GRAND DÉBAT / Loi handicap : une promesse non tenue
« Le récap » par Marco Paumier
Le 11 février 2005, Jacques Chirac promulguait la loi pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées. Cette loi comportait trois piliers principaux : un droit à la compensation (des aides financières, humaines et techniques), une accessibilité facilitée dans les espaces publics et les transports, l'inclusion et la participation pour favoriser la scolarisation des enfants et l'accès à l'emploi. En France, 12 millions de personnes sont handicapées. Selon un sondage Ifop, 86% d'entre elles rencontrent des difficultés pour se déplacer et 56% des difficultés pour se loger. Initialement, il était prévu que 100% des logements neufs soient accessibles aux personnes en situation de handicap mais la loi Elan en 2018 a réduit cet objectif à 20%. Deux décennies plus tard, quel est le bilan de la loi du 11 février 2005 ?
Invités :
- Charlotte Parmentier-Lecocq, Ministre déléguée chargée de l'autonomie et du handicap,
- Sébastien Peytavie, député « écologiste et social » de Dordogne,
- Arnaud de Broca, Président du collectif « Handicaps »,
- Cynthia Augustin, formatrice FLE en situation de handicap, Présidente de la société « Howi le Français ».
GRAND ENTRETIEN / Étienne Klein : intelligence artificielle, vers l'effacement de l'humain ?
Emmanuel Macron a profité de l'ouverture du sommet pour l'action sur l'intelligence artificielle à Paris pour annoncer un plan d'investissement dans ce domaine de 109 milliards d'euros. Il s'est aussi réjoui : « Nous avons 40 000 data scientists spécialisés dans l'IA et nous allons passer à 100 000 formés par an ». Philosophe des sciences et physicien au Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA), Étienne Klein s'intéresse tout particulièrement l'intelligence artificielle. Il s'interroge sur le devenir du travail humain face à « un régime de mise en concurrence de plus en plus explicite avec les machines ». Comment l'IA peut-elle devenir un outil éthique au service du progrès humain ?
Grand invité : Étienne Klein, physicien, directeur de recherches au CEA (Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives)
LA QUESTION QUI FÂCHE / Conseil constitutionnel : Richard Ferrand, le bon choix ?
Invités :
- Benjamin Morel, maître de conférences en droit public à l'université Panthéon-Assas,
- Erwan Balanant, député « Les démocrates » du Finistère.
Ça vous regarde, votre rendez-vous quotidien qui prend le pouls de la société : un débat, animé par Myriam Encaoua, en prise directe avec l'actualité politique, parlementaire, sociale ou économique.
Un carrefour d'opinions où ministres, députés, élus locaux, experts et personnalités de la société civile font entendre leur voix.
Abonnez-vous à la chaîne YouTube LCP - Assemblée nationale : https://bit.ly/2XGSAH5
Suivez-nous sur les réseaux !
Twitter : https://twitter.com/lcp
Facebook : https://fr-fr
« Le récap » par Marco Paumier
Le 11 février 2005, Jacques Chirac promulguait la loi pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées. Cette loi comportait trois piliers principaux : un droit à la compensation (des aides financières, humaines et techniques), une accessibilité facilitée dans les espaces publics et les transports, l'inclusion et la participation pour favoriser la scolarisation des enfants et l'accès à l'emploi. En France, 12 millions de personnes sont handicapées. Selon un sondage Ifop, 86% d'entre elles rencontrent des difficultés pour se déplacer et 56% des difficultés pour se loger. Initialement, il était prévu que 100% des logements neufs soient accessibles aux personnes en situation de handicap mais la loi Elan en 2018 a réduit cet objectif à 20%. Deux décennies plus tard, quel est le bilan de la loi du 11 février 2005 ?
Invités :
- Charlotte Parmentier-Lecocq, Ministre déléguée chargée de l'autonomie et du handicap,
- Sébastien Peytavie, député « écologiste et social » de Dordogne,
- Arnaud de Broca, Président du collectif « Handicaps »,
- Cynthia Augustin, formatrice FLE en situation de handicap, Présidente de la société « Howi le Français ».
GRAND ENTRETIEN / Étienne Klein : intelligence artificielle, vers l'effacement de l'humain ?
Emmanuel Macron a profité de l'ouverture du sommet pour l'action sur l'intelligence artificielle à Paris pour annoncer un plan d'investissement dans ce domaine de 109 milliards d'euros. Il s'est aussi réjoui : « Nous avons 40 000 data scientists spécialisés dans l'IA et nous allons passer à 100 000 formés par an ». Philosophe des sciences et physicien au Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA), Étienne Klein s'intéresse tout particulièrement l'intelligence artificielle. Il s'interroge sur le devenir du travail humain face à « un régime de mise en concurrence de plus en plus explicite avec les machines ». Comment l'IA peut-elle devenir un outil éthique au service du progrès humain ?
Grand invité : Étienne Klein, physicien, directeur de recherches au CEA (Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives)
LA QUESTION QUI FÂCHE / Conseil constitutionnel : Richard Ferrand, le bon choix ?
Invités :
- Benjamin Morel, maître de conférences en droit public à l'université Panthéon-Assas,
- Erwan Balanant, député « Les démocrates » du Finistère.
Ça vous regarde, votre rendez-vous quotidien qui prend le pouls de la société : un débat, animé par Myriam Encaoua, en prise directe avec l'actualité politique, parlementaire, sociale ou économique.
Un carrefour d'opinions où ministres, députés, élus locaux, experts et personnalités de la société civile font entendre leur voix.
Abonnez-vous à la chaîne YouTube LCP - Assemblée nationale : https://bit.ly/2XGSAH5
Suivez-nous sur les réseaux !
Twitter : https://twitter.com/lcp
Facebook : https://fr-fr
Catégorie
🗞
NewsTranscription
00:00Bonsoir et bienvenue, très heureuse de vous retrouver. Dans ça vous regarde ce soir les 20
00:11ans de la loi handicap. Dans les transports, à l'école ou au travail, la loi Chirac de 2005
00:18devait tout changer. 20 ans après, les résultats sont loin des ambitions initiales malgré des
00:24progrès. Accessibilité, logement, emploi, à quand les moyens pour l'égalité ? La ministre en
00:31charge du handicap est dans notre grand débat ce soir. L'IA va-t-elle ramollir le cerveau humain ?
00:39Notre invité fera en parler ce soir et philosophe des sciences et physicien. Il nous dira à l'heure
00:44où le sommet international sur l'IA s'achève si l'intelligence artificielle nous condamne
00:49à devenir des êtres décérébrés. Grand entretien tout à l'heure avec Étienne Klein. Enfin la
00:56question qui fâche ce soir, Richard Ferrand est-il le bon candidat pour présider le conseil
01:02constitutionnel ? C'est le choix en tous les cas d'Emmanuel Macron, très critiqué par l'opposition
01:07et certains constitutionnalistes tires croisés à la fin de cette émission avec nos chroniqueurs.
01:13Voilà pour le programme, ça vous regarde, installez-vous, c'est parti !
01:19Il y a 20 ans était promulgué l'un des textes majeurs de la Vème République, la grande loi
01:35handicap chère à Jacques Chirac qui devait garantir l'inclusion des personnes handicapées
01:39dans toute la société. Deux décennies plus tard, les grands espoirs sont en partie déçus,
01:45on est loin du compte à entendre les associations et rien qu'à l'Assemblée, il y a encore beaucoup
01:50à faire. Alors pourquoi ce bilan amer ? Bonsoir Charlotte Parmentier-Lecocq, merci d'être là,
01:57vous êtes la ministre en charge de l'autonomie du handicap. Bonsoir Sébastien Pétavy, bienvenue à
02:04vous député écologiste de Dordogne, premier député en fauteuil roulant de la Vème République. Vous
02:10vous apprêtez à être le co-rapporteur d'une mission d'évaluation de cette loi Chirac de 2005 qui va
02:16commencer ses travaux ce jeudi. Bonsoir Cynthia Augustin, grand plaisir de vous avoir parmi nous,
02:22vous avez 42 ans, vous êtes bardée de diplômes, vous êtes formatrice en français langue étrangère,
02:28le FLE, à qui vous enseignez à des anglophones et des germanophones, puisque vous parlez couramment
02:35l'anglais et l'allemand. Et cette semaine, ça a attiré notre attention, le Nouvel Observateur
02:41vous a suivi dans votre quotidien parisien et ça a donné un très beau reportage. Signez
02:46Natacha Tatu, vous souffrez d'une malformation congénitale de la moelle épinière et je suis
02:51sûre que vous avez beaucoup de choses à nous dire ce soir, à commencer à la ministre en charge du
02:57handicap. Enfin, bonsoir Arnaud De Broca, bienvenue à vous, vous présidez le collectif Handicap,
03:02au pluriel, vous aussi, n'hésitez pas à utiliser cette tribune. Avant de vous entendre, tous les
03:08quatre, merci d'être là, on plante le décor, où sont les retards et les quelques avancées ? C'est
03:15dans le récap de Marco Ponié.
03:26Et bonsoir mon cher Marco. Bonsoir Myriam. Elle a 20 ans, cette loi. Un non anniversaire,
03:32un triste non anniversaire même selon l'association APF France Handicap qui déplore que la loi de
03:382005 n'ait jamais atteint ses objectifs. Le compte n'y est pas et il suffisait d'écouter cet après-midi
03:43la séance de questions gouvernement pour le comprendre. Nous ne pouvons que constater que
03:48cette journée ne revêt nullement les couleurs de la célébration mais bien celles d'un retard
03:53affligeant dans tous les domaines. Le handicap reste un motif majeur de discrimination. Le
03:58résultat est dramatique. La précarité des personnes handicapées est une réalité. Comment
04:03ce gouvernement compte-t-il honorer enfin la promesse d'égalité républicaine et surtout
04:07avec quels moyens ? Pourtant il y a 20 ans, l'espoir était permis pour les personnes en
04:13situation de handicap avec l'adoption, après l'adoption au Parlement, d'un projet de loi
04:18pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes
04:23handicapées ont rembobiné l'histoire avec les mots de Jacques Chirac. Ce qui est en jeu aujourd'hui
04:29c'est de faire du handicap qui est une réalité de la vie, une réalité pleinement reconnue par
04:39la société. L'ancien président avait un souhait, promouvoir une société plus inclusive avec trois
04:46piliers. Dans cette loi d'abord un droit à la compensation, autrement dit les aides financières
04:51humaines et techniques. Deuxième pilier, l'accessibilité dans les espaces publics mais
04:56aussi les transports. Troisième volet, l'inclusion et la participation pour faciliter la scolarisation
05:02des enfants handicapés et l'emploi. Et pourtant la France accuse un retard important. Oui aujourd'hui
05:09il y a 12 millions de personnes handicapées dans notre pays qui se considèrent parfois comme des
05:15citoyens de seconde zone, des discriminations qui perdurent avec un taux de chômage regardé deux
05:21fois plus élevé pour les travailleurs handicapés avec des parcours de combattants aussi en ville.
05:27Sur les deux millions d'établissements recevant du public, 900 000 n'ont toujours pas engagé une
05:33démarche d'accessibilité. Point noir, les commerces de proximité, les bars ou encore les restaurants.
05:38Autre point noir, le logement. Dans la loi de 2005, l'objectif c'était 100% d'accessibilité
05:45pour l'habitat neuf, seuil abaissé, à 20% en 2018. Quant à l'école, le bilan est un peu plus positif.
05:52Aujourd'hui nous avons 520 000 enfants qui sont scolarisés. On a augmenté par 4 le nombre
06:00d'enfants scolarisés. Il reste 80 000 enfants qui ne sont pas scolarisés, madame la ministre.
06:0680 000 enfants c'est beaucoup. Je suis d'accord avec vous mais on a multiplié par 4, il faut quand même le regarder.
06:11Bref Myriam, on est tous d'accord, les personnes handicapées ont tous un petit truc en plus.
06:16Mais pour l'égalité des droits et des chances, il faudrait faire beaucoup plus. Je vous laisse en débattre.
06:21Merci beaucoup Marco Pomier. Alors avant d'en venir aux statistiques, aux chiffres et au bilan,
06:26moi je vais me tourner vers vous Cynthia Augustin parce que ce reportage m'a permis de comprendre
06:31qu'en fait le regard ne changeait pas en France. On a cru avoir un grand élan avec les Paralympiques.
06:38Vous racontez à ma consœur du Nouvel Obs une série de vexations quotidiennes, dans le bus, au restaurant,
06:46en permanence avec votre sœur, on s'adresse à elle alors que vous êtes là. Racontez-nous.
06:53En fait c'est des situations que je vis quasiment quotidiennement, en tout cas très fréquemment.
06:59C'est-à-dire que dès que je sors de chez moi, moi qui ai la chance de pouvoir sortir de chez moi,
07:04ce qui n'est pas le cas de tout le monde, je me considère un peu en milieu hostile et j'estime que c'est déjà un acte de militantisme.
07:11Hostile ?
07:12Oui hostile, parce que les trottoirs ne sont pas accueillants, parce que les transports en commun,
07:17quand bien même ils seraient accessibles, le chauffeur de bus ne va pas forcément sortir la rampe
07:22même si j'appuie sur le bouton. Je suis obligée de parler fort, de lui demander de le faire et il finit par le faire,
07:29mais par insistance et parce que je l'ai demandé.
07:31Le chauffeur de taxi qui refuse de vous prendre alors que vous êtes autonome pour aller sur la banquette arrière.
07:36Oui, je fais les transferts toute seule, mon fauteuil est petit, il fait le poids d'une valise de peut-être 10 kilos.
07:41Les chauffeurs VTC qui de plus en plus passent devant moi et annulent la course
07:45ou me disent très clairement qu'ils ne sont pas censés prendre des gens comme moi
07:50parce qu'ils sont responsables de moi, donc je dois leur rappeler que je suis d'abord responsable de moi
07:54avant qu'ils le soient eux-mêmes et après qu'ils me sortent un laïus pendant tout le trajet
08:00comme quoi il y a des personnes comme moi, parce que les gens comme vous, bien évidemment, nous sommes un groupe unique et identique.
08:05Les gens comme vous, parfois apparaissent des VTC, mais ne devraient pas le faire, donc je ne sais pas vraiment de qui ils parlent.
08:11Ce comme vous, il est insupportable, il vous a rongé, vous le racontez dans le reportage.
08:16Aujourd'hui, vous ne laissez plus rien passer. Comment on arrive à ne plus les voir, ces regards-là ?
08:23Ces regards-là, on arrive à ne plus les voir lorsqu'on se rend compte que finalement ce n'est pas à nous,
08:28en tout cas ce n'est pas à moi de dépasser mon handicap, mais c'est à dépasser le regard de l'autre.
08:33Cette injonction systématique de devoir dépasser son handicap, faire preuve d'autodérision pour pouvoir mettre l'autre à l'aise,
08:41je ne me sens pas concernée parce que je fais partie de la société, je suis humaine, je suis une concitoyenne
08:48et le handicap n'est pas réservé à une partie de la société qui l'a choisi.
08:53Vous avez beaucoup voyagé, c'est différent ailleurs ?
08:56Oui, c'est différent ailleurs, mais je voudrais préciser une chose.
09:00Allez-y, je vous en prie.
09:01Je voulais dire que le handicap, il peut toucher n'importe qui, n'importe quand.
09:04Tout le monde est potentiellement, ou sera peut-être potentiellement demain en situation de handicap
09:09par la vieillesse, l'accident, la maladie, c'est juste la vie.
09:13Donc voilà, une personne qui a ses lunettes, qui a des lunettes, par exemple, on ne lui demande pas
09:17d'avoir pour injonction de vie, de dépasser ce problème de vue et de voir sans lunettes,
09:22contrairement aux personnes en situation de handicap à qui on dit systématiquement
09:25qu'on doit dépasser notre handicap pour avoir pour objectif de vie de devenir valide.
09:30Vous parlez même d'une forme d'injonction à l'auto-dérision,
09:33comme si on vous demandait, au fond, à la société d'en plaisanter, ce handicap.
09:38On nous demande d'en plaisanter, par exemple, il faut, par exemple, au cinéma,
09:42moi je trouve que, j'ai vu le film d'Artus, j'ai trouvé bien, j'ai trouvé drôle,
09:47mais je trouve qu'il manque d'autres films, de films avec des personnes en situation de handicap
09:51dont le handicap n'est pas forcément le sujet, et des films dramatiques,
09:54des films comiques, voilà, il faut de tout, et c'est important,
09:58au même titre que les films pour les personnes dites valides,
10:00il faut de tout pour que, justement, ce ne soit plus un sujet.
10:03Et tant qu'on sera stigmatisé comme ça, à devoir faire preuve d'auto-dérision,
10:07et que si on ne rigole pas pour mettre l'autre à l'aise, celui qui n'est pas à notre place à l'aise,
10:12ça présuppose qu'on a un problème avec notre handicap, alors que pas forcément,
10:15on peut ne pas avoir le sens de l'humour, tout simplement.
10:19Cinthia raconte très bien dans ce reportage aussi que ce n'est pas pareil partout,
10:22notamment en Allemagne, à Francfort, où vous êtes allée, ou même à Londres ou à New York.
10:26Le regard de la France, notre regard n'a pas l'air d'évoluer.
10:32Comment on change ça ? Est-ce qu'une loi peut changer une société,
10:35le regard qu'elle porte sur la différence ?
10:39Une loi, ça ne suffit pas.
10:40Peut-être d'abord dire que le témoignage que fait Cynthia Augustin,
10:45c'est un témoignage que j'ai déjà entendu plusieurs fois,
10:48et quand on entend une maman de petite taille vous expliquer
10:52qu'elle ne veut pas aller à l'école chercher son enfant
10:54parce qu'elle a peur de le mettre mal à l'aise,
10:57quand on voit un étudiant à qui on explique qu'il faut qu'il passe par le local poubelle
11:01pour se rendre en amphi, une personne aveugle à qui on dit que son chien,
11:05ça ne va pas être possible dans le taxi, c'est juste inacceptable.
11:09C'est vraiment inacceptable.
11:10Moi, je n'accepte pas du tout ces situations.
11:12Et c'est de la discrimination, en fait.
11:15Donc, dans la loi, c'est déjà interdit.
11:17Peut-être qu'il faut qu'on renforce et qu'on durcisse la loi.
11:20On va en parler.
11:21Après, il y a aussi les questions d'application de cette loi.
11:24Il faut qu'on trouve les moyens de pouvoir sanctionner véritablement
11:28ce type de comportement.
11:29Il y a des voies qui existent.
11:31Sur une échelle de 1 à 10, madame la ministre,
11:33vous situez l'application de cette loi d'il y a 20 ans, de 2005.
11:37Est-ce que vous pourriez parler d'échec relatif ?
11:40Oui, c'est une bonne approche.
11:42Moi, je dirais 5.
11:44Donc, pas mieux faire.
11:44Si vous voulez m'appuyer un peu sur ce que j'entends...
11:46À peine la moyenne.
11:47Sur les travaux qu'ont rendu, par exemple, le collectif Handicap,
11:52les travaux que sont en train de présenter les membres du CNCH,
11:56et puis, je pense, les travaux qui sont à venir à l'Assemblée nationale,
11:58que porte Sébastien Pétavy avec Christine Hanabourg,
12:02les travaux qui sont au Sénat, qui ont été présentés cet après-midi,
12:05les travaux du CEDEU, enfin, on a énormément de matériaux.
12:09Globalement, ce qu'on constate, c'est ça.
12:11C'est-à-dire qu'il y avait une ambition très, très forte en 2005
12:15et qu'aujourd'hui, moi, ma perception, c'est qu'on est au milieu du guet.
12:18Donc, on a avancé.
12:19Il y a des choses qui ont vraiment avancé, je crois.
12:21On va évenir l'école, notamment.
12:23Une approche qui est... Voilà.
12:25Mais on a encore du chemin à faire.
12:27Et ce chemin, c'est pas qu'une loi,
12:29mais c'est aussi, chacun, on doit avoir une prise de conscience.
12:32L'Etat doit prendre sa part, le gouvernement doit prendre sa part,
12:34mais après, c'est toute la société qui doit se bouger.
12:37Alors, on va entrer dans le détail.
12:38Sébastien Pétavy, c'est quand même intéressant d'avoir votre regard,
12:41parce qu'il a fallu attendre presque 20 ans
12:43pour avoir le premier élu à l'Assemblée nationale.
12:47Donc, c'est pas rien, mais c'est long.
12:50Qu'est-ce que ça dit de notre société ?
12:52Et comment, vous, vous évaluez, avant d'avoir commencé vos travaux,
12:55cette grande loi ?
12:59Vous posez la question de quelle note, finalement.
13:02Et effectivement, c'est intéressant,
13:04mais je ne suis pas sûr que l'on puisse donner une note globale.
13:07Parce que dans ce qu'évoquait Cindy, en fait, il n'y a pas un handicap.
13:11Et même si on nous prend tous les deux dans une situation en fauteuil roulant,
13:16en fait, on n'a pas la même manière de l'utiliser,
13:19et pas le même quotidien.
13:21Donc, en fait, déjà, là, on n'aurait certainement pas la même perception.
13:25Moi, j'ai la chance, quand je commande un taxi,
13:29j'ai l'abonnement avec l'Assemblée.
13:31Et puis, je ne précise pas que je suis en fauteuil.
13:33Donc, effectivement, quand un taxi arrive,
13:36ils ne viennent pas me dire qu'ils ne vont pas me prendre.
13:38Ca change beaucoup de choses, pour le coup.
13:41Mais on voit bien que sur la question de l'emploi,
13:44si on prend la question des personnes en fauteuil roulant,
13:47les notes sont peut-être assez bonnes.
13:49Si on prend la question des personnes malvoyantes,
13:52c'est beaucoup moins bon.
13:53Et comme ça, on peut regarder, selon le type de handicap,
13:58on a des choses qui sont très, très différentes.
14:00Il y a la question du coût...
14:01Il y a du handicap dans le handicap.
14:03Oui, il y a du handicap dans le handicap.
14:04Et après, il y a cette question du coût.
14:08On vient nous renvoyer cette question-là.
14:10Et je crois qu'aujourd'hui, il y a quelque chose
14:12qui est juste intolérable.
14:14Quand on se retrouve, par exemple, à assister à un conseil municipal
14:17et qu'on nous dit que ces travaux-là ne vont pas être engagés
14:20parce qu'ils coûtent.
14:23Mais il faut que l'on arrive à prendre la mesure, du coup,
14:25aujourd'hui, du non-respect des droits de l'homme.
14:28Parce que c'est de ça dont il est question.
14:30Et c'est vrai qu'on parle de la question du regard.
14:32Moi, j'en ai absolument marre d'entendre cette question du regard.
14:36La seule question, c'est le respect des droits.
14:39Et on doit respecter nos droits.
14:40Et si le chauffeur de taxi respecte ce qu'il en est
14:44et ce qu'il doit faire, si le chauffeur de taxi
14:47arrête d'être allergique aux poils de chien
14:49et permet de pouvoir prendre quelqu'un de malvoyant
14:52avec son chien, par exemple,
14:55il y a plein de choses comme ça qui doivent se faire.
14:57Dans ce que vous nous dites, on a le sentiment peut-être
14:59qu'il faut être un peu plus contraignant.
15:02Avant d'entrer dans les chapitres, on va parler du logement,
15:04qui reste vraiment un des points noirs.
15:06Est-ce qu'il faut sanctionner, contrôler,
15:09que ce soit d'ailleurs les espaces au public, les restaurants,
15:13on peut lire sur un site Internet qu'il y a des toilettes,
15:16par exemple, et puis il n'y en a pas, les commerces,
15:19il y a toute une série de choses qu'on pourrait davantage contrôler.
15:23Est-ce que vous êtes pour plus de contraintes ?
15:25L'application de la loi.
15:27En 2005, on était donné 10 ans pour pouvoir tout mettre accessible.
15:32À partir de 2013-2014, voyant que ça allait être un peu compliqué,
15:37il y a eu tous les délais.
15:39On est arrivé à la fin des délais aujourd'hui.
15:41Ça n'a pas été fait.
15:42Il y a de l'argent qui a été mis pour aider les commerces
15:45à être mis en accessibilité, mais quand je vois le préfet
15:48chargé du handicap en Dordogne me dire qu'on n'a aucune demande,
15:53il n'y a aucun commerçant qui font les demandes.
15:56Quand j'ai eu l'occasion de faire un reportage avec Sud-Ouest à Sarlat
16:01et un commerce parce qu'il y avait une marge de 4 cm,
16:04la dame m'a dit qu'elle avait eu une dérogation,
16:06comme c'est dans un vieux bâtiment,
16:08et donc elle ne se pose même pas la question
16:10de si elle peut mettre une sonnette pour qu'on puisse emmener la rampe,
16:13si on peut le rendre accessible à tous les autres handicaps.
16:16On se retrouve aujourd'hui avec les dérogations sèches.
16:19Ce qui est insupportable quand un bâtiment est classé
16:22comme celui de l'Assemblée,
16:24la question de, finalement, le patrimoine,
16:27l'emporte toujours sur l'égalité et le respect des droits.
16:31Tant qu'on ne va pas inverser cette question-là,
16:33on n'avancera pas.
16:34Parce que le patrimoine, on n'y touche pas, c'est ça, l'idée.
16:37C'est ça, c'est le plus important.
16:38Très bien, bien compris.
16:39On va parler de l'accessibilité pour commencer.
16:41On a commencé à le faire.
16:42Arnaud Broca, est-ce qu'on peut essayer d'évaluer les choses ?
16:46Pas toujours évident, d'ailleurs,
16:48la transparence sur les chiffres, les statistiques.
16:50J'entendais Claire Hédon, la défenseure des droits aujourd'hui,
16:53dire qu'il fallait aller vers plus de données transparentes
16:56pour évaluer.
16:58C'est la galère, toujours,
16:59pour une personne en situation de handicap,
17:01pour aller au restaurant, pour se déplacer,
17:03ou alors que, quand même, pour les grands lieux,
17:06je pense, au cinéma, au musée, on a fait des progrès ?
17:10Alors, on a certainement fait des progrès.
17:12Je ne vais pas dire qu'en 20 ans, on n'a fait aucun progrès.
17:15Par contre, les progrès sont évidemment insuffisants.
17:18Sinon, on ne serait pas là pour en débattre.
17:20On sait que sur l'accessibilité,
17:23alors des établissements recevant du public,
17:24donc les commerces, les cinémas que vous citiez,
17:28les restaurants, on est à peu près à la moitié
17:30de la mise en accessibilité de ces établissements.
17:34Les transports ?
17:36Alors, les transports, c'est encore plus compliqué,
17:38parce que sur les transports,
17:39la question de la chaîne de déplacement aussi,
17:41ce n'est pas parce qu'on a une rame de TGV accessible
17:44pour un fauteuil, déjà, on ne peut pas voyager à plusieurs,
17:46enfin, ou parfois si, mais enfin, pas vraiment en grand nombre.
17:51Seulement les arrêts prioritaires sont soumis aux obligations légales.
17:55Alors, les arrêts prioritaires, mais à ce jour,
17:57il n'y en a que la moitié, un peu moins,
17:59qui sont même accessibles dans les arrêts prioritaires des cars.
18:02Donc, on est quand même très loin des objectifs.
18:05Et puis, au-delà des pourcentages, même quand on dit que c'est accessible,
18:09après, il faut aussi vérifier, parce qu'on connaît notamment les hôtels,
18:14mais même les restaurants.
18:14Un restaurant peut dire que c'est accessible,
18:16et en fait, quand on s'y présente, on voit bien que ça ne l'est pas.
18:20Et accessible, enfin, je pense que c'est important de le souligner aussi,
18:24la loi de 2005 était là-dessus très claire.
18:26L'accessibilité, c'est tout type d'handicap.
18:29Et donc, c'est aussi les rampes, l'accessibilité pour les fauteuils roulants,
18:34mais c'est aussi pour les personnes aveugles,
18:37les personnes avec un handicap mental.
18:38Donc, ça pose des questions aussi de formation, de sensibilisation, etc.
18:42Donc, non, les chiffres sont mauvais.
18:47Ça a été rappelé, il y avait...
18:485 sur 10, vous êtes d'accord, à peu près ?
18:51C'est compliqué pour les tas de raisons évoquées.
18:54Moi, je dirais moins, mais après, ça dépend des sujets,
18:57ça dépend des handicaps, ça dépend de tas de choses.
19:02Ce qui est sûr, c'est que, de toute manière,
19:05on n'a pas, et dans aucun domaine, respecté les promesses de la loi.
19:11Alors, c'est particulièrement vrai sur la question de l'accessibilité.
19:15Et l'accessibilité est quand même l'aspect qui structure une vie d'une personne.
19:22Si on peut pas aller voir ses amis, si on peut pas aller dans un commerce,
19:24si on peut pas se loger, aller travailler aussi, si on peut pas...
19:28Donc, on voit bien que si on ne fait pas l'accessibilité,
19:31c'est des personnes qui sont sacrifiées.
19:34Et j'insiste là-dessus, c'est-à-dire qu'il y avait la loi de 75,
19:37là, en fait, la loi de 2005.
19:39Donc, les questions d'accessibilité, elles remontent, d'un point de vue légal.
19:43Et on n'y est toujours pas.
19:45Et pour répondre à la question que vous m'avez pas posée,
19:47mais que vous avez posée...
19:48Je vous en prie, répondez-y.
19:50Nous sommes, clairement, pour se dire qu'à un moment donné,
19:53il faut passer à des sanctions.
19:55Elles existent, d'ailleurs, dans la loi.
19:57Donc, on sanctionne les employeurs, on sanctionne les entreprises.
20:01Oui, les employeurs, c'est encore un autre sujet,
20:02mais je pense qu'à tous les établissements recevant du public,
20:05il faut en sanctionner.
20:07On peut pas se dire...
20:09Et je pense que c'est d'ailleurs un des problèmes de cette loi.
20:11C'est-à-dire que tout le monde dit que c'est une grande loi,
20:13et tout le monde dit qu'elle n'est pas appliquée.
20:15Elle fonctionne par objectif.
20:15On dit que c'est quasiment normal.
20:16Finalement, on va bien attendre.
20:18Ça va se faire progressivement, on va attendre des décennies.
20:20Pendant ce temps, c'est des gens derrière
20:22qui peuvent pas sortir, qui peuvent pas vivre.
20:24Bien sûr. Je vais vous demander vraiment de répondre
20:26à toutes ces questions d'accessibilité,
20:28madame la ministre, mais Cynthia, peut-être,
20:30Cynthia Augustin, j'ai lu toujours dans ce reportage
20:32que rien ne vous exaspérait plus
20:34qu'on vous dise, mais tu n'as qu'à suivre
20:36ce film depuis chez toi,
20:38ou que cette conférence en Zoom,
20:40ça, c'est quelque chose
20:42qui a pris de plus en plus de place
20:44dans le quotidien de chacun d'entre nous,
20:46mais qui pousse, vous,
20:48les personnes en situation de handicap
20:50à ne pas sortir de chez vous.
20:52Il y a deux choses, c'est que
20:54certaines conférences, par exemple, moi je vais
20:56dans des conférences, dans des séminaires,
20:58j'étais dans une conférence il y a quelques mois ici,
21:00où il y a eu un problème d'accessibilité,
21:02donc ça s'est pas très bien passé,
21:04mais j'ai quand même pu assister à la conférence,
21:06et ça crée une discrimination
21:08aussi intellectuelle et culturelle.
21:10Ça veut dire que qui a le droit ou pas
21:12d'avoir accès à la connaissance, au loisir,
21:14et à des choses agréables,
21:16à la rencontre aussi vers l'autre,
21:18voilà, celui qui est différent de soi,
21:20ça crée des choses comme ça.
21:22Et en effet, il y a des conférences,
21:24mais c'est pas le cas systématiquement non plus,
21:26qui sont transmises
21:28sur Zoom ou Skype
21:30ou en ligne, mais ce n'est pas du tout
21:32la même chose que le fait d'être sur place.
21:34Donc c'est une facilité, une déviation
21:36que je trouve inadmissible.
21:38Charlotte Parmentier-Lecoq, sur les transports
21:40et sur l'accessibilité au sens plus large,
21:42les bars, les restaurants,
21:44les commerces,
21:46qu'est-ce que vous allez faire ?
21:48Est-ce que la sanction, la contrainte,
21:50est la solution ?
21:52Clairement, moi, je suis ouverte à ce qu'on étudie la question,
21:54parce que j'entends très bien
21:56que quand ça fait 50 ans,
21:5820 ans pour la loi 2005,
22:00qu'on a mis 10 ans de dérogation,
22:02redix ans de dérogation,
22:04il y a un moment, il faut trouver les moyens
22:06pour que les choses avancent.
22:08Donc ça fait partie des choses qu'on va vraiment
22:10étudier, c'est dans les propositions
22:12et dans les différents bilans dont je parlais tout à l'heure.
22:14Après, moi, je crois que
22:16d'abord, c'est vraiment une question
22:18de volonté et de détermination.
22:20Quand on veut faire les choses, on y parvient.
22:22Et souvent, sur les questions d'accessibilité,
22:24on commence toujours par dire
22:26que ça va être trop cher, c'est trop faramineux, etc.
22:28Oui, il y a des coûts de transformation
22:30qui sont très élevés, mais quand on pense
22:32déjà à l'accessibilité en amont,
22:34vraiment dès le départ d'une rénovation
22:36ou d'une construction, ça réduit
22:38bien évidemment l'impact, tout le coup,
22:40de revenir en arrière et de rattraper
22:42un peu les choses. Et puis après,
22:44cette volonté, elle est aussi nécessaire
22:46pour pouvoir faire avancer
22:48les choses. On voit bien, ça a été rappelé
22:50par Sébastien Pétavy,
22:52on met parfois des budgets qui ne sont pas
22:54utilisés. Donc ça veut dire
22:56que ce n'est pas qu'une question financière.
22:58Quel budget ? Parce qu'on cherche l'argent
23:00en ce moment avec les déficits.
23:02Oui, mais par exemple, typiquement, sur ce fonds
23:04dont parlait Sébastien Pétavy, c'est 300 millions d'euros,
23:06pas 3 millions d'euros qui ont été
23:08utilisés. Donc ça veut dire qu'il faut
23:10qu'on s'interroge sur l'efficacité
23:12de la gouvernance.
23:14Est-ce qu'on connaît ? Est-ce qu'on se dit
23:16que c'est faisable ou pas faisable ?
23:18Est-ce qu'on a envie de le faire ? Pourquoi est-ce qu'on n'a pas envie de le faire ?
23:20Est-ce que c'est parce qu'on n'a pas de sanctions ?
23:22Ou est-ce qu'on ne voit pas l'intérêt ?
23:24Et donc il faut, là aussi, prendre le taureau
23:26par les cornes. Si on ne voit pas l'intérêt
23:28de se rendre accessible à tous
23:30et de considérer tous les citoyens
23:32de façon égale, c'est un vrai
23:34problème de société. Alors je retiens
23:36plus de contraintes. Pourquoi pas
23:38de la sanction ? On verra si ça fait objet d'une loi.
23:40Et peut-être plus d'incitation aussi
23:42aux employeurs en amont.
23:44Il y a beaucoup de solutions.
23:46Je veux vraiment juste insister là-dessus
23:48parce que moi je me rends compte
23:50qu'il y a plein d'initiatives,
23:52plein de solutions, d'innovations
23:54qui existent, parce que des gens
23:56de bonne volonté ont eu
23:58envie de dépasser
24:00les obstacles et de faire
24:02ces réalisations, mais c'est pas toujours
24:04très connu des uns ou des autres.
24:06Donc il y a aussi à embarquer
24:08tout le monde autour de ces solutions.
24:10On avance, parce qu'il y a beaucoup de sujets.
24:12A l'heure du bilan, aborder
24:14la question du logement à présent,
24:16ou plutôt du mal-logement des personnes
24:18handicapées, c'est le point noir de la mise en oeuvre
24:20de cette loi de 2005. Illustration.
24:22Avec ce reportage de Marion Becker,
24:24elle a suivi pour LCP la députée Alma Dufour
24:26pour le magazine Circo.
24:28Et ce jour-là, elle rencontrait
24:30Eric. Regardez.
24:34...
24:36Ce jour-là,
24:38Alma Dufour vient rencontrer Eric.
24:40Il est handicapé à 80%,
24:42à la suite d'un accident
24:44de la route.
24:46Vous allez bien ?
24:48Ça fait plaisir de vous rencontrer.
24:50Merci de même.
24:52Il veut alerter la députée sur son logement.
24:54Alors déjà,
24:56essayez de lever ça.
24:58Ouais, c'est chaud.
25:00Après, vous êtes comme ça.
25:02Et si vous allez trop loin,
25:04la marche.
25:06Et c'est ça qui m'attend.
25:08Ça, c'est du direct.
25:10Et ma douche, je crois que c'est le bouquet final.
25:12Faites-moi voir comment vous faites pour prendre une douche,
25:14franchement, là-dedans.
25:16Là, c'est soi-disant mon siège de secours.
25:18C'est de la merde.
25:20Et le fauteuil, il passe pas, là ?
25:22Et la margelle, comment je fais ?
25:24Le baillard social a bien fait quelques aménagements,
25:26mais rien n'est adapté
25:28à la situation d'Eric.
25:30Je suis prisonnier de mon canapé
25:32et puis de ce truc-là.
25:34Le soir, il faut que je me débrouille comme ça,
25:36à tirer comme ça, à développer ce truc-là pour allonger.
25:38Après, préparer mon lit.
25:40Ah, parce que vous dormez là ?
25:42Ouais, parce que j'ai ce truc qui s'allonge,
25:44et puis ça fait un lit complet.
25:46D'accord, parce qu'il n'y a pas de chambre ?
25:48J'ai pas de chambre.
25:50Et moi, normalement, je devrais avoir une chambre.
25:52C'est vrai qu'ils m'ont avoué qu'ils me mettraient
25:54de toute façon jamais en PMR parce qu'ils sont trop vieux.
25:56Ils refusent de le mettre au normal, quoi.
25:58Quand j'ai passé le soir à mon dossier,
26:00jamais j'ai repris ce logement.
26:02Je me suis retrouvé prisonnier de leurs promesses
26:04qu'ils n'ont jamais tenues.
26:06Selon la Fondation pour le Logement
26:08des Défavorisés,
26:10seulement 18 % des logements sociaux
26:12seraient accessibles aux personnes
26:14en situation de handicap.
26:18Sébastien Pétavy, je vous ai vu très attentif.
26:20Les bailleurs sociaux n'ont pas
26:22les mains liées par cette loi, normalement ?
26:24Déjà,
26:26quand on construit
26:28un logement accessible,
26:30il y a un cahier des charges.
26:32Mais pour les architectes
26:34et tous les entrepreneurs,
26:36ils ne comprennent pas
26:38ce cahier des charges.
26:40Quand on a, par exemple,
26:42un seuil de porte jusqu'à 2 cm,
26:44ils mettent 2 cm.
26:46Sauf que 2 cm pour un fauteuil, pour nos roues,
26:48c'est un obstacle.
26:50Et on peut ne pas rentrer ou sortir de son logement.
26:52Il y a beaucoup de choses.
26:54Il y a une très grande histoire au niveau de la formation
26:56et de la manière dont on arrive à comprendre.
26:58Ce que vous nous décrivez, c'est un peu kafkaïen.
27:00Il y a des obligations,
27:02elles sont mal remplies,
27:04ça devient complètement inefficace et contre-productif.
27:06Il y a, par exemple,
27:08la question d'un interrupteur,
27:10qui peut être entre 1,10 m et 1,40 m.
27:12Mais quand on est tétraplégique,
27:14on n'a pas la force
27:16pour arriver à allumer ou éteindre son interrupteur.
27:18Il y a des choses comme ça qui posent problème.
27:20Mais sur le 9,
27:22normalement, la loi de 2005,
27:24elle doit obligatoirement
27:26rendre le logement
27:28adapté, accessible.
27:30Sur l'ancien, est-ce qu'il faudrait faire la même chose ?
27:32Et où est-ce qu'on en est ?
27:34La loi de 2005, mais pas la loi de 2018.
27:36Oui, alors expliquez-nous.
27:38La loi de 2018 est revenue.
27:40Ce que vous disiez en introduction,
27:42c'est que la loi de 2018,
27:44dite loi Élan, a réduit
27:46à 20 % le nombre de logements
27:48accessibles. Les autres devront être
27:50adaptables. Une notion un peu...
27:52Trop floue.
27:54Qui nécessite quand même des coûts
27:56substantiels pour rendre
27:58le logement accessible.
28:00De toute manière, la loi de 2005,
28:02et encore plus la loi de 2018, ne concerne que
28:04le logement neuf.
28:06C'est une des grandes difficultés.
28:08C'est encore trop lent dans le neuf.
28:10Dans le neuf, c'est trop lent,
28:12puisqu'on est passé à 20 %, et dans l'existant,
28:14c'est pas fait.
28:16Il y a un tas de questions de formation
28:18des architectes,
28:20des professions du bâtiment.
28:22Ça pose des questions aussi
28:24de relations avec les copropriétés.
28:26Quand on veut faire aménager
28:28son logement, l'entrée,
28:30si les copropriétés sont
28:32contre, ça pose des tas de questions.
28:34Il y a énormément de questions sur le logement
28:36qui ne sont évidemment
28:38pas réglées.
28:40Madame la ministre, sur le logement.
28:42Il y a encore beaucoup de situations
28:44qui sont très compliquées et qui ne sont pas réglées.
28:46Il y a des dispositifs,
28:48comme par exemple MaPrimeAdapt,
28:50qui sont des dispositifs d'appui financier
28:52pour venir faire les aménagements qui sont prévus.
28:54Mais de façon globale,
28:56l'accès au logement est très compliqué
28:58pour les Français aujourd'hui.
29:00Il n'y a pas suffisamment d'offres de logements
29:02et d'offres de logements sociales,
29:04et donc à plus fort titre pour les personnes
29:06en situation de handicap.
29:08Qu'est-ce qu'on fait ? Vous êtes aux manettes.
29:10Ce qu'on fait, ce qui est lancé,
29:12c'est une mission d'évaluation de cette fameuse loi Elan
29:14pour voir ce qu'elle produit,
29:16puisque dans l'esprit, il y avait ces 20 %
29:18de logements directement accessibles
29:20et ensuite 80 %
29:22qui devaient être adaptables.
29:24Le but, c'est de regarder maintenant
29:26est-ce que le adaptable est vraiment adaptable ?
29:28On est encore sur la question des contraintes
29:30et des moyens de faire appliquer le texte.
29:32C'est d'évaluer ça,
29:34et à partir de cette évaluation,
29:36de voir comment est-ce qu'on corrige le tir.
29:38Un mot, Cynthia Augustin,
29:40sur les logements. Ensuite, je voudrais
29:42vous interroger sur l'emploi.
29:44Toujours dans ce reportage,
29:46les ascenseurs, c'est quelque chose.
29:48Racontez-nous.
29:50Il y a deux ans, mon bailleur social a décidé
29:52de refaire les ascenseurs, notamment celui de mon immeuble.
29:54J'habite au cinquième étage.
29:56Avant d'être en fauteuil roulant,
29:58bien que je sois née handicapée,
30:00j'étais avec des béquilles.
30:02Les lois n'existaient pas,
30:04donc j'habite au cinquième étage.
30:06Mon bailleur social a bloqué l'ascenseur
30:08pendant minimum 15 semaines
30:10et a chargé une entreprise
30:12de débarrassage de déchets
30:14et non une entreprise d'aide à la personne
30:16spécialisée, homologuée,
30:18pour aider les personnes
30:20en situation de handicap,
30:22en fauteuil roulant,
30:24qui ont des difficultés à marcher,
30:26dans les escaliers. Cette entreprise
30:28n'est pas homologuée,
30:30n'est pas habilitée à le faire,
30:32mais est censée débarrasser des gros déchets.
30:34Déjà, on voit la simulation
30:36qui est quand même très désagréable.
30:38Finalement,
30:40s'il arrivait ce qu'il devait arriver,
30:42ils m'ont fait tomber dans les escaliers.
30:44Je suis actuellement en procédure
30:46contre cette entreprise et mon bailleur
30:48parce que, apparemment, c'est moi
30:50qui dois avoir un problème de ne pas trouver ça correct.
30:52On aimerait rester plus longtemps
30:54et on vous souhaite que cette procédure
30:56aboutisse en votre faveur.
30:58Je voudrais qu'on parle de l'emploi.
31:00Sébastien Pétavy,
31:0239 % de taux d'emploi
31:04et 68 % en population générale,
31:06ça reste très discriminant
31:08en France d'avoir un handicap
31:10pour trouver un travail.
31:12Qu'est-ce qui est fait et qu'est-ce qu'on peut faire ?
31:14Vous savez, on avait l'année dernière
31:16un texte sur l'emploi
31:18et sur France Travail
31:20et on pouvait repérer les freins
31:22à l'accès à l'emploi. Dans les freins
31:24à l'accès à l'emploi, il y a le logement,
31:26il y a le transport,
31:28il y a la santé. Donc, si nous n'avons pas,
31:30et là, on a pu le voir dans tous les sujets
31:32que l'on a évoqués, si déjà,
31:34on ne peut pas aller sur son lieu de travail,
31:36si on ne peut pas être logé à proximité,
31:38forcément, ça vient compliquer les choses.
31:40Il y avait une obligation légale
31:42pour les entreprises de plus de 20 salariés,
31:44c'était d'employer au moins 6 %
31:46de personnes handicapées.
31:48On est dans le privé à 3,5 %
31:50et dans le public à 5,6 %.
31:52Donc, on n'y est pas.
31:54On n'y est toujours pas, madame la ministre.
31:56On est dans des objectifs légaux
31:58qui ne sont pas atteints. Donc, on se pose
32:00toujours la même question. Faut-il sanctionner
32:02les chefs d'entreprise, les entreprises
32:04elles-mêmes et de combien, précisément ?
32:06Oui, clairement. De toute façon,
32:08ces sanctions-là sont effectivement
32:10appliquées et, par ailleurs,
32:12c'est aussi
32:14des moyens
32:16d'accompagnement des personnes
32:18en situation de handicap
32:20qui ont permis, je dirais,
32:22qu'on commence à avancer sur ce sujet.
32:24Depuis 2017,
32:26vraiment, on voit reculer le chômage
32:28des personnes en situation de handicap.
32:30Donc, il y a une dynamique qui est lancée.
32:32On a l'impression que les entreprises préfèrent payer des amendes.
32:34Alors, ça peut être clairement
32:36le cas de, parfois, certains employeurs
32:38qui, pour eux,
32:40ont l'impression d'être devant une montagne
32:42ou une grande complexité.
32:44Il y a aussi des employeurs qui, de bonne foi,
32:46nous expliquent qu'ils ne savent pas du tout
32:48comment s'y prendre et c'est à nous
32:50d'apporter des ressources, une organisation
32:52plus fine, plus adaptée.
32:54C'est ce qu'on est en train de faire.
32:56C'est ce qu'on a fait avec les cap-emploi,
32:58des teams handicap au sein de ces structures
33:00qui viennent vraiment beaucoup plus
33:02dans l'aller vers les entreprises
33:04et qui accompagnent mieux
33:06l'employeur
33:08dans son recrutement.
33:10Mais il y a encore aussi beaucoup de choses à faire.
33:12L'emploi accompagné, par exemple,
33:14est un très bon outil
33:16pour permettre vraiment de trouver toutes les solutions
33:18qu'il peut y avoir de blocage au fur et à mesure
33:20pour la personne.
33:22On a les fonds
33:24pour pouvoir accompagner 30 000 postes,
33:26on n'en accompagne que 10 000.
33:28Pourquoi ? On s'est rendu compte.
33:30Là encore, il y a un problème
33:32d'efficacité
33:34d'emploi de l'argent.
33:36Très rapidement, parce que le temps file,
33:38Sébastien Pétavier, Arnaud Broca,
33:40sur ces questions d'emploi.
33:42Sur la question du nombre de personnes
33:44en situation de handicap qui cherchent un emploi,
33:46là, on s'améliore, mais le nombre de personnes
33:48qui sont en travail et qui se retrouvent
33:50soudainement en situation de handicap,
33:52la plupart du temps, se retrouvent en invalidité
33:54et quittent leur poste.
33:56On voit qu'aujourd'hui, le travail a du mal
33:58à s'adapter.
34:00On est obligés de passer les sujets.
34:02On essaie de faire le bilan sur l'école.
34:04Ce n'est pas si mauvais, l'école.
34:06Ça avance, grâce notamment
34:08aux fameuses AESH,
34:10ces accompagnantes, mais qui ne sont pas encore
34:12très reconnues d'un point de vue salarial.
34:14On en manque.
34:16Le point noir, c'est l'enseignement supérieur.
34:182 % seulement d'étudiants
34:20à l'université en situation de handicap.
34:222 %, comment l'expliquer ?
34:24Sur les 12 millions de personnes,
34:262 %.
34:28Je ne suis pas sûr que ce soit le seul point noir
34:30sur l'éducation.
34:32Ça s'est certes amélioré,
34:34mais là encore, il faudrait
34:36réfléchir plus sur la qualité
34:38de l'accompagnement. On sait qu'il y a
34:40des AESH. Le statut est très
34:42précaire, mais qui peuvent
34:44accompagner des enfants handicapés,
34:46mais pas à temps complet.
34:48On sait, c'était dit aussi dans le reportage
34:50en introduction, que beaucoup
34:52d'enfants handicapés ne vont pas à l'école.
34:54La situation est loin.
34:56C'est amélioré, certes, mais on est loin
34:58encore de l'inscription
35:00de tout enfant handicapé à l'école de son quartier.
35:02C'était une des promesses
35:04de la loi...
35:06La loi de 2005.
35:08Effectivement, ça se reproduit...
35:10Enfin, ça continue
35:12après dans les études supérieures
35:14avec les mêmes discriminations.
35:16Merci et pardon
35:18de vous demander d'aller vite.
35:20C'est la fin de ce débat. Cynthia Augustin,
35:22je vais vous laisser le mot de la fin.
35:24Je sais que vous, vous n'avez pas trop aimé
35:26d'ailleurs vos études
35:28dans des établissements spécialisés
35:30en matière d'école.
35:32Qu'est-ce que vous avez envie de dire
35:34à la ministre pour conclure
35:36ce débat que vous avez à votre disposition
35:38ce soir ?
35:40Je suis déjà ravie de vous rencontrer
35:42et je voulais vous savoir
35:44quels sont vos objectifs
35:46et vos possibilités
35:48pour changer la communication
35:50et aussi la linguistique,
35:52parce que ça passe aussi par là.
35:54Le langage.
35:56Les mots.
35:58Lorsqu'on parle de personnes en situation de handicap,
36:00de bien définir que la situation de handicap,
36:02c'est l'environnement, ce n'est plus la personne
36:04qui est le problème, mais c'est son environnement.
36:06Par exemple,
36:08changer le regard qu'on ne voit plus
36:10les personnes en situation de handicap,
36:12qu'on voit au restaurant, par exemple.
36:14Au contraire, qu'on soit content
36:16parce que c'est quand même une manne financière aussi,
36:18au même titre que les autres.
36:20Madame la ministre, en changeant peut-être les mots,
36:22on commencera à changer la société
36:24et le regard.
36:26C'est le mot de la fin.
36:28Il y a de ça, changer les mots,
36:30changer le regard, ne rien accepter,
36:32ne rien laisser passer de ce qui est inacceptable
36:34comme tout ce qui a pu être...
36:36Et puis être complètement déterminée.
36:38Et si je veux terminer
36:40un peu sur une note positive,
36:42vraiment, je pense qu'on est
36:44à un moment un peu charnière.
36:46Il y a...
36:48J'ai envie de dire qu'il y a une dynamique.
36:50Il y a vraiment des travaux importants qui sont en train d'être faits.
36:52Le Parlement,
36:54même s'il traverse...
36:56Les censures et les non-censures.
36:58Quelques tempêtes des marais, actuellement,
37:00arrive quand même, sur le champ du handicap,
37:02à trouver des voies de passage
37:04et des voies de consensus.
37:06Je pense qu'on a les possibilités,
37:08les moyens, maintenant, pour pouvoir avancer
37:10et se redonner une nouvelle ambition.
37:12C'est dit. Et je peux vous dire que les associations
37:14vont vous prendre au mot.
37:16Je vous dis à bientôt. Merci
37:18pour ce tour d'horizon, 20 ans après
37:20cette grande loi Chirac.
37:22Et bonsoir à vous, Etienne Klein.
37:24Grand plaisir de vous avoir comme invité.
37:26Franck Parley, dans un instant, philosophe des sciences,
37:28physicien, on va évoquer avec vous l'intelligence
37:30artificielle à tout
37:32ou menace sur nos cerveaux.
37:34L'IA nous condamne-t-elle
37:36à devenir des êtres décérébrés ?
37:38L'invitation d'Hélène Bonduelle.
37:40Interview, juste après.
37:42Si on vous invite,
37:44Etienne Klein, vous, le
37:46physicien et philosophe des sciences,
37:48c'est pour avoir votre éclairage
37:50sur cette course effrénée
37:52à l'intelligence artificielle,
37:54dans laquelle, avec 109 milliards d'euros
37:56d'investissement annoncés,
37:58la France entend bien prendre sa part.
38:00Nous, en tant que Français européens,
38:02on veut accélérer.
38:04On veut réduire l'écart, c'est ce qu'on est en train de faire.
38:06On veut prendre des textes,
38:08prendre des mesures pour aller de plus en plus vite.
38:10De la Silicon Valley à Pékin,
38:12l'intelligence artificielle est devenue
38:14un enjeu de pouvoir.
38:16A peine investi, Donald Trump s'entoure
38:18de trois géants des nouvelles technologies.
38:20Le spécialiste du cloud,
38:22Oracle, celui de la start-up
38:24OpenAI, et le japonais
38:26SoftBank, pour annoncer son nouveau
38:28projet de mastodonte
38:30de l'intelligence artificielle.
38:32Une nouvelle entreprise américaine
38:34qui investira au moins 500 milliards
38:36de dollars dans l'infrastructure
38:38de l'IA et qui sera mise en place
38:40très rapidement en créant
38:42plus de 100 000 emplois américains
38:44presque immédiatement.
38:46Dans le bras
38:48de fer chino-américain,
38:50le chinois DeepSeek entend bien concurrencer
38:52le leader de l'intelligence générative
38:54Chajipiti.
38:56Une chose est sûre, l'IA,
38:58l'homme ne pourra pas y échapper.
39:00Vous et moi,
39:02nous ne pouvons plus vivre sans notre téléphone.
39:04Je pense que ce sera la même chose
39:06avec l'IA et les robots
39:08pour la prochaine génération.
39:10La vie quotidienne sera étroitement
39:12liée à des modèles d'IA
39:14d'une façon ou d'une autre.
39:16Alors Étienne Klein,
39:18dans ce monde où il faudra choisir
39:20quel compagnonnage on veut avec la machine,
39:22quelle place pour l'humain ?
39:26Et bienvenue sur ce plateau,
39:28Étienne Klein.
39:30L'intelligence artificielle est déjà là
39:32et elle le sera encore plus demain.
39:34Comment vous la regardez ?
39:36Comment le philosophe des sciences que vous êtes
39:38regarde ça, son déploiement
39:40plus globalement dans nos vies quotidiennes ?
39:42Est-ce que vous êtes inquiet ?
39:44Au début, je la regardais de loin
39:46parce que le mot « intelligence »
39:48en « intelligence artificielle », c'est le mot anglais
39:50« intelligence » qui désigne le traitement
39:52des données, la gestion de l'information.
39:54Ce n'est pas la même chose que l'intelligence en français
39:56qui comprend le discernement,
39:58la capacité à argumenter...
40:00On aurait dû choisir un autre mot ?
40:02Distinguer le vrai du faux, etc.
40:04Et puis les progrès de l'IA sont tels
40:06qu'on voit bien que l'intelligence artificielle,
40:08quand on dialogue avec elle,
40:10par exemple avec Chadjepeté,
40:12nous répond comme si elle était intelligente.
40:14Elle n'est pas intelligente, mais elle produit
40:16par exemple des phrases
40:18qui, pour nous, sont intelligentes.
40:20Et je dois dire qu'aujourd'hui,
40:22on est obligé de s'y intéresser.
40:24C'est comparable à quel type d'ampleur
40:26de révolution technologique ?
40:28On parle de la machine à vapeur, de l'électricité...
40:30Je pense que c'est inédit.
40:32Regardez comment on s'est approprié
40:34tous, Chadjepeté, qu'on soit
40:36collégiens, lycéens,
40:38professionnels, dans des domaines
40:40intellectuels ou pas, et donc
40:42c'est une vitesse qui est fulgurante et qui,
40:44à mon avis, n'a pas de précédent.
40:46Je pense que c'est une sorte
40:48de rupture anthropologique.
40:50Le fait que les machines, qui ne comprennent rien à rien,
40:52qui sont asémantiques,
40:54puissent produire des phrases
40:56ou des images qui ont un sens pour nous,
40:58c'est quelque chose que tout le monde n'avait pas prédit.
41:00Ces fameux modèles large-langage...
41:02LLM.
41:04LLM. C'est clair que ça ne fait pas
41:06que synthétiser, ça ne fait pas que
41:08compiler des données, il y a, ça crée.
41:10Ça crée du texte, ça crée
41:12des récits, ça crée des images nouvelles
41:14à partir d'existants.
41:16Et donc, on s'en sert beaucoup,
41:18les collégiens font leurs dissertations
41:20avec, on peut l'utiliser
41:22pour traduire n'importe quoi
41:24dans n'importe quelle langue,
41:26et ça va très vite, vous l'avez dit.
41:28La crainte, c'est qu'on ne fasse plus marcher sa tête.
41:30Est-ce que vous l'avez aussi,
41:32cette crainte qu'au fond, le travail intellectuel
41:34soit moins nécessaire ?
41:36Déjà, bientôt, on aura à disposition
41:38plus de textes écrits par des machines que par des humains,
41:40c'est quand même nouveau, ça.
41:42Quelle confiance on peut leur accorder, sachant que l'IA n'est pas capable
41:44de distinguer le vrai du faux, on l'a dit.
41:46Ensuite, il y a des tâches
41:48qu'on peut déléguer aux machines. En les déléguant,
41:50on risque de démuscler nos cerveaux.
41:52-"Démuscler", ça veut dire quoi ?
41:54Qu'est-ce qu'on perdra ?
41:56Par exemple, calculer, écrire proprement.
41:58L'orthographe, on pourrait les abandonner
42:00pour les confier aux machines.
42:02Et puis surtout, ces machines sont très conviviales.
42:04Vous leur parlez en langue naturelle,
42:06elles vous répondent en langue naturelle.
42:08On peut les utiliser de façon efficace
42:10sans rien comprendre à ce qu'elles font.
42:12Ça, c'est quelque chose que les philosophes des Lumières
42:14n'avaient pas du tout imaginé.
42:16La technique, les objets techniques,
42:18quand ils s'implantent dans la société,
42:20deviennent vecteurs de connaissances scientifiques.
42:22Par exemple, si on explique aux gens
42:24comment marche un télescope,
42:26comment on peut imprimer...
42:28On comprend les sciences
42:30qui ont rendu
42:32ces objets techniques possibles.
42:34On voit que ce n'est pas vrai,
42:36c'est même vrai avec nos téléphones.
42:38On délègue même la compréhension.
42:40Ils sont tellement conviviaux
42:42qu'on peut les utiliser parfaitement
42:44et c'est ça qui m'inquiète.
42:46La technologie, quand elle devient aussi efficace,
42:48nous éloigne de la science.
42:50Est-ce que vous pensez que ça peut
42:52amoindrir nos capacités
42:54de raisonnement ?
42:56Elle n'argumente pas, l'IA.
42:58Tout est basé sur la confiance.
43:00Elle n'est pas capable de dire pourquoi elle vous propose
43:02tel avis plutôt que tel autre.
43:04L'intelligence, c'est aussi la capacité
43:06à démontrer ce par quoi on est intelligent.
43:08La confiance, si on la perd,
43:10on va être très embarrassé
43:12sur la bonne façon d'utiliser.
43:14Toute la question, c'est
43:16est-ce qu'on va l'utiliser intelligemment ou pas ?
43:18Notre cerveau a tendance à déclarer vrai
43:20les informations, les idées qu'il aime.
43:22Donc ça nous enferme.
43:24Quand ça nous enferme dans des
43:26espèces de chez-soi idéologiques,
43:28on va constamment recevoir des bêtes confirmations
43:30de ce qu'on pense déjà.
43:32C'est déjà le cas avec les réseaux sociaux.
43:34Deux pionniers de l'IA ont reçu le prix Nobel de physique
43:36en 2024.
43:38Horrible !
43:40Sur les réseaux de neurones,
43:42voilà encore un autre mot.
43:44Artificiel.
43:46L'apprentissage automatique par la machine,
43:48c'est l'américain John Hopfield
43:50et le britannico-canadien
43:52Geoffrey...
43:54Il s'appelle... Je ne sais plus son deuxième nom.
43:56Hinton.
43:58Pardonnez-moi, je ne l'avais pas noté.
44:00Neurones artificiels.
44:02Ils ont participé au développement
44:04de l'IA contemporaine dont on parle aujourd'hui.
44:06Ils ne sont pas vraiment physiciens.
44:08C'est ça qui a un peu des plus aux physiciens.
44:10Quel est le message ?
44:12Est-ce qu'il faut donner le prix Nobel
44:14à ceux qui ont conçu ces systèmes
44:16qui permettent d'analyser des données
44:18et qu'on utilise en physique ?
44:20Ou bien est-ce que ça veut dire que bientôt,
44:22les physiciens seront déclassés par des machines ?
44:24Que les machines feront mieux de la physique que les physiciens ?
44:26J'ai trop marre qu'à faire là-dessus.
44:28La physique sera demain
44:30faite par l'IA ?
44:32La science IA plus forte que les scientifiques ?
44:34Je ne crois pas.
44:36C'est une physique contemporaine,
44:38celle qui est née au XVIIe siècle avec Galilée.
44:40C'est une physique qui énonce des lois
44:42qui sont contradictoires avec les données dont on dispose.
44:44Quand Galilée dit que tous les corps
44:46tomberaient à la même vitesse s'ils tombaient dans le vide,
44:48il n'a pas de données.
44:50A l'époque, on ne sait pas faire le vide,
44:52on pense qu'il n'existe pas.
44:54C'est par une expérience de pensée
44:56qu'il arrive à ces résultats.
44:58De même, quand Einstein écrit les équations
45:00de la relativité générale en 1915,
45:02il n'a pas vraiment de données sur l'univers.
45:04On ne sait pas d'où viennent les étoiles.
45:06L'intelligence a encore une longueur d'avance humaine.
45:08Oui, parce que notre intelligence
45:10est capable d'esprit critique.
45:12Elle est capable de poser des questions.
45:14Qu'est-ce qui se passerait si l'IA répond
45:16aux problèmes qu'on lui pose ?
45:18Mais elle est incapable, pour l'instant,
45:20de poser elle-même des problèmes.
45:22Je pense qu'on a une longueur d'avance
45:24et on devrait plutôt l'appeler
45:26intelligence autre que l'intelligence artificielle.
45:28On va la garder.
45:30C'est vrai que l'intelligence artificielle
45:32va déjà l'intelligence humaine,
45:34par exemple, sur les diagnostics médicaux.
45:36Oui, sur plein de choses.
45:38On peut en être fier de ça, déjà ?
45:40On peut être fier.
45:42Je vois chez mes étudiants ingénieurs
45:44que ça crée ce que Günther Anders,
45:46un philosophe, appelait une ronde probétéenne.
45:48C'est-à-dire que l'ingénieur
45:50se sent un peu dépassé par la technologie
45:52qu'il est censé maîtriser.
45:54Il doit courir après les progrès de la technologie
45:56et ils ne sont pas toujours très compétents.
45:58Alors qu'il en est à l'origine.
46:00C'est la machine qui dépasse le maître.
46:02Et alors, qu'est-ce qui se passe après ça ?
46:04Il est obligé de courir,
46:06alors qu'autrefois, l'ingénieur était maître
46:08du rythme de la technologie.
46:10C'est lui qui la concevait.
46:12Elle n'était pas capable de lui donner
46:14des surprises aussi colossales.
46:16C'est vertigineux.
46:18L'IA, ce sont aussi des images.
46:20Notre président de la République
46:22n'a pas hésité à s'en amuser
46:24pour vanter les mérites du sommet international.
46:26Regardez.
46:28Je fais cette petite vidéo
46:30pour essayer de vous remonter le moral.
46:32C'est quand même une dinguerie, tu vois.
46:34Mon Dieu.
46:36On prend ensuite tous les cheveux qui restent
46:38sur le côté droit.
46:40On est attachés à la bagnole. On aime la bagnole.
46:42Et moi, je l'adore.
46:44Et tu voudras qu'elle soit en rien ce soir.
46:46Colux, n'hésite pas à t'abonner pour plus de vidéos.
46:48Bisous, mes petits loups.
46:50Bien joué.
46:52C'est assez bien fait.
46:54Ça m'a plutôt fait rire.
46:56L'IA, on peut faire de très grandes choses.
46:58Changer la santé, l'énergie, la vie dans notre société.
47:00Et donc, la France et l'Europe doivent être au cœur
47:02de cette révolution pour saisir toutes leurs chances
47:04et pour pousser aussi les principes qui sont les nôtres.
47:06Ce en quoi nous croyons.
47:08C'est le but de ce sommet pour l'action sur l'IA.
47:10C'est dès demain à Paris. Alors, je compte sur vous.
47:12Voilà, ça a été un grand succès
47:14puisque tout l'écosystème de la tech
47:16était là avec des centaines de milliards à la clé.
47:18Mais ce qu'on voit là, ça fait rigoler
47:20parce qu'on commence à s'habituer
47:22à ces images. On arrive à les distinguer.
47:24Il y a une puissance de manipulation incroyable.
47:26Demain, on n'y arrivera plus du tout.
47:28Il y a quelques années, j'ai fait un canular.
47:30J'avais passé une tranche de chorizo pour une étoile.
47:32On l'a retrouvée. On va la voir, cette tranche,
47:34au gros plan. Pourquoi ?
47:36Parce qu'aujourd'hui, la distinction entre le vrai et le faux
47:38est tellement poreuse
47:40que le canular,
47:42il est presque impossible à détecter.
47:44Ça, c'est le canular. C'est le chorizo
47:46en gros plan, et c'était au même moment
47:48qu'il y avait ce fameux nouveau télescope
47:50James Webb.
47:52J'avais fait croire que c'était
47:54une image prise par ce télescope
47:56de l'étoile la plus proche
47:58du Système solaire, qui est proxime à du centaure,
48:00qui est quand même à quatre années-lumière.
48:02Donc, laissez penser qu'on pourrait la voir aussi nettement.
48:04Et donc, vous en tirez comme enseignement.
48:06On ne peut plus vraiment blaguer.
48:08Ça devient dangereux.
48:10Ça devient dangereux ?
48:12Oui, parce que les images sont une puissance
48:14de manipulation. On peut faire croire
48:16qu'une personne politique, par exemple, a dit des choses
48:18qu'elle n'a jamais dites, avec un mouvement des lèvres
48:20qui correspond aux phrases qu'elle dit,
48:22et avec aussi sa voix.
48:24Donc, on voit le danger que ça représente
48:26pour la manipulation des opinions.
48:28Mais l'IA permet de faire des choses incroyables.
48:30C'est ça qui est ambigu.
48:32On voit les effets négatifs
48:34qu'elle contient de façon presque
48:36systémique, et en même temps,
48:38elle permet de faire des choses dans le domaine de la santé
48:40qui sont incroyables.
48:42On avait un professeur ici, vendredi, qui nous disait
48:44que notamment sur le cancer, un jour ou l'autre,
48:46grâce à l'IA, on en viendrait à bout.
48:48La dernière question, vous avez entendu
48:50Sam Altman, de Chad GPT,
48:52le patron de Google aussi,
48:54Sundar Pichai, expliquer, attention, la régulation,
48:56notre régulation européenne,
48:58ça peut être un frein à l'innovation.
49:00Qu'est-ce que vous en pensez ?
49:02Oui, parce qu'en fait, un ingénieur, en général,
49:04il sait ce qu'il fait, mais il sait pas ce que fait
49:06ce qu'il fait.
49:08Quand on invente quelque chose, on sait pas quel usage
49:10en sera fait par le public, par exemple,
49:12si on répand le produit
49:14en question dans la société.
49:16Et donc, avant de réguler,
49:18il faut quand même savoir de quoi on parle
49:20et innover.
49:22Est-ce qu'on doit réguler en amont,
49:24ou est-ce qu'on doit réguler en aval ?
49:26Je pense qu'il faut faire du cas par cas
49:28et que c'est pas simple du tout, mais qu'on peut pas
49:30brider une innovation d'emblée
49:32sans avoir réfléchi
49:34aux usages qu'on pourrait en faire.
49:36C'est absolument passionnant de vous écouter.
49:38On s'arrête là, et j'en suis frustré,
49:40mais je vous dis à bientôt, Etienne Klein.
49:42Merci infiniment d'être passé
49:44par le plateau d'LCP.
49:46On va terminer par la question qui fâche,
49:48et elle nous concerne
49:50directement, puisque les députés vont devoir
49:52se prononcer. Elle concerne
49:54plus exactement un ancien président,
49:56ici même, à l'Assemblée. Regardez,
49:58c'est signé Baptiste Gargi-Chartier.
50:02S'en ont circulé depuis
50:04quelques semaines, et dès hier soir,
50:06Emmanuel Macron met fin au suspense.
50:08Richard Ferrand, proposé à la tête
50:10du Conseil constitutionnel, annonce
50:12qu'il suscite le débat immédiat,
50:14à droite comme à gauche.
50:16Monsieur Ferrand n'a aucune
50:18compétence pour accéder à cette présidence.
50:20Le Conseil constitutionnel
50:22n'est pas une maison de retraite
50:24de la vie politique.
50:26Très serein par rapport à sa décision,
50:28je pense que c'est une bonne décision, elle est cohérente.
50:30Richard Ferrand, infidèle parmi
50:32les fidèles du président, à tel point que le
50:34Breton était pressenti il y a quelques mois
50:36pour Matignon. À le liser,
50:38on met en avant sa qualité d'ancien
50:40président de l'Assemblée. Ce fut le cas
50:42aussi pour Jean-Louis Debré, nommé en 2007,
50:44ou encore en 2016
50:46avec Laurent Fabius. Mais Richard Ferrand
50:48ne fait pas consensus. Certains
50:50juristes enfoncent même le clou dans
50:52une tribune publiée dans le journal Le Monde.
51:06Alors, faut-il nommer un juriste
51:08à la tête de l'institution ? Là encore,
51:10débat.
51:12« Je pense que ce type de poste
51:14devrait aller à des personnes qui
51:16ont des qualifications de juriste. »
51:18« On dit
51:20qu'il ne faudrait que des juristes au Conseil constitutionnel.
51:22Qu'est-ce que c'est qu'un juriste ?
51:24Est-ce que c'est exclusivement
51:26un professeur de droit constitutionnel ?
51:28Je ne le pense pas. » Alors ce soir,
51:30la question qui sache, la voici.
51:32Richard Ferrand est-il le bon candidat
51:34pour présider le Conseil constitutionnel ?
51:36Et pour répondre
51:38à cette question, face à face ce soir
51:40entre Benjamin Morel,
51:42constitutionnaliste bien fidèle
51:44à notre émission, et Erwann Balanant.
51:46Bonsoir.
51:48Député Givenet,
51:50modem du Finistère, réponse.
51:52Je commence avec vous, Benjamin Morel.
51:54Ferrand est-il le bon candidat ?
51:56Je ne pense pas qu'il le soit. Et attention,
51:58je veux bien être compris, ce n'est pas une attaque
52:00contre la personne de Richard Ferrand.
52:02Il a été un bon président de l'Assemblée nationale
52:04et, certes, la question des affaires
52:06plane, mais quelqu'un qui a vu
52:08ces affaires prescrites et considéré
52:10comme étant innocent, c'est là aussi
52:12une base de l'état de droit. Le danger
52:14en la matière, il est double.
52:16D'abord, on n'a jamais eu aussi peu de juristes
52:18au Conseil constitutionnel. Des vrais juristes, il n'y en a que deux.
52:20Et par ailleurs, même s'il ne faut pas
52:22que des profs de droit au Conseil constitutionnel,
52:24ça, j'en suis fondamentalement d'accord,
52:26et on peut avoir des politiques au Conseil constitutionnel,
52:28je ne suis pas parti de ceux qui considèrent
52:30qu'il y a forcément un diplôme
52:32en droit à avoir, il faut quand même
52:34une expérience juridique.
52:36On cite beaucoup Jean-Louis Debré,
52:38il était docteur en droit et magistrat,
52:40donc il y a malgré tout un poids.
52:42Ca, c'est pour des raisons structurelles.
52:44Vous répondez ?
52:46Pour présider le Conseil ?
52:48Cette question-là, pour moi,
52:50ce n'est pas une bonne question.
52:52Quand on a été 10 ans parlementaires,
52:54président de l'Assemblée,
52:56on a une vision de la politique,
52:58de la chose politique, des valeurs de notre Constitution,
53:00et ça, c'est aussi important.
53:02Et des juristes, il n'y en a peut-être plus que deux,
53:04mais il va y en avoir deux supplémentaires,
53:06qui sont M. Philippe Bas et Mme Laurence Wisniewski,
53:08qui sont des gens qui, pour le coup,
53:10maîtrisent parfaitement notre Constitution,
53:12l'Etat de droit, le Code pénal.
53:14Voilà, M. Bas a été président
53:16de la Commission des lois
53:18au Sénat pendant très longtemps.
53:20Voilà.
53:22Je suis vraiment...
53:24Laurence Wisniewski,
53:26vice-présidente de la Commission des lois
53:28au premier mandat et...
53:30Quand on regarde les nominations d'Emmanuel Macron,
53:32elles sont toutes politiques.
53:34Jacqueline Bourreau, M. Mézard
53:36et, maintenant, Richard Ferrand.
53:38Ça a plutôt été, à chaque fois,
53:40une tradition des présidents
53:42de nommer des personnes politiques.
53:44François Hollande a nommé M. Fabius.
53:46M. Fabius n'avait pas non plus
53:48une expérience de juriste,
53:50à part son expérience politique de Premier ministre,
53:52de président, lui aussi, de l'Assemblée.
53:54Je crois que c'est l'intérêt
53:56du Conseil constitutionnel
53:58qui fonctionne par strates.
54:00C'est 3, 3, 3 à chaque fois,
54:02ce qui fait qu'on arrive à des équilibres
54:04et à quelque chose qui fonctionne
54:06plutôt bien. Et moi,
54:08sur cette personnalité de Richard Ferrand,
54:10si des gens ne l'aiment pas dans les oppositions,
54:12on tacte. Mais lui faire ce procès
54:14d'illégitimité, je crois qu'il faut aller chercher
54:16d'autres arguments.
54:18Moi, ma crainte, et d'ailleurs, on en débattait
54:20un petit peu tout à l'heure quant au contexte,
54:22elle est surtout d'une situation conjoncturelle.
54:24On a... Mais qui est
54:26beaucoup plus importante, au fond. On n'a jamais eu
54:28autant d'attaques contre l'Etat de droit.
54:30Or, vous savez, la Cour européenne
54:32des droits de l'homme a pris une décision en 1970
54:34où elle considère que ce qui compte,
54:36c'est pas seulement l'impartialité du juge.
54:38Et je fais pas de procès d'intention sur le fait
54:40que Richard Ferrand ne serait pas impartial.
54:42Mais c'est également l'apparence de l'impartialité,
54:44ce qu'on appelle en droit la théorie des apparences.
54:46Aujourd'hui, on a une vraie, vraie contestation
54:48de l'Etat de droit.
54:50Vous faites référence à quoi, là, pour Richard Ferrand ?
54:52Alors, éventuellement, c'est quelque chose
54:54qui peut revenir dans l'opinion, même si, encore une fois,
54:56c'est pas un procès qui est légitime
54:58et qui lui serait fait. Il y a également la proximité
55:00avec le chef de l'Etat. On a bientôt une QPC...
55:02C'est bien très proche du chef de l'Etat, il s'en cache pas.
55:04Voilà. On va bientôt avoir une QPC qui va être tranchée,
55:06qui pourrait intéresser l'avenir de Marine Le Pen.
55:08Question prioritaire de...
55:10Question prioritaire de consécutivité sur l'inégibilité provisoire.
55:12Pas sur Marine Le Pen, mais en tout cas sur l'inégibilité
55:14provisoire, ce qui peut la toucher.
55:16Et donc, dans ce cadre-là, si vous avez
55:18Richard Ferrand qui fait cette annonce
55:20et qui dit, par exemple, que c'est défavorable à Marine Le Pen,
55:22qu'est-ce qui va se passer dans une grande partie
55:24de l'opinion ? Dans une grande partie de l'opinion,
55:26on va dire, écoutez, c'est Emmanuel Macron
55:28qui ne veut pas que Richard Ferrand se présente.
55:30Ce sera probablement pas le cas.
55:32Et vous allez peut-être m'inviter sur votre plateau et je vous démontrerai
55:34en droit la décision en vous disant...
55:36C'est important, cet argument-là.
55:38Sur l'inéligibilité, la question prioritaire
55:40de constitutionnalité, les apparences...
55:42C'est vrai que cette décision, elle va être fondamentale
55:44sur le caractère exécutoire qui aura des conséquences
55:46politiques pour Marine Le Pen. Qu'est-ce que vous répondez ?
55:48Je comprends, mais justement, et c'est surprenant
55:50de la part de M. Morel, que je connais bien
55:52et qui est constitutionnaliste,
55:54la question, c'est, est-ce qu'il y a une légitimité
55:56en droit ? Non.
55:58Et les apparences, on en aura toujours,
56:00puisque politiquement, effectivement, chacun
56:02a un parcours. M. Fabius a été
56:04président du Conseil constitutionnel.
56:06Il avait un parcours politique,
56:08il avait un certain nombre de décisions
56:10qui avaient été prises.
56:12Rappelez-vous, quand il a été nommé, on a critiqué,
56:14on a rappelé la question
56:16du scandale du sang contaminé.
56:18Le contexte n'est pas différent ?
56:20Oui, mais justement,
56:22le contexte, il est, et ça, on se rejoint
56:24complètement, une remise en cause
56:26permanente, systématique
56:28d'un certain nombre de personnes
56:30et d'un certain nombre de radicalités
56:32de l'Etat de droit. Et l'Etat de droit,
56:34ce sont des règles. Notre Conseil constitutionnel
56:36a des règles. On a une Constitution
56:38qui est ce qu'elle est
56:40et qui est solide avec quelques défauts
56:42et quelques problèmes.
56:44C'est le sujet de l'article 11 sur lequel
56:46j'ai quelques craintes. On va peut-être pas rentrer
56:48dans un débat théorique là-dessus,
56:50mais on a des sujets.
56:52Et c'est cette remise en cause
56:54permanente qui fait qu'à un moment donné,
56:56cette apparence, la théorie de l'apparence
56:58est problématique.
57:00Mais sur le fond, je rappelle que d'abord,
57:02il n'a pas été encore...
57:04Il est proposé à la nomination
57:06et le Parlement...
57:08Le Parlement dispose.
57:10Le Parlement dispose
57:12et on peut parfaitement, effectivement,
57:14dans la souveraineté
57:16du Parlement, avoir
57:18une décision différente.
57:20La séparation des pouvoirs, c'est une nomination
57:22qui doit être validée à une large
57:24majorité par les parlementaires.
57:26Il peut être invalidée à une large majorité.
57:28On a inventé un truc en 2008
57:30pour que ça ne puisse pas arriver.
57:32C'est déjà arrivé à Boris Ravignon
57:34qui avait été envoyé à l'ADEME.
57:36La légitimité, je l'ai dit,
57:38est plus importante que la politique.
57:40La politique.
57:42Oui, mais...
57:44C'est pas une révolution en droit.
57:46Une révolution, c'est quand on cesse de croire
57:48que la Constitution est la Constitution.
57:50Le droit, c'est fiduciaire.
57:52Ce qui différencie une Constitution
57:54d'un texte lambda,
57:56c'est parce qu'on croit que ça régule nos rapports
57:58et ça, ça repose sur la confiance et sur l'adhésion.
58:00On n'a jamais eu, aujourd'hui,
58:02à la fois une Constitution aussi interprétable
58:04parce qu'en période de crise politique,
58:06on réinterprète tout.
58:08Ça ne peut pas être un enjeu demain.
58:10Et des institutions aussi fragiles.
58:12Si vous avez des institutions qui sont contestées,
58:14c'est une partie de l'opinion, on juge que
58:16quand le Conseil constitutionnel parle de l'état de droit,
58:18il est dans une démarche politique.
58:20Il y a un risque de cassage.
58:22Si demain, vous avez un leader populiste
58:24qui arrive à l'Elysée et qui dit
58:26« Écoutez, moi, je fais passer ma grande loi
58:28sur l'immigration par référendum »,
58:30qu'est-ce qu'il fait, Richard Ferrand ?
58:32Soit il s'oppose, il dit « Écoutez, moi,
58:34au nom de l'état de droit, je vous dis non,
58:36vous êtes la voix de l'ancien président,
58:38et là, le risque, c'est qu'on ait
58:40une volonté de renversement,
58:42notamment via l'article 11 du Conseil constitutionnel.
58:44Dernier point,
58:46j'avais écrit un article en 2020 là-dessus,
58:48le risque également, c'est que le Conseil
58:50se taise, car on voit historiquement
58:52que quand le Conseil souffre d'un manque de légitimité,
58:54souvent, il s'efface.
58:56D'un mot, le Conseil constitutionnel,
58:58c'est neuf sages,
59:00il n'y a pas de décision du président,
59:02il y a une voix prépondérante en cas d'égalité
59:04sur neuf, d'ailleurs, j'ai jamais compris
59:06comment il pouvait y avoir une égalité, ça veut dire que
59:08quelqu'un n'a pas voté, mais comme on ne connaît pas
59:10les délibérés non plus, et que...
59:12Voilà, donc...
59:14Si il est nommé, sa nomination est validée,
59:16il sera entouré, c'est ce que vous nous dites.
59:18En tous les cas, c'est sûr que
59:20cette nomination, on va la suivre de très près,
59:2219 février sur LCP.
59:24Merci messieurs et pardon pour
59:26ce temps un peu raccourci, merci pour votre esprit
59:28de synthèse, c'est la fin de cette émission.
59:30Très belle soirée documentaire avec Jean-Pierre Gracien,
59:32à demain.