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00:007h47, le grand public la connaît surtout comme ancienne ministre de l'éducation nationale.
00:05Elle est aujourd'hui présidente de l'association France Terre d'asile.
00:08Najat Vallaud-Belkacem donne une conférence ce soir au mémorial de Rivezalt à l'occasion du dixième anniversaire, en fait, de l'inauguration de ce mémorial.
00:15Elle est notre invitée ce matin à Marie-Rouache.
00:17Bonjour Najat Vallaud-Belkacem.
00:19Bonjour, en 2015 vous étiez donc présente pour l'inauguration de ce mémorial de Rivezalt. En tant que ministre vous revenez dix ans plus tard.
00:28A vos yeux, est-ce que ce mémorial remplit une mission indispensable ?
00:33Oui, totalement indispensable.
00:36Je me souviens de ce moment il y a dix ans, en effet, en octobre 2015 de l'inauguration.
00:41Et comme toujours,
00:44on espérait que le monde serait un peu moins tumultueux dans les années qui suivraient et finalement
00:51on est en 2025 et on voit à quel point les dangers, les menaces nous inquiètent encore et encore.
00:59Quels dangers, quelles menaces ? Ceux de la déshumanisation
01:03de tant d'entiers de populations et c'est ce que raconte finalement ce mémorial qui est en effet précieux pour
01:11décrire une mécanique du mal
01:13qui a été à l'œuvre avec la Shoah, qui a été à l'œuvre avec le génocide du Rwanda, qui
01:21malheureusement se reproduit à chaque fois. Et donc oui, pour prévenir
01:25le mal, tout simplement, il faut qu'auprès des jeunes générations, mais aussi auprès des adultes que nous sommes,
01:32cela soit raconté.
01:34C'est à cela que sert ce mémorial.
01:36Ce mémorial qui a été construit sur une conviction, le plus jamais ça, mais on n'en y est plus selon vous aujourd'hui ?
01:43On n'y est plus. Je crains vraiment que
01:47collectivement, nous perdions la mémoire.
01:51Nous avons
01:53célébré, enfin commémoré plus exactement les 80 ans
01:57de Schwitz il y a peu de temps
02:00et les derniers survivants disparaissent.
02:03Moi, ma grande crainte, c'est que plus personne ne soit là pour porter cette parole
02:08dont nous avons besoin, ce témoignage, pour dire à quel point ça peut aller vite
02:15que de voir toutes les ligues tomber, que de voir les camps s'affronter, que de voir
02:22les uns ou les autres rejetés au marge de la société. Et c'est vrai qu'aujourd'hui,
02:27j'ai le sentiment que c'est la figure du migrant, du réfugié, du demandeur d'asile
02:34qui est regardé avec cette hostilité-là dans nos sociétés.
02:37On en a encore une illustration
02:40aux Etats-Unis en ce moment même, avec ces gigantesques opérations
02:45de déportation annoncées par le nouveau président.
02:47Mais même en Europe,
02:49souvent, on se demande ce qu'on est en train de faire de notre humanité quand on laisse tant de gens mourir en mer
02:55méditerranée sans réagir. Et donc je crois, oui, que nous vivons une période troublée
03:02et pour laquelle il nous faut un cadre de conseil, des repères, des
03:08réflexes, une philosophie de vie, je crois, une philosophie d'hospitalité qui manque trop souvent dans notre débat public.
03:16Mais je voudrais quand même préciser une chose, c'est que c'est pas parce qu'elle manque dans notre vie qu'elle n'est pas dans la
03:22réalité des gens. Moi, comme présidente de France Terre d'Asile, je constate tous les jours que
03:29énormément de gens sont
03:31solidaires, généreux, accueillants,
03:34hospitaliers. On l'a vu notamment lorsqu'ils hébergeaient des citoyens ukrainiens qui fuyaient.
03:40D'autres le font également avec des citoyens syriens, avec des citoyens...
03:43Oui, l'accueil, c'est une réalité quand même, malgré tout, Najat Vallaud-Belkacé.
03:47Oui, voilà, exactement. L'accueil est une réalité
03:51chez les citoyens, je crois vraiment qu'il faut en avoir conscience.
03:56Institutionnellement, il y a encore des projets à faire du côté des administrations,
04:01mais c'est pas non plus
04:04complètement vide, il faut pas non plus laisser dire n'importe quoi. Il y a des choses qui se font, il n'y a pas suffisamment de places d'hébergement,
04:09mais il y a des choses qui se font. En revanche, ce qui ne va pas du tout, c'est le débat public.
04:14Le débat public qui présente en permanence
04:18la figure du migrant, du réfugié, comme une figure dangereuse, nocive, problématique pour nos sociétés.
04:26Parce qu'il suffira qu'une crise éclate, et on le voit un peu aux Etats-Unis, pour que aussitôt tous les regards
04:35de ressentiment se retournent vers cette figure-là et
04:39la tienne pour responsable de toutes les misères et de tous les malheurs du monde. C'est comme ça que la mécanique du mal commence.
04:46Et la question qu'on peut se poser aujourd'hui, c'est qui a intérêt à
04:50présenter ces migrants comme
04:53une figure du mal et de la menace en permanence ? Pourquoi le faire ? Quelle est cette manipulation
05:01qui consiste finalement à
05:03en faire l'ennemi numéro un de nos sociétés ?
05:06Puisque vous parlez du débat public, Najat Valloubel-Kassem, j'imagine que quand vous entendez François Bayrou évoquer récemment un sentiment de
05:13submersion migratoire en France, ça vous choque profondément ?
05:18Oui évidemment, évidemment que ça me choque, je ne suis pas la seule.
05:22Ça me choque d'abord parce que c'est un terme qu'on sait appartenir et avoir été forgé par l'extrême droite, et il faut toujours se méfier de cela.
05:32C'est un terme qui
05:35n'est pas digne d'un premier ministre. Un premier ministre n'a pas à nous parler de perception,
05:43de pensée, de croyance, de
05:46de
05:48sentiments, etc. Un premier ministre devrait se focaliser sur des réalités, sur des chiffres, sur des faits, et puis surtout
05:57chercher à rassembler finalement les citoyens qui sont sous sa responsabilité.
06:03Et donc j'ai été extrêmement frappée par l'utilisation de ce mot,
06:07surtout par ce que cela signifiait de clin d'œil fait à
06:11une extrême droite qui est désormais tellement tellement présente dans le débat public,
06:17ce dont on se passerait bien, mais j'ai envie de vous dire que ça fait des mois que ça dure.
06:22Ça n'était qu'une illustration parmi d'autres,
06:25cette sortie de François Bayrou. La vérité c'est que depuis la dissolution,
06:29on n'en a pas fini avec la place trop centrale prise par une extrême droite
06:34délétère, qui ne rendra jamais service à notre société tout entière. Et je ne parle pas que des
06:42demandeurs d'asile, des réfugiés ou des migrants. En disant ça, je parle de nous, les citoyens français.
06:47Nous avons besoin
06:50d'apprendre à vivre ensemble, de nous créer des conditions de vivre ensemble. Parce que sinon, le contraire de cela, c'est la guerre.
06:56C'est cela que devraient nous rappeler les mémoriaux.
07:00C'est cela qui nous rappelle, et c'est pour ça que je suis très très heureuse d'être là ce soir.
07:04Et justement, ce mémorial, vous
07:06évoquiez le fait que malheureusement, l'histoire a tendance à se reproduire d'une certaine manière, mais l'accueil des réfugiés a quand même
07:13énormément changé depuis cette triste période du camp de Rivezalt, par exemple.
07:19Oui, heureusement, quoique je le redis,
07:23regardez à nouveau ce qui se passe aux Etats-Unis en ce moment même.
07:27Mais même sans aller là-bas, en Europe,
07:31vous savez, il y a des décisions politiques qui sont prises, qui consistent par exemple à
07:37externaliser l'accueil des demandeurs d'asile
07:41dans des pays hors de l'Europe, comme la Tunisie, la Turquie,
07:45la Libye, qui sont souvent des pays qui ne sont pas franchement recommandables,
07:51dans lesquels les populations qui sont retenues, à qui on demande,
07:56les pays en question, c'est nous qui leur demandons de retenir ces populations de demandeurs d'asile,
08:02et elles le sont dans des conditions vraiment
08:06absolument catastrophiques. Il y a des violences, il y a de la torture, il y a de la traite des êtres humains, il y a des viols.
08:14Tout cela n'est pas acceptable.
08:17Et ça n'est pas vrai que c'est une fatalité que de procéder ainsi.
08:21Nous procédons ainsi parce qu'a été construit ce récit, justement, de la submersion
08:28dans le débat public, par des manipulateurs du débat public,
08:32qui ont réussi à persuader une partie, une grande partie de l'opinion publique,
08:37que c'était un problème d'accueillir les demandeurs d'asile.
08:42Merci beaucoup Najat Vallaud-Belkacé, merci beaucoup d'avoir été en direct avec nous ce matin.
08:49Vous serez donc ce soir au mémorial de Rivezalt à 18h30, dans le cadre du dixième anniversaire de ce mémorial. Merci beaucoup à vous.
08:56Merci à vous.

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