Lorsque la série diffusée sur Facebook et au sein du « Grand Journal de Canal+ » se termine en 2012, après seulement une saison, Kyan Khojandi est loin de se douter que son œuvre va devenir aussi culte. Treize ans après, tous les codes ultra-turbulents du montage vidéo et de la réalisation raccourcie de « Bref. » rythment notre quotidien sur les réseaux sociaux ou le petit et grand écran.
Désormais diffusée sur Disney+, cette saison 2 a été considérablement allongée, désormais imaginé en maître étalon de six épisodes de 26 minutes, tout en explorant les thèmes sombres de la solitude, la dépression ou la masculinité toxique. À l’occasion de cette sortie évènement, entretien cash avec son cocréateur Kyan Khojandi, pour revenir sur son enfance compliquée, de la déprime et l’apathie qui l’ont touché au cours de l’adolescence ou de ses antihéros préférés, de Walter White de « Breaking Bad » à Orelsan.
Retrouvez toute l’actualité, les reportages, les enquêtes, les opinions et les débats du « Nouvel Obs » sur notre site : https://www.nouvelobs.com
Désormais diffusée sur Disney+, cette saison 2 a été considérablement allongée, désormais imaginé en maître étalon de six épisodes de 26 minutes, tout en explorant les thèmes sombres de la solitude, la dépression ou la masculinité toxique. À l’occasion de cette sortie évènement, entretien cash avec son cocréateur Kyan Khojandi, pour revenir sur son enfance compliquée, de la déprime et l’apathie qui l’ont touché au cours de l’adolescence ou de ses antihéros préférés, de Walter White de « Breaking Bad » à Orelsan.
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00:00J'ai commencé à être dépressif à partir de 15 ans, ça allait pas du tout quoi, mais vraiment dépressif, pas vague à l'âme de l'adolescence, dépression.
00:11Bah t'es là ?
00:12Ouais, bref.
00:14Bien sûr, mais ça arrivait tout le temps. En fait on s'est même rendu compte qu'à un moment donné ça devenait une ritournelle.
00:18Y'a des gens qui nous aborgeaient, qui disaient
00:20« Faites un truc, faites un truc, ce que vous voulez, vous pouvez mettre une voix off, après vous mettez ça.
00:24Les gars c'est du bref, on met bref. »
00:26Bon, on voulait vraiment nous forcer des fois à faire des trucs et en fait nous tant qu'on le sent pas
00:30on le fait pas en fait. On a trop de respect pour le lien qu'on a avec les gens. Nous ce qu'on veut c'est surprendre les gens.
00:36Bref, 1 c'était 10 ans d'idées, donc c'est des carnets de vingtenaire à 30 ans, donc c'est toute cette vingtaine qu'on a vécu et qu'on
00:42a concentré dans, bref, saison 1. Quand on a fini la saison 1, on s'est dit « On va devenir
00:46autoparodique, on va tourner sur nous-mêmes, je crois qu'on a fini le cercle de la trentaine.
00:50Viens, on part, on vit et on voit ce qui se passe. »
00:53Et c'est en se disant ça qu'on s'est enlevé toute pression de quoi que ce soit.
00:56Là où dans une époque où on nous dit « Vite, faut le faire maintenant, on va vous oublier. »
00:59On a décidé de ne pas écouter cette voix. On s'est dit « Bah qui nous oublie ?
01:02C'est pas grave, c'est pas grave d'oublier les gens, ça fait du bien. » On reviendra quand on reviendra et
01:06on a attendu 12 ans là et on a récolté plein d'idées. On a vécu, on a vécu des peines, on a vécu des joies.
01:11Et on en a fait un condensé de tout ça et en fait on se dit « Je crois que là on a une matière. »
01:14Donc on se met autour d'une table et on commence à discuter de la matière. On a ça, ça, ça pourrait être pas...
01:17Et en fait on se rend compte qu'on kiffe. Et en fait on se rend compte qu'on a un chantier gigantesque.
01:21On se dit « Mais là on est dans un format plus long, c'est obligé, il faut qu'on tire le fil de ça.
01:25Si on fait un programme court, on va passer à côté de ça, ça, ça, c'est dommage. »
01:27Et on part dans un scénario plus long et en plus on kiffe les formats comédie de Friends,
01:32les formats comédie de Fleabag. On adore tout ça.
01:3630 minutes, c'est un super format pour la comédie. Donc on se dit « Bien, on se lance. »
01:40En fait, la comédie n'est pas notre unique terrain de jeu depuis le début.
01:43Même dans la saison 1 de Bref, on a parlé de la dépression, il y avait de la nostalgie,
01:46il y avait plein d'épisodes qui étaient plus mélancoliques.
01:49Pour moi, la comédie et la mélancolie, c'est la même chose.
01:51C'est parce qu'on vit un événement dur et qu'on en sort quelque chose de drôle que c'est drôle.
01:56Quand je fais rire des tocs, c'est pas drôle les tocs.
01:58C'est même dramatique de perdre du temps devant une porte ou une gazinière pour voir si c'est bien fermé.
02:05Moi j'ai grandi dans une éducation où il fallait rien dire, il fallait toujours se taire.
02:08L'enfant ne sait pas, tais-toi tu sais pas, tu sais pas faire, tu dois apprendre.
02:12Oui bon, il y a des trucs que je savais et que j'avais pas besoin d'apprendre, j'avais déjà compris.
02:16J'ai grandi dans un culte du silence et je trouve que c'est le meilleur moyen pour aller pas bien.
02:21J'ai commencé à être dépressif à partir de 15 ans, ça allait pas du tout.
02:23Mais vraiment dépressif, pas vague à l'âme de l'adolescence, dépression.
02:27C'est un mec qui dort de 16h30 dès qu'il rentre du lycée jusqu'à 7h du matin.
02:32Il y a un truc qui allait pas, physiologiquement.
02:34J'ai grandi dans le non-dit, j'ai grandi dans le il-ne-faut-pas-dire, j'ai grandi dans le on cache.
02:38Parce que mes parents ont été élevés comme ça, on se cache, on dit rien, on ne célèbre jamais.
02:43Mon père, à un moment donné, il était commerçant.
02:45On a galéré, on a galéré de 93 à 2000, on a galéré.
02:49Il a vendu des tapis, il n'en vendait aucun.
02:51Il en vendait un tous les 8 mois, on gagnait rien.
02:54C'est ma mère qui tenait le foyer.
02:55À un moment donné, on gagne de l'oseille.
02:57J'ai dit cool, on a fait un mois de solde.
02:59Je crois à l'époque, on avait gagné l'équivalent de toute l'année pendant le mois de juillet au solde.
03:04C'est génial, j'ai dit à mon père, j'étais vendeur pour lui quand j'avais 15 ans, 14 ans.
03:08C'est génial, c'est une super bonne nouvelle.
03:10Il me disait non, non, non, on ne gagne pas, on ne gagne pas.
03:13On ne gagne pas, on n'a pas gagné d'argent.
03:14Mais quand est-ce qu'on gagne de l'argent ?
03:16En fait, si on ne célèbre pas quand on perd de l'argent, si on ne célèbre pas quand on gagne de l'argent,
03:20quand est-ce qu'on célèbre ?
03:21Parce qu'on travaille dur pour gagner cet argent, comment on fait en fait ?
03:24Et j'étais là genre, ce n'est pas drôle la vie, on ne peut même pas kiffer quand on doit kiffer.
03:28C'est même pas une question de faire le malin, c'est une question juste de dire, bon, on peut être content au moins.
03:31Et non, il ne fallait jamais être content.
03:33Ça vous façonne une apathie après derrière sur les événements.
03:35Et après, pendant des années, j'étais apathique.
03:37Pendant des années, j'étais en mode, vous donnez-moi une bonne nouvelle, dites-moi, c'est une bonne nouvelle.
03:40C'est une bonne nouvelle.
03:41Non, je... Ah, vous en voulez une que j'ai en cité ?
03:42Non, non, mais juste dites-moi, c'est une bonne nouvelle.
03:44C'est une bonne nouvelle.
03:45Et bien, j'étais comme ça.
03:46Ah super, c'est une bonne nouvelle, super.
03:48Voilà.
03:48En me disant, ouais, mais si c'est une bonne nouvelle, ça veut dire qu'il faut...
03:51Avec des patterns psychologiques terribles.
03:53Et c'est un peu ce qu'on traite dans la série, c'est en mode,
03:55bah, peut-être que ce qu'il en est là, c'est parce qu'il y a des choses qui sont établies dans sa tête
03:58qui ne lui appartiennent peut-être pas.
03:59Il faut peut-être d'abord les constater avant de pouvoir évoluer.
04:03Bah, je faisais... Depuis que j'ai 6 ans, je fais de l'alto, du violon alto.
04:06Donc, je m'exprimais en fait à travers la musique, et je m'exprimais surtout...
04:09Moi, j'écrivais des morceaux déjà.
04:10Des morceaux de concert.
04:12J'organisais des quatuors avec mes amis.
04:13On faisait la musique d'Indiana Jones.
04:15Au lieu de jouer du Bach, on faisait du John Williams.
04:17Donc, c'était kiffant.
04:18J'avais écrit un truc pour 4 altos, parce qu'on était 4 potes qui faisaient de l'alto.
04:21Il y en avait un alto, il tapait sur son...
04:23Il retournait, il tapait dessus.
04:24L'autre, il faisait la basse comme ça, comme une basse.
04:26Et il y avait deux violons comme ça.
04:27En fait, j'ai toujours trouvé l'excitation dans l'écrire de l'histoire.
04:28Et genre, j'ai retrouvé des amis d'école qui m'ont dit...
04:31Je te rappelle, Kian, un jour, il y avait de l'orage.
04:32Et tu nous as tous dit, viens, venez, venez, approchez.
04:34Je vais vous raconter une histoire et tu nous as raconté une histoire.
04:35Il y avait une audace à raconter, à vivre, à m'extérioriser, à trouver un truc.
04:39Et puis, j'étais un peu mythomane aussi, je vous avoue.
04:42Je racontais un peu des conneries, quoi.
04:43Non, mais je racontais.
04:43J'étais chamois d'or au ski.
04:45Et puis après, on est tous partis au ski.
04:46Je me suis pété la gueule devant tout le monde, de foutre la classe.
04:48Je me suis même pété les genoux.
04:49Donc, ça a été mes premiers fruits de mensonges.
04:51Forcément, forcément.
04:53À un moment donné, il faut se rendre compte qu'on est le connard de quelqu'un.
04:56La meilleure façon de ne pas rester le connard de quelqu'un,
04:57c'est de reconnaître d'avoir été le connard de quelqu'un.
04:59C'est un peu le propos de la série, justement.
05:01On ne peut pas grandir dans un schéma masculin toxique
05:05et espérer, du jour au lendemain, ne plus être cette personne.
05:08Je pense que ça demande un travail.
05:09Ça demande de se rendre compte des choses.
05:10Le mouvement féministe, c'est quelque chose auquel on s'y intéresse
05:12depuis déjà plus d'une dizaine d'années avec Bruno.
05:15Je ne serais pas le gars qui dirait, moi, je suis féministe,
05:16parce que sincèrement, je suis totalement pour le féminisme.
05:20Je suis à 8 %, je suis à 12 %, j'essaie d'être à 14 le mois prochain.
05:24C'est déjà bien, j'essaie d'apprendre de tout ça.
05:26Je suis en work in progress.
05:27Je ne suis pas, alors, OK, les gars, je sais tout sur tout.
05:29Je vais tout vous apprendre en tant que gars qui ne sait rien.
05:31Je dois déconstruire pas mal de choses.
05:32Non, il y a un truc très intéressant sur l'évolution.
05:36Surtout, les anti-héros, Ted Mosby dans How I Met Your Mother,
05:41c'est un anti-héros.
05:42J'aime beaucoup Orelsan aussi.
05:43Orelsan, c'est un anti-héros dans ses chansons.
05:45Ce côté Calimero, mais Calimero marrant.
05:48Phoebe Waller-Bridge dans Fleabag, anti-héros de fou.
05:51Walter White, anti-héros,
05:53qui devient le pire diable du monde.
05:55Oui, j'ai toujours été fasciné par ça.
05:57C'est moi qui en ai d'abord dressé les héros avant de dresser l'anti-héros,
05:59alors qu'on est beaucoup plus d'anti-héros dans le monde que de héros.
06:01C'est quand même dingue qu'on ait dressé les gens inatteignables d'abord.
06:04C'est fou de se dire qu'en Antiquité, on a mis en place d'abord les mythes grecs
06:08plutôt que de parler de la vie de tous les jours,
06:10alors que les gens vivaient la vie de tous les jours.