c'est-à-dire que si je faisais le discours de Camus pour la réception du Nobel,
05:41ce qui ne m'arrivera jamais, au bout d'un certain temps on n'a plus de salive.
05:43C'est pour ça que j'en vis beaucoup.
05:45Julie, parce que beaucoup de gens qui m'ont tripoté la mâchoire,
05:50notamment des kinés, m'ont dit tu devrais chanter,
05:52tu devrais apprendre de chanter, trouver un prof de chant.
05:55C'est une thérapie, comme la méditation d'ailleurs.
05:58Parce que ça oblige cette mâchoire un peu bizarre que vous avez à s'activer,
06:06et au fond je préfère chanter Jonas et Véronique Sanson ou Julie
06:10que de rester tout seul devant ma glace.
06:14Mais en même temps, à un moment on est face à tout ça tout seul,
06:20et c'est ça qui est intéressant aussi,
06:23quand vous dites que vous êtes face à vous-même,
06:25est-ce que vous avez réagi avec le recul comme vous imaginiez peut-être que vous auriez réagi ?
06:32Est-ce que vous êtes surpris dans cette maladie ?
06:35Est-ce que vous vous êtes trouvé courageux ?
06:37Est-ce que vous êtes fier de vous, entre guillemets ?
06:39Est-ce que vous êtes battu ?
06:41Ou est-ce qu'autrement ?
06:43Je rigole, non !
06:45D'abord c'est les autres qui vous définissent,
06:47en bien et en mal, vous en savez quelque chose.
06:50C'est les autres qui tracent votre portrait,
06:54donc je vais évidemment me garder de tracer le mien,
06:57c'est pour ça que je suis passé par Manet,
06:59pour expliquer ce que pouvait être la souffrance.
07:01Est-ce que vous vous êtes surpris ?
07:02Est-ce qu'il y a des choses qui vous ont surpris de vous, de vos réactions ?
07:05Mon entourage m'a dit que j'étais pas trop plaintif après ce qui m'était arrivé,
07:12mais il faut penser aussi à l'extraordinaire compétence des infirmiers, des chirurgiens,
07:17des gens qui vous opèrent.
07:19Moi je me trouve serein, je trouve que dans cette séquence,
07:24vous avez été d'une sérénité que je trouve assez remarquable.