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00:00Vous écoutez Le Siffleur, un podcast issu des archives d'Europe.
00:14Vous connaissez sûrement cette ville au bord de la Manche qui s'étend toute grise à l'orée
00:23de la Bretagne. Et bien dès l'entrée, en arrivant de Paris, il y a à gauche une grande usine blanche
00:32et au premier étage de cette usine un luxueux bureau. Dans ce bureau sont assis face à face deux
00:42hommes, deux amis d'enfance, presque deux frères de lait. Jacques, l'industriel, le riche, le chef
00:51et Pierre, le rêveur, le raté. Eh bien mon vieux, on ne peut pas dire que tu m'accables de tes visites.
01:00Ça fait bien deux ans que tu n'as pas mis les pieds ici. Oui, peut-être. Et tu habites toujours rue Saint-Jean ?
01:05Oui. Et les affaires, ça va ? Ah, je ne me plains pas. Et toi ? Oh, moi tu sais... En quoi puis-je t'être utile ?
01:15Je pense que si tu te décides à venir me voir, c'est que tu as quelque chose à me demander.
01:20Non, je t'apporte une affaire. Je t'écoute. Eh bien voilà, je suis en train de mettre au point une invention formidable.
01:29Écoute bien, je réduis de moitié la consommation d'essence des automobiles. Ce serait drôlement
01:35intéressant. Et ça y est, succès complet ? Ça marchera. Ah, parce que ça ne marche pas encore ?
01:43Non. Pour ça, j'ai encore besoin d'un million. Un million, pour quoi faire exactement ?
01:50Pour continuer mes essais. Bon, ton truc, en quoi ça consiste ? Alors voilà, c'est un petit appareil,
01:55tu vois, qui est grand comme ça, et qui réduit, comme je viens de te le dire, la consommation d'essence.
02:01Et sans diminuer la puissance ni la vitesse de la voiture ? Oui, c'est là justement que ça colle
02:09pas encore très bien. Décidément, mon pauvre Pierre, je vois que tu n'as pas changé non plus.
02:14Tu continues à prendre tes désirs pour des réalités. Mais tu... tu crois pas en moi. J'ai cru en toi.
02:21Et je t'ai prêté de l'argent. Résultat zéro. Je suis sûr de réussir. Impossible. Mais les bureaux
02:27d'études, moi ça m'intéresse pas. Dis donc, quand tu es devenu orphelin, si mes parents t'avaient laissé
02:31mettre à l'assistance au lieu de t'élever comme ils l'ont fait, tu crainerais peut-être un peu moins
02:35aujourd'hui. Je n'oublierai jamais ce que tes parents ont fait pour moi, tu le sais très bien.
02:39Mais permets-moi de te faire remarquer qu'au départ, tu as eu au moins autant de chance que moi. Seulement,
02:44il fallait travailler plus dur, et ne pas être tout le temps dans la lune. Je n'ai pas de leçon à recevoir de toi.
02:48Écoute, vieux, si en ce moment tu es gêné, dis-le moi, et je te dépanne. Je te rappelle également que je suis
02:54toujours prêt de faire une situation à l'usine. Oui, ça quand tu voudras bien redescendre sur la terre.
02:57Je n'accepterai jamais que tu sois mon patron. Ça, c'est de l'orgueil mal placé. Non, et puis, je vais
03:02me marier. Ah, raison de plus pour avoir une position stable. En tout cas, je te félicite. Qui épouses-tu?
03:09Tu ne connais pas. Quelqu'un d'ici? Oui. Elle travaille? Oui, chez elle. Elle fait de la couture.
03:16On peut savoir son nom? Adeline. Mais c'est ravissant, Adeline. Et vous vous aimez? Ça va, on s'adore.
03:25Ah, vous en avez de la veine. Quoi? T'es pas heureux en amour, toi? Non. Liliane est sur le point de me quitter
03:34pour filer aux Etats-Unis et épouser un secrétaire d'ambassade. Tiens, tu vois cette petite bouteille rouge?
03:40Oui, qu'est-ce que c'est? Du poison. Quoi? Si elle me plaque, je me supprime. Non, mais t'es pas fou!
03:47Tu vois que dans la vie, on ne peut pas tout avoir. Mais enfin, mais cette Liliane, mais qu'est-ce qu'elle veut de plus?
03:53T'as une affaire en or, une situation politique de premier rang. Tu vas être élu conseiller général.
03:58Oh, attends, attends, c'est pas encore fait. Quoi, tu seras pas élu? J'espère bien que si, mais tu sais, j'ai des ennemis et il faut jouer serré.
04:05Écoute, prête-moi ce million, ça te portera bonheur. Non, Pierre, je t'ai dit non. Très bien, je n'insiste pas. Adieu.
04:13Tu m'en veux, hein? Mais non. Mais je te déçois. Non, alors là, pas du tout. Je te connais depuis si longtemps.
04:17Pierre!
04:19Oh, c'est toi mon Pierrot!
04:48Alors? Eh ben, il marche pas, ma pauvre Adeline. Pas un rond. Oh, le salaud!
04:53Quand je pense que mes parents l'ont ramassé sur le trottoir. Encore un qui a un portefeuille à la place du cœur, tiens. Eh oui.
04:58Regarde, pour papa, ça a été la même chose. Il a été ruiné par un type de cet acabila. Tous des monstres d'orgueil et d'égoïsme, capables de tout, sauf d'une bonne action.
05:10Oh, mais qu'est-ce qu'on pourrait bien leur faire?
05:13Euh, moi, en ce qui concerne Jacques, si je voulais... Quoi?
05:17Enfin, si je disais tout ce que je sais... Pourquoi tu sais des choses, celui? Plutôt, oui. Raconte.
05:23Tu te rappelles l'assassinat de Paul Vervier, l'industriel de Brest? Non. Non, ça a dû se passer pendant que j'étais encore à Limoges.
05:30Ah oui, c'est vrai, ça remonte à plus de 5 ans. Eh bien, cet industriel, Paul Vervier, a été assassiné un soir dans sa maison à Brest, après avoir reçu des amis à dîner.
05:40Jacques en était. Non.
05:42Et quand tous les invités ont été partis, Jacques est remonté, soit disant pour prendre ses gants qu'il avait oubliés, et le lendemain, on trouvait Vervier assassiné et son coffre-fort vide.
05:52Il y en avait pour plus de 15 millions en espèces et en bijoux.
05:56Et c'est Jacques qui a fait le coup?
05:59Vervier vivait seul. Il n'y a pas eu de témoin. Mais un des invités a été assez accablant pour Jacques.
06:05A moins qu'il a quand même bénéficié d'un non-lieu grâce à des pressions politiques.
06:08Mais, je sais pas, cette affaire-là n'a jamais paru très claire.
06:12Enfin, bref, on l'a relâchée. Et deux ans plus tard, il montait une usine, avec ce qu'on appelle de l'argent frais.
06:19C'est pas croyable.
06:21Je te garantis que si en ce moment, je lui envoyais une lettre anonyme pour lui dire, j'ai les preuves que c'est vous qui avez assassiné Paul Vervier, versé 2 millions, je dis tout, il casquerait. Ça fait pas un pli.
06:32Et quelle leçon.
06:33Ça lui prouverait que je suis pas complètement idiot.
06:35Parce qu'en plus, il te trouve idiot?
06:36Oui, figure-toi.
06:37Mais alors, c'est un pauvre type. Il y comprend rien à rien.
06:40Tu as raison, Pierrot. Il faut le dresser.
06:44Comment est-ce qu'on pourrait bien la tourner, cette lettre?
06:46J'ai déjà le texte dans ma tête.
06:50Monsieur, j'ai en main tout ce qu'il faut pour prouver que vous avez assassiné Paul Vervier.
06:56Si vous ne voulez pas que je dévoile la vérité, déposez 2 millions en billets...
07:00Où ça?
07:01J'ai étudié la question.
07:03Sur la route, en direction de Lambal, dans le creux du 12e arbre, à droite, après la borne kilométrique 14.
07:11Formidable!
07:13Hein?
07:14Mais dis-donc, il va peut-être penser que c'est toi qui te venge.
07:17Mais non! D'abord, je ne lui ai demandé qu'un million, alors que là, je vais lui en demander deux.
07:22Oui.
07:23Et puis, il a des ennemis politiques.
07:25Alors, pour l'aiguiller de ce côté, j'ajouterais, si vous dérangez la police,
07:30dès le lendemain, un article prouvant que vous êtes un assassin paraîtra dans la presse de l'opposition.
07:36Oh, tu penses à tout!
07:37Allez, maintenant, exécution. Tu as des vieux journaux?
07:40Pour quoi faire?
07:41Pour découper des lettres et former des phrases.
07:43Ah oui, tiens, j'en ai plein le paquet.
07:44Donne-moi quelques-uns, s'il te plaît.
07:48Là, ça va?
07:49Oui, oui, ça va.
07:50Tu en veux encore?
07:51Non, non, ça suffit. Attends.
07:54Voyons.
07:55Ah, c'est qu'il faut choisir des caractères qui ne soient pas trop gros.
08:00Tiens.
08:01Ceux-là, peut-être.
08:18Oui?
08:19Ah, c'est toi, Pierre. Entre.
08:22Tu m'as écrit?
08:23Oui.
08:24Tu as dû être étonné de mon petit mot.
08:26Mais tu es gentil d'être venu.
08:28Dis-moi, tu ne m'en veux pas trop?
08:31De quoi?
08:33L'autre jour... Non, c'est vrai, on est comme deux frères, on devrait s'aider au maximum.
08:37Ah, oui, c'est mon avis, mais revenons pas là-dessus.
08:40Si, si, revenons-y, au contraire.
08:43Ecoute, vieux, j'ai réfléchi.
08:45Je vais te prêter le million que tu m'as demandé, mais à une condition.
08:50Il faudrait que, de ton côté, tu me rendes un petit service.
08:53Si c'est dans mes moyens...
08:55Rien de plus facile.
08:56Et il n'y a qu'à toi que je puisse le demander.
08:59Voilà.
09:00Je viens de recevoir une lettre anonyme.
09:03Oui, on exige que je verse deux millions en espèces, sinon j'aurai les pires ennuis.
09:08Mais quel genre d'ennuis?
09:10Excuse-moi, mais j'aimerais autant garder le secret là-dessus, non?
09:14La seule chose que je puisse te dire,
09:16c'est que si actuellement, juste avant le vote du Conseil Général,
09:20ont réveillé... certaines choses, enfin...
09:23Mon élection est fichue et ma situation politique remise en question.
09:27Mais... tu vas tout de même pas cracher deux millions.
09:30Il n'y a pas moyen de faire autrement, c'est la meilleure solution.
09:34Bon, ça te regarde.
09:35Euh... qu'est-ce que tu attends de moi?
09:37Eh bien, voilà.
09:38Pour ce soir, dix heures,
09:40pour ce soir, dix heures,
09:42je vais mettre les deux millions dans le creux d'un certain arbre
09:45que je t'indiquerai avec précision.
09:47Puis, je resterai ici, tandis que toi,
09:49je te demanderai d'aller te cacher tout près de l'arbre en question
09:52pour relever le signalement de l'homme qui viendra prendre l'argent,
09:55le numéro et le type de sa voiture.
09:57Enfin... le maximum de renseignements
10:00pour que j'essaie de démasquer mon maître chanteur.
10:02Eh bien, d'accord. On lui compte sur moi.
10:04Merci. Tu es chic.
10:11Et voilà.
10:13Jacques a mis dans le creux de l'arbre
10:15le paquet contenant deux millions en billets de banque.
10:19Et toi, Pierre,
10:21tu es là, maintenant, caché derrière un autre arbre,
10:24en train de guetter qui?
10:27Eh, pardon,
10:29la belle Adeline,
10:31qui arrive en deux chevaux.
10:33Elle court à l'arbre.
10:35Elle prend l'argent.
10:38Elle prend l'argent.
10:40Et elle repart à toute vitesse.
10:42Et à 11 heures,
10:44tu arrives chez Jacques
10:46pour faire ton rapport.
10:48Alors?
10:50Eh bien, c'est fait.
10:52Le signalement de la personne qui a pris l'argent?
10:54Un homme dans la cinquantaine, un peu gros.
10:56Et la voiture?
10:57Une arronde.
10:58Mais comme elle était placée,
11:00j'ai pas pu voir le numéro.
11:02Mais dis donc, ça correspond pas du tout à ce que j'ai vu.
11:05Comment à ce que tu as vu?
11:07Oui, ça a été plus fort que moi, j'ai pas pu rester ici.
11:10Je suis allé me cacher sur la route, moi aussi,
11:12mais forcément beaucoup plus loin que toi.
11:14J'ai eu l'impression que c'était une femme en deux chevaux.
11:17Une femme en deux chevaux?
11:19Non, alors, là, mon vieux, t'as mal vu.
11:22Pourtant, je suis pas myope.
11:23Non, écoute, si tu es décidé à ne pas croire ce que je te dis,
11:26alors que moi, j'étais tout prêt,
11:28moi, je me demande pourquoi tu m'as demandé d'y aller.
11:31Oui, tu as raison.
11:32Enfin, je suis quand même très étonné, tu sais.
11:34Je vais te faire le chèque que je t'ai promis.
11:36Ah non, mon vieux, non, non, non, non.
11:38Je t'apporte pas assez d'enseignements.
11:40Mais si, tu as fait ce que tu as pu, et ce qui est dit est dit.
11:43Demain, nous mettrons au point les conditions de ce prêt, hein?
11:46Ben, si tu veux, d'accord.
11:48Bon, voyons.
11:49Alors, nous sommes 10 000 nouveaux francs,
11:53à l'ordre de...
12:05Bonjour, Pierrot.
12:07J'avais hâte de te voir, tu sais.
12:09Ça aurait pas été prudent que je vienne cette nuit.
12:11Bien, où as-tu mis le paquet?
12:12Je l'ai enterré dans le bois, comme convenu.
12:14Bien.
12:15Et Jacques, qu'est-ce que tu lui as raconté?
12:16Ben, tout, sauf la vérité.
12:18Il a marché?
12:19Euh...
12:20Bon, ben, l'embêtement...
12:21Oui ou non?
12:22Oui, il a marché, mais...
12:23il est venu aussi se cacher dans la campagne.
12:25Mais plus loin que moi.
12:26Mais ce qui l'a pas empêché de très bien voir une femme en deux chevaux.
12:30Il m'a prêté le million qu'il m'avait refusé mercredi.
12:33Alors, maintenant, on peut filer?
12:34Non, non, non, ce serait pas prudent.
12:36Puis où veux-tu qu'on aille avec 3 millions?
12:38D'autant plus que, maintenant,
12:40je suis sûr que c'est Jacques, l'assassin,
12:42et qu'il est prêt à payer cher pour avoir la paix.
12:44Alors, cette fois-ci,
12:46on va lui demander 4 millions.
12:48Qu'est-ce que tu dis?
12:49Ça fera 7.
12:50Et avec 7 millions, on peut commencer à faire la paix.
12:52C'est ça?
12:53C'est ça.
12:54C'est ça?
12:55C'est ça?
12:56C'est ça?
12:57C'est ça?
12:58Avec 7 millions, on peut commencer à faire quelque chose.
13:00Seulement, alors, cette fois-ci, il faut être très, très, très prudent.
13:03Alors, voilà.
13:04Tu vas prendre le train pour Neugean-le-Retrou.
13:06Oui.
13:07Et c'est de là que tu mettras à la poste
13:09la lettre dans laquelle on lui demande 4 millions.
13:12Oui, je crois que c'est une bonne idée.
13:14Il me semble.
13:15Mais je peux pas partir avant cet après-midi.
13:17Ça fait rien, ça.
13:18Tu couches là-bas, tu reviens demain.
13:19Bon, entendu.
13:20Passe-moi des journaux, on va faire la lettre.
13:23Il m'a drôlement chanté, l'assassin.
13:29Discours sur la jeunesse
13:44Bonjour, Pierrot.
13:45J'arrive de Neugean-le-Retrou.
13:46Ah, alors.
13:47Je descends du train, je suis venue directement chez toi.
13:49Ah, ben t'as bien fait.
13:50Euh, tout s'est bien passé?
13:51Oui.
13:54Jacques a dû la recevoir ici au courrier de ce matin, ou à 11h.
13:56Bon, très bien.
13:57Tu crois que ce soir, il mettra les 4 millions dans l'arbre ?
14:00Ça, j'en suis sûr.
14:01Chut.
14:03Qu'est-ce que ça peut être ?
14:04Cache-toi dans la chambre et ne bouge pas, je vais voir ce que c'est.
14:10Tiens, Jacques.
14:11Bonjour, Tricel.
14:12Oui, oui, oui.
14:13Je peux te parler un second ?
14:15Mais bien sûr, bien sûr, entre.
14:17Qu'est-ce qui se passe ?
14:19Je viens de recevoir une deuxième lettre.
14:22De qui ?
14:23Du maître Chanter.
14:24Ah bon ?
14:25Oui.
14:26Et cette fois-ci, il me demande 4 millions.
14:30Et tu vas aller lui donner ?
14:33Pas question.
14:34Ah ?
14:35Non, cette fois, d'après le cachet de la poste, la lettre a été mise à nos gens de retrou.
14:39Mais je ne tombe pas dans le panneau.
14:41Je suis sûr que c'est quelqu'un qui est allé là-bas spécialement.
14:44Et qu'est-ce que tu comptes faire ?
14:46Je saute dans ma voiture et j'y vais.
14:47Où ça, à nos gens de retrou ?
14:48Oui.
14:49Pourquoi faire ?
14:50Je veux faire moi-même ma petite enquête.
14:52J'examinerai les fiches d'hôtel et si jamais je découvre
14:54qu'une personne d'ici a passé la nuit dernière dans ce patelin-là,
14:57je te garantis bien que je la ferai interroger par la police.
15:00Et on ira au fond des choses, je te prie de le croire.
15:03Mais ces 4 millions, on te les demande pour quand ?
15:07Ce soir, 10 heures, au même endroit que l'autre fois.
15:10Mais alors si tu ne mets pas l'argent, les ennuis dont on t'a menacé...
15:13Aucun danger. Je vais déposer dans l'arbre une lettre demandant 24 heures de délai.
15:17Non, le maître Chanter n'a aucun intérêt à brusquer les choses.
15:20Ah, tu crois ?
15:21Évidemment.
15:22Bon, maintenant je file.
15:23Je serai de retour demain dans la journée, je te téléphonerai tout de suite.
15:25Bon, j'y compte bien.
15:26À demain.
15:27Au revoir.
15:34Non, t'as entendu ?
15:35Oui.
15:36Dis donc, à l'hôtel où tu es descendue hier soir, t'as rempli une fiche ?
15:39Oui.
15:40T'as mis ton nom et ton adresse ?
15:42Oui.
15:43T'es une idiote.
15:44Triple idiote !
15:45Attends, je suis pas folle.
15:47J'ai mis Adeline, mais pas mon nom de famille.
15:49J'ai mis aussi le nom de notre patelin, mais pas mon adresse.
15:52Tu comprends, au cas où il y aurait eu une vérification de papier.
15:54On sait jamais.
15:55Je pouvais pas mettre des choses fausses.
15:57Alors je les ai mises incomplètes.
15:59Oui, mais s'il trouve une Adeline qui habite ici, on est foutus.
16:01Mais comment ça ?
16:02Il sait que ma fiancée s'appelle Adeline et que tu habites pas loin de chez moi.
16:05Tu lui as parlé de moi ?
16:06Eh oui.
16:07Oh, quel idiot ! Non mais quel idiot, alors !
16:09On est dans de beaux draps.
16:10Ça, c'est la catastrophe.
16:12Oh, tais-toi.
16:13Tu vas finir par me ficher la frousse.
16:23Et le lendemain, Jacques est revenu.
16:26Et il t'a téléphoné, mon pauvre Pierre,
16:28sur un ton qui ne laisse aucun doute sur ce qu'il a découvert là-bas.
16:32Il t'a demandé de venir à sept heures à son bureau.
16:36Tu y vas.
16:38Et te voici devant sa porte, cachant mal ton angoisse.
16:43Entrez.
16:45Oh, entre, Pierre.
16:47Entre.
16:48Ferme la porte.
16:53Alors,
16:55ce voyage ?
16:59La vie me dégoûte, mon rire.
17:01C'est ignoble.
17:02Qu'est-ce qu'il y a ?
17:04Tiens, à propos, tu sais ce que j'ai découvert ?
17:07Non.
17:08Une certaine Adeline qui habite ici
17:10a passé la nuit à l'hôtel moderne de nos gens de retrouve.
17:13Sans blague ?
17:14Oui.
17:15Il s'agit sûrement de ta fiancée.
17:17Quoi ?
17:18Non mais qu'est-ce que tu racontes ?
17:19Adeline n'a pas bougé d'ici.
17:21Que tu dis ?
17:23Je te prépare un cocktail ?
17:26Tu as même de quoi boire ici ?
17:28Oui, pour traiter mes bons clients.
17:31Dans cette pièce à côté, il y a tout ce qu'il faut.
17:33Il y a même un réfrigérateur.
17:36Tu veux un rose ?
17:38Oui.
17:39Bon, alors moi aussi.
17:41Deux roses.
17:52Ainsi, Jacques a découvert la vérité.
17:56Il sait que les maîtres chanteurs, c'est Adeline et toi.
18:00Il ne te fait pas de scène
18:02et il te prépare un cocktail.
18:06Qu'est-ce que ça veut dire ?
18:09Bon Dieu, Pierre !
18:11Regarde dans la glace !
18:13Il débouche le flacon de poison qui était l'autre jour sur son bureau
18:18et il en verse dans l'un des deux verres.
18:22Et il revient très pâle.
18:25Il veut empoisonner.
18:27Voilà.
18:30Tiens bien.
18:31Bien tassé.
18:32Merci.
18:33Oh !
18:35Je dois avoir des petits gâteaux secs.
18:36Attends une seconde, je reviens.
18:40Ah ! Où est-ce qu'on me les a fourrés encore ?
18:43Ah ! Venez voir.
18:47Tiens, sers-toi.
18:49Merci.
18:52À ta santé, Pierrot.
18:54À la vie.
18:55À la mort.
18:57À la mort ?
18:58Pourquoi dis-tu ça ?
19:00Oh !
19:02Histoire de rire.
19:04Tu ne vois pas ?
19:06Mais si !
19:12Ah ! J'avais soif.
19:15Moi aussi.
19:17Alors, c'était bon ?
19:19Oui.
19:22Raté, mon vieux Jacques.
19:24Raté.
19:25Tu voulais m'empoisonner.
19:27Je regrette, mais il y a dans ce coin là-bas une glace.
19:30Une glace, c'est très indiscret, tu sais.
19:33Et dans cette glace, je t'ai vu verser du poison dans mon verre.
19:37Alors, pendant que tu es retourné chercher cette assiette,
19:40j'ai échangé nos verres.
19:42Et c'est toi, Jacques, qui va mourir.
19:44Et on ne m'accusera pas de t'avoir empoisonné parce que
19:47le flacon t'appartient.
19:49Et dessus, il y a tes empreintes.
19:50Et pas les miennes.
19:53Enfin, je ne verrai plus ta sale gueule.
19:56Enfin, tu ne m'écraseras plus de ta supériorité.
20:00Et maintenant, écoute-moi bien.
20:02Le maître chanteur, c'est moi.
20:05Et je t'ai piqué trois millions comme une fleur.
20:08Et bonne, celle-là.
20:10Tu vois que je ne suis pas si idiot que ça.
20:15Mais qu'est-ce que j'ai ?
20:18Mais qu'est-ce que j'ai ?
20:20Mais j'étouffe.
20:22Je ne vois plus clair, Pierre.
20:24Pierre, c'est dans mon verre que j'avais versé le poison.
20:27C'est moi qui voulais mourir.
20:30Qu'est-ce que tu dis ?
20:32Liliane vient de me quitter. Je ne peux pas vivre sans elle.
20:35Et quand je te parlais d'Adeline, je n'ai pas pensé une seconde qu'elle était coupable.
20:38Voyons, je connais au moins trois femmes ici qui portent ce nom-là.
20:41Alors, tu vois comme mes soupçons pouvaient être sérieux.
20:45Non, Liliane partie et moi qui n'ai pas tué Vervier, moi qui suis innocent,
20:48demeuré la victime d'un maître chanteur sans espoir de jamais le découvrir.
20:52Cette idée a été au-dessus de mes forces.
20:55J'ai eu un brusque dégoût de la vie et j'ai décidé de m'empoisonner.
20:59Et c'est moi qui meurs.
21:02Pierrot !
21:05J'ai froid.
21:07Non, non, non, c'est pas possible.
21:09Et toi qui allais être heureux, enfin.
21:12Moi, heureux ?
21:14Mais oui.
21:15Je venais de rédiger mon testament et en souvenir de tout ce que tes parents avaient fait pour moi, Pierrot.
21:19Je venais de t'instituer mon légataire universel.