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La liberté d'expression en France est au cœur d'un débat intense, exacerbée par des décisions controversées comme celle de l'Arcom sur C8. Des figures politiques, de la droite à l'extrême droite, dénoncent une censure.

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Transcription
00:00Christophe Barbier, votre choix ce soir, c'est une question quasiment philosophique, mais qui s'invite dans le débat politique ici en France notamment.
00:06La liberté d'expression est-elle menacée en Europe et en France ?
00:10Tout a commencé à Munich vendredi dernier, un symbole Munich, avec une accusation du vice-président américain James David Vance,
00:16confirmée par Donald Trump, un vrai rasoir à deux lames idéologiques, vice-président, président, pour coincer l'Europe des Lumières. Voilà ce qu'ils ont dit.
00:27En Grande-Bretagne et dans toute l'Europe, la liberté d'expression est en recul, je le crains.
00:32J'ai écouté son discours, il a parlé de la liberté d'expression et je pense que c'est vrai, ils perdent leur magnifique liberté d'expression, je l'ai vu. L'Europe doit faire attention.
00:45C'est concerté, c'est clair. Et évidemment, les responsables gouvernementaux sont montés au créneau pour contester cette version américaine facile.
00:53Au même moment, Trump, par exemple, interdit l'accès de la Maison-Blanche à Associated Press, une grande agence, tant qu'elle n'aura pas décidé d'appeler le golfe du Mexique golfe d'Amérique.
01:03C'est ça, le respect de la liberté d'expression. Bon, fin de l'épisode. Sauf que, surprise, cinq jours plus tard, en France, quand le Conseil d'État valide la décision de l'ARCOM sur C8 et NRJ12,
01:13à savoir le non-renouvellement de leur autorisation de démettre, eh bien droite et extrême droite reprennent l'argumentation, l'accusation trumpiste.
01:21Ça commence par exemple avec ce tweet de Jordane Bardella. C'est du Vance dans le texte. Bardella nous dit « c'est un recul inédit pour le pluralisme, c'est une lourde défaite pour la liberté d'expression ».
01:33Donc, elle recule les mots de Vance, les mots de Trump. Marine Le Pen y va aussi de son tweet, un média de mosques, le tweet qui nous dit qu'elle évoque des ayatollahs, nous serions donc en Iran.
01:45Elle parle d'Oukaz, nous serions donc en Russie. Et elle finit par dénoncer cette bien-pensance qui prétend bien penser lorsqu'elle empêche autrui de penser différemment.
01:55Et elle aussi, elle met en garde la liberté d'expression, recule. Mais ça ne se limite pas à l'extrême droite. Ça va aussi du côté de la droite dite républicaine.
02:03Laurent Wauquiez se fend d'une vidéo pour rejoindre ce combat et cette alerte.
02:09On n'enlèvera pas de la tête que cette décision de fermeture de C8, elle est due à une seule chose, c'est que ça appartient à un groupe médiatique qui ne convient pas à certains et qui ne pense pas comme il faudrait.
02:21Alors on peut ne pas aimer Cnews, on peut ne pas aimer C8, mais dans ce cas-là, c'est simple, vous changez de chaîne. En revanche, fermer, avec cette censure insidieuse, ça c'est inacceptable.
02:32Alors voilà, il fait les guillemets au dehors du cadre de l'image, mais ce n'était pas de la censure. Vous voyez, la mise au front, la montée au front de cette droite-là, elle est quand même éloquente.
02:41Eh bien, je vous dis, aucun de ces politiques n'a lu l'avis du Conseil d'État, n'a lu la décision de l'ARCOM, parce que ce n'est absolument pas l'expression qui est contestée.
02:49Il y a dans l'autorisation des maîtres des conditions à respecter et des engagements à respecter aussi.
02:55Quand on est une chaîne de télé.
02:56Exactement. Quand on vous autorise à rouler sur une autoroute, vous n'avez pas le droit de faire du stock-car et de violer le code de la route, sinon tout s'arrête.
03:02Eh bien, c'est exactement ce qui s'est passé. C'est une suite de manquements aux engagements ajoutés à un déséquilibre économique qui a provoqué la décision de l'ARCOM.
03:10Ce ne sont absolument pas les opinions, d'ailleurs très protéiformes, de Cyril Hanouna. Je le sais, j'ai fait un livre avec lui. Je peux vous dire quelle est la richesse et la complexité idéologique de cet individu.
03:20Ce n'est pas ça du tout que l'ARCOM a visé. Il n'y a donc pas de pertinence à droite et à l'extrême droite. Mais il y a quoi ? Il y a un calcul politique qui s'appelle le populisme.
03:27Faire croire que le système censure, que le système oppresse et qu'il faut donc une sorte de révolte populaire, voire de coup d'État pour mettre fin à un coup d'État qui serait juridique.
03:37Au gouvernement des agences obscures, comme le dit Laurent Wauquiez. La liberté d'expression, c'est très précieux.
03:42En 1966, la droite, elle voulait l'interdiction d'une pièce de théâtre, les paravents de Jean Genet, pièce antimilitariste.
03:48Et André Malraux est monté à la tribune de l'Assemblée nationale pour dire, le 27 octobre 1966, la liberté, mesdames et messieurs, n'a pas toujours les mains propres.
03:56Mais quand elle n'a pas les mains propres avant de la jeter par la fenêtre, il faut y regarder à deux fois.
04:00Voyez, c'était quand même autre chose que du Bardella ou du Wauquiez.
04:03Mitterrand, François Mitterrand, en 1991, va définir ce qu'est la liberté d'expression lors des assises de l'information à Montpellier.
04:11Il dit que cette liberté d'expression ne va pas de soi, que c'est une construction de l'homme dans une société civilisée.
04:18Tout est dit. Il s'agit d'une construction.
04:21La liberté d'expression, ce n'est pas le droit de dire tout et n'importe quoi.
04:24Moi, j'ai rêvé longtemps qu'on puisse tout dire.
04:26Mais tout dire et n'importe quoi, ça mène les sociétés humaines au complotisme, à la dénonciation, à la haine, au lynchage.
04:33Ce n'est pas possible. C'est la loi de la jungle.
04:35C'est du rousseauisme mal pratiqué.
04:37Il faut donc un cadre, et ce cadre, c'est la loi.
04:39Et cette idée du contrat social qui encadre la liberté d'expression, elle remonte à la déclaration des droits de l'homme.
04:45Dans son article 11, où on nous dit que la liberté d'expression, c'est très précieux, mais qu'il faut écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l'abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi.
04:59C'est l'article 11 de la déclaration des droits de l'homme, dans les cas déterminés par la loi.
05:05C'est ça qui s'est passé avec C8, avec NRJ12, avec des tas d'autres occasions, d'ailleurs, où la loi encadre et limite, explique qu'on ne peut pas tout dire et n'importe quoi.
05:15C'est ça qu'il faudrait comprendre.
05:17La loi, en revanche, ça peut se changer, mais pour ça, il faut gagner les élections.
05:21Et c'est une autre paire de manches que de faire des tweets ou des vidéos.

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