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00:00Et alors j'ai la chance ce matin de recevoir le plus célèbre violoniste de France.
00:05À vrai dire, soyons honnêtes, on n'en connaît pas beaucoup d'autres.
00:08Bonjour Renaud Capuçon.
00:09Bonjour, il y en a d'autres.
00:10Il y en a d'autres, il y en a d'autres, mais moins connus que vous, évidemment.
00:12Vous avez vraiment ce talent international aujourd'hui parce que vous êtes reconnus partout dans le monde, Renaud Capuçon.
00:19Et alors avant de parler de votre magnifique album dédié à Astros, on va dresser d'abord votre portrait sonore.
00:25Des petits sons pour mieux vous connaître.
00:27Voici le premier.
00:31Mozart, bien sûr.
00:34Tout le monde aura reconnu le concerto pour violon.
00:37Numéro 3.
00:38En sol majeur, attention.
00:40En sol majeur.
00:41Et vous reconnaissez le musicien qui y joue également ?
00:45Renaud Capuçon.
00:47Il y avait un indice.
00:48Il est en face de vous.
00:50Il disait c'est peut-être un piège.
00:52Renaud Capuçon, vous êtes né à Chambéry à une date importante, un 27 janvier, comme Mozart.
00:57Est-ce que vous croyez en la prédestination ?
00:59Non, pas du tout.
01:00Ce qui est très sympathique, c'est que j'avais, grâce à ce hasard du calendrier, un portrait de Mozart dans ma chambre quand j'étais tout petit.
01:07Et il se trouve que j'ai bien entendu jouer toutes ses œuvres et jouer tout ce qui était possible de jouer au violon.
01:13Mais ça s'arrête là.
01:14Parce que vos parents, ils n'étaient pas spécialement musiciens.
01:16Pas du tout musiciens.
01:17Ils aimaient la musique.
01:18Ils aimaient la musique et ils ont eu surtout la curiosité et l'envie de faire découvrir à leurs jeunes enfants la culture et aussi la musique.
01:25Ils regardaient Le Grand Échiquier de Jacques Chancel.
01:28Ils vous emmenaient tout jeunes au concert et vous avez commencé à écouter très jeunes des opéras pour enfants.
01:45C'est le carnaval des animaux ?
01:46Non.
01:47Camille Saint-Saëns.
01:48Ça fait partie des musiques que vous écoutiez petit ?
01:51Oui.
01:52Quand on parlait des opéras pour enfants, c'était plus un opéra de Breton.
01:55Il s'appelait Le Petit Ramoneur.
01:56Mais il y avait les opéras de Mozart aussi.
01:57Et effectivement, le carnaval des animaux faisait bien sûr partie des œuvres qui sont toujours agréables d'entendre quand on est un gamin.
02:03Sauf que maintenant, on l'associe au Festival de Cannes.
02:05Surtout celle-là.
02:07Mais il y en a tellement d'autres dedans.
02:09Oui.
02:10Ça a été pris par le Festival de Cannes comme générique.
02:13Mais c'est bien.
02:14Ça popularise la musique de Saint-Saëns.
02:16Mais petit, vous pouviez aussi vous ambiancer sur un Bruel, sur un Goldman, sur un Anicordi ?
02:21J'écoutais Goldman un peu plus tard.
02:23Goldman et Cabrel quand j'avais 15 ans.
02:26Mais avant, j'étais un gamin assez concentré.
02:30J'aimais la musique.
02:31J'avais plein de potes.
02:32On jouait à plein de choses.
02:33On jouait au tennis, au foot.
02:34Mais pour ce qui était musique, j'étais un peu monomaniaque.
02:36Oui, c'est ça.
02:37Parce que dès l'âge de 4 ans, vous êtes entré au conservatoire.
02:39Qu'est-ce qui vous a mené au violon ?
02:41Est-ce que vous avez testé plusieurs instruments d'abord ?
02:44Non, j'ai eu la chance d'être conseillé.
02:46Et on a conseillé à ma mère tout de suite, à mes parents, que je pouvais commencer le violon.
02:51J'avais une oreille qui était apparemment faite pour ça.
02:53Et il se trouve que j'ai adoré le violon tout de suite.
02:56Si on m'avait conseillé peut-être un autre instrument, j'aurais peut-être commencé le piano ou le violoncelle.
03:01Mais je dois dire que le violon m'a convenu immédiatement.
03:04Et surtout, ce que j'aimais, c'était jouer avec d'autres.
03:06Le fait de jouer ensemble.
03:08C'est ce qui anime ma vie encore aujourd'hui.
03:10Quand je dirige ou quand je joue ou en musique de chant.
03:12C'est le fait de partager la musique.
03:14De jouer la musique seul, c'est pas forcément...
03:17On travaille seul, mais à la fin, on joue avec quelqu'un.
03:20Mais justement, quand vous étiez à travailler les premières années,
03:23parce qu'aujourd'hui, évidemment que c'est grandiose de vous entendre,
03:25mais à l'époque, comment ils le vivaient vos parents ?
03:28Parce que les enfants qui font du violon à 4 ans, ça peut être assez douloureux.
03:33Oui, c'est jamais super agréable.
03:35Au tout début, il faut être patient.
03:37Je pense que c'est toujours pareil.
03:39C'est l'amour qui fait qu'on entend différemment.
03:42On est capable d'entendre son enfant jouer comme un pied avec un son épouvantable
03:45et trouver ça génial.
03:47Et en fait, en vrai, c'est pas du tout top.
03:50Mais c'est la même chose quand votre enfant vous fait un premier dessin.
03:54Ça dépasse de partout.
03:55C'est pas beau, mais c'est le plus beau dessin au monde.
03:57C'est la même chose.
03:58Allez, autre ambiance musicale.
04:12Est-ce que c'est vous qui avez donné à votre petit frère Gautier Capuçon
04:15l'envie de faire de la musique et d'en faire son métier ?
04:18Je crois pas, ça s'est fait naturellement.
04:20Je pense que mes parents ont eu envie.
04:22Gautier a 5 ans de moins que moi, donc il est 5 ans plus jeune.
04:25Et moi, j'avais fait du violon.
04:27Ma sœur qui a 5 ans de plus faisait du piano.
04:29Et donc Gautier a commencé naturellement le violoncelle.
04:31Je pense pas que ça l'ait inspiré.
04:33Je pense que le fait qu'on soit deux avant lui à jouer de la musique,
04:36ça l'a certainement motivé.
04:38Mais ça aurait pu aussi faire l'inverse.
04:40Il aurait pu se dire qu'il voulait faire autre chose.
04:42Donc je crois que c'est vraiment une chose qu'il a dû vivre lui-même.
04:45Et la preuve en est, puisque c'est un des grands violoncellistes aujourd'hui.
04:48C'est quand même très rare d'avoir comme ça deux virtuoses dans la même famille.
04:51C'est pas si rare.
04:52Si vous analysez les familles,
04:54ne soit-ce qu'en France,
04:56il y a énormément de familles avec des frères et sœurs.
04:58Les sœurs Berthollet qu'on connaît bien.
05:00Les sœurs Labeck, surtout.
05:02Les frères Moragues.
05:04Et beaucoup d'autres qui ont été...
05:07J'avais au conservatoire des fratries,
05:09des gens qui sont à l'orchestre de l'Opéra de Paris,
05:11qui sont dans des orchestres,
05:13qui ont été enseignants.
05:15Vous avez les sœurs Nemtanou,
05:17qui sont les leaders des deux principaux orchestres français.
05:19Donc, il y a comme ça,
05:21des fratries qui sont...
05:23Enfin, on n'est pas du tout les seuls.
05:25Oui, mais peut-être que Gautier est devenu ce qu'il est aujourd'hui
05:27parce qu'il a baigné dans cette musique
05:29dès sa naissance finalement.
05:31Parce que quand vous avez cinq ans d'écart,
05:33vous êtes déjà au violon, lui, quand il arrive dans cette famille.
05:35Oui, peut-être.
05:37C'est l'hystère de la vie, on ne saura jamais.
05:39Encore une fois, ça aurait pu aussi faire l'inverse.
05:41Ça aurait pu faire un rejet total.
05:43Donc, disons que
05:45le point commun qu'on a eu tous les trois,
05:47ma sœur, mon frère et moi,
05:49c'est d'avoir des parents extraordinaires qui nous ont
05:51intelligemment et sans
05:53nous imposer quoi que ce soit,
05:55ont réussi à nous faire aimer ça
05:57et à ce qu'on passe les crises d'adolescence
05:59et tout le reste en continuant.
06:01Ce qui était une vraie gageur.
06:03Et alors vous, Renaud Capuçon, à l'âge de 16 ans,
06:05vous jouez déjà ça.
06:17La neuvième symphonie de Beethoven
06:19sous la direction de Carlo Maria Giulini.
06:21Et là, vous vivez,
06:23paraît-il, votre premier choc musical.
06:25Oui, c'est le grand choc de ma vie.
06:27Je ne suis évidemment pas tout seul.
06:29Il y a un orchestre de 80 à 100 musiciens.
06:31Je suis tout au fond des second violons.
06:33Et Giulini, qui était cet immense
06:35chef d'orchestre italien, l'un des plus grands du siècle,
06:37dirigeait cet orchestre de jeunes.
06:39Et ça m'a marqué à vie
06:41parce que c'était un musicien
06:43d'une intégrité musicale incroyable.
06:45C'était un musicien, un grand chef
06:47avec une autorité naturelle
06:49musicale
06:51qui dégageait quelque chose
06:53comme un humaniste et comme quelqu'un
06:55qui était croyant.
06:57Je ne le savais pas à l'époque, mais ça m'a vraiment touché.
06:59Et surtout, j'ai eu l'impression
07:01que c'était comme ça que je voulais faire la musique.
07:03Et je pense que si je dirige aujourd'hui,
07:05je suis devenu chef d'orchestre il y a quelques années,
07:07c'est grâce
07:09à ce choc musical que j'ai eu avec lui.
07:11J'ai compris que je voulais faire
07:13la musique dans cette direction.
07:15Je ne savais pas comment, mais je voulais faire la musique comme lui.
07:17Je pense qu'on a tous, à des moments
07:19dans la vie, des repères, des phares,
07:21des gens qui nous guident.
07:23Et Giulini et plus tard Abbado ou Argerich
07:25ont été des guides et des phares qui m'ont conduit.
07:27A vous entendre, c'est presque une expérience
07:29spirituelle que vous avez vécue.
07:31Oui, c'est un choc, c'est un moment de la vie.
07:33Il y a avant et après.
07:35Avant, je voulais être violoniste, parce que j'aimais ça.
07:37Et à partir de ce jour-là,
07:39c'était en l'été
07:4192,
07:43j'ai voulu devenir musicien.
07:45Vous allez me dire, il n'y a aucune différence.
07:47Il y a une énorme différence.
07:49Avant, il y avait un côté, pas sportif,
07:51mais un côté performance.
07:53Je n'avais pas compris vraiment la musique,
07:55même si je l'aimais.
07:57Après cette date-là,
07:59et ce concert au Concert de Gabo d'Amsterdam,
08:01avec la 9ème de Beethoven et Giulini,
08:03là, je comprends que je veux faire de la musique
08:05pour autre chose que simplement la performance.
08:07Restez avec nous, Renaud Capuçon.
08:09On va parler de votre nouvel album
08:11jusqu'à 11h, consacré à Strauss
08:13et du festival de Pâques,
08:15parce que oui, Pâques a son festival, figurez-vous.
08:17A tout de suite sur Europe 1.

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