ici Provence reçoit la réalisatrice Enya Baroux pour son premier film "On ira" présenté ce 26 février au Cézanne à Aix-en-Provence. Une interview signée Hervé Godard.
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00:00Et on reçoit aujourd'hui Enya Barou, bonjour, bienvenue sur ICI Provence, vous êtes ce
00:07soir au cinéma Le Cézanne d'Aix-en-Provence pour l'avant-première de votre film, on
00:11ira, il y aura d'autres présentations, d'autres avant-premières ce week-end dans la région
00:16du côté du Var.
00:17Alors, on se sent que dans ce premier film, vous avez mis beaucoup de vous-même, il y
00:22a une petite signature à la fin du film, un hommage à votre grand-mère, ce n'est
00:25pas l'histoire de votre grand-mère, mais en tout cas, il y a quelque chose de familial
00:30dedans, déjà dans le choix du scénario ?
00:32Oui, oui, exactement, c'est un film que j'ai écrit pour rendre hommage à ma grand-mère
00:35justement, j'étais très très proche d'elle et elle a eu une longue maladie exactement
00:40comme Marie dans le film et elle, elle a eu une fin de vie assez classique, plutôt triste
00:46qui m'a beaucoup marquée, où elle a eu beaucoup besoin d'aide, elle était très
00:49diminuée et quand elle est partie, j'ai voulu écrire une fiction qui corrige ce moment
00:55qu'on avait vécu et qui lui offre une fin de vie plus à son image, c'est-à-dire plus
00:58joyeuse, plus indépendante et je me suis imaginée ce qui se serait passé si elle
01:02avait eu le choix de sa fin de vie.
01:04Vous abordez le thème du droit à mourir dans la dignité, il y a justement des débats
01:08à l'Assemblée en ce moment avec des textes qui vont peut-être sortir, c'est à la fois
01:12le hasard de l'actualité mais c'est aussi, on commence à en parler de plus en plus, parce
01:17que ce n'est pas évident comme sujet, non ?
01:18Non, c'est un sujet qui est difficile, c'est un sujet qui est tabou surtout, je crois que
01:22la mort, la maladie, la fin de vie, c'est des sujets dont on parle peu dans notre société,
01:26donc ce n'est pas évident de l'aborder au cinéma, encore moins en comédie, donc c'était
01:30un challenge que j'avais vraiment envie d'essayer de relever et voilà, effectivement, c'est
01:34une loi qui est en discussion en ce moment, on va potentiellement présenter le film à
01:38l'Assemblée nationale, donc moi je suis très très fière de ça et très contente
01:41et voilà, j'espère que ce film a pour but d'ouvrir le débat et d'amener la discussion
01:47en tout cas.
01:48Alors, c'est sous le fil conducteur d'un road trip, vous l'avez dit, de la comédie,
01:53je dirais peut-être un peu de la tragique comédie quand même, ça s'est imposé à
01:57vous, puisqu'on n'a pas le droit de mourir librement en France, donc le personnage va
02:04faire cette démarche en Suisse, donc c'était le principe du road trip, ça s'est imposé
02:09ou pas ?
02:10Oui, ça s'est imposé de part justement, je me suis d'abord intéressée aux alternatives
02:15qui pouvaient exister sur comment aborder sa fin de vie, puis au sujet d'assister,
02:19puis donc au fait qu'on pouvait avoir recours à cette option-là en France, on pouvait
02:22avoir recours en Suisse ou en Belgique ou au Canada ou ailleurs, et donc l'idée est
02:26très vite arrivée de faire un road movie, un film itinérant dans lequel on emmène
02:33nos personnages jusqu'en Suisse et voilà, c'est un genre que j'aime beaucoup, je suis
02:38très très fan de Little Miss Sunshine et d'autres road trip, je n'ai pas de nom
02:42en tête parce que je crois que Little Miss Sunshine, c'est vraiment pour moi le plus
02:45réussi et voilà, le voyage est un peu un prétexte à voir aussi l'évolution des personnages,
02:50le voyage intérieur de chaque personnage et voilà, j'avais envie de faire un film comme
02:55ça.
02:56Quatre personnages importants, le mari, donc la grand-mère qui a pris cette décision,
03:01sans en parler, son fils qui a un peu, il a quand même passé la quarantaine, qui est
03:07un peu raté, qui est un peu tête en l'air, sa jeune adolescente, et puis surgit ce personnage,
03:12ce personnage d'auxiliaire de vie, tout s'est construit comme ça autour de ces personnes,
03:19ces quatre personnages, racontez-nous.
03:20Mais c'est des personnages qui sont complètement inspirés de ma propre vie, en fait, le personnage
03:25d'abord de Marie, inspiré de ma grand-mère, ensuite Anna, il est inspiré de moi adolescente
03:30et de la relation que je pouvais avoir avec ma grand-mère, mon père a inspiré un peu
03:35Bruno, donc il n'aime pas trop que je dise ça parce que c'est vrai que Bruno est un
03:38personnage loser, mais voilà, quand on écrit des personnages de fiction, on grossit beaucoup
03:42les traits, encore plus en comédie, et Rudy est un personnage d'auxiliaire de vie qui
03:46est inspiré de deux personnes, qui étaient deux femmes qui se sont occupées de ma grand-mère
03:53justement dans les derniers mois de sa vie et qui ont beaucoup compté pour ma grand-mère
03:55et je trouvais que c'était un métier qui était chouette, qu'il fallait mettre en
03:57valeur et voilà, et ce personnage de Rudy fait un peu le pont, c'est un peu le point
04:03de vue du spectateur, il a le même niveau d'information que le spectateur et il fait
04:06le pont entre ceux qui seraient contre cette idée et ceux qui sont pour cette idée de
04:10choisir sa mort.
04:11Alors, vous vous confiez le rôle principal à Hélène Vincent, grande comédienne de
04:16théâtre, de cinéma, de téléfilm, mais quand on propose à une comédienne de son
04:22âge de jouer un tel personnage, c'est facile ? Elle a dit oui facilement, comment ça s'est passé ?
04:26Étonnamment, là où j'ai eu beaucoup de mal à financer ce film, les acteurs m'ont
04:31tous dit oui assez rapidement et Hélène la première, c'est la première personne
04:33que j'ai contactée, j'étais fan absolue de cette actrice depuis toujours et depuis
04:37la vie est un long fleuve tranquille que j'ai vu assez jeune et voilà, Hélène,
04:41je lui ai proposé, elle a lu le scénario et on s'est rencontré, elle m'a dit oui
04:43tout de suite et ensuite elle a attendu cinq ans parce qu'entre son oui et le tournage,
04:47il y a eu cinq ans d'attente parce qu'on a galéré à le financer et voilà, elle
04:50ne m'a jamais lâché, elle y a toujours cru.
04:52Donc Hélène d'abord est arrivée, puis ensuite il y a eu Pierre Lautin avec qui
04:56moi j'avais travaillé parce que j'étais assistante sur des films et donc je l'ai
04:59rencontré, j'avais 20 ans.
05:00Il avait vu un de mes courts métrages, il avait bien aimé, il m'avait dit si un jour
05:03tu en fais un long, appelle-moi et c'est ce qui s'est passé donc dix ans plus tard
05:07et voilà.
05:08Ils sont arrivés ensuite David Ayala et Juliette Gasquet bien plus tard dans l'aventure
05:11et David que j'avais vu dans la série d'Argent et de Sang que j'ai trouvé fabuleux
05:15et Juliette, elle a passé un casting parmi plein d'autres jeunes filles et elle l'a
05:19obtenue très très vite parce qu'elle est très très forte.
05:21Alors il y a eu du propos sérieux sur cette envie de mourir librement, donc il y a eu
05:27des moments aussi très forts, très émouvants mais aussi ce fil de la comédie, il a fallu
05:33affiner les dialogues comme ça, aux mots prêts pour que ça sonne juste sans tomber
05:38dans le pathos, dans la grosse farce.
05:40Oui, c'est ça, je crois qu'on avait envie d'être sur le fil tout le temps, de ne pas
05:45être trop gaguesque, de ne pas être trop mélo non plus, pas trop drama et on a eu
05:50malgré nous beaucoup de temps pour développer ce scénario parce que voilà, comme je disais,
05:53on a mis beaucoup de temps à développer ce film donc le scénario a mûri avec nous.
05:57Quand je dis nous, c'est Martin Darondeau et Philippe Barrière qui sont mes deux co-scénaristes
06:01et on a eu le temps de grandir avec ces personnages, on a pris sept ans à l'écrire, donc je
06:08crois que les dialogues sont très écrits, il y a eu très peu d'improvisation sur le
06:12tournage, on tenait vraiment à dire ce que les acteurs disent, les phrases de comédie
06:16qu'on avait écrites presque aux mots prêts parfois et je crois que la comédie, c'est
06:21un genre à prendre très au sérieux quand on l'écrit.
06:23Vous l'avez bien dit, il a fallu du temps, comme souvent pour un premier film, votre
06:30expérience de comédienne, bien sûr, vos formes très courtes aussi à la télévision,
06:36mais parfois ça ne suffit pas, il faut s'accrocher quand on veut sortir comme ça un premier
06:40long métrage ?
06:41Oui, il faut s'accrocher déjà parce qu'un premier long, c'est toujours dur à financer
06:46parce qu'il faut que les gens vous fassent confiance, ensuite un premier long métrage
06:49sur un sujet pareil, c'est encore plus difficile et c'est vrai que Fleurs Bleues, par exemple,
06:54mon petit programme court qui existe sur Canal+, c'est un programme qu'on a créé avec Martin
06:59parce que ce film, On ira, ne se finançait pas et qu'en fait, on était un peu en train
07:04de s'ennuyer à se dire, on n'a pas de projet qui marche et il faut qu'on trouve quelque
07:07chose pour patienter et donc on a fait Fleurs Bleues et Fleurs Bleues a mis un an à se
07:11faire et puis au final, quand Fleurs Bleues s'est fait, le film s'est fait derrière.
07:14Donc parfois, il y a des choses auxquelles on ne s'attend pas qui aident et là, en
07:20l'occurrence, cette détournée du film pendant quelques mois pour faire autre chose nous
07:23a aidé finalement à faire le film.
07:24Mais oui, ça a été un long parcours, mais je crois que la difficulté de ce film, ça
07:27a surtout été le sujet et ça montre bien qu'on a un vrai tabou, on a un vrai problème
07:31avec ces sujets-là et donc je suis contente de voir que pour l'instant, dans cette tournée,
07:35les gens sont là, les gens rient et ils n'ont pas peur de venir voir ce film, donc ça me
07:39fait plaisir.
07:40Dans votre format court, Fleurs Bleues, c'est une trentenaire qui est en quête d'amour
07:45comme toute une génération, comme toutes les générations, mais enfin, et là, dans
07:48ce film, il y a aussi une quête d'amour, père-fille, fille-père, fils-mère, etc.
07:57Oui, tout à fait.
07:58Oui, je crois que, en tout cas, ce qui est marrant, c'est que j'ai beaucoup cherché
08:03le point commun qu'il pouvait y avoir entre Fleurs Bleues et mon film et on ira et je
08:06crois que quelqu'un me l'a dit la dernière fois en salle et c'était vrai, j'ai trouvé
08:10ça chouette, c'était que finalement, on aime traiter des sujets sensibles, des sujets
08:15tabous par la comédie et voilà, dans Fleurs Bleues, on traite effectivement via cette
08:20jeune fille qui cherche l'amour de plein de sujets, que ce soit la religion, le féminisme,
08:24l'écologie, c'est des sujets qui peuvent créer des engueulades à table et pareil
08:29avec On ira, on traite de ce sujet qui est la fin de vie, le deuil, la maladie qui sont
08:33des sujets super durs à aborder et donc voilà, je crois qu'on aime bien traiter nos angoisses
08:37par le rire et comme on a beaucoup d'angoisse avec moi qui est au scénariste, on a un sacré
08:41plein de projets, c'est cool.
08:42Et Nia Barou, pour le film On ira, alors que le public va le découvrir en avant-première
08:49et en salle à partir du 12 mars, il découvrira que pas mal de choses ont été tournées
08:57ici.
08:58Racontez-nous, pourquoi ce coup de cœur pour le Sud ?
09:00Eh bien, j'avais déjà tourné un court-métrage dans la région PACA et c'est vrai qu'il
09:03y a un climat ici, une lumière qui est propice au cinéma, parfois il y a des endroits dans
09:10lesquels on a des couchers de soleil, des ambiances, des univers qui racontent des histoires
09:15et nous, on trouvait que cette région-là amenait quelque chose d'onirique, de vacancier
09:21à ce récit.
09:22On voulait parler aussi du fait qu'il fasse chaud, qu'il y ait un peu cette sensation
09:27solaire et donc on s'est tout de suite intéressé à la région, déjà parce qu'on y avait
09:30déjà tourné, qu'on avait rencontré des techniciens dans cette région qui travaillaient
09:34avec nous et on avait envie de les retrouver donc voilà, on a eu la chance de tourner
09:39ici et d'avoir une partie de l'équipe qui vient de cette région et d'avoir des super
09:43beaux décors et donc voilà, on est très content d'avoir tourné ici.
09:46Voilà, d'ailleurs vous n'avez pas choisi que les cartes postales du littoral, il y
09:50a aussi ce lointain paysage industriel autour de l'étang de Berne.
09:54Oui, tout à fait, on avait besoin de montrer des choses différentes sans que tout soit
09:59paradisiaque.
10:00Je crois que leur chemin finalement sur ce film n'était pas un chemin de vacances
10:04choisis, c'est une destination, ils vont du sud de la France vers la Suisse et ils
10:07passent un peu malgré eux dans des endroits qui peuvent parfois, voilà, on ne peut pas
10:13se douter qu'il y a forcément du charme dans ces endroits-là et il y en a pourtant.
10:16Donc voilà, on ne cherchait pas les décors les plus, comment dire, forcément les plus
10:21beaux, mais on cherchait quelque chose qui avait du caractère et il y en a ici.
10:25Au point de nous faire croire que la Provence, c'est la Suisse ?
10:27Oui, alors ça, oui, non, ça on a essayé de le faire et je crois qu'on ne va pas trop
10:32le dire, mais on a réussi à faire croire que la Provence, c'était la Suisse, effectivement.
10:36Nia Marou, juste pour terminer, bien sûr, on connaît votre père, comédien, réalisateur,
10:42est-ce qu'il vous a toujours laissé faire ce que vous vouliez ? Et vous avez dit « oh
10:45là, attention à ce métier ! »
10:46Lui, il m'a toujours laissé faire ce que je voulais, évidemment, parce que c'est
10:50le premier à être passionné par ce métier-là, donc ça aurait été bizarre qu'il refuse
10:55que je le fasse.
10:56Maintenant, ma mère, par exemple, elle avait plus d'angoisse, plus d'inquiétude, elle
11:00ne travaille pas du tout dans ce milieu-là, donc je crois que j'ai eu les deux versions
11:04de mes parents, j'ai eu les angoisses justifiées de ma maman et la confiance et la motivation
11:11de mon père, mais je crois que comme tous parents, ils avaient envie que je sois épanouie
11:15surtout et que je travaille, donc c'est ce que je me suis attelé à faire pendant ces
11:20sept dernières années, donc ils sont contents.
11:22Sept ans, un peu pour attendre ce premier long-métrage qui est là, je ne sais pas
11:27si vous avez commencé à faire des rencontres publiques, c'est la plus belle des récompenses
11:30quand le public commence à voir le film ?
11:31Oui, clairement, de toute façon, ça prend tout son sens, en fait, on écrit des films
11:35tout seul dans sa chambre et puis après, on les montre aux gens et c'est de se rendre
11:40compte que ce qu'on a imaginé dans son cerveau existe sur une image et des gens
11:44s'assoient pour le voir et ils sont trois ans dans une salle, pour moi, c'est assez
11:48lunaire.
11:49Moi, c'est un endroit, le cinéma, qui m'a toujours fait rêver.
11:52Je vais au cinéma depuis que je suis petite, j'adore aller au cinéma toute seule et
11:56me mettre en mode avion et me laisser emporter dans un univers que je ne connais pas, donc
11:59voir des gens faire ça, chercher ça avec mon projet, c'est quelque chose qui m'émeut
12:04beaucoup, donc là, c'est génial de faire la tournée du film, c'est un rêve, en fait.
12:08Et cette tournée passe ce mercredi soir par le cinéma Le Cézanne à Aix-en-Provence.
12:14Il y aura aussi d'autres représentations ce week-end dans Le Var.
12:17Merci Enya Barrault.
12:18Merci beaucoup.
12:19Merci d'être venue ici à ICI Provence.