4,1 décès pour 1000 naissance, c'est le taux de mortalité infantile en France, qui ne cesse d'augmenter. Cela représente 2 800 bébés qui meurent avant l'âge de un an, en très grande majorité dans leur premier mois. Un taux qui classe la France parmi les pires pays d'Europe. Eloignement croissant des maternités, politique du chiffre dans les hôpitaux... Dans leur livre enquête "4,1 : le scandale des accouchements en France", Anthony Cortes et Sébastien Leurquin dévoilent les causes de cette inquiétante évolution.
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00:00Cette femme-là n'a pas réussi à aller jusqu'à la maternité pour accoucher.
00:03Dans son cas, ça s'est bien terminé, mais ce n'est pas toujours le cas et c'est loin
00:07d'être exceptionnel.
00:08Je vous explique pourquoi.
00:09Chaque année en France, 2800 bébés perdent la vie avant leur premier anniversaire.
00:14Notre taux de mortalité infantile nous classe au plus bas de l'échelle européenne entre
00:18la Pologne et la Bulgarie.
00:20Comment on en est arrivé là ? C'est la question qu'on s'est posée avec Sébastien
00:24Marquin dans notre livre 4,1, parce que 4,1, c'est le taux de mortalité infantile
00:30en France.
00:314,1 décès pour 1000 naissances.
00:32Dix départements ne comptent plus qu'une seule maternité.
00:35Pour les femmes, les conséquences de cette désertification, c'est évidemment l'éloignement
00:39des maternités avec une conséquence claire, l'accentuation des risques de mortalité.
00:45Depuis 50 ans, les petites maternités ferment une à une.
00:49Ça vient de décisions politiques, d'abord justifiées, parce que ces établissements,
00:53ces petites maternités, ne réunissaient pas toutes les conditions de sécurité.
00:57Sauf que, peu à peu, on allait beaucoup trop loin dans cette logique.
01:01Cette logique avait pourtant amené des résultats, elle avait réduit largement le taux de mortalité
01:04entre 1972 et 1998.
01:06Mais à partir de 1998, on a voulu accentuer cette logique sans forcément penser au maillage
01:12territorial et la conséquence, c'est forcément l'apparition de déserts médicaux, mais
01:17c'est aussi la surcharge des grands établissements jusqu'à créer des usines à bébés.
01:22Et ça, ce sont les sages-femmes qui nous en parlent.
01:24Dans ces grands établissements, les sages-femmes doivent s'occuper de 4, 5, 6 femmes parfois
01:29en même temps.
01:30Donc il faut passer d'un cas à l'autre dans un temps extrêmement rapide, avec tous
01:36les risques que cela comprend.
01:37Tout est dans une sorte de cadence infernale, si on compare à la Suède par exemple, les
01:43sages-femmes peuvent s'occuper d'une seule femme, ce qui améliore forcément la qualité
01:48du suivi.
01:49Un autre facteur qui aggrave cette crise, c'est l'apparition de profiteurs.
01:53Derrière ce mot, on place les maternités privées, alors attention, l'offre privée
01:58pourrait être bénéfique, complémentaire.
02:00Ce qu'on constate, c'est que les groupes privés se détournent de plus en plus de
02:04la maternité parce qu'elles jugent ce secteur-là trop peu rentable.
02:07Elles préfèrent par exemple la chirurgie.
02:09Quand une maternité privée ferme dans un laps très court, ce qui arrive le plus souvent,
02:132, 3, 4 mois, c'est le public qui doit absorber ce flux-là, qui doit l'absorber avec ses
02:19propres moyens.
02:20Et normalement, l'État devrait réagir.
02:22Les ARS sont censées être vigilantes, sont censées donner une autorisation pour pouvoir
02:28fermer.
02:29Sauf qu'aujourd'hui, l'État ne fait rien ou ne peut pas grand-chose et doit donc accepter
02:34cette démission.
02:35Et souvent, pour pallier les conséquences de cette démission du privé, elle doit abreuver
02:41les hôpitaux publics de fonds publics.
02:44Donc on voit que cette démission du privé est financée par l'État pour permettre
02:50aux groupes privés d'accentuer ses profits et de rentabiliser au maximum son activité.
02:55Dans ce contexte de crise, intervient un deuxième groupe de profiteurs, cette fois à l'échelle
03:00individuelle, les intérimaires que beaucoup surnomment dans les allées des hôpitaux
03:05les mercenaires.
03:06Pourquoi ? D'abord, il faut regarder l'état des hôpitaux, c'est-à-dire qu'on manque
03:10de tout.
03:11On manque de pédiatres, de sages-femmes, de génicaux.
03:13Et donc, pour pouvoir fonctionner, il faut avoir du personnel.
03:16Pour avoir ce personnel-là, les hôpitaux ont recours à l'intérim médical.
03:20Les intérimaires, se sachant en position de force, font monter les enchères pour être
03:25mieux rémunérés que s'ils n'étaient salariés, par exemple.
03:29Et donc, ça a plusieurs conséquences, d'abord d'assécher les finances des établissements
03:34et ensuite de désorganiser les équipes qui sont déjà en difficulté, qui croulent déjà
03:39sous la charge de travail, mais qui doivent faire avec ces éléments perturbateurs.
03:43Et on voit que cette désorganisation a des conséquences concrètes sur les bébés et
03:47sur leurs mères.
03:48Un tiers des événements graves sont liés à la présence de personnel non habituel
03:53dans les équipes.
03:54Cette crise, on la doit à des décisions politiques vieilles de 20 ans, avec une seule
03:58obsession à chaque fois, faire des économies sur le dos des hôpitaux, sur le dos des maternités.
04:03Et plus récemment, une autre donnée politique s'ajoute, celle de l'instabilité politique
04:08Depuis 2022, sept ministres de la Santé se sont succédés, c'est le portefeuille
04:13ministériel le plus instable sous Emmanuel Macron.
04:15Et d'ailleurs, plusieurs de ces ministres se confient, dans notre livre, sur l'impossibilité
04:19d'apporter une réponse à la hauteur dans ces conditions.