Les menaces de Trump au Hamas, "c’est une partie de poker-menteur” qui fait passer Nétanyahou pour le “good cop”, estime l’historien Vincent Lemire. Son plan de “riviera” à Gaza est “un crime contre l’humanité”, pointe-il, “immoral”, “dangereux” et “irréaliste”.
Catégorie
🗞
NewsTranscription
00:00Cette semaine, Donald Trump a déclaré que l'enfer se déchaînerait si le Hamas ne libérait pas tous les otages israéliens d'ici aujourd'hui,
00:11c'est-à-dire 76 personnes et non plus les trois qui étaient prévues dans l'accord initial dans cette première phase de cessez-le-feu.
00:18Il dit ça pourquoi ? Pour accélérer le processus ou on peut se le demander pour le torpiller ?
00:24Alors moi, depuis que ce cessez-le-feu est signé, je n'ai jamais acheté le scénario sur lequel c'était Trump qui avait permis ce cessez-le-feu.
00:33Ce cessez-le-feu, c'est le plan Biden du printemps.
00:35C'est le plan Biden, mais à l'époque, il y a quelques mois, c'était en mai dernier me semble-t-il, il avait été totalement rejeté.
00:39Il avait été rejeté.
00:40Donc il y a eu un effet Trump.
00:41Oui, justement. D'abord, ça s'est quand même passé avant l'intronisation de Trump.
00:47Il a été signé sous l'administration Biden.
00:50Et effectivement, ce qui est fou dans la séquence, c'est que Trump va plus loin à chaque fois que Netanyahou.
00:57C'est-à-dire que là, il demande la libération de tous les otages, ce qui clairement fragilise le cessez-le-feu.
01:02Il fait cette proposition d'expulsion de tous les Palestiniens et puis il la répète.
01:06Et puis il dit maintenant, ils n'auront jamais le droit de revenir, etc.
01:09Donc moi, je crois qu'il y a aussi une espèce de partie de poker menteur là-dedans.
01:12Il y a un peu un partage des rôles entre Netanyahou et Trump.
01:17Mais ce qui est fou, c'est que le good cop, là, c'est Netanyahou.
01:20Et le bad cop, c'est Trump, qui permet à Netanyahou d'apparaître presque comme un modéré dans la séquence.
01:25Oui, parce qu'avec ce plan de transformer Gaza en riviera, c'est vrai qu'il a choqué aussi Donald Trump.
01:31Évidemment, on va la prendre, cette côte d'Azur du Moyen-Orient, on va la garder, on va la chérir.
01:35Voilà ce qu'il a redit encore cette semaine.
01:37Ça vient d'où ce projet ? On a un peu de mal à comprendre.
01:39Parce qu'on dit, oui, c'est un mania de l'immobilier, Donald Trump.
01:42Il ne faut pas l'oublier, mais il n'y a pas que ça.
01:44Le plan Trump, il est immoral, il est dangereux, mais il est aussi irréaliste.
01:48Il est immoral parce que c'est non seulement un crime de guerre, mais un crime contre l'humanité.
01:52La déportation massive d'une population civile depuis son territoire,
01:56selon la jurisprudence du tribunal pénal sur l'ex-Yougoslavie, c'est un crime contre l'humanité.
02:01Donc on a le président de la première puissance mondiale qui propose un crime contre l'humanité.
02:05Donc c'est immoral.
02:06C'est dangereux parce que ça brutalise et ça fragilise les alliés les plus proches d'Israël.
02:11Il faut rappeler que la Jordanie et l'Égypte, c'est les deux seuls pays arabes qui ont fait la paix avec Israël.
02:161979 pour l'Égypte, 1994 pour la Jordanie.
02:19Mais il est aussi irréaliste parce que qu'est-ce qu'on voit depuis 15 jours ?
02:23Est-ce que les habitants de Gaza se précipitent vers le sud
02:27et demandent à ce qu'on ouvre la frontière pour partir vers l'Égypte ?
02:30Non.
02:31Peut-être aussi à notre grande surprise, ils partent vers le nord.
02:34Ils cherchent à revenir vers le nord, à traverser le couloir de Netzarim.
02:38Donc il est immoral, il est dangereux, mais il est aussi irréaliste.
02:41Donald Trump se dit certain que l'Égypte et la Jordanie finiront par accueillir ces Gazaouis
02:47que le président américain veut déplacer.
02:49Ces niettes du côté de la Jordanie, puisqu'il s'est exprimé là-dessus.
02:54Est-ce que Donald Trump a quand même le poids politique,
02:57allant jusqu'au bout de sa réflexion, pour imposer ça à ces pays ?
03:02Non, la seule chose qu'il peut faire, c'est menacer effectivement de couper les crédits
03:06à l'armée jordanienne et à l'armée égyptienne.
03:09Il ne le fera pas.
03:11Le président égyptien était encore plus dur que le Jordanien.
03:14Il a dit je n'irai pas à la Maison Blanche si le plan de Trump est à l'agenda de la discussion.
03:19L'Égypte n'a jamais accueilli de réfugiés palestiniens.
03:23La Jordanie, il y a 60% des Jordaniens qui sont palestiniens.
03:27Elle en a pris plus que sa part.
03:29Ils n'accepteront jamais.
03:30Peut-être que la seule stratégie de Trump pragmatique,
03:33si on veut essayer de mettre un peu de rationalité là-dedans,
03:36c'est d'encourager ou d'obliger ces États à proposer un contreplan.
03:42Ce qu'on va peut-être voir dans les jours ou dans les semaines qui viennent.
03:44Pas de président égyptien à la Maison Blanche.
03:45Le roi Abdallah II de Jordanie y est allé, lui cette semaine.
03:47On l'a vu assez gêné au moment de la conférence de presse avec Donald Trump,
03:50au moment d'évoquer justement l'évacuation des Gazaouis, leur déplacement.
03:54Comment ça a été perçu justement par le royaume, dans le royaume ?
03:57Comme une humiliation ?
03:58Non, ça a été extrêmement mal perçu, non seulement par les Jordaniens.
04:03À Amman, il y a 80% de la population d'Amman qui sont des Palestiniens.
04:07Ça a été très mal perçu par les Libanais, par les Syriens.
04:10Il s'est fait piéger, clairement, le roi de Jordanie.
04:14Et le président égyptien ne veut pas vivre la même scène.