"Le travail, ici, ça m’a permis de sortir la tête de l’eau."
Ils s’appellent Cyril, Munir ou Nadia. Tous sont en situation d’handicap psychique. Notre journaliste Florian Thomas les a rencontrés à l’ESAT de la Bièvre, un établissement dont l’objectif est la réinsertion des personnes handicapées éloignées de l’emploi par la formation et le travail.
Ils s’appellent Cyril, Munir ou Nadia. Tous sont en situation d’handicap psychique. Notre journaliste Florian Thomas les a rencontrés à l’ESAT de la Bièvre, un établissement dont l’objectif est la réinsertion des personnes handicapées éloignées de l’emploi par la formation et le travail.
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00:00Est-ce que l'handicap, ça peut créer de la solitude ?
00:03Oui, on s'isole.
00:05Avant, j'habitais chez ma maman quand j'étais malade,
00:07parce que je souffrais de dépression nerveuse.
00:09Et l'activité et le travail ici m'ont permis de sortir la tête de l'eau.
00:15Maintenant, je n'ai plus de problème, pour l'instant, de dépression nerveuse.
00:20Je suis occupé, le travail, sa structure,
00:23parce que je suis resté plusieurs années sans travailler.
00:27Et là, de reprendre ici, j'ai été pas à pas,
00:29parce qu'il y avait des petits.
00:32Ça m'apporte beaucoup.
00:33Maintenant, je fais du sport à côté,
00:34alors qu'avant, je ne faisais pas du tout de sport.
00:37En fait, c'est un équilibre de vie.
00:39Le 11 février 2005, la loi handicap entrait en vigueur.
00:42Alors, 20 ans après, où est-ce qu'on en est ?
00:44On a discuté avec les travailleurs handicapés
00:46de l'ESAD de la Bièvre et leur moniteur pour faire le point.
00:49C'est une structure de réinsertion
00:51pour des personnes en situation de handicap psychique.
00:54Donc, on leur redonne un mode de fonctionnement,
00:57on leur apprend des techniques au travers de nos ateliers
01:00et on leur permet ainsi une réinsertion sociale,
01:03mais aussi une réinsertion professionnelle.
01:06Donc là, Cyril, il est en train de préparer l'ourlet.
01:11Donc, ça va être la partie haute du tapas.
01:14Ça fait 4 ans que je suis ici et je m'y plais bien.
01:17La monitrice, Lynn, elle nous pousse pour sortir de nos retranchements,
01:22pour sortir de notre zone de confort, pour aller de l'avant.
01:24Ça, c'est très bien, ça.
01:26J'ai fait à peu près tous les ateliers de cet ESAD.
01:33Normalement, à l'époque, on changeait des ateliers.
01:37Maintenant, chacun choisit un atelier.
01:41Et là, ça fait à peu près 6 ans que je suis en couture.
01:45Je ne connaissais pas la couture avant.
01:47J'aurais aimé faire une formation là-dessus
01:49parce que je sens que ça m'intéresse.
01:53Les personnes sont là pour pouvoir reprendre un peu d'autonomie
01:58et pouvoir s'en serrer pour certains dans le monde du travail,
02:02pour s'habituer à des horaires, à un rythme, à des collègues, à un travail.
02:07Certaines personnes n'ont pas travaillé depuis très longtemps.
02:09Le public qu'on accueille est un public éloigné de l'emploi
02:13qui, en dehors de l'adaptation du travail que font nos professionnels,
02:20pour eux, aurait difficilement pu intégrer un poste dans un milieu ordinaire.
02:25Alors, ils signent un contrat de soutien et d'aide par le travail,
02:29mais ils ne sont pas considérés comme salariés.
02:31Et il y a une équipe de salariés qui les encadre.
02:34Dans l'équipe, il y a 8 moniteurs chez nous d'ateliers
02:37qui sont tous des professionnels d'une activité.
02:40Et on a aussi la chance d'avoir un psychologue et un psychiatre dans notre structure.
02:45Ici, on arrive à nos côtés blanchisseries.
02:50Il faut bien les prendre parce que c'est plus lâché.
02:56En fait, ils perçoivent une partie du fruit de leur travail à l'ESAT.
03:00Ils ont ce qu'on appelle l'aide au poste.
03:02Ça représente 50% du SMIC.
03:05Et ils vont avoir une AH, une allocation adulte handicapé,
03:10qui va se réguler en fonction du déversement de l'atelier et de l'aide au poste.
03:15Donc, en gros, ils arrivent à un SMIC en fin de mois.
03:19Qu'est-ce que ça vous a permis, du coup, cet ESAT ?
03:21Est-ce que ça aurait été plus compliqué dans une entreprise, on va dire, normale ?
03:25Je n'ai jamais essayé, mais j'ai fait un stage au milieu ordinaire de deux semaines.
03:35Ce n'est pas la même ambiance, mais ça dépend des boîtes.
03:38Les boîtes, on va dire classiques, elles donnent assez leur chance à des personnes qui ont des handicaps ou pas ?
03:45Pas tellement, parce que j'ai eu des gens qui sont comme moi, qui ont plus de handicaps que moi,
03:51mais ils ont demandé à des entreprises normales, et ils n'ont pas eu leur réponse, la plupart.
04:00Après, moi, je n'ai pas osé poser la question, moi aussi, mais j'ai eu ce truc-là.
04:05Mais il y en a qui respectent, il y en a qui ne respectent pas,
04:10parce que normalement, il y a eu des lois qui nous protègent aussi pour les entreprises.
04:15Mais du coup, c'est un choix pour eux et c'est un choix pour nous.
04:19Mais ils ne respectent pas les consignes de la politique actuelle.
04:28Alors en France, toutes les entreprises de plus de 20 salariés
04:32ont une obligation d'avoir 6% de leurs effectifs en personnes en situation de handicap.
04:39Malgré la législation, les taux d'emploi des personnes en situation de handicap
04:43représentent 3,6% des effectifs en équivalent plein temps dans le secteur privé
04:47et 5,6% dans le secteur public.
04:50En 2019 en France, 26% des personnes en situation de handicap âgées de 15 à 59 ans
04:55vivaient sous le seuil de pauvreté d'après les chiffres du ministère des Solidarités,
04:59contre 14% des personnes du même âge sans handicap.
05:02C'est vrai que par rapport à d'autres pays,
05:05le taux de réinsertion dans le secteur privé ordinaire de travail est très faible.
05:11Il y a moins de 3% de personnes en ESAD qui réintègrent finalement un parcours ordinaire.
05:19Je pense qu'on pourrait faire beaucoup plus.
05:21La France n'est pas le meilleur pays pour accueillir les personnes en situation de handicap dans leur entreprise.
05:30Ce serait bien qu'il y ait un peu plus d'ouverture d'esprit aussi.
05:33Je pense que souvent c'est une peur enfantée
05:37d'accueillir des personnes en situation de handicap dans les entreprises.
05:41Au contraire, c'est un plus.
05:44C'est des visions différentes et en même temps,
05:47ces personnes-là sont beaucoup plus précises dans les gestes, dans les réflexions.
05:52Ils ne sont pas aussi rapides qu'une personne valide,
05:55mais ils vont être très précis et ils vont faire tout doucement et bien
06:03parce qu'ils ont envie vraiment de bien faire.