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Pendant trois décennies, Jean-François Lhuillier a mené une carrière d'agent secret au sein de la DGSE, spécialisé dans le renseignement humain et les groupes terroristes opérant dans le monde arabe. Partagé entre ses rôles d'espion aux multiples couvertures et sa vie personnelle d'époux et de père, il a traversé des situations complexes et souvent risquées. Une vie intense et hors du commun qu'il ne renie en aucun cas.







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00:00J'ai été amené, un peu plus tard, à choisir le 1er PIMA, c'est-à-dire un régiment parachutiste de ce qu'on appelle aujourd'hui les Forces Spéciales.
00:08Ce régiment, le 1er PIMA, était ce que l'on appelle le bras armé du SDEC, du Service de Documentation et de Contre-Espionnage, l'ancêtre de la DGSE.
00:20C'est-à-dire que le SDEC, dans ses activités d'espionnage, avait aussi besoin, de temps en temps, d'actions militaires,
00:28comme la DGSE aujourd'hui a besoin parfois de faire des actions militaires.
00:33Et à l'époque, ces actions militaires étaient réalisées par le 1er RPIMA de Bayonne.
00:39Et donc, je me suis porté volontaire. Et j'ai passé des tests physiques et psychologiques pour évaluer mon niveau.
00:48Et j'ai été admis à rentrer dans cette unité professionnelle qui travaillait pour les services spéciaux déjà.
00:56Si vous voulez, j'étais quelqu'un, à l'époque, plutôt sportif. J'avais le goût de l'effort, le goût de se surpasser.
01:05Les parachutistes, c'est une unité des Forces Spéciales, souvent, qui vous permet justement de vous surpasser, de faire des choses extraordinaires, de voyager.
01:16Et c'est tout ça qui me motivait, cette vie d'aventure, un peu, que proposaient les armées. Et que proposent toujours les armées, d'ailleurs.
01:23Et donc, au sein de cette unité spéciale du 1er PIMA, comme on travaillait pour les services spéciaux, c'est ça qui m'a fait connaître le milieu de l'espionnage.
01:33Parce que dans les missions que j'ai réalisées, en Afrique notamment, j'ai été mis au contact de personnels, de gens, des Français,
01:41qui étaient espions français à l'étranger. J'ai eu le contact de ces gens-là. Et c'est comme ça que j'ai découvert ce monde.
01:49Et je me suis dit, dans mon parcours militaire, à un moment donné, en vieillissant, on évolue. Donc on est obligé de quitter les forces opérationnelles.
02:02On rentre dans ce qu'on appelle un métier plus d'état-major, etc., qui m'intéressait moins. Et donc, pour éviter ce passage dans les états-majors, j'ai choisi d'intégrer la DGSE centrale à Paris.
02:14Quand on parle de la DGSE, pour que ce soit clair pour tout le monde, il n'y a pas que des militaires. Et j'allais dire, même aujourd'hui,
02:21la DGSE a évolué de telle sorte qu'elle est essentiellement civile. Il y a une part, je ne sais pas, de l'ordre de 30% à peu près de militaires seulement.
02:32Donc quand j'intègre ce monde, je quitte le monde militaire et j'arrive dans un monde mixte entre civil et militaire.
02:40La DGSE, les services spéciaux en général, la DGSE française, utilise tout type de profil de gens. Quelle que soit notre spécialité, on peut, à un titre ou à un autre, intégrer les services spéciaux.
02:54Tous les métiers sont quasiment représentés. Si on a une expertise en matière de vidéos, de photos, ce sont des choses qui sont précieuses pour un service.
03:02Il faut des gens vraiment spécialisés, vraiment experts pour faire du travail de vrais professionnels.
03:07La DGSE aujourd'hui, par exemple, un service spécial, c'est tout un ensemble de moyens qui sont un petit peu différents les uns des autres.
03:15Vous avez des moyens techniques, écoute, vidéo, enfin ces choses-là, donc ça c'est une partie des moyens.
03:23Vous avez des moyens d'espionnage, des moyens humains, ce qu'on appelle des officiers traitants, qui vont chercher des sources humaines pour obtenir des renseignements.
03:31Ça c'est une partie très importante du métier.
03:40Pour devenir officier traitant, il n'y a pas de capacité physique particulière à avoir. Ce sont des jeunes qui ont le baccalauréat, qui ont fait des prépas, des sciences politiques, IEP, des choses comme ça.
03:54Ces gens-là, en général, peuvent devenir officiers traitants.
03:59C'est d'abord des qualités intellectuelles de bon niveau, bien sûr.
04:04Des qualités de caractère, de mental, un mental fort, un caractère plutôt stable.
04:10Le goût du contact humain, c'est très important.
04:14La sensibilité, l'ouverture au monde et aux gens.
04:18Vous avez aussi une partie militaire, secrète également, mais avec une spécialité véritablement militaire.
04:26Ce sont des organisations qui agissent en nombre, par exemple pour destituer un chef d'État.
04:36On va utiliser des moyens militaires secrets pour le faire.
04:40On appelle le service action.
04:42Une partie très importante également, totalement secrète, qui font des actions type James Bond ou type Bureau des légendes.
04:50C'est là que Cochise et Socrate sont en train de discuter.
04:53Là, c'est l'escorte de Socrate.
04:55Les deux téléphones viennent de Jarabulus.
04:57C'est des méchants, on avertit nos gars.
04:59Les gens ont crevassé le fleuve.
05:02Faut qu'on reparte de là.
05:04Dans le parcours qui a été le mien, quand j'ai voulu intégrer la DGSE centrale à Paris, mon idée, c'était d'intégrer le service action.
05:12C'était naturel pour moi, après les forces spéciales.
05:15Sauf qu'il s'est trouvé que moi, j'avais été frappé à l'époque par les vagues de terrorisme qui sévissaient déjà.
05:22Dans les années 70-80, la France était déjà l'objet, et pas seulement la France, le monde occidental en général, de nombreuses attaques terroristes.
05:33C'est ça qui m'avait motivé.
05:35Quand je suis rentré à Paris, quand j'ai demandé de rentrer au service central parisien, je voulais intégrer le service de lutte contre le terrorisme.
05:45On m'a mis chez les officiers traitants, et non pas au service action.
05:50Pourquoi ? Parce que le service de contre-terrorisme était, à l'époque, chapeauté par tous ceux qui sont responsables des officiers traitants.
05:59C'est comme ça que je me suis retrouvé à courir après les terroristes de la terre entière.
06:04Les officiers traitants, dans le modèle actuel, commencent leur métier par un métier d'expert sur un sujet donné, d'expert-analyste,
06:14pendant un certain temps, pendant 3, 2, 3, 4, 5 ans.
06:18Et donc, en ce qui me concernait, je commençais à devenir expert des matières terroristes, des groupes terroristes.
06:24Ma première mission sur le terrain, elle est intervenue au bout de deux ans, je crois, à peu près.
06:29Et cette première mission était une mission de prise de contact avec un financier d'un groupe terroriste en Europe de l'Est.
06:38Et donc, avec un camarade, on était deux, notre mission était de prendre contact avec cette personne,
06:43l'approcher, et pour essayer de la recruter au profit du service.
06:47Il ne s'agit pas, pour un espion, de se retrouver dans le hall d'un hôtel face à un objectif qu'on nous a désigné,
06:56taper sur l'épaule et dire « ça y est, c'est moi, je viens de la DGSE ».
06:59Ce n'est pas comme ça que ça se passe.
07:00En général, pour ce qui est du métier des officiers traitants, le contact avec la personne est finalement l'aboutissement d'un travail
07:10qui dure depuis déjà plusieurs semaines, voire même, dans certains cas, plusieurs mois.
07:16Et qu'est-ce qui se passe pendant ces semaines ou ces mois ?
07:19Il se passe tout un travail d'enquête, ce qu'on appelle en langage professionnel « l'environnement de quelqu'un ».
07:25C'est-à-dire que, d'abord, un, il a fallu que des analystes dans notre service spécial choisissent la bonne personne à rencontrer,
07:34et ensuite étudient toute la vie de cet individu qu'on veut rencontrer pour connaître ses forces et surtout ses faiblesses.
07:44Et une fois que tout ce travail est fait, on choisira un officier traitant du service pour le rencontrer.
07:50Et on ne choisira pas n'importe quel officier traitant, on choisira celui dont le profil se rapproche le plus près possible de cet homme-là,
07:59ou de ce qu'on va lui faire faire.
08:01Et donc, quand je suis désigné pour rencontrer ce financier du groupe terroriste, on sait comment il s'appelle, évidemment,
08:10on sait s'il est marié, on sait combien de fois il vient dans ce pays, on sait s'il a une maîtresse, on sait s'il a des enfants,
08:17on sait s'il aime les voitures, enfin bon, on sait tout sur sa personne.
08:21C'est-à-dire que je vais voir cet homme-là, je le connais par cœur, ou presque.
08:26La seule chose que je ne connais pas, c'est comment il va réagir à mon contact.
08:30Mais il n'y a pas véritablement de règles, parce que tout dépend aussi du temps dont vous disposez.
08:34Si vous avez le temps, s'il n'y a pas de menaces, que par exemple, si vous approchez un homme politique d'un pays étranger,
08:40il n'y a pas d'urgence folle, vous avez le temps de l'approcher, donc vous allez effectivement rentrer dans une approche de cet individu en souplesse.
08:51Donc, l'habituer à votre présence, et petit à petit, nouer des liens avec lui.
08:55Le point un petit peu délicat de la relation que vous nouez avec votre source, il faut essayer de rester,
09:02même si vous avez cette capacité à l'empathie qui est importante, vous devez quand même conserver une retenue par rapport à votre source.
09:12C'est-à-dire qu'il faut éviter, autant que possible, de vous lier trop d'amitié.
09:19Parce qu'après, vous êtes tenus par cette amitié, évidemment.
09:22Donc, il faut rester, j'allais dire, froid, si possible.
09:26Et notamment, par exemple, si votre source est une jeune femme, et que vous, vous êtes, par exemple, un homme.
09:32Il faut éviter de tomber dans la relation amoureuse, vous comprenez ?
09:35Ça peut arriver, cela dit. Ça peut arriver, mais si vous tombez dans ce type de relation, c'est fichu.
09:41Vous ne pouvez plus faire à votre source des choses dangereuses, ou des choses où elle risquerait sa vie, ou trahir son pays, etc.
09:49Ça devient compliqué.
09:50Mais en ce qui me concerne, je n'en ai pas eu de conscience, non.
09:53J'ai toujours eu la chance de ne pas aller au-delà d'une frontière, de respecter cette frontière à ne pas dépasser.
10:01Ce qui ne veut pas dire que votre source, elle peut penser au contraire, doit penser que vous êtes super copain, super ami, etc.
10:09Est-ce que ma couverture a déjà été dévoilée ?
10:12J'allais dire, quand on est en ambassade, souvent, on est non seulement sous couverture diplomatique,
10:19mais on est aussi, et ça complique les choses, on est souvent déclaré comme tel, c'est-à-dire comme officier des services spéciaux,
10:28déclaré au service de police local, du pays dans lequel on travaille, et dans lequel on doit recruter des sources.
10:36Donc on fait des recherches sur nous, donc notre couverture ne tient pas une seule seconde.
10:40La couverture, c'est ce qui permet à un espion de paraître, j'allais dire, normal aux gens qu'il pourrait croiser dans la vie.
10:49Par exemple, la couverture la plus utilisée pour les officiers traitants qui travaillent à l'étranger, c'est souvent une couverture de diplomate.
10:58C'est-à-dire qu'on nous donne un passeport diplomatique, on travaille en ambassade, mais en fait, on n'est pas des vrais diplomates.
11:05Dans le livre que j'ai écrit, L'homme de Tripoli, j'ai utilisé, si vous voulez, mon expérience pendant la guerre de Libye,
11:12début des années 2010, pour décrire l'évolution d'un officier traitant, aussi bien pendant sa formation initiale que ses activités en temps de guerre.
11:25Et donc, dans ce livre, on voit un petit peu toutes les situations.
11:28La Libye, pour remettre les choses dans l'ordre, c'est sur la fin de ma carrière en fait.
11:32La DGSE française est présente dans énormément de pays, puisqu'on défend les intérêts de la France à l'étranger,
11:40et qu'il y a énormément de pays dans lesquels on a des intérêts, nous Français, notamment économiques, mais pas seulement.
11:48En Libye, on est implanté déjà depuis de nombreuses années, avant que j'intervienne.
11:53Mais quand moi j'arrive, en 2009, je suis chargé, si vous voulez, toujours de lutter contre le terrorisme.
12:00Et donc, de développer avec les Libyens la lutte contre les terroristes que l'on appelle ACMI, qui était Al-Qaïda au Maghreb islamique,
12:10qui était très actif en Afrique du Nord, et notamment dans les Maquis algériens, ce qu'on a appelé le GIA.
12:18Et donc, dans cette nébuleuse terroriste ACMI, il y avait une Katibat, c'est-à-dire un groupe armé de Libyens, anti-régime libyen du coup,
12:27et dont le régime libyen se méfiait, et donc voulait lutter contre ces gens-là.
12:32Le service français était intéressé de lutter contre ACMI, on s'est dit, on va s'allier, entre guillemets, avec les Libyens, pour s'aider mutuellement contre ACMI.
12:42C'est dans ce cadre-là que j'ai été mis en place en Libye, essentiellement.
12:46Donc moi j'y arrive pour lutter contre le terrorisme, en coopération avec les Libyens.
12:52Kadhafi et son régime tiennent le pays d'une main de fer.
12:56Les gens ne sont pas malheureux sous le régime Kadhafi.
12:59Sauf que Kadhafi a tout un historique, il a 40 ans d'histoire derrière lui, quand moi j'arrive,
13:04pendant lesquels, en fait, cet homme-là a lutté contre les Occidentaux, sur un plan personnel.
13:11Kadhafi, c'est quelqu'un un peu d'illuminé, qui a eu l'ivresse du pouvoir,
13:17qui s'est cru capable de choses extraordinaires.
13:20Quand il est arrivé au pouvoir en 1969, il avait comme modèle le président égyptien qui s'appelle Nasser,
13:28Gamal Abdel Nasser, qui était encore en vie à l'époque,
13:31qui était l'homme arabe qui tenait tête aux Occidentaux,
13:35qui était anti-impérialiste, anti-sioniste, etc.
13:38Et Kadhafi a épousé ces thèses.
13:40Et quand Nasser est mort rapidement, Kadhafi est devenu le seul leader anti-impérialiste, anti-sioniste du monde arabe.
13:49Et il a voulu, c'était son but initial, unifier tous les Arabes contre l'Occident.
13:55Seulement, ça heurtait certains intérêts arabes,
14:00si bien que Kadhafi, finalement, s'est heurté à certains pouvoirs arabes,
14:06notamment les Saoudiens, qui n'étaient pas du tout sur la même longueur d'onde.
14:10Donc, il n'a pas réussi à unifier le monde arabe.
14:13Et c'est ce qui explique la raison pour laquelle il s'est tourné vers le continent africain
14:17et qu'il est devenu, quelques années plus tard, ce qu'il appelait le roi des rois d'Afrique.
14:22Vous voyez, c'était une sorte de mégalomane, cet homme-là, Kadhafi.
14:27Et donc, son livre vert est arrivé dans les années 1970,
14:30où il a théorisé sa vision d'un monde arabe tel qu'il l'a imaginé,
14:38et mis en œuvre, notamment, et seulement, en Libye.
14:43Il n'accepte pas Kadhafi d'opposition intérieure.
14:48C'est l'opposé de la démocratie qui est le modèle que le monde occidental propose.
14:53Et donc, il s'oppose à ce modèle occidental.
14:56Il s'oppose à la démocratie occidentale.
14:58Et pour s'y opposer, il utilise des moyens terroristes.
15:01Il n'est pas tout blanc, Kadhafi, quand même.
15:04Kadhafi a été responsable, a été jugé responsable, enfin, la Libye a été jugée responsable
15:10d'un attentat contre l'avion de Lockerbie, 300 et quelques morts,
15:15et l'avion français aussi, au-dessus du Ténéré, au Niger, 170 morts.
15:20Donc, le monde occidental réagit à ça, met le pays, la Libye, sous embargo,
15:25un embargo qui a duré une bonne dizaine d'années, jusqu'au début des années 2000.
15:29Et au début des années 2000, Kadhafi a fait amende honorable
15:33et a décidé de ne plus utiliser le terrorisme.
15:36Il a fait marche arrière au moment des World Trade Center.
15:41Il a proposé son aide technique aux Américains,
15:44quand les Américains ont été visés par cet attentat de masse, on va dire.
15:49À partir de ce moment-là, il a donc fait un pas vers les Occidentaux
15:54et les sanctions internationales ont été progressivement levées.
15:59La Libye, sur un plan géographique et historique, est placée, au niveau du continent européen,
16:06sur la voie quasiment naturelle des Africains du centre ou de l'ouest qui veulent venir en Occident.
16:14Au départ, Kadhafi utilisait les mouvements de population, comme ça,
16:20c'est-à-dire, il ouvrait les vannes ou il fermait les vannes de migrants contre l'Europe.
16:26C'est-à-dire, quand les Européens l'embêtaient, il laissait passer les migrants.
16:30Quand il était copain avec les Occidentaux, il fermait les vannes.
16:35Il utilisait les migrants à son profit.
16:38Et ce que je veux dire, c'est que Kadhafi, à l'époque, donc début des années 2000,
16:42a passé des accords avec les Européens, avec la Commission de Bruxelles,
16:47qui payait Kadhafi pour stopper les vagues migratoires.
16:51Donc je suis mis en place à Tripoli pour travailler contre Acme avec les Libyens.
16:58Dans cette perspective, je me mets en tête de me rapprocher du numéro 2 de la Libye,
17:04c'est-à-dire du beau-frère de Kadhafi, qui s'appelle Abdallah Senoussi.
17:07Ça fait partie de notre métier d'agent secret quand on est à l'étranger,
17:12de se rapprocher aussi des élites du pays, parfois de façon officielle.
17:17Mais alors à ce moment-là, il ne s'agit plus d'espionnage,
17:21il s'agit d'opérations, de ce qu'on appelle dans notre métier, des opérations d'influence.
17:26C'est-à-dire qu'avec le contact officiel d'une personnalité de l'État en question,
17:33on peut influencer cette personnalité dans un sens ou dans l'autre.
17:37Un officier traitant, comme je l'étais à Tripoli,
17:40était considéré finalement comme l'envoyé personnel de Nicolas Sarkozy auprès de Kadhafi.
17:46En général, dans les pays arabes, un membre des services spéciaux est forcément la voix du président,
17:53parce que les services spéciaux dans les pays arabes ont une place très importante
17:58auprès du président ou du roi du pays considéré.
18:02Et donc moi, je me suis servi de ça pour prendre contact avec Abdallah Sinoussi,
18:07c'est-à-dire le beau-frère de Kadhafi,
18:09dans le but justement d'obtenir le maximum de moyens pour lutter contre Acme.
18:14Malheureusement, ou heureusement, selon comment on se place,
18:18il y a eu ce qu'on a appelé les printemps arabes,
18:21qui ont débuté en Tunisie et qui se sont ensuite développés en Égypte
18:25et qui sont arrivés en Tunisie et qui ont déstabilisé le régime.
18:29Et il y a eu l'intervention française sur ces entrefaites.
18:32On n'a pas encore complètement commencé à lutter contre Acme,
18:36que les événements sont intervenus dans le pays.
18:38En fonction de ces événements, l'État français a décidé de fermer l'ambassade
18:42et de rapatrier tout ce qui était français chez nous en France.
18:48J'ignorais les raisons et je m'interrogeais pour quelles raisons on fermait ça.
18:52On nous a demandé de tout détruire, notre matériel.
18:56Je repars à Paris et pendant 15 jours, je rencontre des gens qui ont connu la Libye,
19:01pour obtenir des renseignements de terrain qui vont servir aux forces françaises
19:05pour bombarder les forces armées libyennes.
19:08Et là, je comprends les raisons pour lesquelles on a été rapatriés.
19:12Et là commence pour moi la guerre, ma « guerre » de Libye.
19:17Je suis envoyé ensuite en Tunisie.
19:22Et à partir de la Tunisie, mon rôle est de recruter des Libyens
19:27qui sont contre Kadhafis pour les renvoyer en Libye
19:31de manière à obtenir des renseignements sur la situation des forces armées libyennes
19:36pour voir où ils sont forts, où ils ne sont pas forts, etc.
19:39Pour renseigner l'État français.
19:40Ce que je me suis dit à l'époque, c'est que quand vous êtes un soldat,
19:44quand les ordres sont légitimes, vous obéissez aux ordres.
19:47Ce que j'ai fait et ce que j'ai continué à faire jusqu'au bout.
19:50Mais ce que j'ai vu, j'ai compris que c'était une erreur de faire cette guerre en Libye.
19:57Mais à mon niveau, je ne pouvais pas l'esquiver.
20:00Donc il fallait que j'intègre ça et que je refasse l'histoire
20:04au sens où Kadhafi était quand même un tyran, un dictateur.
20:10Il y a quand même beaucoup de monde qui a souffert de Kadhafi.
20:12Donc je m'étais dit, je vais aider les gens, et ils étaient nombreux quand même,
20:17à se rebeller du coup.
20:19Et donc j'étais un outil permettant aux Libyens, qui étaient anti-Kadhafi,
20:24de faire chuter Kadhafi.
20:26Ce que je constate en revanche, c'est que cette intervention a semé le chaos
20:32dans ce pays qui était un pays bien tenu, dans lequel les gens vivaient plutôt heureux.
20:39Les jeunes étaient de plus en plus éduqués.
20:41Il n'y avait pas de gens qui mouraient de faim.
20:43Il y avait très peu de pauvreté en Libye.
20:45Et donc ce pays est redevenu un pays, malheureusement,
20:49où les tribus se sont montées les unes contre les autres,
20:52et où c'est le chaos complet.
20:54Je suis revenu à Tripoli au moment de la libération.
20:56Et j'ai recréé le poste extérieur de la DGSE à Tripoli,
21:02qui à l'époque d'ailleurs était rattaché à l'ambassade,
21:05mais était en dehors un petit peu de l'ambassade.
21:07Les conditions étaient conditions de guerre, du coup.
21:11L'équipe s'était étoffée, on était plusieurs officiers traitants,
21:14de manière à pouvoir éclairer l'État français
21:16sur la façon dont allait évoluer le nouvel État libyen.
21:21Et donc j'ai quitté moi définitivement le pays en 2012.
21:25Je suis rentré à Paris.
21:27Et vous savez, dans nos métiers, on passe d'une mission à l'autre.
21:31Et donc, après quelques jours de congé,
21:33j'ai été renvoyé en mission à l'étranger,
21:36dans la corne de l'Afrique,
21:38dans notre lutte, encore une fois, contre le terrorisme,
21:40puisque c'était ma spécialité,
21:42contre les chababs en Somalie,
21:44qui sont très actifs dans toute la corne de l'Afrique.
21:48Donc c'était un autre chapitre qui s'ouvrait pour moi.
21:51Et si vous voulez, quand vous repartez sur une autre mission,
21:54fatalement vous oubliez un petit peu la mission précédente,
21:58puisque toutes vos forces sont axées sur votre nouvel objectif.
22:04Quel que soit l'emploi que j'occupais,
22:07je travaillais pour la défense du pays.
22:09J'ai commencé tout petit dans les armées,
22:11puis petit à petit dans les forces spéciales,
22:13ensuite comme agent secret.
22:15Je l'ai été jusqu'à la fin de ma mise à la retraite.
22:19Ça a été la motivation de ma vie finalement,
22:23puisque j'ai fait un peu plus de 50 ans de carrière
22:27pour défendre la France, l'idée que j'en ai,
22:30et les Français.
22:32Mais c'est un combat qu'il faut continuer,
22:34parce que c'est un combat de tous les jours.
22:38Pour que vive la France.

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