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00:00Faites en sorte de portez-les vos filles, parce que ceux qui subissent l'excision ne peuvent jamais oublier les conséquences qu'ils vivent à vie avec.
00:07J'ai saigné en Guinée-Conakry, dans une grande famille guinéenne.
00:12De l'âge de deux ans à dix ans, c'est ma grand-mère qui m'a élevée en Guinée.
00:16Elle m'a élevée dans le Valais africain, le Valais traditionnel.
00:20Un matin, elle m'a dit d'accompagner une dame qui était venue la voir.
00:24On ne m'avait rien expliqué.
00:26J'ai juste vêtie une panne rouge.
00:28Je me suis retrouvée avec quatre femmes, dont deux qui m'ont tenue le pied, deux qui m'ont tenue les mains.
00:33Ils m'ont cachée sur les herbes pour que je ne voie pas ce qui s'est passé.
00:37J'ai beaucoup débattu.
00:39C'est comme ça que j'ai été excisée.
00:41Je comprenais qu'on m'a arraché quelque chose d'important qui me pertenait.
00:44Le cri que j'ai poussé ce jour-là, c'est un cri que je ne peux jamais oublier.
00:48C'est un douleur aussi que j'ai passé pendant deux jours, pendant trois semaines, voire un mois.
00:54Ma grand-mère me lavait de l'eau chaude avec des herbes à la nature,
00:57parce qu'il n'y avait pas de médecin, il n'y avait pas de médicaments.
01:00Elle m'a soignée comme elle l'a pu.
01:02Surtout, elle m'a expliqué qu'il fallait marcher droit, qu'il fallait marcher les pieds écartés pour ne pas avoir mal.
01:07J'ai beaucoup saigné.
01:09On ne nous explique jamais pourquoi, mais c'est la première étape pour les petites filles.
01:13Ensuite, c'est autre chose qui nous attend.
01:15J'étais mariée à l'âge de 13 ans et demi.
01:17J'ai su convaincre ma mère en disant que si je mariais une autre fille,
01:20je vais l'amener en Europe, je vais m'occuper d'elle.
01:23Lui, il avait 45 ans, il avait déjà des femmes, il avait des enfants.
01:27Moi, je n'avais rien appris de comment occuper une maison,
01:31comment être avec un homme, l'intimité entre l'homme et la femme.
01:34Tout ça, je découvre au fur et à mesure.
01:37Donc, dès le début, c'était des viols.
01:39Ensuite, c'était l'enfermement.
01:41Mon quotidien a été alimenté par la violence.
01:43Et ensuite, les pertes de grossesse.
01:45On dit comment s'en sortir, où aller.
01:47Quand on est dans un pays où on n'a pas de papiers, on ne parle pas la langue, on ne connaît personne.
01:52Mais le déclic réel, ça a été le troisième grossesse.
01:55Je l'ai perdue trois jours après, cinq jours après.
01:58Ma nonce qui partait en Guinée, c'est ma voisine qui m'a orientée vers la mairie,
02:01où je passais tout le jour.
02:03Je ne savais même pas que c'était la mairie.
02:05Je suis tombée sur une dame qui était très gentille à l'accueil.
02:07Elle m'a aidée à appeler les assistantes sociales.
02:09Je me suis rendue compte que l'excision, c'était quelque chose de pas bien,
02:13de révoltant à l'âge de 20 ans.
02:15Les gens me disaient, oui, mais madame, c'est atroce, c'est barbare ce que vous avez vécu.
02:19Je ne comprenais pas en fait.
02:21Parce que pour moi, toutes les femmes étaient excisées.
02:23Je racontais l'excision vraiment telle que je l'ai vécue,
02:26sans savoir que c'était quelque chose de pas bien,
02:29qu'il y avait des conséquences autour de l'excision.
02:31Ça va avoir des problèmes d'élimination,
02:33ça va avoir des problèmes aussi pendant les rapports sexuels,
02:36ça va avoir des problèmes pendant l'accouchement,
02:38et pendant les règles aussi.
02:40Il y a des femmes qui ont beaucoup de règles abondantes liées avec l'excision.
02:44Les conséquences sont énormes.
02:46Aujourd'hui, j'ai une petite fille qui a trois ans.
02:48Je ne l'en parle pas encore,
02:50mais en tout cas, c'est sa cause d'elle aussi qui détermine mon engagement,
02:54parce qu'elle ne sera jamais excisée.
02:56Je ne suis pas animée par la colère,
02:58mais je suis animée pour faire changer les mentalités.
03:00Je suis animée pour porter cette voix-là
03:02au nom de toutes les femmes qui ont poussé le même cri que moi,
03:05pour dire qu'il est temps que tout ça arrête.