La journaliste Elsa Vidal, experte de l’ex-URSS et de sa politique internationale et Isabelle Lasserre, correspondante diplomatique du Figaro, et ex-correspondante à Moscou, s'inquiètent des négociations directes entre Donald Trump et Vladimir Poutine sur la guerre en Ukraine.
Retrouvez tous les entretiens de 8h20 sur https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-du-week-end
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00:00Et dans le grand entretien ce matin, pour réfléchir et comprendre ce qui se joue sur
00:05le front ukrainien, vous l'entendiez dans le journal, l'Ukraine aura, j'ouvre les guillemets,
00:11peu de chances de survivre sans le soutien des Etats-Unis, c'est ce que vient d'affirmer
00:16le président ukrainien Zelensky.
00:18Et au terme d'une semaine marquée par cet entretien entre Donald Trump et Vladimir
00:24Poutine, par téléphone, pour discuter d'un accord de paix avec l'Ukraine mais sans l'Ukraine
00:29mais sans les Européens, semaine également marquée par la conférence de Munich et ce
00:35qui s'y joue.
00:36Vos questions, chers auditeurs, au 0145 24 7000 ou sur l'application France Inter.
00:41Et deux invités avec nous en studio ce matin, deux expertes pour nous éclairer, Elsa Vidal
00:47et Isabelle Lasserre.
00:48Bonjour à toutes les deux.
00:49Bonjour.
00:50Bonjour.
00:51Et bienvenue Elsa Vidal, journaliste, grande experte de l'ex-URSS et de la Russie d'aujourd'hui.
00:56Vous avez publié « La fascination russe », c'est un livre qui résonne franchement
01:01avec l'actualité quand on songe aux relations entre Donald Trump et Vladimir Poutine.
01:06Le livre paraît en poche chez Arion Robert Laffont.
01:09Isabelle Lasserre, vous êtes correspondante diplomatique du Figaro, ex-correspondante
01:14à Moscou.
01:15Bonjour.
01:16Bonjour.
01:17Juste avant de commencer, d'essayer de comprendre cette histoire qui est en train de s'accélérer
01:21et qui brouille les repères que nous avions ou que nous pensions avoir ces derniers temps.
01:27Isabelle Lasserre, vous avez rencontré le ministre des Affaires étrangères ukrainien
01:31qui était de passage à Paris, c'était avant-hier, vous l'avez rencontré.
01:36Qu'est-ce qu'il vous a dit ? Est-ce que lui aussi, comme le président français dans
01:40le Financial Times, emploie le mot de capitulation ?
01:44Pas du tout, absolument au contraire.
01:49Il dit deux choses en gros, il a dit exactement verbatim, là je le cite parce que je sais
01:53que j'ai le droit de citer là-dessus parce que je lui ai demandé, il a dit il va falloir
01:58attacher nos ceintures, à la fois vous les Européens et nous, parce que nous entrons
02:03dans une zone de forte turbulence diplomatique.
02:06Alors qu'est-ce que ça veut dire une zone de forte turbulence diplomatique quand on sait
02:09qu'il y a une guerre qui se joue sur le front et qu'on n'est plus dans la diplomatie,
02:14pas encore dans la diplomatie mais surtout dans l'entrechoquement de deux armées ?
02:19Ça veut dire que, de son point de vue, il va falloir se battre et s'opposer au projet
02:27unilatéral de l'administration Trump d'imposer une paix, une mauvaise paix aux Ukrainiens
02:34sur le dos de l'Ukraine et sur le dos des Européens.
02:37Il n'emploie pas du tout le mot de capitulation, c'est-à-dire qu'on voit bien quand on les
02:42entend qu'ils vont continuer à se battre.
02:44C'est facile à dire quand en fait ils dépendent quasiment entièrement de l'aide américaine
02:50mais après il y a d'autres manières de faire la guerre, c'est la guérilla, c'est le refus
02:55total.
02:56Donc la paix proposée par Trump en fait est une guerre déguisée.
03:02Juste avant de vous donner la parole Elsa Vidal, première chose, on continue à se
03:06battre, vous dit le ministre des Affaires étrangères ukrainien, deuxième chose, puisque
03:09je vous ai interrompu, il n'y aura pas de nouveau Yalta, il n'y aura pas de nouveau
03:14découpage de la région ?
03:16Il dit deux choses, nous allons refuser un Yalta numéro 2, c'est la tentation de Trump
03:22de se partager des zones d'influence avec Vladimir Poutine, comme après la seconde
03:28guerre mondiale.
03:29Et il n'y aura pas non plus de Minsk 3 Minsk, c'est en fait les accords de paix qui étaient
03:34censés ramener la paix dans le Donbass et qui en fait ont été complètement piétinés
03:39et ensuite déchirés juste à la veille de l'intervention russe en Ukraine.
03:45C'est-à-dire pas de diplomatie, pas d'accord en fait qui soit un mauvais accord pour l'Ukraine
03:51et qui en fait n'offre aucune garantie de sécurité à l'Ukraine, parce que c'est ça
03:56dont il parle.
03:57Et le nom de Yalta, il a un sens particulier pour un ukrainien puisque c'est en Crimée
03:59et que c'est justement la Crimée dont il est question parmi ces territoires qui seraient
04:03perdus par les Ukrainiens et les Zavidals.
04:06Comment comprenez-vous cette accélération de l'histoire qui est en train de se dérouler
04:09en ce moment ?
04:10Je pense que, déjà je ne fais pas exception à la catégorie des observateurs internationaux
04:15qui d'abord se sont remis du choc de justement cette prise de position qu'on attendait mais
04:22qui en fait prend la forme d'une négociation alors que c'est un deal entre deux hommes.
04:29Peut-être que vous l'avez remarqué mais dans ce coup de fil finalement, qu'est-ce
04:35qui se passe ?
04:36Coup de fil Trump-Poutine.
04:37Eh bien, Donald Trump accède à toutes les exigences fondamentales de la Russie avant
04:44de négocier.
04:45Donc la négociation qu'il propose, c'est un théâtre d'ombre en fait.
04:48Oui c'est incroyable absolument mais on a eu des…
04:50Et avant même de parler aux Ukrainiens.
04:51Bien sûr, on a eu des signes avant-coureurs et là est en fait la véritable entente.
04:55C'est qu'il y a des contacts en réalité entre Donald Trump et Vladimir Poutine qui
04:59n'ont jamais cessé, qui ont été passés sous le boisseau pour ne pas nuire à Donald
05:04Trump.
05:05Mais ces contacts-là n'ont jamais cessé et fondamentalement la vision de Donald Trump
05:09et celle de Vladimir Poutine, elles se rejoignent.
05:12C'est un Yalta, en réalité c'est Téhéran parce que c'est à Téhéran que les trois
05:17futurs vainqueurs se sont partagés les zones d'influence et c'est de ça qu'il s'agit.
05:23Ce que veulent Vladimir Poutine et Donald Trump lui a donné, c'est d'être considéré
05:28comme le co-gestionnaire du monde, à l'instar de ce que l'URSS voulait aussi.
05:32Et ce que veulent et Donald Trump et Vladimir Poutine, c'est se partager certaines responsabilités
05:39et nous, nous va s'aliser aujourd'hui Donald Trump, nous les Européens, nous les puissances
05:47faibles qu'ils avaient déjà prévues de se partager.
05:51Et ça c'est un très permanent de l'Union Soviétique.
05:55Boris Yeltsin, rencontrant Bill Clinton, lui avait demandé « Donne-moi l'Europe ! Donne-moi
06:02l'Europe ! ». Et donc les Ukrainiens ne veulent pas consentir et une partie de l'Europe
06:08ne veut pas consentir à ce nouveau partage qui nous laisserait, face à une Russie surarmée
06:142024, dépenses russes de défense supérieures à toutes celles de l'Europe et de la Grande
06:20Amérique avec, contre nous, l'ancien allié américain qui ne viendrait pas à notre rescousse.
06:26Alors ce qui est étonnant Isabelle Lasserre c'est que vous dites que le ministre ukrainien
06:31disait qu'il n'était pas question de capituler, qu'il n'était pas question de capitulation
06:35de s'arrêter.
06:36Et en même temps, quand on écoute Zelensky qui parle à la chaîne américaine NBC en
06:39marge de cette conférence de Munich où est rencontré le vice-président américain,
06:44il dit « Sans les Etats-Unis, on a peu de chances de survivre ». Autrement dit, on
06:48continuerait la guerre mais sans aucun espoir.
06:50Non, les deux sont vrais, c'est-à-dire qu'il y a d'autres moyens de continuer
06:54la guerre que d'affronter les Russes sur un front depuis trois ans.
06:58Effectivement, Elsa parlait des attentats, on peut parler de guérillas et de toute façon
07:04ce qui est à peu près clair c'est qu'après tout ce qui s'est passé, et vu la résistance
07:09absolument acharnée des Ukrainiens, la nation, l'existence très forte, très puissante
07:16de la nation ukrainienne, ils ne voudront jamais retourner sous le joug de la Russie.
07:22Donc ça c'est certain et c'est pour ça que…
07:23Mais ils n'ont pas déjà perdu Isabelle Lasserre ?
07:25Non, dit Elsa Vidal, mais n'ont-ils pas déjà perdu ?
07:29Ils peuvent perdre la guerre, ils peuvent perdre des territoires, ils peuvent même
07:36perdre le pouvoir et se voir imposer en fait des élections manipulées par la Russie
07:41qui installeront à Kiev une marionnette de Poutine, ce qu'il est en train de faire
07:45par rapport à ce qu'il a fait en Georgie, ce qu'il est en train de faire dans d'autres
07:49pays de son futur empire dont il rêve, ça ne veut pas dire que la guerre s'arrête
07:56complètement.
07:57Regardez, elle continue en Georgie malgré les événements et malgré les influences
08:03russes.
08:04Ce qui est vraiment… Le jour où tout ça s'est passé, avant-hier, les commentateurs,
08:12les propagandistes du Kremlin à la télévision ont eu une réaction absolument à la fois
08:20caricaturale mais tout à fait qui éclaire en fait ce qu'ils pensent.
08:24Ils ont dit « Ha ha ha, notre objectif c'était de détruire l'Europe, alors là c'est
08:31quand même incroyable, c'est Trump qui fait le boulot à notre place ».
08:35Ça n'a rien d'incroyable en réalité parce que c'est un vieil objectif là aussi
08:39La Russie soviétique, c'est Khrushchev qui disait en 1956 « Nous détruirons l'Amérique ».
08:44Comment ? Nous n'avons pas besoin de tirer un seul coup de feu, nous n'avons pas besoin
08:50d'envahir les Etats-Unis, nous vous détruirons de l'intérieur.
08:55Et ça, c'est la capacité qu'a eue la Russie post-soviétique et les hommes de Vladimir
09:01Poutine à entretenir une relation privilégiée avec Donald Trump.
09:05Rappelez-vous, Helsinki, 2018, Donald Trump et Vladimir Poutine se rencontrent, c'est
09:10un sommet à deux, on les voit discuter, et là que fait Donald Trump, le président américain ?
09:15Il reconnaît faire plus confiance à Vladimir Poutine qu'à ses propres services de renseignement
09:20qui ont enquêté sur les ingérences russes dans les élections de 2016 et donc il donne
09:25la préséance à un souverain, pardon, à un leader étranger.
09:30Mais quand on entend Elisabeth Vidal à cette conférence de Munich et quand il rencontre
09:35Vladimir Zelensky, il dit « je cherche une paix durable en Ukraine », il essaie de
09:39le rassurer, il dit « pas une paix qui entraînera un conflit en Europe de l'Est dans quelques
09:43années ». De ces paroles-là, on ne doit pas être rassuré, on ne doit pas en croire
09:47un mot.
09:48Non, parce que c'est un habillage en fait, c'est une rhétorique, tout comme les russes
09:52utilisaient une rhétorique, c'est la rhétorique de la paix, la rhétorique de la durabilité
09:56mais dans les détails, les détails viennent contredire l'objectif affiché.
10:00C'est pour faire en sorte que tous ceux qui s'opposeraient à ce cycle de négociations
10:04soient renvoyés dans la case belliciste.
10:06Vous voulez la guerre.
10:07Vous voulez la guerre.
10:08Deux questions rapides avant d'aller au standard où il y a de nombreuses questions de nos
10:12auditeurs.
10:13Est-ce que vous comprenez la comparaison ? Alors évidemment il y a cette conférence de Munich
10:17qui se tient en ce moment, Munich 2025, Munich 1938, en référence à ces accords avec l'Allemagne
10:24nazie qui actait l'annexion d'une grande partie de la Tchécoslovaquie, c'est un parallèle
10:28qu'a évoqué la chef de la diplomatie européenne, Kaja Kallas.
10:32Comparaison n'est pas raison ? Elisabeth Lasserre, elle a raison, parce qu'on est à la veille
10:38d'un abandon de l'Ukraine et à nouveau la tentation de l'apaisement, celle de 1938,
10:47c'est-à-dire l'illusion qu'en donnant à l'agresseur tout ce qu'il veut, on maintiendra
10:52la paix, on en est là aussi.
10:53Mais la Russie comparée à l'Allemagne nazie quand même ? Non, non, mais je ne compare
10:56pas la Russie à l'Allemagne nazie, quoique…
10:58Vous parlez de cette comparaison ?
10:59Quoique, oui, mais non, ce que je veux dire c'est qu'une mauvaise paix en fait, faite
11:06sur le dos des Ukrainiens de cette manière, prépare de nouvelles guerres, il est complètement
11:12illusoire de croire que Poutine va se contenter de ce qu'on lui donne aujourd'hui, complètement
11:19illusoire.
11:20Ses objectifs n'ont absolument pas changé, ses objectifs c'est de reconstituer un empire,
11:25c'est de détruire l'Europe, c'est de détruire l'OTAN et donc en fait ça ne
11:29va pas s'arrêter.
11:30Un mot sur la fascination russe dont vous êtes experte Elsa Vidal, regardez cette couverture
11:36du magazine Time, elle date de 2017 et vous l'aviez vue depuis longtemps, est-ce que
11:40vous pouvez la décrire à nos auditeurs ?
11:41Oui, alors on voit effectivement en couverture une image qui procède à une fusion entre
11:47la Maison Blanche et la Place Rouge, parce qu'on voit la cathédrale Saint-Basile-le-Bienheureux
11:53qui est cette cathédrale si marquante, très colorée à gauche de la Maison Blanche.
11:57C'est le Kremlin dans notre imaginaire.
11:58Voilà, dans l'imaginaire c'est le Kremlin et c'est aussi la Place Rouge, c'est-à-dire
12:02les deux centres de pouvoir, les axes qui structurent le monde, en tout cas le monde
12:08occidental.
12:09Écoutez, je ne sais pas si vous avez vu ce film qui s'appelle The Apprentice et qui
12:13est un documentaire sur Trump et qui nous apprend beaucoup sur Trump.
12:18Et au début du film, quand l'avocat qui coach Trump, qui va le faire en fait, Trump
12:24lui dit quels sont les succès pour réussir.
12:26Et donc l'avocat lui dit, tu nies, tu nies, tu nies, tu attaques, tu attaques, tu attaques
12:33et tu transformes tout en victoire.
12:35Eh bien, en fait, ça s'applique aussi à Vladimir Poutine.
12:39Bonjour Frédéric et bienvenue sur France Inter.
12:43Vous avez une question pour nos invités Isabelle Lasserre et Elsa Vidal.
12:47Je voulais leur demander si elles ne pensaient pas que l'Europe a commis une grave erreur
12:53en n'aidant pas massivement l'Ukraine, en particulier parce que celle-ci mettait la
12:57Russie sur le recul noir.
12:58On pense aux déclarations d'Emmanuel Macron disant qu'il ne fallait pas humilier la Russie.
13:04La Russie bombardère, tout va.
13:07Merci Frédéric pour votre question, Elsa Vidal, vous acquiescez.
13:09Oui, en effet, je pense qu'on est quand même nombreux à le dire, on aurait dû réagir
13:14plus fermement et plus tôt vis-à-vis de Vladimir Poutine, on aurait dû le faire
13:17en réalité dès les années 90, quand il y avait encore Boris Helsin, parce que cette
13:22approche maximaliste impérialiste, elle est territière de l'Union soviétique.
13:26Et c'est en essayant toujours de faire des paix, d'apaisement, que nous avons nourri
13:32ce numéro.
13:33Vous l'a cité cette phrase d'Emmanuel Macron, il ne faut pas humilier la Russie dans votre livre ?
13:35Absolument, je l'ai citée en disant à quel point elle reflète une position française
13:39qu'on a appelée longtemps « golomitérandiste ». En réalité, Charles de Gaulle l'avait
13:43bien dit, quand on est face à un adversaire impérialiste agressif, dès qu'on recule,
13:50on nourrit son agressivité.
13:52C'était la crise de Berlin, sous l'impulsion des soviétiques, on allait séparer l'Allemagne
13:57en deux.
13:58Et souvent les gens qui, aujourd'hui, promeuvent une négociation assez complaisante avec la
14:04Russie, font référence au gaullisme.
14:06Et bien Charles de Gaulle, devant l'Union soviétique, il ne reculait pas.
14:09Il avait obtenu de ce dont il avait besoin pour être au pouvoir, mais il ne reculait
14:13pas au point qu'il disait « si on doit mourir, on mourra ensemble ».
14:18Mais c'est étonnant, parce qu'on a l'impression qu'il y a un changement de pied justement
14:20de la part d'Emmanuel Macron et Isabelle Lassers qui dit « il ne faut pas humilier
14:23la Russie ».
14:24En même temps, ces derniers tweets, ces derniers messages, c'est « il n'y aura rien sur
14:27l'Ukraine sans l'Ukraine ».
14:28Il est un peu dans le camp Kaya Kalas, la cheffe de la diplomatie européenne, il y a une tendance
14:33de certains pays européens et d'une partie de l'administration européenne à vouloir
14:38défendre l'Ukraine face à ce deal qui pourrait se faire sans eux.
14:41Emmanuel Macron a pratiqué vis-à-vis de la Russie sa politique du « en même temps
14:45», la politique qu'il applique à tous les pays et qui est très très mal comprise
14:49par nos partenaires européens.
14:51Il a cessé de le faire avec la Russie, il y a à peu près un an et demi, enfin à la
14:56fin de l'année 2022, au sommet du globe sec à Bratislava et depuis c'est vrai que
15:04c'est un des plus fervents soutiens de la cause ukrainienne.
15:08Il a mis longtemps à comprendre Emmanuel Macron, mais il a vraiment compris que ce n'est
15:13pas forcément le cas de tous nos partenaires au sein de l'Union Européenne, je pense
15:18à l'Italie, potentiellement à l'Allemagne d'Olaf Scholz, à la Hongrie.
15:25Ce qui est très très dangereux aujourd'hui, c'est que tout ce qui se passe, on pourrait
15:31dire, ça pourrait complètement souder l'Europe et moi j'ai peur que ça la divise encore
15:36plus parce que vis-à-vis de la menace russe, il y a deux attitudes à avoir, là je parle
15:41des pays d'Europe de l'Est et d'Europe orientale, c'est-à-dire les plus sensibles
15:45à la menace russe parce qu'ils l'ont vécu dans leur chair à travers l'histoire.
15:50Après il y a la réaction des pays baltes et de la Pologne qui consiste à s'élever
15:57contre eux et à résister, la Pologne investit plus de 4% de son PIB dans la défense, c'est
16:03le seul pays européen qui prend vraiment la conscience de ce qu'il faut faire en fait.
16:09Mais après il y a d'autres pays qui face à la menace russe ont tendance à se dire
16:14oh là là c'est trop dur, on n'y arrivera jamais, Poutine est trop fort, il vaut mieux
16:19essayer encore une fois de s'entendre avec lui, la politique de l'apaisement, sinon
16:24on a peur.
16:25Et c'est le cas par exemple de la Roumanie, on va voir quel sera l'état des élections.
16:30Parce qu'elles ont été annulées, parce qu'elles avaient été accusées de la gérance
16:34russe au débat.
16:35Vous voyez ce que peut provoquer en fait la menace russe, une réaction pour s'y opposer
16:41et au contraire une espèce de soumission.
16:44Et c'est ça qui guette le continent européen, comme en 1938.
16:48Comme en 1938 et nombreux sont les auditeurs justement qui font évidemment ce parallèle
16:54historique avec un mot qui revient souvent, c'est l'abandon, l'abandon d'une partie
16:59de la Tchécoslovaquie de l'époque à l'Allemagne d'Adolf Hitler.
17:04En l'occurrence c'est ce que dit Aurélien, il y a Jean-François et Catherine qui se
17:10demandent comment le peuple ukrainien pourra se reconstruire.
17:14Est-ce qu'on en est déjà là ?
17:16En fait le peuple ukrainien, et c'est là la grande surprise de cette guerre, il s'est
17:21constitué dans cette épreuve.
17:23Il s'est soudé dans cette épreuve ?
17:24Absolument, ça a été un tournant constituant pour les Ukrainiens.
17:29Alors même si la guerre devait se terminer sur une mauvaise paix imposée par Donald
17:33Trump dans un premier temps, elle continuera sur le long terme.
17:36Question courte et réponse rapide s'il vous plaît, Mark Rubio, secrétaire des Affaires
17:42étrangères, enfin le ministre des Affaires étrangères américain, dit que les Etats-Unis
17:46ont investi 500 milliards d'euros auprès des Ukrainiens, ils vont devoir les rembourser
17:52pour partie en terres rares et en minerais, et pour une autre partie ils devront payer
17:57les entreprises américaines qui vont reconstruire l'Ukraine détruite.
18:01Il y a une forme, bon, c'est du cynisme, du réalisme.
18:05« I want my money back », c'est Margaret Thatcher, « I want my money back ». Ils
18:10veulent un retour sur investissement, les Ukrainiens n'ont pas le choix, ils doivent
18:14le leur donner, au moins dans les mots, temporairement.
18:16C'est un manière d'immobilier, il fait des deals qui doivent être favorables à
18:22ses intérêts, qu'il confond avec les intérêts de l'Amérique et il ne fait rien.
18:27C'est-à-dire que toutes les questions morales et politiques dans les deals de Trump sont
18:32complètement exclues, et c'est pour ça que ça ne va pas marcher.
18:36C'est comme à Gaza, on ne peut pas uniquement faire des deals économiques, on ne peut pas
18:41évacuer la question politique.
18:43À la limite on peut évacuer la question des droits de l'homme, etc., si on est vraiment
18:49cynique, pourquoi pas ? Mais on ne peut pas évacuer la question politique, donc ça ne
18:54peut pas marcher.
18:55Isabelle Lassery, il y a quand même autre chose de notable en marge de la conférence
19:00de Munich, alors là on sort de l'aspect ukrainien et de la Russie, c'est que J.
19:03Devence, il a en fait très peu parlé de l'Ukraine, il a beaucoup parlé de l'Europe,
19:07il l'a accusé de ne pas respecter la liberté d'expression, en parlant notamment de la
19:11Roumanie et de ses élections annulées parce qu'il y avait des soupçons d'ingérences
19:15russes, et puis s'exprimer sur l'Allemagne en regrettant qu'il y a une sorte de cordon
19:20sanitaire qui empêche l'AFD, le parti d'extrême droite, d'accéder au pouvoir.
19:25Une ingérence de cette nature de la part d'un vice-président américain, c'est inédit ?
19:30Non, ce n'est pas inédit.
19:31En réalité, on a beaucoup oublié qu'avant l'entrée en guerre des États-Unis dans
19:35la Seconde Guerre mondiale, il y a eu des moments très illibéraux, voire franchement
19:39autoritaires, limite fascisants, aux États-Unis.
19:42Il y avait des partis qui avaient énormément d'affinités avec l'Allemagne nazie, qui
19:47ont fait des affaires absolument fabuleuses avec ces grandes entreprises allemandes.
19:51Le complot contre l'Amérique, et il est grand temps de repenser aussi cette face
19:58des États-Unis, illibérales et parfois fascisantes.
20:01Isabelle Lasserre, ça ne sert à rien un vice-président américain, il faut vraiment
20:06prendre au sérieux ce qu'il a dit à Munich.
20:08Ah mais oui, je pense qu'il faut complètement le prendre au sérieux.
20:12D'abord parce que ça va résonner, je pense que son discours va résonner avec toutes
20:16les extrêmes droites européennes, notamment sur l'immigration, et ensuite parce qu'on
20:23voit en fait, c'est le principe de l'inversion, l'inversion des réalités, c'est-à-dire
20:29qu'en fait il accuse les autres de faire ce qu'il est lui-même en train de faire.
20:34D'ailleurs, Poutine fait ça très très bien en disant « non, non, c'est les Ukrainiens
20:38qui attaquent, c'est les Ukrainiens qui nous attaquent, etc. »
20:40Mais ce qu'il a dit est absolument fou, n'ayez pas peur de la Chine ou de la Russie,
20:44le problème chez vous, Européens, c'est justement vous, les Européens, et vous devriez
20:48protéger votre liberté d'expression et votre modèle démocratique.
20:52Il donne des leçons de démocratie alors qu'avant-hier, l'agence EPI a été interdite provisoirement
21:03de bureau ovale et de voyage dans l'avion présidentiel pour avoir refusé de débaptiser
21:11le golfe du Mexique et de le transformer en golfe américain.
21:15Donc en fait, on voit bien, il y a une vision de la démocratie de la nouvelle administration
21:20américaine qui est un peu particulière, et elle est très idéologique, et en fait
21:25il nous reproche de ne pas avoir la même vision de la démocratie, c'est-à-dire de
21:30ne pas la bafouer de la même manière, même si évidemment, il y a des excès dans la manière
21:37dont les démocraties européennes fonctionnent, et ça, on ne peut pas complètement le nier.
21:44Et quand il parle du problème de l'immigration en Europe, là-dessus, il a raison aussi,
21:51c'est-à-dire que les peuples le demandent, et les élites ne le prennent pas forcément au sérieux.
21:57En tout cas, c'est passionnant, et merci pour votre éclairage à toutes les deux.
22:01Vous reviendrez nous aider à comprendre justement cette accélération sidérante de l'histoire.
22:06Elsa Vidal, je rappelle donc la fascination russe, ce livre qui vient d'être republié
22:11en poche chez Arion Robert Laffont, et on vous lit Isabelle Lasserre évidemment dans le Figaro.
22:16Merci à toutes les deux.