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« Flic un jour, flic toujours », s'exclame Bernard Petit. Cet ancien patron du 36 quai des Orfèvres, devenu en écrivain, rend compte d'un métier qui colle à la peau et qui use. En 2015, il est brusquement remercié, moins de deux ans après son arrivée au poste. Accusé de violation du secret de l'instruction dans une affaire financière, il devient l'homme à abattre. Huit ans plus tard, Bernard Petit sortira blanchi de cette affaire, mais pas indemne.
L'ancien inspecteur a consacré toute sa carrière au grand banditisme : trafic de stupéfiants, criminalité financière, délinquance en bande organisée...Il y décrit un quotidien dur où le trafic de drogues semble être l'origine de tous les maux. Il se souvient d'un évènement particulièrement marquant : l'attentat de Charlie Hebdo. En effet, il fut l'un des premiers à entrer dans l'enceinte du journal après l'attaque. Il se rappelle ces corps inanimés dans la même pièce. Une image qu'il n'oubliera jamais. Bernard Petit rejette les critiques visant la police. Il pointe du doigt alors les généralités et les stigmatisations, qui ternissent l'image du corps.

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Transcription
00:00Musique douce
00:03...
00:18Qu'est-ce qu'un grand flic, Bernard Petit ?
00:22C'est une appellation très médiatique.
00:26Moi, je pense qu'il n'y a pas de grand flic.
00:29C'est toujours un travail d'équipe.
00:31Il y a quelqu'un qui prend plus la lumière que d'autres.
00:34Mais dans la résolution d'affaires criminelles,
00:37les gens qui travaillent dans les laboratoires
00:40de police scientifique jouent un rôle déterminant.
00:43C'est souvent la révélation d'une empreinte,
00:46l'identification d'un auteur
00:48qui arrive par la police scientifique aujourd'hui,
00:50ou par la technologie, une prouesse d'un technicien
00:54qui réussit une écoute téléphonique difficile,
00:56qui pose problème, ou une sonorisation.
00:59Et c'est vous qui allez prendre la lumière
01:01sur le fait des autres, ou le cumul du fait des autres.
01:05C'est donc...
01:06Vous avez été mis à la retraite sans ménagement en février 2015,
01:11après 32 ans passés dans la police nationale.
01:13Flic un jour, flic toujours.
01:15Quoi que l'on fasse, ce métier vous colle à la peau ?
01:18Oui, bien sûr.
01:19On reste un flic, mais les gens qui vous reçoivent
01:22vous regardent comme un flic, alors que vous ne l'êtes plus.
01:25Diriez-vous que ce métier laisse indemne ou ne laisse pas indemne ?
01:29Alors, je suis très partagé là-dessus.
01:31Je sais que beaucoup de collègues, et j'en suis,
01:34essaient de faire ce métier sans montrer nos colères, nos faiblesses,
01:38mais c'est un métier, oui, qui use et qui blesse,
01:41quoi qu'on en dise, même dans l'inconscient,
01:44simplement, on en a plus ou moins conscience.
01:46Mais non, ça fait quelque chose de voir un cadavre
01:50avec une balle en pleine tête, la tête éclatée.
01:53Vous rentrez pas chez vous, c'est pas anodin,
01:56ça vous pollue le mental, quelque part,
01:59mais vous avez cette force qui fait que vous essayez
02:02d'être résilient, de ne pas montrer,
02:05et du coup, c'est une honte pour tous les gens qui vous entourent.
02:10Tout le monde se tient, on se tient.
02:12Vous avez été un éphémère,
02:14Thaullier du 36, puisque, comme je le disais,
02:16vous avez été suspendu presque d'une heure à l'autre
02:19de votre poste pour une sombre histoire
02:22de violation du secret de l'instruction,
02:24dont vous avez été blanchi, mais il aura fallu huit ans
02:27pour laver votre honneur, c'est le prix à payer
02:30quand on ferait avec les hautes sphères du pouvoir ?
02:33Euh...
02:34En partie, oui.
02:35Oui, oui, en partie, oui, et...
02:38Voilà, huit ans, c'est long, c'est très long,
02:41et c'est à des travers de la justice,
02:44c'est la longueur.
02:46On a comme ça des choses qu'on peut,
02:48dans chaque ministère, voire...
02:51avec simplicité et directement.
02:53La police, c'est le problème des plaintes,
02:56du recueil des plaintes, la gestion des plaintes.
02:59La justice, c'est la longueur des décisions,
03:01la longueur du temps,
03:03et puis un questionnement sur les instructions
03:05qui sont menées à charge,
03:07plutôt à charge qu'à décharge,
03:09et qui aboutissent à faire traîner encore plus longtemps
03:12des dossiers assez clairs.
03:13Ce qui était le cas de vous, la question peut sembler naïve,
03:17mais j'imagine que l'on ne devient pas patron de la PJ
03:19sans appui. C'est un poste hautement stratégique,
03:22donc hautement politique, non ?
03:24Oui, enfin, moi, je l'ai pas perçu comme ça.
03:27Moi, avant d'être patron du 36,
03:30j'étais sous-directeur en charge de la lutte
03:32contre le crime organisé et la délinquance financière.
03:35Je gérais les offices centraux,
03:37qui avaient une activité extrêmement soutenue,
03:40dans la lutte contre les cercles de jeu parisiens,
03:42dans la lutte contre le blanchiment,
03:45dans la lutte contre les vols à main armés.
03:47Pour moi, c'était une marche supplémentaire.
03:51Mais je...
03:53Non, je...
03:54Alors, après, le politique, bah oui,
03:56mais je sais pas si tous les directeurs vous le diront,
03:59mais le politique est ainsi fait
04:02qu'il m'a toujours été dit de ne pas faire confiance
04:06et de faire très attention avec les politiques.
04:09Vous étiez marqué à gauche et pas issu du Serail,
04:11malgré un CV irréprochable.
04:13C'est pourquoi vous êtes devenu, en moins d'un an,
04:16l'homme à abattre, la victime d'une guerre larvée
04:19entre différentes chapelles de la police ?
04:21Sans doute.
04:22C'est sans doute la raison.
04:24C'est sans doute la raison.
04:26Euh...
04:27Parce qu'à vous dire, la police,
04:29c'est, d'Alas, ton univers impitoyable.
04:31Oui, mais vous savez, c'est la vérité.
04:33Il y a une compétition entre les services,
04:36une compétition entre les directions.
04:39Eh bien, c'est...
04:41Voilà, c'est... On essaie de coordonner,
04:45de s'entendre, de faire des choses correctes,
04:47et on y arrive, on y arrive parfaitement,
04:50mais c'est vrai qu'il y a toujours, au fond des cœurs,
04:53au fond des esprits, telle chapelle
04:55qui pense qu'elle est meilleure que telle autre.
04:57On vit beaucoup sur des acquis historiques.
05:00Alors que, notamment, en police judiciaire,
05:02c'est les bassins de criminalité qui, en premier,
05:05ont permis à des unités de police judiciaire de progresser.
05:08Mais ces bassins de criminalité ont changé.
05:11En 10 ans, la criminalité française a énormément évolué.
05:14Et vous avez, aujourd'hui, la crime Marseille, par exemple,
05:17qui gère sans doute le plus grand nombre d'homicides
05:20et d'affaires compliquées par rapport à tous les crimes de France.
05:24-"Dans les Justes", d'Albert Camus,
05:26un personnage confie qu'il est devenu policier
05:28pour être au centre des choses.
05:30Que diriez-vous, vous, rétrospectivement ?
05:33C'est tellement juste. C'est tellement juste.
05:36Et ce que vous dites me touche autant plus
05:39que je suis fervent de Camus.
05:42Oui, oui, c'est tout à fait juste.
05:44Vous trouvez, tout d'un coup,
05:46tout ce qui fait l'humanité et le côté des humains
05:49de certaines actions des hommes et des femmes.
05:52C'est quelque chose de très puissant que d'être là à regarder.
05:56C'est pour ça qu'il faut vous abstenir de haine et de colère
05:59et maîtriser tout ça, sinon, vous ne vivez plus.
06:02Pendant près de 30 ans,
06:04vous vous êtes battus contre le crime organisé,
06:06trafic de stupéfiants, grand banditisme,
06:09délinquance financière, terrorisme,
06:10l'anthropisme assumé pour la lutte contre le trafic de drogue.
06:14Qu'a cette spécialité de particulier,
06:17excepté qu'elle fait border le cinéma ?
06:19Oui.
06:20Si vous voulez, le trafic de drogue,
06:22c'est la mère de toutes les batailles.
06:24Vous savez qu'aujourd'hui, le trafic des stups
06:27génère tellement d'argent que les gens qui sont derrière
06:30et qui maîtrisent ce trafic ont des rêves de grandeur
06:33et de puissance qui sont incompatibles
06:35avec la République et avec l'Etat.
06:37Donc, vous savez bien où il faut mettre le paquet
06:40pour éviter que les citoyens...
06:42Il y a des gens qui n'arrivent plus à vivre
06:44dans des cages d'immeubles,
06:46des gens qui se tuent et qui tuent, par hasard,
06:48des passants, des enfants.
06:50La difficulté, c'est qu'on confond le produit
06:52et les vecteurs criminels.
06:54Moi, je suis d'une génération qui a connu tous ces débats
06:58sur les drogues licites, les drogues illicites.
07:01Est-ce que le cannabis est moins dangereux que l'alcool
07:04ou plus dangereux que le tabac, mais moins que l'héroïne ?
07:07Faut-il graduer tout ça ?
07:09Tout ça est vain si vous ne prenez pas en compte
07:12le vecteur criminel,
07:13les gens qui sont derrière les trafics.
07:16Quelle serait la bonne politique à mener ?
07:18Ce serait...
07:19Je pars d'un postulat.
07:21Est-ce qu'il est raisonnable
07:22d'interdire ce qu'on ne peut pas empêcher ?
07:25Et la réponse, contre toute attente,
07:28est oui.
07:29Oui, parce qu'on ne pourra pas empêcher les vols,
07:32les violences physiques, et pourtant, on les réprime
07:35pour les contenir, pour les réduire.
07:37Malheureusement, je pense qu'on ne peut pas faire autrement
07:40avec la drogue et qu'on doit le faire
07:43pour éviter que l'escalade dans la violence continue,
07:46parce qu'on est dans une phase d'ascension de violence
07:49et que ça ne va pas s'arrêter.
07:51Ca ne va pas s'arrêter.
07:52Si vous deviez retenir un ou deux événements
07:55tout au long de votre carrière, lesquels seraient-ils ?
07:58Le soir du Bataclan ?
07:59D'abord, il y a beaucoup de choses qui vous marquent
08:02un peu comme des touches impressionnistes,
08:04et à la fin, ça fait un tableau.
08:06Non, il y a certains règlements de compte
08:09qui m'ont marqué,
08:11parce que la façon de tuer les gens était...
08:13Non seulement hyper violente,
08:16mais très agressive vis-à-vis de tout le monde.
08:20Vous savez, une mort par balle,
08:23avec une balle tirée en plein visage
08:25pour défigurer la personne, c'est très impressionnant,
08:28même pour les policiers, même pour le SAMU.
08:30Et puis, évidemment, il y a Charlie Hebdo, moi,
08:34qui m'a beaucoup frappé,
08:35avec tous ses corps entassés dans une pièce
08:38et tous ces gens qui, dans la nanoseconde...
08:40Vous avez été l'un des premiers ?
08:42Oui, parmi les premiers qui ont été chez Charlie Hebdo, oui.
08:46On avait qu'une hâte, c'était retrouver les auteurs.
08:48Et puis, tous ces policiers qui ont donné leur vie, aussi.
08:52Je pense au gardien Mérabé,
08:54qui est intervenu de façon héroïque,
08:59avec une arme de poing
09:01contre des malfaiteurs armés d'armes d'épaule,
09:04puissamment armés, et qui les a ralentis dans leur fuite,
09:07au prix de sa vie.
09:08Beaucoup de choses sont admirables.
09:10Comment expliquez-vous que la police souffre d'un tel déficit
09:13de légitimité et que la profession soit en crise ?
09:16Le malaise policier est si profond
09:19qu'il en fait l'un des métiers les plus à risque, aujourd'hui.
09:22Alors...
09:23Le taux de suicide est deux fois plus important
09:26qu'à l'échelle nationale.
09:28Oui, au plan policier.
09:29La première chose qu'il faut savoir,
09:32c'est que ce n'est pas le même métier
09:34pour ceux à la police judiciaire, ceux à la sécurité publique,
09:38ceux dans le renseignement.
09:39C'est vraiment différent, c'est comme à l'hôpital.
09:42Donc, tout le monde n'est pas atteint de la même manière
09:45par ce syndrome et par ces suicides.
09:47Ceux qui le sont le plus atteints, c'est la sécurité.
09:50La sécurité publique, c'est une direction admirable
09:53qui fait au quotidien, qui combat au quotidien,
09:56et chez qui, ça ne s'arrête jamais.
09:59Ca ne s'arrête jamais, jamais, jamais.
10:01Et le temps, on est toujours pressés par le temps,
10:03ce qui explique que certains politiques
10:06se sont lancés dans des espèces de graphiques
10:08de résultats à obtenir.
10:10La politique du chiffre a été délétère, dites-vous.
10:13La politique du chiffre a fait beaucoup de mal,
10:16beaucoup de mal, parce que ça a rejailli
10:18sur des directions qu'on ne pouvait pas suggéstir
10:21à la politique du chiffre.
10:22Quand vous êtes en police judiciaire,
10:25il vous faut du temps, des enquêtes,
10:27une affaire de meurtre, vous allez accuser quelqu'un de meurtre,
10:30vous l'emmenez en juridiction pour meurtre,
10:33c'est pas une affaire simple.
10:34C'est une affaire grave, il faut faire attention.
10:37C'est assez différent qu'un vol.
10:40Tout ça est...
10:41Est-ce que la politique du chiffre a sapé
10:43à la fois l'esprit de corps dans la police
10:46et ça a mis des services en concurrence,
10:48des services à l'interne ?
10:49Je pense que la politique du chiffre
10:51a mis le bisbis entre les directions.
10:54Pourquoi ? Parce que la sécurité publique,
10:56elle a un boulot quotidien fantastique,
10:58elle s'occupe des cambriolages, des accidents de la circulation,
11:02de l'accueil du public, des plaintes,
11:04et vous avez d'un autre côté la PJ qui fait ses enquêtes
11:07et qui communique le moins possible là-dessus,
11:09sauf quand elle réussit,
11:11où elle fait comme tout le monde, qu'on les a arrêtées.
11:14Et du coup, la sécurité publique avait cette impression
11:18qu'il y avait des espèces de...
11:20J'ai essayé d'expliquer ça,
11:22que c'était un peu l'aristocratie de la police
11:24qui était à la PJ et que les soutiens
11:27étaient à la sécurité publique, ce qui est faux.
11:30Pourtant, le sociologue, et corrigez-moi si je me trompe,
11:34d'après le sociologue et historien René Lévy,
11:37les policiers auraient tendance à se voir
11:39comme les éboueurs de la société.
11:41Vous lui donnez tort ?
11:42Non. Je pense qu'en sécurité publique,
11:45vous voyez tellement de cas différents,
11:47tout le temps, et qui reviennent,
11:49et les mêmes choses, parfois, qui reviennent.
11:51On a l'impression que les hommes et les femmes
11:54n'apprennent rien. Je comprends ce sentiment
11:56qui apparaît et aussi ce sentiment de frustration
11:59et aussi, parfois, d'abandon face à cette immense marée
12:02qui arrive tous les jours.
12:04Les collègues de sécurité publique,
12:06je les comprends parfaitement.
12:07Voilà, ils ont l'océan face à eux.
12:10La PJ est plus...
12:12-...préservée.
12:13-...préservée, plus...
12:16était plus préservée,
12:17puisqu'il y a une réforme de la PJ qui est en cours,
12:20qui aboutit à ce qu'aujourd'hui, tout va être mieux coordonné
12:23et qu'on va demander à la PJ de mettre la main
12:26à la pâte ailleurs.
12:27C'est une erreur, d'après vous ?
12:29Pour moi, oui.
12:30Je suis d'une génération, peut-être,
12:32qui est comme ça, mais je pense que c'est une erreur
12:35parce que vous avez besoin de spécialistes des stups,
12:39vous avez besoin de spécialistes pour la criminelle,
12:42vous avez besoin de spécialistes du cyber,
12:44et maintenant, si tous ces spécialistes
12:46doivent aller porter secours,
12:48j'allais dire, face aux 2,6 millions de plaintes,
12:54quelque chose comme ça, qui sont en retard, etc.,
12:56c'est autant de moins que vous n'aurez pas
12:59pour des choses plus ponctuelles.
13:01Or, la PJ, elle s'occupe quand même
13:03d'une criminalité d'un certain niveau.
13:05Tout est important, tous les niveaux sont importants.
13:08C'est pas parce que vous faites bien très haut
13:11dans la criminalité que la vie du citoyen
13:13va pas être affectée par les crimes, etc.
13:16Tout est important.
13:17Mais si vous faites que les spécialistes
13:20de quelque chose sont obligés de porter la main au quotidien,
13:24ils vont être, entre guillemets, bouffés par ces trucs,
13:27et le moment venu, vous n'aurez plus à disposition
13:30ces spécialistes, qui apprennent en travaillant.
13:32J'aimerais avoir votre regard sur le divorce
13:37entre la population et la police.
13:39Début 2017, une enquête du Défenseur des droits
13:42montrait qu'un jeune noir ou arabe a 20 fois plus de probabilités
13:45d'être contrôlé que le reste de la population.
13:48Est-ce que la police française souffre de préjugés,
13:51pour le dire pudiquement ?
13:53Écoutez, je vais pas faire la langue de bois.
14:00Tout ça, c'est un peu ce qu'on appelle le délit de salgueur.
14:04Parce que les contrôles d'identité sont une spécificité française.
14:08Oui, oui. Mais vous savez, on est aussi...
14:11Je dis souvent, on est dans un monde binaire, aujourd'hui.
14:14Blanc, noir, oui, non.
14:17Tout doit être carré.
14:18Or, les situations sont complexes.
14:21Je veux dire que si vous cherchez des gens qui cambriolent
14:25ou qui agressent sur la voie publique,
14:27vous allez pas contrôler des gens de 50 à 70 ans.
14:31Donc, vous orientez votre recherche vers un profil.
14:35Ce profil, à force d'être répétitif,
14:37influe et impacte les gens qui font ce métier.
14:40Et c'est là où chacun doit, à la fois,
14:43faire ce boulot sans haine et sans colère,
14:46avec un peu de recul pour mesurer les choses
14:50et pas sombrer dans des côtés.
14:53Mais j'ai entendu des choses tellement terribles
14:57sur la police, une police raciste,
15:00une police...
15:02Tout ça est faux.
15:03Tout ça est faux.
15:04Il y a des sujets et des actions
15:07qui méritent d'être dénoncés, punis.
15:11Mais on peut pas traiter tous les policiers de cette façon.
15:15Dans d'autres cas, on parlerait de stigmatiser une population.
15:18C'est une population qui paie cher en suicides,
15:21en vie de famille, en séparation.
15:24La vie de policier, c'est difficile.
15:27C'est très, très difficile.
15:29C'est un métier qui vous mange le temps,
15:32qui mange votre énergie,
15:34et vous devez rentrer clean à la maison,
15:36c'est-à-dire en ayant oublié,
15:38et quand votre fille vous demande si elle peut sortir,
15:41ne pas penser aux horreurs que vous avez vues.
15:44Pour lutter contre les pratiques discriminatoires,
15:47avait évoqué l'idée d'un récipicé de contrôle d'identité,
15:50une promesse de campagne enterrée par Manuel Valls.
15:53Vous le regrettez, sachant que les contrôles
15:56alimentent la défiance entre les populations.
15:58Je pense pas que le récipicé,
16:00avec ce côté bureaucratique du récipicé,
16:03était une bonne idée,
16:05et surtout aurait pu marcher.
16:08Je pense que le fait de contraindre
16:11et de demander aux fonctionnaires de porter une caméra sur eux
16:15lors des interventions, des contrôles,
16:17c'est une très bonne chose, parce qu'elle les protège
16:21d'abord à eux-mêmes, et puis en même temps...
16:23Ils ont le loisir de la mettre en marche,
16:27de l'activer ou pas.
16:29Oui, mais...
16:30Il n'y a aucun caractère contraignant.
16:32C'est peut-être là où il faut faire les choses correctement.
16:36La caméra protège aussi le fonctionnaire.
16:38Si vous avez rien à vous reprocher,
16:40la caméra va vous aider à montrer quelqu'un qui se rebelle,
16:44qui refuse d'obtempérer.
16:45La caméra serait le moyen de sortir de cette spirale
16:48de la confrontation ?
16:50Pas l'unique moyen.
16:51Il y a aussi tout un débat,
16:54il y a aussi le fait que la police doit être plus proche
16:57de sa population, qu'on doit connaître les commerçants,
17:00les rues, qu'on n'est pas obligé d'être répressif.
17:03Or, on est dans une police très répressive,
17:05beaucoup plus qu'en Allemagne.
17:07Oui, bien sûr.
17:08Oui, oui, bien sûr.
17:10C'est une volonté politique.
17:11C'est une volonté politique.
17:13La police, c'est une police républicaine.
17:15Elle obéit à un ministre et à un gouvernement,
17:18selon les lois de la République.
17:20C'est des questions de politique.
17:22Comment expliquez-vous que la France,
17:24soit aux côtés des pays de l'Est ou de la Russie,
17:27les rapports entre la police et la population
17:29sont les plus mauvais, à l'inverse de l'Allemagne ?
17:32Parce que d'abord, il y a un conflit larvé
17:35qui existe depuis longtemps entre la police et les banlieues.
17:38Je pense que c'est une évidence pour tout le monde.
17:41Et qu'à partir de là,
17:44il se développe des deux côtés, du reste,
17:47des attitudes et des postures
17:49qui sont incompatibles avec un dialogue.
17:53Mais c'est toute la société française qui est comme ça.
17:56Le dialogue est très difficile.
17:58De là où vous êtes, vous le voyez bien,
18:00c'est difficile de parler, aujourd'hui.
18:03On s'écoute pour mieux contre-argumenter.
18:05On ne s'écoute plus pour s'écouter
18:07en réfléchissant à ce qu'on vient de se dire.
18:09Arriveriez-vous à dêter cette rupture de dialogue, justement,
18:13ce dialogue de sourds ?
18:15Je dirais qu'il y a un problème d'éducation,
18:18aussi, dans notre pays,
18:19et que depuis déjà...
18:24plus d'une décennie,
18:26on n'a plus du tout le respect des autres,
18:29le respect des jeunes vis-à-vis des anciens,
18:33et puis aussi, le respect à l'autorité,
18:36tout ça n'existe plus.
18:38Vous êtes à chaque fois en bout de course,
18:40c'est-à-dire qu'il y a un moment,
18:42quand on ne vous respecte plus, que vous n'êtes pas obéis,
18:45que ce soit pour les parents ou la police,
18:48il y a un moment où soit vous baissez les bras,
18:50soit vous réagissez, et quand vous réagissez,
18:53vous allez à l'affrontement et aux difficultés.
18:56Et à la disproportion de la réaction.
18:58Parfois, oui.
18:59Ce qui explique les violences policières.
19:01Je pense que vous pouvez...
19:03Il y a différents types de violences policières.
19:06Vous avez certainement des gens qui exagèrent
19:09et qui doivent être punis pour ce qu'ils font.
19:12Mais c'est très difficile quand vous maîtrisez...
19:15Je le dis, j'étais inspecteur,
19:17et j'ai eu à échanger des coups de poing sur la voie publique,
19:20à plaquer des gens, etc.
19:22Généralement, des malfaiteurs,
19:24lors de braquages ou de trafics de stupéfiants.
19:27C'est difficile de mesurer votre force
19:30et de faire que...
19:33Quand vous avez échappé à un coup de poing
19:35et que vous en donnez un autre,
19:37de mesurer le kilo, l'impact,
19:40les joules qu'il faut pour...
19:42Non, tout ça demande...
19:43C'est très facile d'être assis au calme
19:47à une action brève et violente.
19:49Ce qui est sûr, c'est qu'une fois quelqu'un
19:52est au sol menotté, il n'y a plus de place
19:54pour la violence chez les policiers.
19:56Il n'y a plus de place.
19:57A partir de là, vous commettez une grave faute.
20:00Mais est-ce que ce métier est devenu plus violent ?
20:04Oui, parce que vous envoyez, en ligne de front,
20:07vous envoyez des gens comme les gens des BAC,
20:10qui sont un peu l'avant-garde,
20:12qui sont là, au contact...
20:16de gens en perpétuelle rébellion.
20:20C'est difficile.
20:21C'est difficile, au bout d'un moment,
20:23vous habituer, j'allais dire, à un climat de guerre.
20:26C'est ça qu'il faut arrêter.
20:28Comment réconcilier les policiers qui se vivent
20:31comme les derniers remparts contre la violence
20:33et les jeunes des quartiers qui se vivent persécutés
20:36victimes d'un traitement répressif ?
20:38Je pense qu'il faut nommer les choses.
20:41Il faut déjà... Vous savez, on dit
20:44que nul n'est censé ignorer la loi,
20:46mais il faut déjà commencer par dire
20:48que nul n'est censé ignorer la réalité.
20:51Il faut savoir nommer cette réalité.
20:54Il y a des dérives, parfois,
20:57de policiers qui multiplient des contrôles,
21:01parfois, dont la raison peut être discutée,
21:04mais il y a aussi des jeunes,
21:07des jeunes et des moins jeunes,
21:09qui sont en rébellion perpétuelle
21:11contre l'autorité, contre l'Etat.
21:13Il faut aussi le nommer, ça.
21:15Il ne faut pas juste regarder le côté policier.
21:18C'est un très gros problème.
21:20Vous n'en nommez pas suffisamment,
21:22dans la société française ?
21:23Non, non. On n'est plus prontes
21:25à montrer du doigt les policiers.
21:27Je comprends,
21:28je n'ai pas de soucis avec ça.
21:30Chacun doit assumer ses responsabilités.
21:33Mais il faut aussi nommer ces gens,
21:37ces personnes, qui sont en rébellion perpétuelle
21:40et qui poussent à l'extrême les choses
21:44et qui testent toujours,
21:46comme un enfant teste l'autorité de ses parents.
21:49Il faut savoir marquer des limites.
21:52On manque d'autorité,
21:54et cette autorité, elle doit être...
21:56Elle doit être faite avec...
21:59Elle doit prendre des formes,
22:01avec discernement, évidemment.
22:03Nombreux sont les fonctionnaires
22:05à avoir pris la plume ces dernières années
22:08pour raconter leur métier, témoigner,
22:10faire de la pédagogie et humaniser leurs fonctions.
22:13Ce n'est pas anodin, j'imagine, ce SAV.
22:15Vous le faites aussi ?
22:17Vous racontez votre métier ?
22:18Oui, vous avez raison.
22:20On peut considérer que c'est un service à prévent
22:22pour humaniser le métier,
22:24mais les policiers sont des gens comme tout le monde.
22:27Ils sont pères de famille, ils aiment jouer au foot,
22:29ils aiment aller voir les copains,
22:32ils aiment les enfants.
22:34C'est des gens comme...
22:37J'allais dire comme vous et moi, mais...
22:39Est-ce qu'écrire, pour vous,
22:40c'est une fonction de thérapie, tout bêtement ?
22:43Pas vraiment. Non, pas vraiment.
22:45Ce que je voudrais, à travers les quelques livres
22:48que j'écris, là,
22:49je voudrais juste essayer de raconter une histoire
22:52qui vous emmène en voyage,
22:54mais qui vous permette aussi, au-delà du polar,
22:58de vous poser des questions.
23:00C'est pour ça que...
23:01Voilà, c'est des questions de société,
23:04des questions...
23:05Est-ce qu'on doit interdire ce qu'on ne peut pas empêcher ?
23:08Est-ce qu'on doit interdire
23:11toute capacité de rédemption des gens ?
23:13Est-ce que la rédemption est encore permise dans ce pays ?
23:17Est-ce qu'il ne faut pas sortir du système binaire ?
23:20Je suis pour, je suis contre.
23:21Est-ce que...
23:22Et à travers les personnages,
23:24j'essaie de montrer que la complexité humaine est telle
23:27que...
23:29C'est pas simple.
23:30Rien n'est simple, mais il y a des solutions.
23:32Il y a toujours des solutions,
23:34mais c'est beaucoup plus simple que j'aime, j'aime pas.
23:37Et je trouve que c'est ce dont on souffre le plus,
23:41là, maintenant, c'est...
23:42On est tous dans des postures,
23:44dans des règles de dogmatisme, de corporatisme,
23:47de je suis pour, je suis contre,
23:49c'est l'extrême, je veux pas.
23:51C'est plus compliqué que ça, la vie.
23:54Et quand on a passé...
23:55Vous faites éloge de la nuance ?
23:57Non, de la complexité des choses.
23:59Les choses complexes doivent être traitées en ayant...
24:03Encore une fois, nommons les choses.
24:05Nommons les choses et ne...
24:08Il faut pas passer à côté de la réalité
24:10parce qu'on est dogmatique.
24:12Quand vous êtes face à un groupe,
24:15j'allais dire, qui est proche de la sédition,
24:18il faut quand même que vous reconnaissiez
24:20qu'on ne peut pas tolérer ça,
24:22qu'on ne peut pas tolérer.
24:24Moi, je réalise, avec mes enfants,
24:28je réalise combien les gens, par exemple,
24:31ont peur de sortir le soir.
24:33Je réalise combien il faut demander
24:35qu'on appelle pour dire que tout s'est bien passé.
24:38C'est pas normal.
24:39C'est pas normal.
24:41C'était plus violent.
24:42Oui, il faut changer ça,
24:44et il faut changer ça avec des mesures,
24:46j'allais dire, qui prennent en compte
24:48la complexité des situations
24:50et qui respectent un petit peu cette complexité.
24:53C'est donc des mesures plus répressives ?
24:55Pas forcément plus répressives,
24:57mais en tous les cas où l'autorité
24:59est rétablie.
25:00Les policiers, qui sont en première ligne,
25:03je pense surtout aux camarades de sécurité publique,
25:06parce que l'APJ, c'est un autre monde...
25:08C'est l'aristocratie du métier.
25:10De fait.
25:11Voilà, c'est un métier passionnant,
25:14on a envie d'y aller, on compte pas ses heures,
25:16on ignore ce que c'est que les récup,
25:18comme ça, mais la sécurité publique,
25:21entre guillemets, ils en bavent.
25:23Ils en bavent vraiment, c'est difficile pour eux.
25:26Il faut comprendre aussi qu'ils se raidissent
25:28face à cette pression,
25:30on les envoie en première ligne,
25:32ils ont l'impression parfois qu'on les abandonne.
25:34Les ministres ont beau assurer les uns les autres
25:37qu'ils abandonnent personne,
25:39qu'ils sont de tout coeur, etc.,
25:41ce qui fait plaisir aux syndicats, évidemment,
25:45ce qui n'est pas sans importance en termes politiques.
25:48Mais la réalité du gardien, du brigadier,
25:51de l'officier qui est sur le terrain au quotidien
25:54et qui se fait insulter au quotidien,
25:56qui a sa voiture lacérée,
25:58qui ne peut pas traverser un quartier
26:00sans prendre une boule de pétanque sur la tête,
26:03je réduis, mais tout ça, c'est insupportable.
26:05Il faut se respecter les uns les autres,
26:08dans tous les camps.
26:09Je vous laisse le mot de la fin.
26:11Oui.
26:12Ben, je...
26:13Policier, c'est un très beau métier.
26:15Contrairement à ce que pensent
26:17certains politiques,
26:18les policiers ne sont pas des fascistes.
26:21Je ne veux pas employer un autre terme
26:23que j'ai entendu chez un homme politique.
26:26Ce sont des gens normaux
26:27qui aspirent à faire un travail normal
26:29contre des malfaiteurs.
26:31Encore une fois, beaucoup de policiers
26:33font leur travail sans haine, sans colère,
26:36ou tout du moins sans traduire leur colère
26:38face à des actions qu'ils voient
26:40et qui sont très violentes et qui les choquent
26:43comme elles vous choqueraient.
26:45Merci.
26:46Je vous en prie.

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