• avant-hier
« Surdoués », « zèbres », « précoces », « HPI »... les terminologies sont toutes aussi nombreuses qu'imprécises pour parler des enfants dits « à haut potentiel ». Un concept flou pour lequel le seul outil de mesure est celui du quotient intellectuel : au-delà de 130, un enfant est reconnu haut potentiel. Si la plupart de ces élèves connaîtra une scolarité sans problème, intégrera de grandes écoles, d'autres suivront un parcours scolaire plus chaotique, en proie à de grandes difficultés. Le réalisateur de « La dure vie des surdoués » a été l'un de ceux-là. Il revient sur son parcours difficile en l'entrecroisant des témoignages d'enfants accueillis dans un Dispositif d'Intégration pour les Élèves à Haut Potentiel au sein du collège public parisien Georges Brassens situé dans le 19eme arrondissement de Paris.

Catégorie

🗞
News
Transcription
00:00Si je devais retourner à l'école, je m'y opposerais de toutes mes forces.
00:14Mon parcours a été biaisé.
00:17Pendant ma scolarité, de nombreuses incompréhensions ont fortement contribué à mon décrochage.
00:22Aujourd'hui, j'assimile cette époque à des expériences épineuses, particulièrement
00:27dans mon rapport avec les autres.
00:29Je ne supportais pas le bruit, la communication avec mes camarades était difficile, pour
00:34moi, impossible de faire du par cœur, ou de poser des équations sans leur donner du
00:39sens.
00:40Comportement atypique, attitude taciturne, je passais pour inadapté, retardé, voire
00:46déficient.
00:47Au fil de ces années, mon désir d'apprendre au sein de cet environnement s'est peu à
00:51peu dissipé.
00:52Aux yeux des enseignants et de mes camarades, les signes d'un haut quotient intellectuel
00:56étaient insoupçonnables.
00:57Pourtant, le diagnostic avait bel et bien été posé.
01:00Le monde devenait brutal pour moi, semant le doute sur mes capacités.
01:26La plupart des enfants, quand ils sont d'origine socio-économique modeste, même s'ils sont
01:55précoces à l'âge de 5 ans, échouent.
01:58Dans plus de 50% des cas, ce sont des enfants voués à l'échec.
02:02Quand un enfant intelligent s'ennuie en classe, il peut devenir instable.
02:06D'autres s'endorment.
02:07C'étaient simplement des enfants qui s'ennuyaient et qui avaient besoin qu'on leur propose
02:10à leur rythme des activités qui les amusent et qui les alimentent sur le plan intellectuel.
02:17En France, ce sujet du haut potentiel a eu beaucoup de mal à percer.
02:22En fait, à la suite de mai 68, on a considéré que s'intéresser aux enfants qui seraient
02:28les plus intelligents, c'était faire une forme d'élitisme.
02:31Jean-Charles Terassier, psychologue pionnier en France dans la problématique du haut potentiel,
02:37met en place un dispositif d'intégration à l'attention de ses enfants.
02:41Selon les académies, il représente 1 élève sur 20, soit 1 à 2 élèves par classe.
02:46C'est dans un quartier populaire de Nice qu'une classe spécifique voit le jour en 1987,
02:52une première prise de conscience.
02:55C'est seulement 20 ans plus tard que le dispositif d'intégration des élèves à haut potentiel
03:00se développe sous sa forme actuelle.
03:02À cette époque, j'achevais ma scolarité.
03:06Mon envie de découvrir la situation de ces élèves aujourd'hui et les différents échecs
03:10rencontrés au cours de ces années m'ont longtemps interrogé.
03:14L'encadrement proposé m'aurait-il permis d'envisager autrement l'histoire douloureuse
03:19que j'ai entretenue avec le système scolaire ?
03:27L'égalité des chances, ce n'est pas toujours essayer de faire rentrer tout le monde dans le moule,
03:31c'est aussi respecter le rythme du développement de chacun.
03:35L'intelligence, ça ne se mesure pas comme la température, ce n'est pas une mesure qui est sûre.
03:41Il n'y a pas vraiment de consensus dans la façon de les appeler.
03:44On peut entendre « précoce », « surdoué ».
03:47Depuis quelques années, c'est plus au potentiel intellectuel qui est privilégié.
03:51Moi, ce que j'observe, c'est qu'il y a d'un côté les compétences intellectuelles
03:56et de l'autre côté la souffrance psychique.
03:58Le haut potentiel ne génère pas de souffrance
04:02parce que le haut potentiel ne parle que d'intelligence
04:06et l'intelligence ne génère pas d'anxiété.
04:10Je dérangeais mes camarades parce que je m'ennuyais.
04:15Je ne suis pas super intelligent, je ne suis pas le premier de ma classe,
04:19c'est juste la moyenne de ma classe.
04:21Il y a des enfants précoces qui ont de très mauvaises notes,
04:25il y a des enfants précoces qui ont de très bonnes notes,
04:27mais moi, personnellement, il faut que je travaille pour les avoir.
04:30Pour beaucoup, précocité égale très bon élève.
04:36Et c'est parfois le cas, mais ce n'est pas toujours le cas.
04:44J'ai grandi dans les années 90 dans une petite banlieue de la région parisienne.
04:48C'est à cette époque que j'ai commencé à développer mon imaginaire.
04:55Très vite, je me suis rendu compte de la nécessité de me fondre dans le moule
04:59en ayant des sans-intérêts communs avec mes camarades.
05:02Sauf que se déguiser est comme mettre un masque.
05:04Mon attitude tessiturene me trahit, je m'isole de plus en plus et je me fais oublier.
05:10De nombreuses désillusions sont apparues,
05:12laissant place à un grand sentiment d'échec et d'isolement.
05:23C'est ainsi que cette période s'est déroulée.
05:25Parfois, j'entends encore ces voix qui raisonnaient le dimanche midi.
05:29Qu'est-ce qu'il a encore fait ?
05:31Ça ne va pas toujours être comme ça.
05:33Il y en a marre. Tu pourrais faire des efforts.
05:35Qu'est-ce qu'on va faire de lui ?
05:37T'exagères.
05:41Un sentiment d'incompréhension, d'injustice me poussait à l'abandon,
05:45au désinvestissement de l'apprentissage.
05:47De fil en aiguille, je collais à l'image qu'on se faisait de moi,
05:50en rendant des copies blanches.
05:52Malgré les apparences, quand j'avais 10 ans,
05:55j'écoutais des émissions politiques à la radio toute la nuit.
05:58Je suivais les élections et me passionnais pour les films de campagne électorale.
06:02Pendant que mes camarades regardaient des dessins animés,
06:05je lisais Libération, L'Équipe, Mozart, Beethoven, Vivaldi.
06:09J'étais incollable sur les compositeurs de musique classique.
06:13Certains enfants vont tomber dans une forme de conformisme.
06:16J'ai des jeunes garçons à haut potentiel
06:19qui s'imposent d'apprendre par cœur,
06:21des équipes de joueurs de foot,
06:23parce qu'un garçon en primaire qui ne s'intéresse pas au foot,
06:26ce n'est pas un garçon.
06:29Le DIEP, c'est le dispositif d'intégration des élèves à haut potentiel.
06:33Ils se retrouvent dans des classes ordinaires,
06:35c'est-à-dire qu'ils ne sont pas regroupés dans une classe particulière.
06:41Pour faire partie du dispositif, il faut avoir fait le test.
06:45Il y a un incontournable, c'est la passation à l'école.
06:48C'est une épreuve internationale qui est reconnue dans tous les pays.
06:52On va explorer différents domaines de l'intelligence,
06:55la compréhension verbale, le raisonnement visio-spatial,
06:58le raisonnement fluide, la logique mathématique,
07:01la mémoire de travail aussi, et la vitesse de traitement.
07:04Il faut avoir une moyenne de 130 au test WISC,
07:07mais ça c'est une condition nécessaire, mais pas suffisante.
07:11Pour réussir à faire partie du dispositif,
07:14il faut avoir eu des soucis, et parfois avec des enseignants
07:17ou avec des camarades, ils ont pu être harcelés.
07:20On reçoit des profils très variés, mais ils ont tous eu ce point commun,
07:23c'est-à-dire une histoire un petit peu douloureuse avec l'école au primaire.
07:27C'est par le versant des difficultés que l'école, l'éducation nationale,
07:31on est arrivés à aborder le sujet.
07:34Le revers de la médaille, c'est qu'à partir des années 2000,
07:38on a eu la possibilité de faire partie du dispositif.
07:41Le revers de la médaille, c'est qu'à partir des années 1990,
07:45il y a eu beaucoup de publications, plus ou moins scientifiquement fondées,
07:49mais justement mettant l'accent sur les difficultés,
07:52au point que récemment, on a pu accuser tout ce qui avait été publié
07:58de pathologiser le haut potentiel, d'oublier aussi,
08:02et c'est vrai qu'il y a des personnes à haut potentiel qui vont très bien.
08:05Ça a sorti de l'ombre des cancres en fait,
08:08de réenvisager les enfants avec un bonnet d'âne au fond de la classe
08:12comme des enfants potentiellement plus valeureux,
08:14qui pouvaient cacher des merveilles.
08:16Certes, certaines personnes à haut potentiel vont très bien,
08:19et par contre, c'est vrai qu'il y en a d'autres qui ont des difficultés.
08:22C'est important de les accompagner.
08:28CM1, c'était un peu...
08:33Je compare un peu à un jour sans fin.
08:36Niveau scolaire, ça allait, mais je m'ennuyais un petit peu en classe.
08:43Parfois, je me faisais des amis, mais il y a eu quelques histoires.
08:48Je veux plus être ton ami, je veux redevenir ton ami.
08:52Je me suis dit, c'est pas possible, c'est un film, c'est une pièce de théâtre,
09:00c'est pas possible, c'est une comédie, c'est pas possible que ça fasse...
09:05Il y a eu des moments où c'était un peu comme ça dans ma tête.
09:19En fait, ça commence par la maternelle qui s'est pas bien passée pour Césaire.
09:25Beaucoup de difficultés dans ses rapports avec ses camarades,
09:29dans ses rapports avec ses institutrices.
09:31On était embêtés, quand même.
09:33Il commençait à être malheureux.
09:35Il revenait, il disait, j'ai passé une journée, comment tu disais ?
09:39Pourrie, comment tu disais ? J'ai passé une horrible journée.
09:42Donc bon, on peut essayer de le travailler, ça,
09:45mais bon, à un moment, il y a quelque chose qui va pas, quoi.
09:49Et puis dans ce cas-là, souvent, le regard sur les parents,
09:52c'est un peu suspicieux, parce qu'on imagine que...
09:55Enfin, moi, c'est ce que je ressentais.
09:59Que les parents ne poussent pas leur enfant à suivre, à écouter.
10:04Moi, on m'a plusieurs fois dit, laissez-le grandir.
10:08Oui, on sait qu'il se stresse quand il a pas de temps,
10:12il se stresse quand il pense qu'il a pas assez préparé quelque chose.
10:17Mais bon, ça, on travaille, quoi.
10:21Et puis on lui dit que c'est pas très important.
10:24Et pour revenir, il y avait un isolement, quand même, avant le DIEP.
10:28Donc rien jusqu'à cette fameuse rencontre en CE2 où il a été détecté.
10:36En sixième, pour me réorienter, on me fait passer des tests psychométriques.
10:41On s'aperçoit que mon quotient intellectuel est de 137.
10:44Je garderai toujours en mémoire la confusion créée par ces résultats,
10:47autant pour moi que pour la psychologue scolaire
10:50qui ne comprenait pas le décalage avec les remarques de mes professeurs.
10:54Mais c'était trop tard.
10:55J'avais beau avoir surinvesti le domaine de la pensée,
10:58j'étais quand même en pro au doute.
11:00J'ai développé durant mon enfance des difficultés relationnelles,
11:03organisationnelles,
11:05les attitudes qui en découlaient me faisaient craindre le jugement des autres,
11:08renforçant mes incertitudes.
11:11Quand j'étais jeune psychologue et je vais chercher à la salle d'attente,
11:15un enfant, il était là avec sa maman,
11:17il était amémique, il exprimait très peu,
11:21et alors il avait tout le temps la bouche ouverte.
11:24La première impression que vous avez, c'est qu'il ne fait pas très malin.
11:27Et il venait, difficultés à l'école,
11:29et pour moi, c'était la première fois que je l'entendais.
11:32Je me disais, c'est pas malin, c'est pas malin,
11:35c'est pas malin, c'est pas malin.
11:37Et il venait, difficultés à l'école,
11:40et je me disais, oh là là, celui-là, il n'a pas l'air d'être très...
11:44En moi-même, il n'a pas l'air d'être très fûté.
11:47Dans l'entretien, c'était quelqu'un de très inhibé,
11:50qui ne parlait pas beaucoup.
11:52Je me dis, bon, on va quand même pas faire passer un test.
11:56Et en fait, le gars, il a fait plus de 120 de QI.
11:59Et ça, ça m'a fait réfléchir, parce que je crois qu'il faut être très prudent,
12:03parce que j'entends parfois des gens qui me disent,
12:06oui, mais moi, je vois tout de suite si vous êtes au potentiel ou pas.
12:09Ils se voient comme ça, ils ont l'impression qu'ils sont des espèces de devins.
12:12Ils oublient, et ça, c'est quelque chose que j'ai appris,
12:15c'est qu'il faut être très prudent,
12:17parce qu'il faut être très prudent,
12:19parce qu'il faut être très prudent,
12:21parce qu'il faut être très prudent,
12:23ils oublient, et ça, c'est quelque chose que j'ai appris,
12:26c'est que l'être humain n'est pas un très bon observateur.
12:29C'est pas du tout une solution magique.
12:31C'est vraiment au cas par cas.
12:33Donc, il faut avoir une démarche très déontologique
12:36dans l'administration des tests,
12:38qui, quand même, ont été créés
12:40pour débusquer des précisions sur les difficultés,
12:43donc les déficiences, les entraves cognitives
12:46des élèves au départ.
12:48Wechsler, etc., ils n'ont pas du tout créé des tests
12:51pour alimenter le fantasme narcissique
12:54de parents qui seraient en quête d'un enfant surdoué
12:57ou celui de psy-peu-scrupuleux
12:59qui viendraient s'enrichir sur le dos d'un fantasme.
13:07Sur la socialisation des enfants,
13:09on a une salle,
13:11qu'on appelle la salle du DIEP,
13:13qui est vraiment le refuge.
13:16C'est bien d'avoir une relation un peu de confiance,
13:19avec l'intérieur du collège.
13:22J'ai le droit d'accéder à une salle,
13:24une salle du DIEP.
13:29Quand je suis un peu énervé
13:31ou quand je ne me sens pas bien,
13:33je peux aller au DIEP.
13:41Je pouvais parler,
13:43je pouvais m'exprimer
13:45et du coup, me calmer
13:47et revenir en cours un peu plus tard
13:49pour relâcher la pression.
13:52Ils peuvent y aller quand ils veulent,
13:54pendant la récréation, le midi,
13:56mais même si en cours,
13:58ils éprouvent le besoin de sortir
14:00parce qu'émotionnellement, c'est compliqué,
14:02ils peuvent aller dans cette salle.
14:04C'est un peu la salle
14:06où ils retrouvent un assistant d'éducation,
14:08mais ils se retrouvent entre eux aussi.
14:18Quand je suis arrivé,
14:20j'avais quand même une meilleure idée
14:22des problématiques,
14:24soit des élèves très insolents
14:26ou multi-exclus
14:28qui venaient souvent dans la salle
14:30ou des élèves
14:32qui seraient assez discrets,
14:34voire harcelés.
14:39Oui, c'est Adrien.
14:41C'était pour te dire,
14:43les Pavlovas ont cours le jeudi après-midi
14:45et ils sont en train d'y aller.
14:51En fait, ce qui est paradoxal,
14:53c'est d'essayer de faire en sorte
14:55qu'ils soient le moins ici possible.
14:57Donc quand ils viennent
14:59un peu en traînant des pieds
15:01alors que ça a sonné depuis une minute
15:03en disant on m'a pas accepté
15:05ou j'ai pas envie d'y aller,
15:07c'est d'essayer de voir
15:09que ce cas-là soit pas non plus récurrent.
15:11Ça, c'est un des problèmes
15:13et un des autres soucis,
15:15c'est parfois de la gestion émotionnelle.
15:17Il y a des élèves
15:19qui explosent
15:21un peu comme des petites bombes à retardement.
15:23À peine la sonnerie retentit,
15:25c'est déjà la fin de la récré.
15:27Les groupes d'élèves se forment
15:29dans les couloirs,
15:31pourvu que la classe soit déjà ouverte.
15:39Saisi par le brouhaha qui augmente,
15:41on ne peut plus reculer maintenant.
15:43Il n'y a pas le choix.
15:45Restez calmes.
15:47Surtout, restez calmes.
16:12C'est compliqué la frontière
16:14entre ce qu'on peut accepter
16:16et ce qu'on ne peut pas accepter.
16:18On sait qu'ils ont une caractéristique
16:20qui peut engendrer plus facilement des crises.
16:22Jusqu'où on reste ?
16:24Pourquoi ça engendre des crises ?
16:26C'est des gamins qui sont souvent anxieux.
16:28Il y a une gamine
16:30qui fabrique des bracelets.
16:32Les collègues l'autorisent à faire,
16:34mais à condition
16:36qu'elle suive le cours.
16:38Bien sûr, il y a toujours la condition.
16:41Elle a le droit de faire ses bracelets,
16:43parce que ça laisse prendre le vent,
16:45ça l'aide à ce qu'elle puisse se concentrer.
16:49J'avais laissé son bulletin de notes,
16:51parce que je l'assume tout à l'heure.
16:53Elle a 18 de moyenne,
16:55et pourtant elle fait ses bracelets.
16:57Ça ne la pénalise pas,
16:59vu qu'elle a cette capacité
17:01à tout retenir hyper rapidement.
17:03C'est une partie des trucs qu'on peut accepter.
17:05On a un élève aussi
17:07qui a besoin de faire du rubik's cube.
17:09Toujours la même consigne,
17:11vous m'inventez une petite phrase
17:13qui contient une assonance en ligne.
17:15Qu'est-ce qu'elle dit ?
17:23William est son frère Arthur.
17:25William a 14 ans,
17:27Arthur 11.
17:29À l'école primaire,
17:31William était timide,
17:33et parfois bagarreur.
17:35Son attitude inquiète à l'école,
17:37parents et enseignants
17:39présentent un parcours très chaotique.
17:41Un ultime incident
17:43a amené son entourage à trouver une solution.
17:49Je ne sais plus de quoi c'est parti.
17:51On s'est bagarré avec un élève.
17:53Il y avait deux animateurs
17:55pour me retenir dans ce bureau.
17:57Et en fait,
17:59à un moment donné,
18:01j'ai réussi à m'évader,
18:03à m'enfuir,
18:05à me venger,
18:07entre guillemets,
18:09de la personne en question.
18:11Au final, il a fallu
18:13trois adultes pour me maîtriser.
18:15On avait carrément enfermé l'élève
18:17qui avait embêté William
18:19dans une salle.
18:21Pour le protéger.
18:23Ce moment qui m'a vraiment fait comprendre
18:25qu'il y avait un problème
18:27avec William,
18:29qu'il n'était pas comme les autres.
18:31Je l'avais déjà remarqué,
18:34Au cours de mon enfance,
18:36j'ai le souvenir d'avoir énormément intériorisé
18:38au quotidien.
18:40Tout comme William,
18:42mon esprit tourmentait,
18:44rebutait mes camarades me poussant à la faute.
18:46Je ne trouvais pas le moyen d'expulser
18:48sainement mes colères.
18:50À l'école, l'autorité était la règle.
18:52Aucune possibilité d'être écoutée.
18:54En tout cas,
18:56c'est ce que je ressentais.
19:00J'essaie d'ignorer,
19:02c'est que vu que j'ai changé de place depuis,
19:04je suis juste en classe.
19:06Chaque élève du dispositif a un tuteur,
19:08qui est en général un de ses professeurs.
19:10Il y a une familiarité qui se fait
19:12entre le tuteur
19:14et l'élève au fil de l'année.
19:16Je regarde la dernière note
19:18et je vois 6 sur 10.
19:20Je me dis,
19:22j'aurais pu faire mieux, etc.
19:26J'ai un peu pleuré à un moment.
19:28On a tous le droit de pleurer,
19:30mais essayez de prendre
19:32de plus en plus sur vous
19:34pour intégrer la crise.
19:36Essayez d'écrire
19:38comment vous avez réussi à gérer.
19:40Là, il a l'occasion d'exprimer
19:42tout ce qu'il ressent
19:44par rapport à sa scolarité.
19:46La parole est très libre.
19:48Le rôle du tuteur, c'est d'écouter l'élève.
19:50Hippolyte a sauté deux classes,
19:52donc c'est difficile pour les anniversaires.
19:54Il a des amis
19:56dans une première classe,
19:58dans une autre classe,
20:00et il en a encore des en sixième.
20:02Son rôle consiste
20:04à jouer le rôle d'intermédiaire
20:06avec d'autres professeurs
20:08quand il y a des malentendus,
20:10même si la plupart des enseignants
20:12sont au fait des problématiques
20:14de la précocité dans le collège.
20:16Les adultes, surtout mon tuteur,
20:18ils me comprennent.
20:20Il n'y a pas de sujet tabou.
20:22Je peux leur parler de tout.
20:24Ça a l'air un peu mieux.
20:26Hier soir, quand je suis rentré,
20:28ça allait mieux.
20:30Je pense que c'était
20:32la truc d'Espagnol
20:34qui me prenait bien la tête.
20:36Je pense que c'était
20:38surtout la fatigue,
20:40en grande majorité.
20:42Sinon, je ne sais pas trop.
20:46Félicitations, en tout cas,
20:48ton intuition ne s'est pas vérifiée.
20:50Tu te souviens de ce que tu m'as dit ?
20:52Non.
20:54En général, il y a des gros incidents
20:56qui arrivaient.
20:58J'ai pris sur moi.
21:02Comment tu as fait ça ?
21:04Je me suis juste dit
21:06il faut te calmer, William.
21:08Il ne faut pas faire de conneries.
21:10J'ai cru vraiment, par contre,
21:12au bout d'un moment,
21:14que tu allais commencer
21:16à taquiner, voir la bagarre.
21:18Je me reconnais en lui,
21:20si tu vois ce que je veux dire.
21:22Je sais ce qui se passe
21:24dans sa tête pour qu'il fasse ça.
21:26Qu'est-ce qui se passe dans sa tête
21:28pour qu'il provoque comme ça ?
21:30La tension des gens.
21:32C'est juste pour avoir de la tension ?
21:34J'étais pareil.
21:36Mais genre 3 ans de moins.
21:38Tu imagines mes profs ?
21:40Avant le collège ?
21:42Tu n'étais pas un peu comme ça
21:44quand tu es arrivé ?
21:46J'étais comme ça quand je suis arrivé,
21:48mais j'étais encore pire avant.
21:52J'avais pas vraiment d'amis
21:54en élémentaire.
21:56Il y avait souvent des bagarres
21:58ou des disputes.
22:00J'étais souvent dans des histoires.
22:02J'étais dans aucun groupe.
22:04J'étais tout seul dans mon coin.
22:06On en parlait avec les enseignants,
22:08avec le directeur,
22:10mais on ne savait pas par quel côté
22:12l'aborder.
22:14Ce que je trouve assez mystérieux,
22:16et en tout cas très intéressant,
22:18c'est d'essayer de comprendre
22:20comment les jeunes,
22:22pour réussir à se sentir bien à l'école,
22:24rencontrent des difficultés
22:26à un certain moment de leur scolarité.
22:28Ça interroge l'école,
22:30ça nous interroge comme enseignants.
22:32Quand j'étais enfant,
22:34j'étais dans les deux difficultés
22:36qu'ils ont eues,
22:38difficulté à gérer l'échec,
22:40difficulté à gérer la relation
22:42avec les autres.
22:44J'ai redoublé trois fois.
22:46Ça a été compliqué.
22:48T-H-P.
22:50Très haut potentiel.
22:52Il dit haut potentiel,
22:54mais non, il est très haut potentiel.
22:56Je me suis un peu rattrapé
22:58sur ma carrière professionnelle.
23:00Mon premier matin de l'air,
23:02j'ai découvert que l'aviation
23:04était mon truc.
23:06Les sujets qui m'intéressaient
23:08étaient de niveau lycée
23:10ou post-bac,
23:12alors que j'étais juste au collège.
23:14Le cours continuait à avancer.
23:16J'ai trouvé d'être captivé
23:18par un interrupteur et une ampoule
23:20quand on regarde des circuits électroniques
23:22ou le fonctionnement d'une centrale nucléaire.
23:24Il y a eu un moment dans ma scolarité
23:26où j'étais au fond du trou.
23:28C'était vraiment l'échec complet.
23:30Un enseignant m'a remis le pied à l'étrier.
23:32Ça a tenu 2-3 ans.
23:34Ça m'a permis de reprendre confiance.
23:36Du jour où j'ai eu ça...
23:40Parfois, on a eu tendance
23:42à faire tout de suite un lien de causalité
23:44entre l'intelligence élevée
23:46et l'intelligence de l'enfant.
23:48Il a ces difficultés-là
23:50parce qu'il est à haut potentiel.
23:52Je trouve ça très dangereux.
23:54C'est sûr que c'est plus consensuel
23:56de dire à une famille
23:58que son enfant est surdoué.
24:00C'est beaucoup plus facile
24:02de dire ça à des parents.
24:04La raison de tout ce malheur,
24:06c'est une qualité.
24:08Nous, psys, ne rencontrons
24:10que des enfants en souffrance.
24:12Cette association entre l'intelligence élevée
24:14et le malheur, c'est tout à fait injustifié.
24:16Il y a des sujets qui, parfois,
24:18gâchent leur potentialité
24:20à cause de facteurs
24:22qui n'ont rien à voir avec l'intelligence.
24:28Comme si c'était hier.
24:30J'ai 5 ans.
24:32Depuis l'arrière de la voiture,
24:34je perçois l'inquiétude de mon père dans son regard.
24:42Ses lunettes s'arrachent de son visage.
24:46Ça tourne.
24:48Je me cramponne.
24:52Verrai-je la fin de cette journée ?
25:04Ma petite sœur n'est pas avec nous.
25:06Elle fait la sieste à la maison.
25:08Juste à côté de moi,
25:10les bris de verre transpercent
25:12son petit siège auto.
25:14À partir de là,
25:16rien ne sera plus comme avant.
25:18L'insouciance de l'enfance
25:20a laissé place
25:22à une anxiété permanente.
25:30Boéna, elle a su parler très tôt.
25:32Et quand elle a commencé à parler,
25:34elle posait beaucoup de questions.
25:36Autour de la mort,
25:38autour de l'existence de la Terre,
25:40de la création du monde,
25:42des choses assez mystiques.
25:44Quand le diagnostic a été posé,
25:46même si j'avais de fortes doutes,
25:48sinon je ne serais pas allée la faire tester,
25:50je ne l'ai pas du tout pris
25:52comme une bonne nouvelle.
25:54J'ai perdu mon père
25:56avant que Boéna soit née.
25:58Elle était très affectée
26:00de ne pas connaître son grand-père.
26:02Un jour,
26:04elle avait 3 ans et quelques.
26:06Boéna a fait une réflexion autour de ça
26:08en me disant
26:10qu'elle ne l'avait pas connue,
26:12qu'il ne pouvait pas exister en elle
26:14puisqu'elle ne l'avait pas connue,
26:16puisqu'elle n'existait pas.
26:18Tout d'un coup,
26:20elle m'a regardée et m'a dit
26:22que j'existais déjà
26:24puisque avant de m'avoir,
26:26papa et toi, vous m'avez imaginée.
26:28Elle avait 3 ans.
26:30Je suis restée un peu estomaquée
26:32et je trouvais qu'elle avait raison.
26:34Je lui ai dit que c'était vrai,
26:36qu'elle existait déjà
26:38puisqu'elle existait dans notre imaginaire.
26:40Je pense que ça a été la réflexion
26:42qui a un peu déclenché
26:44le fait que je me suis dit
26:46qu'il fallait faire un bilan.
26:48Ils vont se poser des questions
26:50métaphysiques à un âge
26:52où ils ne sont pas toujours prêts
26:54à pouvoir faire face
26:56à l'angoisse vertigineuse
26:58de l'infini,
27:00des questions de la mort
27:02et après la mort,
27:04des choses comme ça.
27:06Quand vous vous posez ces questions-là
27:08et que vous avez 7 ans,
27:10alors que c'est des questions
27:12qu'on se pose plutôt à l'adolescence,
27:14c'est pas évident.
27:16J'aimais pas l'école
27:18parce que je m'ennuyais un peu
27:20quand même en classe
27:22parce que c'était pas trop des trucs
27:24que j'avais spécialement envie d'étudier.
27:26Je me détestais pour être précoce
27:28et passer ma majorité du temps
27:30avec des livres qu'avec des gens.
27:32Et qu'au collège,
27:34les adultes,
27:36surtout mon tuteur,
27:38me comprennent.
27:40C'est quand même quelque chose d'assez nouveau.
27:42Elle t'a dit aussi hier
27:44que tu t'auras tous les jours.
27:46Pas juste une fois par semaine,
27:48tous les jours.
27:50C'est bien que ça fonctionne bien
27:52si t'en demandes plus.
27:54Oui, parce qu'à chaque fois,
27:56il va rester là encore une heure
27:58parce que j'ai pas fini de tout lui dire.
28:00Souvent, c'est des élèves
28:02qui ont une personnalité assez forte.
28:04Même quand ils sont réservés,
28:06ils ont souvent une grande richesse intérieure,
28:08une grande curiosité intellectuelle.
28:10Et donc, s'ils ne rencontrent pas
28:12un environnement qui est à l'écoute
28:14de cette particularité-là,
28:16ça peut effectivement être
28:18source de souffrance,
28:20de décrochage,
28:22de désintérêt, d'ennui.
28:24Un enfant qui a des troubles d'attention,
28:26on va essayer d'adapter les choses
28:28pour que ça puisse aller.
28:30Un enfant qui a une dyslexie,
28:32on va aussi adapter un peu les choses.
28:34Donc je crois que c'est un peu un devoir,
28:36pour moi, de l'école,
28:38d'être à l'écoute des besoins de chacun.
28:40À son jeune âge,
28:42Léopold a déjà traversé de lourdes épreuves.
28:44À 3 ans, ses parents se séparent.
28:46Lorsque son père meurt,
28:48il n'a que 6 ans.
28:50Durant cette même année de CP,
28:52très vite, on lui diagnostique
28:54un trouble du déficit de l'attention,
28:56le TDAH.
28:58Il est alors réorienté vers une classe spécialisée,
29:00une classe ULIS, pour les élèves
29:02en situation de handicap.
29:04Traité avec de l'aritaline,
29:06un médicament qui régule l'hyperactivité,
29:08Léopold régresse.
29:10Mais son haut potentiel est finalement identifié par un psychologue.
29:12Sa mère apprend l'existence
29:14du dispositif d'intégration
29:16des élèves à haut potentiel,
29:18mis en place au collège Georges Brassens.
29:20Je pense que ça mérite d'être relu.
29:22Poulette et le renard.
29:24Le renard s'incrusta dans le congrès
29:26annuel du club des amis des poules
29:28afin de croquer
29:30quelques animaux à plumes.
29:32J'étais avant dans un collège
29:34où ça se passait plutôt mal.
29:36C'était là
29:38où mon TDAH était
29:40un peu beaucoup développé en fait.
29:42Et je faisais
29:44beaucoup de bêtises.
29:46Et
29:48je faisais pas mon travail en fait.
29:50Je pense que c'est
29:52parce que je me sentais pas trop à ma place.
29:54Surtout quand ils m'ont mis dans
29:56en classe Ulysse,
29:58tu te sentais pas à ta place en effet.
30:00Il y a jamais eu de résultats,
30:02de mauvais résultats. Il y a juste eu
30:04un arrêt du travail. Je regrette
30:06qu'il n'y ait pas d'observatoire
30:08de la scientificité des
30:10psychologues qui s'expriment
30:12dans les médias parce que ça aurait
30:14évité un grand nombre de professionnels
30:16et de familles
30:18et d'enfants évidemment tout particulièrement
30:20d'être fourvoyés
30:22dans des explorations
30:24diagnostiques flottantes
30:26et dans des diagnostics
30:28infructueux voire
30:30cruels pour le destin des enfants.
30:32Quand on m'a déménagé dans le
30:3419ème arrondissement,
30:36j'ai donc changé de collège et là ça se passe
30:38beaucoup mieux.
30:40J'ai pas été coulée une seule fois.
30:42Je fais mon travail, j'ai des bonnes notes.
30:44Quand il y a un décalage entre la façon
30:46de penser de l'autre
30:48avec la sienne, un trop gros décalage
30:50et puis aussi une vivacité d'esprit,
30:52vraiment avoir tout de suite la réponse
30:54en répondant comme ça
30:56qui fuse, c'est assez impressionnant.
30:58Et un côté aussi
31:00solitaire, ne pas trop supporter
31:02le bruit, avoir du mal
31:04à communiquer avec les autres.
31:06Le bruit par exemple,
31:08Léopold ne supporte pas de manger à la cantine.
31:10Il y a trop de bruit.
31:12Je fais pas des crises, c'est juste que ça me dérange.
31:14Je fais pas des crises.
31:16Tu pourrais mais c'est compliqué.
31:18Je pourrais faire des crises ?
31:20Non, tu pourrais manger à la cantine.
31:22Je lui fais des paniers au parfum.
31:26Donc il mange en salle
31:28à 120 avec madame le maire.
31:30J'ai l'impression que ça me ressemble.
31:32Parce que je m'en rappelle. Donc en petit comité.
31:34Ca va Léopold ?
31:36Très bien et vous monsieur ?
31:38Comment s'est passée la semaine ?
31:40Elle s'est très bien passée.
31:42Ce matin j'ai fait un contrôle d'anglais
31:44qui s'est très bien passé.
31:46Sur les métiers.
31:48Et par rapport à ce que tu me disais la dernière fois
31:50sur le fait que tu étais un peu fatigué ?
31:52Je suis toujours un peu fatigué
31:54parce que ce matin je me suis levé un petit peu tôt.
31:58Parce que moi je trouve que t'es un peu différent quand même.
32:00Avec Rita Innocent ?
32:02Oui.
32:04Comment ?
32:06Comme tu disais la dernière fois
32:08je te trouve plus vif
32:10mais tu réponds très vite.
32:12T'es plus...
32:14Ah oui avec Rita Innocent j'étais toujours très très fatiguée.
32:16Là je le sais un peu moins.
32:18Mais encore un peu.
32:20Donc là t'es plus vivant on va dire.
32:22Oui.
32:24Mais je veux dire en classe sur la concentration
32:26t'arrives à rester sur une tâche
32:28sans avoir un moment besoin
32:30de regarder ailleurs.
32:32Toi ça va.
32:34Il n'y a pas de soucis.
32:36Non mais c'est ça le plus important.
32:38Si tu sens vraiment que c'est difficile
32:40il faut le dire.
32:42Avec les troubles de l'attention
32:44parfois ça peut masquer
32:46le potentiel parce que
32:48ils n'arrivent pas à tenir en place,
32:50ils bougent beaucoup, ils sont distraits
32:52et alors à nouveau on a tendance
32:54un peu à les qualifier de
32:56pas très malins et parfois les enseignants
32:58vont les disqualifier.
33:00Et le testing est plus compliqué aussi.
33:02Là aussi c'est important que ce soit fait
33:04par un professionnel compétent,
33:06vraiment un psychologue clinicien
33:08qui sait ce que c'est une dyslexie,
33:10un TDAH,
33:12un trouble du spectre de l'autisme, etc.
33:26Certaines épreuves du test au potentiel
33:28j'étais incapable,
33:30mais vraiment incapable
33:32de les faire.
33:34On me donnait une suite de nombres,
33:36je devais la dire dans l'autre sens,
33:38j'étais incapable de le faire.
33:40Incapable.
33:42Il a été diagnostiqué dyslexique
33:44en fin CE1.
33:46C'est-à-dire que jusqu'avant
33:48la fin de CE1
33:50on avait l'impression que
33:52Arthur lisait, ça se voyait pas.
33:54Donc effectivement le potentiel lui a donné des capacités
33:56pour que tout ça soit masqué
33:58jusqu'à ce qu'il n'y ait plus
34:00de stratégie possible.
34:02À un moment donné il faut savoir lire,
34:04parce qu'on ne peut pas faire sans.
34:06Par exemple,
34:08quand on était petit,
34:10on nous donnait des histoires faciles,
34:12petit chapeau rond-rouge,
34:14trois lignes par page.
34:16Je connaissais les histoires par cœur,
34:18donc je décodais à peu près difficilement
34:20les deux premières lettres.
34:22Avec le contexte, je connaissais
34:24le grand méchant loup
34:26qui attrapa le chapeau rond-rouge
34:28et sa grand-mère.
34:32Par contre,
34:34quand on nous sort un texte
34:36qui vient de je ne sais où,
34:38là je...
34:42J'observe chez certains enfants
34:44et chez certains adultes
34:46un surinvestissement un peu défensif de la pensée.
34:48C'est-à-dire
34:50une propension à utiliser
34:52l'intelligence, la réflexion,
34:54la maîtrise culturelle
34:56d'informations comme
34:58une défense. Ça peut protéger
35:00de certaines effractions, de certaines anxiétés, etc.
35:08Pour un groupe,
35:10avec des rapidités d'exécution des tâches
35:12très variables, un élève DIEP,
35:14quand il a saisi une notion,
35:16il va avoir tendance à la saisir dans son ensemble
35:18et ces mécanismes psychiques
35:20vont commencer même à s'intéresser aux cas particuliers,
35:22à ces fameuses limites.
35:24Alors que nous déjà, on veut
35:26faire en sorte que le groupe classe
35:28comprenne le cas général.
35:32Ce dont on se rend compte
35:34qu'il y a un problème assez général,
35:36c'est des problèmes dénoncés.
35:38C'est-à-dire que l'élève
35:40est complètement en capacité,
35:42voire a les connaissances pour résoudre
35:44les problèmes,
35:46mais est en difficulté parce qu'il a
35:48mal lu l'énoncé, mal compris l'énoncé
35:50ou il manque de confiance en lui.
35:52Je prends l'exemple de Léopold,
35:54mais il n'est pas seul dans la classe,
35:56de ne pas répondre à la question,
35:58d'aller plus loin que la question
36:00et ne pas répondre à la question,
36:02donc il n'a pas les points de la question
36:04parce que la question est simple, bête et méchante.
36:08C'est des précipitations cognitives.
36:10Le fait d'investir la pensée
36:12avec autant d'appétit,
36:14parce que dans la précipitation,
36:16on court quand même plus vite que les autres,
36:18ça témoigne
36:20d'un appétit
36:22pour la réflexion, pour la pensée.
36:24Donc on n'est pas très étonnés
36:26que ces enfants se retrouvent parfois
36:28à avoir un cul élevé,
36:30parce qu'ils aiment réfléchir,
36:32ils aiment se remplir d'informations.
36:34Ce qui peut être très intéressant,
36:36c'est le fait de les solliciter
36:38en tant qu'aide aux autres camarades.
36:40Je suis convaincue
36:42que ce ne sont pas les centres d'intérêt
36:44qui font le lien entre enfants.
36:46Je pense que ce qui écarte les enfants
36:48les uns des autres,
36:50c'est des dynamiques affectives,
36:52des dynamiques relationnelles.
36:54Un enfant qui est odieux avec ses camarades,
36:56qui est complètement désinhibé,
36:58qui impose sa loi,
37:00qui dit tout ce qu'il pense
37:02et fait tout ce qu'il veut faire,
37:04change les règles des jeux,
37:06sera mis à l'écart par le groupe de toute façon.
37:08Les enfants consultants,
37:10qu'ils aient un cul élevé ou pas,
37:12sont immatures.
37:14L'intelligence, c'est un outil
37:16au service de l'apprentissage.
37:18L'apprentissage n'est pas déterminé
37:20que par notre intelligence.
37:22Il est déterminé par nos intérêts,
37:24notre motivation,
37:26le contexte social dans lequel on est.
37:28Je vois des enfants qui sont parfois
37:30même en difficulté psychologique
37:32parce que dans l'école, ils sont harcelés.
37:44Nous, on privilégie systématiquement
37:46l'arrivée en sixième
37:48parce qu'on estime qu'il y a
37:50différentes phases et étapes
37:52qui doivent être mises en place.
37:54Quand les enfants arrivent
37:56en quatrième ou en troisième,
37:58c'est très compliqué.
38:00C'est des enfants qui arrivent
38:02extrêmement fragilisés.
38:04On a de la phobie scolaire,
38:06on a des enfants qui n'ont plus
38:08du tout confiance en l'école.
38:10C'est très compliqué.
38:12On a des enfants qui n'ont plus du tout
38:14confiance en l'école, qui sont
38:16complètement cassés par le système.
38:24L'être humain n'est pas
38:26un très bon observateur,
38:28n'est pas nécessairement un bon juge.
38:30On a beaucoup étudié
38:32ces dernières années
38:34en psychologie sociale,
38:36les biais de jugement.
38:38Simplement se baser sur son jugement intuitif
38:40ne garantit pas du tout de faire un bon jugement.
38:48En primaire, on me disait que mon fils
38:50avait des problèmes de mémoire,
38:52de concentration.
38:54On m'a toujours évoqué des moins,
38:56jamais des plus.
38:58On ne s'est jamais demandé
39:00si mon fils s'ennuyait en classe,
39:02alors que moi je l'ai déjà évoqué
39:04avec des professeurs principaux
39:06en disant peut-être qu'il s'ennuie.
39:08En cours préparatoire,
39:1015 jours après la rentrée,
39:12il avait déjà fait des groupes.
39:14Deux niveaux.
39:16Les mauvais avec les mauvais,
39:18les moyens, les bons.
39:20Mon fils était avec les mauvais.
39:38B16, c'était ça le problème.
39:40J'aurais dû arriver
39:42sûrement un an avant
39:44à Georges Vincens.
39:46Merci à tous d'être venus.
39:48Adrien ?
39:50Du coup, j'ai trois élèves.
39:52On va commencer avec Ilias,
39:54qui est en 3e Wolfe.
39:56C'est un élève qui était en échec scolaire
39:58l'année dernière,
40:00qui n'allait plus dans son collège.
40:02Il estimait qu'il avait été un peu
40:04mal éduqué.
40:06Il estimait qu'il avait été un peu
40:08harcelé par les adultes
40:10de son ancien collège.
40:12Le gros point positif,
40:14c'est qu'il a renoué la confiance
40:16avec l'institution et les adultes.
40:18C'est quand même
40:20un gros point pour Brassens.
40:22Le revers de la médaille,
40:24c'est qu'il se sent tellement à l'aise
40:26qu'il ne suit pas tellement.
40:28On lui demande de participer,
40:30il ne participe pas.
40:32C'est un peu la cata avec les orientations.
40:34Il est encore en arme.
40:36C'est tout.
40:38Là, on se retrouve dans un...
40:40Un peu dans une impasse.
40:42C'est moi que je cherchais.
40:44Dans une impasse.
40:46Quelqu'un avec qui tu peux parler,
40:48donc Adrien,
40:50ça change beaucoup de mon ancien établissement.
40:52Tu ne pouvais parler à personne.
40:56C'est vrai qu'en début d'année
40:58et milieu d'année,
41:00les résultats n'étaient pas fameux.
41:02Mais...
41:04Je me suis beaucoup amélioré
41:06au niveau des notes vers la fin d'année.
41:08C'est ça qui m'a permis
41:10de pouvoir être accepté en seconde générale.
41:12Il s'occupait
41:14beaucoup plus de toi.
41:18Il prêtait plus attention.
41:20Juste de dire
41:22que tu as fait un bon boulot,
41:24que le travail est bien,
41:26que je me suis investi,
41:28ça fait du bien d'entendre ça.
41:30Il y a certains enseignants
41:32qui n'ont pas forcément
41:34les connaissances pour voir
41:36derrière un élève
41:38qui pose des problèmes de comportement
41:40ou qui a des résultats décevants.
41:42Un élève qui a de grandes capacités.
41:44L'histoire personnelle d'Ilias
41:46m'évoque ma propre histoire.
41:48Il n'est pas toujours simple quand un élève
41:50ne s'épanouit pas à l'école
41:52de faire entendre ses ambitions à propos de son avenir.
41:54Des décisions importantes
41:56peuvent être prises à un âge précoce.
41:58Malheureusement,
42:00certains raccourcis empruntés ces dernières années
42:02amènent certains parents à attribuer
42:04le mal-être de leur enfant
42:06à leurs grandes capacités intellectuelles.
42:10Un jour, j'ai rencontré
42:12une jeune fille qui était
42:14vraiment brillantissime.
42:16Elle ne pouvait pas s'arrêter de lire
42:18et de se renseigner en permanence.
42:20Elle était vraiment décrochée des intérêts des autres.
42:22Elle était aussi assez agressive avec les autres.
42:24Elle était fâchée, etc.
42:26J'ai rencontré sa maîtresse,
42:28le directeur de son école, etc.
42:30On a fait des réunions.
42:32Et j'ai dit, écoutez, franchement,
42:34il faut lui faire sauter au moins une classe
42:36parce que là, cet enfant s'ennuie trop.
42:38Elle est vraiment décrochée des affinités des autres.
42:40C'était au début de ma carrière.
42:42Donc j'ai cédé à cette facilité,
42:44cette illusion que la souffrance de cet enfant
42:46pouvait être guérie, entre guillemets,
42:48par un aménagement du cadre scolaire.
42:50Et le résultat, c'est que l'année d'après,
42:52elle est devenue boulimique.
42:54Une mère qui avait diffusé
42:56dans la pensée
42:58avait été rassasiée
43:00et donc elle s'était déplacée
43:02ailleurs.
43:04Il y avait une séparation entre les parents
43:06qui était terriblement douloureuse,
43:08une mère qui n'allait pas très bien
43:10à laquelle elle se défendait de ressembler
43:12en intellectualisant beaucoup.
43:14En fait, j'aurais pu lui faire sauter toutes les classes
43:16qu'elle voulait, c'était pas là le problème.
43:18Le noyau de la souffrance de cet enfant
43:20était bien dans son vivier familial.
43:22Trop intelligent pour être heureux est un slogan marketing
43:24malhonnête.
43:30Lorsque j'allais à l'école, j'y allais comme un
43:32non pas un touriste, je n'étais pas touriste,
43:34je n'étais pas au Club Med, mais comme un passant.
43:38Je verse moi-même le thé, bien au milieu du bol.
43:40Le sucre doit être vertical,
43:42sinon c'est le bazar. Ensuite, je range tout.
43:44Je range les baumes,
43:46je range les gosses, c'est sensiblement
43:48la même chose d'ailleurs, je range la voiture
43:50et je cycle le zèbre.
43:52Oui, j'ai toujours eu des zèbres, les rayures sont bien parallèles.
43:54Tout près de ce que l'on est
43:56au potentiel, il y a une supériorité intellectuelle
43:58qui fait qu'on surpasserait
44:00tout le monde dans les matières,
44:02qu'on aurait des notes explosives.
44:04C'est complètement chimérique, c'est pas vrai,
44:06c'est pas la réalité.
44:10Je me crois digne de ta flamme
44:12et de porter ton nom
44:14car
44:16pour m'avoir choisi pour femme
44:18faut vraiment que tu sois...
44:20Vous êtes formidables.
44:22Je ne pourrais jamais
44:24cracher sur le système de l'éducation,
44:26même si, pour moi, il est parfaitement imparfait
44:28à bien des égards. Je pense que tu
44:30t'accorderas sur ce point-là avec moi.
44:32Le terme d'assiduité,
44:34je ne peux pas l'associer à l'école
44:36mais je peux l'associer à ce que je faisais
44:38extrascolairement et mes résultats étaient
44:40inégales, hautement inégales.
44:42En classe de 4e, c'était vraiment pas la joie,
44:44j'étais complètement...
44:46Je n'étais pas
44:48épanoui, c'est une évidence, avec mes camarades
44:50qui, franchement,
44:52ne me confortaient pas dans l'idée que
44:54j'avais ma place dans ces classes.
44:56Et donc,
44:58Mme Sardet-Michel a décidé
45:00en tant que principale
45:02de me faire sauter une classe.
45:04Alors c'était une décision
45:08qui a été un poids, ça a fait reménage,
45:10je te laisse imaginer tous les...
45:12Mais ça s'est fait.
45:14Pour moi, ce n'était pas de me faire sauter une classe pour mon plaisir,
45:16pas du tout. Elle m'a dit, Enzo, moi je suis convaincu d'une chose,
45:18c'est que plus vite
45:20vous sortirez du système scolaire et plus vite
45:22vous serez épanoui parce que vous pourrez faire ce que vous souhaitez.
45:24Mais ça, c'est un cadeau
45:26remarquable.
45:28Et je crois
45:30qu'il faut saluer les êtres exquis qu'on rencontre
45:32comme ça.
45:44La couleur du verre brisé
45:46se reflète sur ta main.
45:48Ton sourire a l'air d'hurler que tu m'appartiens.
45:50Tu es mien,
45:52je soutiens, ton odeur me rend ivre de bonheur.
45:54Tout à coup, je ne la sens plus.
45:56Je veux respirer, où es-tu ?
46:06Je hurle mon impuissance face à la mort.
46:08Devant elle,
46:10je ne suis rien mais j'aimerais être tout
46:12caché de ses bras et te miser dans les miens.
46:14Au nom de tous les dieux
46:16auxquels je ne crois pas, au nom de
46:18toi, au nom de rien, s'il te plaît
46:20reviens.
46:22Je veux ton souffle, ta voix et ton odeur.
46:24Je veux respirer, où es-tu ?
46:26Partager avec la mort ne me convient pas.
46:34En général,
46:36quand j'écris
46:38longtemps, c'est plutôt du fantastique.
46:40Après,
46:44parce qu'il y a des thématiques qui se rejoignent,
46:46il y a souvent
46:48des histoires autour,
46:50quand j'écris sur votre pad, autour
46:52de la mort, surtout.
46:54Quand je suis dans des mondes un peu
46:56négatifs et que j'écris des trucs,
46:58après, comme c'est sorti de moi,
47:00c'est un peu mieux.
47:02Au début, quand j'ai écrit, c'était parce
47:04que je faisais tout le temps des cauchemars.
47:06Et du coup, j'ai commencé
47:08à écrire des histoires
47:10sur les thèmes qui me préoccupaient.
47:12Au début, je réfléchissais
47:14pas forcément pour faire mon métier,
47:16mais
47:18depuis un certain temps, je pense
47:20que je me dis que ça pourrait être sympa, en vrai.
47:24Quand j'étais petite,
47:26moi, j'aurais bien aimé
47:28que quelqu'un faisait me parler avec moi
47:30d'littérature dans la cour ou ce genre de choses.
47:32C'était pas trop leur truc.
47:34Plus
47:36mature, intellectuellement parlant,
47:38que la majorité
47:40des enfants de mon âge.
47:42Sur certains trucs, ça peut être bien,
47:44mais après,
47:46ça peut être pas ouf non plus par rapport
47:48au centre d'intérêt. Avec mes amis,
47:50on rigole.
47:52On rigole bien, ça, c'est chouette.
47:56Les trucs
47:58engagés aussi, on parle
48:00pas mal de politique. Dans le collège,
48:02y'a pas trop de racisme,
48:04mais y'a beaucoup, beaucoup
48:06d'homophobie.
48:08Tu marches dans les couloirs et on te dit
48:10espèce de gros pédé.
48:12Même, ça devient une insulte entre potes, genre
48:14si tu me touches, ça veut dire que t'es gay.
48:16Oh là là, me touche pas.
48:18Après, y'a du sexisme aussi.
48:20Principalement.
48:22En fait, j'ai quand même la chance
48:24d'être dans un collège
48:26globalement avec
48:28des idées politiques
48:30pas trop nulles, mais
48:32après, ça empêche pas qu'il y ait des gens
48:34qui soient complètement stupides.
48:46William, c'est
48:48l'exemple même de la réussite
48:50de tout un établissement
48:52scolaire. Il a fait une sixième
48:54très compliquée,
48:56conseil de discipline en cinquième,
48:58il a failli être exclu du collège, quatrième,
49:00donc déjà un grand changement.
49:02Et cette année, William,
49:04on voit vraiment l'évolution.
49:08Je préférais le jeu de logique,
49:10de stratégie, de réflexion
49:12qu'aller dans la cour
49:14pour rire ou faire du sport
49:16car à l'époque,
49:18j'aimais vraiment pas trop le sport. Faire du sport,
49:20souvent, on fait plusieurs. Et le truc, c'est que comme
49:22j'avais pas d'amis, je pouvais pas jouer, du coup,
49:24je préférais rester dans la classe.
49:28Ma dyslexie
49:30masque un petit peu
49:32mon potentiel. J'ai
49:34certains résultats qui sont
49:36super hauts,
49:38mais j'en ai d'autres qui sont aussi
49:40super bas.
49:48Au cours des expériences de la vie,
49:50William,
49:52c'est l'exemple même de la réussite
49:54de tout un établissement scolaire.
49:56Au cours des expériences de la vie,
49:58j'ai réalisé que l'exploitation du potentiel
50:00de chacun dépend aussi des différentes
50:02rencontres que l'on peut faire.
50:04Faut-il encore qu'il y ait
50:06un dialogue entre adulte et enfant ?
50:08Pour moi, le manque d'écoute
50:10que je ressentais m'a parfois joué détour.
50:12L'école est l'essentiel
50:14du quotidien d'un enfant. Y arriver
50:16le matin avec la boule au ventre
50:18est intolérable.
50:22Tout le monde connaît quand même
50:24le parcours d'Albert Camus
50:26qui vient d'un milieu extrêmement pauvre
50:28en Algérie
50:30et qui a un instituteur qui était
50:32M. Germain qui repère
50:34ce petit garçon qui est quand même doué.
50:36C'est très touchant
50:38le discours de Camus quand il a
50:40été reçu pour son prix Nobel
50:42où il a rendu hommage à son instituteur
50:44parce qu'effectivement, sans son instituteur,
50:46il n'aurait sans doute pas été
50:48où il était à ce moment-là.
50:50Cher M. Germain,
50:52j'ai laissé s'éteindre un peu
50:54le bruit qui m'a entouré ces jours-ci
50:56avant de venir vous parler
50:58un peu de tout mon cœur.
51:00On vient de me faire un bien
51:02trop grand honneur que je n'ai ni
51:04recherché ni sollicité.
51:06Et quand j'ai appris la nouvelle,
51:08ma première pensée après ma mère
51:10a été pour vous.
51:12Sans vous, sans cette main affectueuse
51:14que vous avez tendue aux petits
51:16enfants pauvres que j'étais,
51:18sans votre enseignement et votre exemple,
51:20rien de tout cela ne serait arrivé.
51:24Mon cher petit, j'ai l'impression
51:26que ceux qui essayent de percer ta personnalité
51:28n'y arrivent pas tout à fait.
51:30Tu as toujours montré
51:32une pudeur instinctive
51:34à déceler ta nature, tes sentiments.
51:36Tu y arrives d'autant mieux
51:38que tu es simple,
51:40direct et bon
51:42par-dessus le marché.
51:44Ces impressions, tu me les as données en classe.
51:46Je crois donc
51:48bien connaître le gentil
51:50petit bonhomme que tu étais.
51:52Et l'enfant, bien souvent,
51:54contient en germe l'homme qui deviendra.
52:18...
52:28...
52:38...
52:48...

Recommandations