En janvier 2025, à la demande du groupe Union Centriste, le Sénat a lancé une commission d'enquête visant à évaluer les outils de la lutte contre la délinquance financière, la criminalité organisée et le contournement des sanctions internationales, en France et en Europe. Après avoir auditionné les directeurs généraux de la police et de la gendarmerie nationales, ainsi que le préfet de police de Paris, les sénateurs ont entendu des journalistes d'investigation. Fabrice Arfi, co-responsable des enquêtes à Mediapart, est à l'origine de nombreuses enquêtes, notamment sur les affaires Woerth-Bettencourt, Karachi, Kadhafi-Sarkozy, les quotas carbones, ou encore l'affaire Cahuzac. Frédéric Ploquin, grand reporter indépendant, a travaillé entre autres pour Marianne. Il est l'auteur de "Les narcos français brisent l'omerta". Revivez leurs échanges. Année de Production :
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00:00:00Bonjour à tous, ravi de vous retrouver sur Public Sénat pour un nouveau numéro de 100%
00:00:14Sénat, l'émission qui vous fait vivre les travaux de la Haute Assemblée.
00:00:17La commission d'enquête du Sénat sur la délinquance financière poursuit ses auditions.
00:00:21Les sénateurs ont entendu Fabrice Harphy, journaliste d'investigation à Mediapart,
00:00:25et Frédéric Ploquin, grand reporter et spécialiste du banditisme.
00:00:29On vous laisse écouter cette audition.
00:00:31Alors, M. Harphy, vous avez publié plusieurs enquêtes et ouvrages, parmi lesquels un ouvrage paru en 2018
00:00:38qui s'intitule « D'argent et de sang » sur la fraude à la TVA sur les quotas carbone, qui fait défrayer la chronique.
00:00:46Et M. Ploquin, vous avez vous-même aussi publié de nombreux ouvrages sur la criminalité organisée,
00:00:51la police et la justice, et notamment sur les narcotrafiquants français et leur méthode en 2021.
00:00:58Je vous indique alors, messieurs, que cette audition sera diffusée en direct sur le site du Sénat,
00:01:04qu'elle fera également l'objet d'un compte-rendu qui sera publié.
00:01:08Et je vous rappelle pour la forme qu'un faux témoignage devant notre commission d'enquête, vous le savez,
00:01:13est passible des peines prévues aux articles 434.13, 434.14 et 434.15 du Code pénal.
00:01:21Donc je vais vous inviter à prêter serment, de dire la vérité, toute la vérité.
00:01:26On va commencer par M. Harfi, si vous voulez bien lever la main droite. Merci.
00:01:30M. Ploquin, je vous remercie beaucoup.
00:01:33Alors je vous laisse commencer, dans l'ordre peut-être qu'il vous conviendra,
00:01:40et nous présenter un peu, nous faire part de votre expérience d'un propos liminaire.
00:01:45Et puis après, je passerai la parole à Mme la rapporteure et puis à mon collègue sénateur pour les questions. Merci.
00:01:52Merci beaucoup.
00:01:54D'abord, merci infiniment de l'attention et la curiosité portée par une chambre parlementaire sur ces questions-là.
00:02:03Et à titre personnel, Mme Goulet le sait, c'est toujours avec beaucoup de plaisir et d'honneur
00:02:08que je défère devant ce type de sollicitations,
00:02:12vu l'attachement que je porte au travail parlementaire, pas simplement pour faire la loi,
00:02:19mais pour également contrôler l'action des pouvoirs publics et du gouvernement, si j'ai bien lu la constitution.
00:02:26Alors sur la thématique qui vous occupe, évidemment, je n'aurai pas la moindre prétention d'être exhaustif,
00:02:34mais vous parlez un peu, comme on disait jadis et toujours d'ailleurs dans l'ordre militaire,
00:02:39faire un rétex, un retour d'expérience qui n'est que le mien.
00:02:43Donc c'est la petite lucarne du travail que je mène depuis plusieurs années.
00:02:50Ça fait 25 ans que je suis journaliste, ça fait 17 ans que je travaille pour Mediapart,
00:02:55dont je suis totalement indépendant, devant vous.
00:02:59Et je me suis particulièrement attaché, au sein du service que je codirige depuis plusieurs années maintenant,
00:03:08à mener des enquêtes sur les phénomènes que vous appelez de délinquance financière,
00:03:15qu'on peut appeler d'atteinte à la propriété, de corruption, pas simplement au sens du code pénal,
00:03:21mais appelons ça aussi l'esprit de la corruption, qui est un laboratoire d'époque,
00:03:28il me semble absolument passionnant, qui nous permet de mieux comprendre le monde tel qu'il est.
00:03:34Je vous dis ça parce que peut-être ça paraîtra un peu grandiloquent, et j'espère pas provocateur,
00:03:41mais mon premier propos quand même, pour poser la situation qui est la nôtre,
00:03:47quand on est citoyenne et citoyen d'un pays comme la France,
00:03:51on est citoyenne et citoyen d'un pays qui a déjà eu un président de la République définitivement condamné pour des atteintes à la propriété,
00:03:58il s'appelle Jacques Chirac, dont le Premier ministre a été définitivement condamné pour des atteintes à la propriété,
00:04:04il s'appelle Alain Juppé, dont le successeur de Jacques Chirac a été définitivement condamné pour des atteintes à la propriété,
00:04:10il s'appelle Nicolas Sarkozy, et dont le Premier ministre a été définitivement condamné pour des atteintes à la propriété,
00:04:15il s'appelle François Fillon. Donc ça veut dire deux chefs d'Etat, deux chefs de gouvernement,
00:04:20qui ont été définitivement condamnés pour des atteintes à la propriété.
00:04:24Je ne suis pas certain qu'il y ait beaucoup de démocratie occidentale moderne, comme on dit,
00:04:30libérale, je ne sais pas comment il faut appeler ça, qui ait un tel CV judiciaire qui, il me semble,
00:04:36nous tend un miroir dans lequel on doit pouvoir se regarder sans honte.
00:04:42Mais c'est un peu comme à l'école, en mathématiques, c'est en nous posant des problèmes qu'on grandit.
00:04:49Et c'est en regardant, comme vous le faites avec cette commission, le problème qui nous est posé, qu'on peut peut-être avancer.
00:04:56Alors, en disant ça, évidemment, je ne veux pas du tout donner l'impression que, parce que j'ai parlé de quatre hommes de droite,
00:05:01que la question serait partisane et politique. Je n'ai aucune difficulté à évoquer le cas d'une affaire que je connais bien,
00:05:08Jérôme Cahuzac, le ministre du Budget, qui était un fraudeur fiscal, ou même, pendant la présidence socialiste de M. Hollande,
00:05:17le patron du parti présidentiel, Jean-Christophe Cambadélis, patron, quand il est désigné à la tête du parti socialiste,
00:05:25est déjà condamné deux fois, définitivement, pour des atteintes à la probabilité.
00:05:28On n'a pas pu en trouver un autre. On a mis quelqu'un qui avait déjà été condamné deux fois.
00:05:32Bien sûr, je n'ai pas de difficulté à parler pour les affaires qui concernent la France insoumise,
00:05:39et je reviendrai peut-être sur les réactions que ça a pu provoquer du monde politique, ou celles du Rassemblement national,
00:05:44et j'y reviendrai.
00:05:47Je ne peux pas faire l'économie non plus, dans un tel bilan, de ce qu'est la présidence Macron.
00:05:54Pourquoi je dis ça ? Parce qu'Emmanuel Macron est, il me semble, en partie un enfant de l'affaire Fillon,
00:06:00si vous me permettez cette expression, et qu'il a fait, en grande partie, sa campagne de 2017, précisément sur la moralisation de la vie publique.
00:06:09Précisément sur, il faut, je me souviens d'un discours qu'il avait fait en mars 2017,
00:06:14arrêter ce sentiment d'injustice, d'inéquité qui existe, et faisant tout un tas de promesses,
00:06:22qu'on entend souvent pendant les campagnes électorales, et qu'une fois levées dans le fauteuil de la présidence,
00:06:28elles peuvent être un peu oubliées.
00:06:31Je donne juste un exemple.
00:06:34Mars 2017, Emmanuel Macron dit qu'évidemment, un ministre mis en examen devra démissionner,
00:06:39en vertu de ce qu'on appelle improprement, mais peu importe, la jurisprudence Bérégovoy-Balladur,
00:06:44qui n'avait rien de jurisprudentiel, mais qui était une jurisprudence politique, si on ose dire,
00:06:49s'entendait parfaitement, et on pourra y revenir entre la relation qu'il peut y avoir
00:06:55entre le principe de précaution et la présomption d'innocence,
00:06:58et on peut évidemment concilier les deux sans porter atteinte à aucune des deux autres.
00:07:04Aujourd'hui, il faut quand même constater que nous avons une ministre de plein exercice
00:07:10qui va être jugée pour corruption.
00:07:12Nous avons un secrétaire général de l'Elysée qui est mis en examen,
00:07:17et qui va probablement être renvoyé devant un tribunal correctionnel
00:07:21pour des faits de prise illégale d'intérêt.
00:07:23Je ne vais pas revenir sur ce qu'a été la griffure, si vous me permettez l'expression,
00:07:29de l'affaire dite Dupond-Moretti, qui s'est retrouvée devant
00:07:33ce que beaucoup d'hommes et de femmes politiques considèrent comme une sorte de furoncle démocratique,
00:07:37qui est la Cour de justice de la République.
00:07:39Il faut quand même imaginer que nous sommes l'un des seuls pays au monde,
00:07:42à avoir pour les délits commis par des membres de gouvernements en fonction,
00:07:47un tribunal d'exception, qui est jugé par des parlementaires.
00:07:51Cela raconte quand même quelque chose.
00:07:53C'est quand même le monde politique qui juge le monde politique.
00:07:56D'ailleurs, je ne vais pas rentrer dans le détail de l'affaire Dupond-Moretti,
00:08:00ça n'est évidemment pas le lieu, mais je ne connais pas un juriste
00:08:04qui ne discute pas la décision de la CJR sur la relaxe de la Cour de justice de la République
00:08:09pour les prises illégales d'intérêts dont il était soupçonné.
00:08:15Pourquoi je vous dis ça et pourquoi ça me paraît important ?
00:08:18Parce que précisément ce qui vous occupe, la délinquance financière, la corruption,
00:08:22par définition, c'est la rencontre du pouvoir et de l'argent.
00:08:26Cela concerne assez peu les nécessiteurs.
00:08:29Et je vous dis ça parce que dans ce type de dossier,
00:08:35ce que moi je constate, avant peut-être de parler de choses plus pratiques,
00:08:39mais il me paraît très important de vous parler du contexte
00:08:43dans lequel tout ça se passe.
00:08:46Ce que je vois, d'où je suis, c'est que les mises en cause,
00:08:50par définition, sont des gens puissants.
00:08:53Ils ont des réseaux, des réseaux médiatiques, des réseaux financiers,
00:08:58des réseaux politiques. Et pourquoi je dis ça ?
00:09:00Parce que les mises en cause dans ce type d'affaires ont la capacité
00:09:05d'imposer un narratif dans la conversation publique autour de ces affaires-là.
00:09:09Dans ces dossiers-là, un ancien président mis en examen
00:09:14peut aller pendant 27 minutes aux 20 heures de TF1 se défendre.
00:09:19Et c'est très bien qu'il se défende.
00:09:21Il n'y a aucun problème avec le fait, évidemment, que la mise en cause puisse se défendre.
00:09:24Et quand ce même ancien président de la République est remis en examen
00:09:28en 2020 pour l'association de malfaiteurs, il va 45 minutes
00:09:31sur le plateau de la première chaîne d'info en continu BFM TV.
00:09:35Je ne suis pas sûr que ni la première chaîne que j'ai citée, ni la seconde
00:09:39ont consacré ici 27 minutes et là 45 minutes pour expliquer,
00:09:43ne serait-ce qu'expliquer, avec toutes les prudences d'usage,
00:09:47quels sont les faits qui peuplent le dossier qui vaut les mises en cause.
00:09:51Je vous dis ça aussi parce que c'est dans ce type d'affaires
00:09:55où l'on voit un renversement de perspective qui, moi, me paraît
00:09:59autrement sidérant, sinon scandaleux.
00:10:03Souvent, les mises en cause ont justement la capacité,
00:10:07les mêmes qui demandent la tolérance zéro pour la délinquance du quotidien,
00:10:11la délinquance de droits communs, ont la capacité à s'inviter
00:10:15justement dans les médias pour faire le procès de la justice.
00:10:19Dans ces affaires, parce que précisément les policiers, les gendarmes,
00:10:23les douaniers, les procureurs, les juges d'instruction qui mènent des enquêtes
00:10:27sur les atteintes à la probité, par nature, ils s'attaquent à des formes d'ordre établie.
00:10:31Les mêmes vont à la radio, à la télé,
00:10:35pour dire que le problème dans ces affaires, c'est la justice.
00:10:39L'ancien président dont je parle, il faut quand même prendre conscience de ce dont nous parlons,
00:10:43a comparé la police anticorruption, l'OCLIF, l'Office central de lutte
00:10:47contre la corruption et les infractions financières et fiscales,
00:10:51à l'Astasie, à cette Allemande. Ça s'est passé, ça.
00:10:55Dans une tribune, dans le Figaro, en 2014, il a comparé l'OCLIF à l'Astasie.
00:10:59Les juges d'instruction ont été attaqués
00:11:03nommément par ce même ancien président
00:11:07de la République, quand il a été mis en examen
00:11:11ou quand il a été condamné.
00:11:15Il m'est arrivé de participer
00:11:19à des émissions de télé, ou quand il y avait
00:11:23après certaines affaires, comme vous avez pu citer,
00:11:27la question qui m'était posée par mon propre milieu médiatique,
00:11:31est-ce qu'il faut supprimer le parquet national financier ?
00:11:35C'est déjà arrivé, ça, après des condamnations, parce que le parquet serait un organe
00:11:39militant ou je ne sais quoi, dévolu à des causes obscures
00:11:43qui sont des discours de populisme anti-judiciaire très connus.
00:11:47On a les mêmes au Brésil avec Bolsonaro, on a les mêmes
00:11:51aux États-Unis avec M. Trump, on a eu les mêmes avec Berlusconi en Italie,
00:11:55on a le même avec M. Netanyahou concernant ses affaires de corruption
00:11:59en Israël.
00:12:03Je peux donner un autre exemple pour parler de Marine Le Pen.
00:12:07L'affaire des détournements présumés de fonds publics
00:12:11au Parlement européen n'a jamais intéressé, n'a jamais fait l'ouverture des journaux,
00:12:15n'a jamais fait l'ouverture des matinales. En revanche, c'est devenu un événement
00:12:19quand Marine Le Pen a décidé d'en faire un événement, au lendemain des réquisitions
00:12:23du parquet, en allant aux 20 heures de TF1
00:12:27pour dire que c'était scandaleux. Elle a parfaitement le droit de le penser,
00:12:31mais ça nous dit quelque chose, là aussi. Il me semble que le fonds du dossier
00:12:35qui porte sur le détournement présumé, encore une fois, de 5 millions d'euros d'argent public
00:12:39de votre argent, de notre argent, mon argent, ça n'intéresse pas.
00:12:43En revanche, quand la mise en cause décide de dire que c'est un scandale,
00:12:47que le parquet ose requérir une condamnation
00:12:51à effet immédiat avec exécution provisoire, on retombe
00:12:55dans ce qu'on entend, la République des juges, le gouvernement des juges,
00:12:59la justice contre la démocratie.
00:13:03Moi, ma position par rapport à ça,
00:13:07c'est que sur la délinquance financière,
00:13:11sur les atteintes à la probité, je propose toujours de décentrer
00:13:15et d'imaginer que l'on parle d'un autre type de délinquance.
00:13:19Si, et je parle sous le contrôle
00:13:23de Frédéric, si des services
00:13:27de police et un parquet spécialisé dans la lutte
00:13:31pour la criminalité organisée saisit 20 kilos,
00:13:3530 kilos, 40 kilos de cocaïne,
00:13:39est-ce qu'il y a des débats médiatiques
00:13:43pour suggérer qu'il faut supprimer la brigade des stups ?
00:13:47Je ne crois pas. Le ministre vient
00:13:51se faire prendre en photo devant la saisie de cocaïne.
00:13:55On trouve ça formidable. Des policiers qui font tomber des fraudeurs fiscaux
00:13:59ou des corrompus n'ont aucun égard. Au contraire.
00:14:03Ils sont considérés comme des agents d'on-ne-sait-quel complot
00:14:07médiatico-politico-judiciaro-fantasmatique.
00:14:11Ça ne veut pas dire que la justice ne peut pas faire des erreurs.
00:14:15Ça ne veut pas dire que la police ne peut pas faire des erreurs.
00:14:19Mais les mêmes qui dénoncent le tribunal médiatique sont ceux qui n'ont aucun problème
00:14:23dans le débat public à installer l'idée qu'il y aurait un complot.
00:14:27C'est du pur conspirationnisme qu'il y aurait un complot contre eux
00:14:31dans ce type d'affaires-là.
00:14:35Je crois que vis-à-vis des citoyennes et des citoyens de notre pays,
00:14:39on peut donner le sentiment très dangereux que la loi n'est pas la même pour tout le monde.
00:14:43Que ceux qui demandent l'application stricte de la loi et la répression,
00:14:47et ils ont raison, les flammes judiciaires
00:14:51ne peuvent pas s'approcher de leur propre milieu, de la délinquance de leur milieu
00:14:55qui est la délinquance financière.
00:14:59J'ai peu dormi cette nuit
00:15:03parce que j'ai dû écrire une chronique d'un procès que je suis en train de suivre
00:15:07qui est le procès des financements libyens.
00:15:11Je ne vous dis ça pas pour vous parler de mes insomnies
00:15:15mais parce que ça me paraît être un moment très significatif.
00:15:19Je ne vais pas du tout faire le procès à la place du procès.
00:15:23Ce n'est pas du tout mon rôle. Je ne suis pas magistrat, je ne suis pas policier.
00:15:27Je ne suis pas là pour dire qui est coupable et qui n'est pas coupable.
00:15:31Mais par rapport à ce dont nous parlons, ce procès a été le fruit d'une instruction qui a duré 10 ans.
00:15:35Ça va peut-être vous intéresser par rapport à votre commission.
00:15:39Il a été beaucoup dit qu'on n'a jamais vu autant d'argent public dépensé
00:15:43pour une instruction comme celle-là, des moyens considérables qui ont été déployés.
00:15:47La réalité, c'est qu'il n'y a pas eu un seul policier détaché à temps plein
00:15:51sur cette affaire pendant 10 ans. Il n'y a pas eu un policier détaché
00:15:55à temps plein sur l'affaire Sarkozy-Kadhafi des financements libyens pendant 10 ans.
00:15:59C'est ça la réalité de ce dossier qui vous dit
00:16:03il me semble quelque chose de la saturation des services d'enquête,
00:16:07là c'est l'oclif dont je parle,
00:16:11pour essayer de mettre à jour ce type d'affaires.
00:16:15Et pourtant, ils y arrivent.
00:16:19Le CV judiciaire que j'ai dépeint à gros traits pour commencer ce propos liminaire
00:16:23peut être vu de deux manières.
00:16:27La première, c'est le verre à moitié plein. Quand même, la justice est indépendante.
00:16:31Et la justice fait ce qu'elle peut avec le peu de moyens qu'on lui donne
00:16:35dans la type de résolution de ce dossier.
00:16:39Et puis on peut voir le verre à moitié vide,
00:16:43on peut voir les deux, c'est qu'on ne tire aucune espèce de conclusion
00:16:47de cela, collective. On ne tire pas de conclusion
00:16:51de ce que ça nous raconte. Continue, il me semble de penser que quand il y a des affaires
00:16:55c'est une sorte de rhume de la démocratie,
00:16:59de faits divers, financiers, plus ou moins spectaculaires,
00:17:03avec des gens connus, mis en cause, qui s'en sortent, qui tombent,
00:17:07qui ne s'en sortent pas, etc. Comme si ça ne nous disait pas quelque chose
00:17:11de plus grand que les faits et les personnes eux-mêmes
00:17:15sur ce que je considère être, moi, un cancer
00:17:19qui est susceptible de dévorer la démocratie.
00:17:23Je ne vais pas citer la civilisation romaine,
00:17:27mais on sait, à peu près depuis Cicéron, que la corruption
00:17:31peut faire tomber des civilisations. Et ce n'est pas comme si ça ne concernait
00:17:35pas directement la vie des gens. Ce n'est pas parce qu'on parle
00:17:39de faits qui concernent des gens puissants, qui dans le monde de l'entreprise,
00:17:43qui dans le monde politique, ça n'a pas de conséquences concrètes.
00:17:47La délinquance financière, la fraude fiscale, la corruption,
00:17:51c'est de notre argent dont on parle. C'est une richesse qui
00:17:55échappe à la nation. C'est une richesse qui échappe
00:17:59aux citoyens et aux citoyennes. C'est une richesse qui échappe aux services publics.
00:18:03C'est-à-dire qu'il y a un coût financier absolument considérable
00:18:07de ces affaires. On n'a même pas d'études très précises
00:18:11sur ce que nous coûte la corruption en France,
00:18:15contrairement à d'autres pays. Il en existe, mais il y en a peu. D'ailleurs, il y a peu
00:18:19de recherches universitaires sur les atteintes à la probité, sur la délinquance financière
00:18:23en France. Il y en a beaucoup dans d'autres pays. Depuis la crise de 1929
00:18:27aux États-Unis, il y a des recherches universitaires
00:18:31qui ont été poussées. Il en existe en France, mais ça n'est pas
00:18:35la majorité du genre. Et le deuxième coût de la facture de cette délinquance
00:18:39financière, c'est le coût démocratique. C'est le sentiment
00:18:43contre lequel il faut lutter, et contre lequel j'essaye
00:18:47de lutter dans mon journal, le « tous pourris ». Évidemment qu'il n'y a pas de « tous pourris ».
00:18:51C'est l'idée qu'il y a des justices à deux vitesses.
00:18:55C'est l'idée que pour certaines délinquances, on va en prison,
00:18:59et pour d'autres, on n'y va pas. Alors je ne suis pas en train de dire qu'il faut
00:19:03envoyer tout le monde en prison. Ce n'est évidemment pas mon propos. Mais c'est le sentiment
00:19:07de l'inégalité devant la loi. Et ça ne me paraît
00:19:11pas complètement étranger au désir de justice sociale,
00:19:15qui est parfois revendiquée dans des mouvements
00:19:19bouillons, compliqués, désordonnés, dont on a vu plusieurs
00:19:23formes depuis un certain nombre d'années en France.
00:19:27Très rapidement, pour terminer ce propos liminaire,
00:19:31ce que je dis est quand même objectivé par des éléments concrets.
00:19:35Le ministère de l'Intérieur a rendu public il y a
00:19:39un an et demi, dans mon souvenir, des statistiques. C'est la première fois
00:19:43qu'on a eu un rapport du service de statistiques du ministère de l'Intérieur, qui est
00:19:47un organe absolument formidable, qui fait des études absolument passionnantes
00:19:51sur les atteintes à la probité. Et j'ai retrouvé
00:19:55le rapport pour les années 2016
00:19:59à 2021. Elles ont explosé de 28%.
00:20:03D'après le ministère de l'Intérieur. Donc ce n'est pas
00:20:07Mediapart qui le dit. Plus 28%. Est-ce que vous en avez entendu parler ?
00:20:11Est-ce que ça fait l'ouverture des journaux ? Est-ce que ça a suscité
00:20:15un débat politique au sein de l'exécutif pour dire
00:20:19plus 28% ? Vous imaginez plus 28% d'accidents de la route ?
00:20:23On dirait qu'il faut un plan national de sécurité routière.
00:20:27Vous imaginez s'il y avait plus 28% pour les cambriolages à Paris ?
00:20:31Les autorités locales parisiennes diraient qu'il faut un plan,
00:20:35la lutte contre les cambriolages à Paris. Plus 28% des atteintes à la probité.
00:20:39Je ne suis pas sûr qu'il y ait une seule personne
00:20:43qu'on peut prendre au hasard dans la rue qui soit au courant
00:20:47de ce dont nous parlons. Et c'est vrai qu'il y a l'ancien garde des Sceaux
00:20:51qui n'est pas resté longtemps, Didier Migaud, qui avait le projet,
00:20:55il l'avait annoncé publiquement, d'un plan national de lutte
00:20:59contre la corruption et les atteintes à la probité qui a disparu.
00:21:03L'autre donnée objective, c'est le classement de l'ONG
00:21:07Transparency International qui a rendu son rapport
00:21:11tout récemment. C'est l'indice de perception
00:21:15qui peut être discuté comme indice, évidemment,
00:21:19mais le baromètre nous permet de voir l'évolution.
00:21:23La France a chuté de 5 places et nous sommes désormais 25e.
00:21:27Nous, la patrie des droits de l'homme, je ne sais pas, mais de la déclaration
00:21:31des droits de l'homme, nous, le pays qui a aux frontispices
00:21:35de ces bâtiments liberté, égalité, fraternité, nous sommes désormais
00:21:3925e sur ce tableau avec cette ONG
00:21:45qui nous dit que le risque est aujourd'hui
00:21:49objectif de ne plus contrôler la lutte
00:21:53contre la corruption.
00:21:57Je ne sais pas à partir de quand,
00:22:01vous savez, moi je suis très attaché à une fable
00:22:05scientifique qui est la fable de la grenouille, peut-être que vous la connaissez.
00:22:09C'est une fable parce que des scientifiques ont essayé de la vérifier
00:22:13et elle est inexacte, mais disons que philosophiquement
00:22:17elle est passionnante. Si vous mettez une grenouille dans une eau bouillante,
00:22:21elle sort du bocal parce que l'eau lui est parfaitement
00:22:25intolérable. Si vous la mettez dans une eau tiède que vous réchauffez
00:22:29petit à petit, petit à petit, petit à petit, et bien elle reste au risque
00:22:33de sa propre mort dans le réceptacle parce qu'elle s'est habituée.
00:22:37Et ce que je veux dire dans ce propos liminaire avant de répondre
00:22:41à vos questions, c'est que essayons peut-être de ne pas être des grenouilles
00:22:45face à les délinquances financières et aux atteintes à la probité
00:22:49qui ne sont pas que des hochets pour la droite quand il y a des affaires
00:22:53de gauche et pour la gauche quand il y a des affaires de droite. Ça nous raconte
00:22:57vraiment quelque chose du bien commun et derrière toutes ces histoires
00:23:01il y a une petite tragédie qui fait, il me semble,
00:23:05beaucoup de mal et qui n'est pas sans lien sur une partie de la fatigue démocratique
00:23:09que l'on peut sentir dans les urnes.
00:23:19Merci M. Harfi pour ce propos
00:23:23très large et qui ouvre évidemment nos débats.
00:23:27On va passer la parole à M. Ploquin et puis on donnera la parole
00:23:31après à Mme la rapporteure.
00:23:35Donc moi ça fait un peu plus longtemps
00:23:39que Fabrice que j'observe ces phénomènes, ça fait une quarantaine d'années.
00:23:43J'ai toujours essayé
00:23:47de garder ce qui n'a pas toujours été le cas
00:23:51de mes collègues, on va dire, qui faisaient la chronique entre guillemets policière
00:23:55dont Elvie Plenel, qui était mon premier collègue
00:23:59on a commencé ensemble à s'occuper de la police.
00:24:03Donc j'ai toujours fait veiller, fait au mieux
00:24:07pour avoir les deux sources
00:24:11et pour me pencher en permanence sur les deux camps, c'est-à-dire d'un côté pour
00:24:15fréquenter le plus assidûment possible les sources policières pour comprendre
00:24:19ce qui se passait et puis de l'autre côté, je pense que ça me donnait
00:24:23un peu de recul à chaque fois, de me confronter aux acteurs
00:24:27criminels eux-mêmes, c'est-à-dire aux gangsters, aux voyous, aux petits délinquants
00:24:31voilà, au peuple des délinquants
00:24:35et des criminels, aux assassins, tout ce que vous voulez, parce que je pense que
00:24:39j'ai toujours pensé qu'on apprenait autant, si ce n'est plus de ce côté-là
00:24:43que du côté des policiers. Donc je pourrais répondre aux questions
00:24:47des deux côtés, je pourrais m'étendre sur les deux angles
00:24:51et les deux aspects, mais je vais commencer, parce que ça s'emboîte mieux avec ce que vient de dire
00:24:55Fabrice, par le côté policier
00:24:59qui aujourd'hui, juste je commence par un chiffre
00:25:03et après je ferai un peu d'historique, moi j'ai regardé hier, j'ai essayé
00:25:07de comprendre, de voir combien de policiers en France étaient
00:25:11à même de lutter contre le blanchiment, donc avaient la technicité suffisante
00:25:15parce que c'est important, je veux dire, si on n'a pas de policiers qui savent bosser
00:25:19sur ces sujets, ça va continuer éternellement. Donc je pense que c'est la première
00:25:23clé, c'est, vous allez voir, ce que je considère être la grande misère
00:25:27de la police, côté police, des forces de répression
00:25:31contre le blanchiment et la criminalité financière. Moi je sais pas
00:25:35si vous arriverez à vérifier ce chiffre, mais on m'a donné le chiffre, on m'a dit qu'il y avait en France
00:25:39860 policiers, enquêteurs
00:25:43suffisamment férus et costauds pour comprendre
00:25:47les systèmes de blanchiment contemporains.
00:25:51Je trouve ça assez peu, et après la deuxième
00:25:55donnée chiffrée que j'ai obtenue, je ne sais pas s'il faudra la vérifier
00:25:59également, c'est que dans ces affaires financières qui sont
00:26:03complexes, qui peuvent être même extrêmement complexes, voire impénétrables
00:26:07pour le commun des policiers, la moyenne
00:26:11de jugement, d'attente pour un jugement, c'est 7 ans. Je pense que ce sont des données
00:26:15intéressantes, c'est-à-dire qu'entre le moment où vous démarrez une enquête financière et le moment
00:26:19où vous faites comparaître devant la justice
00:26:23les auteurs, il y a 7 années qui s'écoulent, ce qui est absolument
00:26:27gigantesque. On se plaint quelquefois, on dit les trafiquants, les petits délinquants
00:26:31ils comprennent pas la peine parce qu'elle tombe 2 ans après, mais là
00:26:35ils la comprennent encore moins, les acteurs de la corruption, parce que
00:26:39c'est 7 ans. Je trouve que ce sont deux chiffres
00:26:43auxquels vous allez devoir réfléchir. Après
00:26:47moi je trouve assez courageux, en préliminaire, que vous lanciez
00:26:51dans une commission d'enquête sur la lutte contre
00:26:55la délinquance financière pour les raisons que vous allez comprendre. Quand j'ai commencé
00:26:59à travailler au milieu des années 80 sur ces sujets
00:27:03j'ai vu naître un office central au sein
00:27:07de la police judiciaire qui nous a à l'époque fascinés. Il y avait une espèce de mouvement
00:27:11international de prise de conscience de la question des difficultés
00:27:15de l'importance et de l'impact social, économique
00:27:19et politique de la corruption, du blanchiment en général
00:27:23et donc moi j'ai assisté à la naissance, je crois que c'est
00:27:27Pierre Jox qui en était à l'initiative, d'un office central qui s'appelait l'OCRGDF
00:27:32Office central de lutte contre la grande délinquance financière.
00:27:36Je me souviens très bien qu'au moment de la création de cet outil à la fin des années 90
00:27:40c'était un événement, les policiers
00:27:44tout d'un coup se disaient mais peut-être que cette matière là
00:27:48peut devenir un jour noble car, ça aussi c'est important
00:27:52à savoir pour vous, là au sein de la police depuis les années 60, 70
00:27:5680, 90, 2000, cette matière financière non seulement n'était pas noble
00:28:00mais était une sorte de repoussoir, c'est important à savoir
00:28:04c'est un repoussoir, c'est-à-dire qu'on mettait en gros
00:28:08la police judiciaire c'était des cow-boys, on sautait sur les braqueurs, on faisait
00:28:12des flaques en délit et on faisait la une des journaux. Et donc tous les policiers
00:28:16de fait, je caricature mais c'était vraiment comme ça, voulaient aller dans ce
00:28:20dans ce domaine là et le
00:28:24financier c'était un peu les notaires de la police judiciaire
00:28:28les gratte-papiers, même pas les notaires, les gratte-papiers c'est presque
00:28:32les greffiers de la police financière, des ronds de cuir un peu comme ça, un boulot où on sortait pas, où on bougeait pas
00:28:36c'était ça, c'était considéré comme ça
00:28:40donc c'était une police de seconde zone. Mais c'est important parce que
00:28:44je pense que ceci a un impact jusqu'à aujourd'hui sur la lutte
00:28:48contre la délinquance financière en France. Donc c'était une sous-police
00:28:52où il fallait être ultra spécialisé, où on s'emmerdait
00:28:56où on faisait pas un peu de planque, il y avait pas le
00:29:00côté adrénaline qu'on pouvait trouver en police, à l'anti-gang
00:29:04par exemple ou dans des services comme ça. Donc l'OCRGDF
00:29:08n'en a pas moins été créé et a commencé
00:29:12à faire une affaire, puis deux affaires, puis trois affaires et des affaires
00:29:16et qu'est-ce qu'ont permis de découvrir ces affaires
00:29:20et c'est là où je vous trouve courageux, vous allez comprendre pourquoi. Qu'est-ce qu'ont permis de découvrir
00:29:24ces affaires ? C'est que finalement, quand on
00:29:28commençait, quand l'OCRGDF a commencé à s'intéresser
00:29:32par exemple à la présence des colombiens sur le territoire
00:29:36français, déjà dans les années 90, au trafic de cocaïne, à ce que ça
00:29:40générait comme argent sale, etc. Et bien très vite, dans leurs
00:29:44enquêtes, ils se sont rendus compte que
00:29:48les trafiquants de stupéfiants finalement utilisaient
00:29:52les mêmes acteurs du blanchiment pour recycler leur argent sale
00:29:56que les fraudeurs fiscaux, que
00:30:00les amateurs de rétrocommissions dans les grandes affaires de vente d'armes de la France
00:30:04et qu'à partir de là, enquêter
00:30:08sur l'argent sale du trafic de stupéfiants, c'était à un moment donné
00:30:12risqué de trébucher sur des cols blancs, entre guillemets
00:30:16et même sur la classe politique française en réalité
00:30:20et sur les grands délinquants français et sur les
00:30:24plus grands patrons, les directeurs d'entreprises qui
00:30:28utilisaient ces réseaux et sur les rétrocommissions, donc de déstabiliser l'Etat.
00:30:32Quand ils se sont rendus compte de ça,
00:30:36les policiers, ils ont commencé un peu à trembler pour leur médaille, pour leur promotion
00:30:40ça les a fait un petit peu reculer, ça les a un peu tétanisés
00:30:44parce qu'à l'époque, c'est pas si loin que ça, mais c'est très loin aussi
00:30:48à l'époque, ça pouvait
00:30:52le ministre de l'Intérieur pouvait à tout moment peser sur une enquête
00:30:56de la police judiciaire, pousser un coup de gueule, etc.
00:31:00Donc qu'est-ce qu'il s'est passé, là je vais vite parce que sinon
00:31:04je vais pas raconter toute l'histoire de la police, mais globalement, à un moment donné
00:31:08on a un nouveau ministre de l'Intérieur qui arrive, qu'ils appellent Charles Pasqua
00:31:12qu'on connait bien au Sénat, d'ailleurs la dernière fois
00:31:16que je l'ai rencontré c'est au Sénat, deux mois avant sa mort, donc
00:31:20je sais que c'était un habitué de cette maison, qu'est-ce que fait Charles Pasqua, sans le dire évidemment
00:31:24ça n'a jamais été dit comme ça. L'OCRGDF, donc
00:31:28outil qui montait en puissance au sein de la police judiciaire
00:31:32est remis sévèrement à sa place. Le patron est promu je ne sais où
00:31:36les meilleurs spécialistes sont... Bon évidemment c'est jamais quand on
00:31:40sanctionne des policiers, on se débrouille toujours dans ces cas-là, en tout cas pour les promouvoir
00:31:44pour leur offrir des médailles, des grades, etc. Donc ça s'est pas vu
00:31:48personne n'a remarqué, mais moi qui les fréquente, ces policiers, ils ont tous été relativement
00:31:52amers sur le mode. Bon on commençait dans ces années-là
00:31:56à mettre en place des structures de lutte contre l'argent sale, et boum on nous remet à notre place
00:32:00et boum finalement on nous renvoie à nos travers, on conforce nos travers
00:32:04bon on était mieux à courir après Antonio Ferrara
00:32:08qui n'existait pas à l'époque, ou après des gens comme ça, c'est moins risqué
00:32:12que de s'attaquer à l'argent sale. Donc je pense que
00:32:16il faut comprendre ça, il faut se souvenir
00:32:20de ça quand on essaie d'analyser aujourd'hui les capacités de la France
00:32:24de lutte contre l'argent sale. Le fait que
00:32:28depuis, c'est Gérard Darmanin
00:32:32depuis quelques années, il y a quelques années, sans doute avec l'aval
00:32:36ou même peut-être à la demande de l'Elysée, j'ai pas encore très bien compris, mais le fait
00:32:40qu'on s'en soit pris à la poli judiciaire comme on l'a fait, c'est-à-dire en gros
00:32:44en disant aux policiers de poli judiciaire, bon vous vous prenez
00:32:48pour des aristocrates de la police, vous bossez pas assez,
00:32:52vos missions nous coûtent trop cher, c'était ça le message
00:32:56quand vous vous déplacez, vous partez 4 jours, c'est trop
00:33:00derrière ce discours qui a abouti au démantèlement
00:33:04relatif de la police judiciaire, la situation dans laquelle on est
00:33:08aujourd'hui en France, on a affaibli
00:33:12les spécialistes de la lutte contre la délinquance, la délinquance financière étant
00:33:16la délinquance la plus compliquée à traquer, on a forcément
00:33:20on s'est un peu tiré une balle dans le pied, tout ça au nom tout à fait audible
00:33:24à la raison tout à fait audible que
00:33:28finalement ce qui dérange le peuple français, ce ne seraient pas ces grandes affaires
00:33:32mais ce seraient les cambriolages, les petites attaques, en gros la petite délinquance
00:33:36à laquelle il fallait accorder plus d'attention
00:33:40à laquelle il fallait consacrer plus d'hommes, donc on a dit à ces policiers de poli judiciaire
00:33:44vous allez réintégrer en gros la sécurité publique d'une certaine manière
00:33:48vous allez dépendre des préfets, vous connaissez tous la réorganisation
00:33:52de la police judiciaire actuelle, je pense que c'est pas une bonne nouvelle
00:33:56cette réorganisation de la police judiciaire
00:34:00pour écouter moi comme je le disais au début des deux côtés, est une très bonne nouvelle
00:34:04pour les blanchisseurs d'argent sale, pour les trafiquants de stupéfiants
00:34:08alors évidemment il nous reste les offices centraux, mais les offices centraux
00:34:12c'est ce qu'ils font en illusion un petit peu, parce qu'ils sont puissants, parce qu'ils viennent de montrer
00:34:16qu'ils étaient capables d'arrêter des bandits en cavale, etc, mais je pense
00:34:20que c'est l'arbre qui cache la forêt, parce que ces offices centraux, avant cette réforme, pouvaient s'appuyer
00:34:24sur le territoire, sur un maillage colossal, sur des gens extrêmement
00:34:28efficaces, qui se sont sentis un peu
00:34:32dépossédés de leur mission
00:34:36et au final ça fait une perte de savoir-faire en France, donc on est plutôt
00:34:40sur une pente, je veux dire, on a essayé de monter en puissance, on est
00:34:44pour moi plutôt sur une pente décroissante
00:34:48en termes de savoir-faire de ces policiers, de ces gendarmes
00:34:52dont on aura besoin pour lutter contre la délinquance financière
00:34:56donc là je vais arrêter là sur
00:35:00le côté police, mais pourquoi, parce que de l'autre côté, qu'est-ce qu'on constate
00:35:04du côté des blanchisseurs, moi je veux dire
00:35:08je pourrais vous en parler pendant des heures, mais pour faire court, le blanchiment d'argent aujourd'hui
00:35:12c'est quelque chose qui allie
00:35:16pour moi, des techniques issues non pas du Moyen-Âge
00:35:20mais du début du XXème siècle, c'est-à-dire des choses, des techniques
00:35:24extrêmement traditionnelles, extrêmement manuelles
00:35:28d'un côté, et de l'autre côté, la FinTech
00:35:32et donc vous allez devoir, à mon sens, vous intéresser aux deux
00:35:36espèces, c'est-à-dire qu'aujourd'hui, autant
00:35:40les banques, grâce à tous les accords internationaux, c'est-à-dire les grandes banques
00:35:44sont relativement sous contrôle, en France, je ne dirais pas la même chose pour les Pays-Bas
00:35:48je ne dirais pas la même chose pour l'Espagne, ou là j'ai des exemples concrets de gens
00:35:52qui me racontent aller avec des valises de billets, en Europe, au sein de l'Europe
00:35:56dans certaines banques, Luxembourg, Espagne, je ne dirais pas la même chose, mais en France globalement
00:36:00les grandes banques, je ne dirais pas non plus la même chose que la Banque de Chine
00:36:04il y a des banques chinoises qui oeuvrent sur les territoires français, mais globalement
00:36:08les grandes banques françaises sont sous contrôle, globalement, mais la FinTech, elle est totalement
00:36:12hors de contrôle, c'est-à-dire que quand vous, j'ai parlé il n'y a pas très longtemps
00:36:16avec un policier hyper spécialisé qui essayait de comprendre ce qui se passait
00:36:20et comment l'argent circulait, il m'a dit, mais tu n'imagines même pas un instant
00:36:24je veux dire, le virtuel, le monde virtuel
00:36:28qui est en train de se profiler, offre
00:36:32aux agents de la FinTech et du blanchiment d'argent
00:36:36des horizons absolument colossaux, inimaginables, c'est-à-dire que tout peut être faux
00:36:40c'est-à-dire qu'on a affaire à des sociétés virtuelles qui ouvrent
00:36:44du RIB à la société, tout est virtuel
00:36:48en réalité, et à partir de là, en l'espace de 5 minutes
00:36:52à partir d'un simple téléphone portable, faites-vous expliquer ça
00:36:56parce que vous allez tomber du placard et vous allez vous dire, ah ouais, effectivement
00:37:00faites-vous expliquer comment, parce que je ne suis pas assez technique, mais comment en 5 minutes
00:37:04à partir d'un ou deux téléphones portables sur lesquels vous avez accès
00:37:08à 20 ou 30 comptes en banque dans le monde entier, comment vous faites disparaître l'argent
00:37:12et faites-le vous expliquer, parce que vous allez faire
00:37:16il y a un policier qui avait cette image, que je trouvais très forte
00:37:20le blanchiment, me disait-il, c'est comme un caillou
00:37:24je vais rejoindre la métaphore sur l'eau de mon ami Fabrice
00:37:28c'est comme un caillou jeté dans l'étang, une fois que le caillou disparaît
00:37:32au fond de l'étang, les ondes s'estompent et disparaissent
00:37:36très très vite et vous ne voyez plus rien. Avec la fintech, les ondes
00:37:40en un quart de seconde disparaissent. Donc comment est-ce que vous voulez, après vous
00:37:44policier financier, attraper un maillon, un fil, rattraper
00:37:48par le collet, c'est quasiment de l'ordre de l'impossible
00:37:52donc je pense que vous devriez à la fois vous intéresser aux techniques
00:37:56entre guillemets moyenâgeuses, c'est-à-dire toutes les techniques de compensation
00:38:00classiques, qui utilisent les réseaux en France, pakistanais
00:38:04chinois, enfin je ne vais pas faire de discrimination
00:38:08les chinois sur les territoires français, les pakistanais, enfin toute cette
00:38:12économie informelle qui brasse de l'argent liquide derrière, aide
00:38:16offre des opportunités colossales à ceux qui veulent blanchir de l'argent
00:38:20plus la bonne vieille technique traditionnelle
00:38:24entre la France et le Maroc, depuis que le Maroc a instauré
00:38:28un espèce de contrôle d'échange, vous savez qu'ils ont trouvé d'autres moyens, ça s'appelle la compensation
00:38:32en fait l'argent physiquement ne bouge pas
00:38:36c'est ça exactement, l'argent ne bouge pas physiquement
00:38:40donc c'est encore plus compliqué, il ne passe pas une frontière, il n'y a pas des billets
00:38:44qui passent, et ça c'est magique parce que quand même
00:38:48enfin pour parler de ce que je connais le mieux, c'est-à-dire le trafic de stupéfiants mieux que la
00:38:52corruption, même si aujourd'hui je pense que la hausse des atteintes à la probité
00:38:56est essentiellement liée au fait qu'on s'intéresse au trafic
00:39:00de stupéfiants et qu'on découvre que l'argent des stupéfiants
00:39:04est tellement vaste, tellement important et que les trafiquants
00:39:08de stupéfiants ont tellement besoin d'aide, d'alliés, je veux dire
00:39:12pour blanchir leur argent, ils ont besoin d'acheter des avocats, ils ont besoin d'acheter des notaires
00:39:16pour distribuer la drogue, ils ont besoin de
00:39:20corrompre des élus locaux pour avoir un peu la paix, pour transporter
00:39:24la drogue, ils ont besoin de corrompre des dockers, des douaniers, des policiers
00:39:28des bagagistes à Roissy, tout ça, je pense que la drogue étant
00:39:32aujourd'hui le cœur du crime, de l'argent du crime
00:39:36en dehors de... oui c'est ça, et bien
00:39:40je pense que c'est le fait qu'on soit un petit peu sensible à ça qui tout d'un coup fait monter
00:39:44le nombre d'atteintes à la probité, ça veut dire qu'en France il y a un terrain
00:39:48infavorable aussi, qu'il n'y a pas de barrières, qu'il y a peu de barrières, parce que s'il y a
00:39:52autant de gens qui basculent, je veux dire le dernier docker arrêté au Havre, il avait
00:39:5623 ans, il ne bossait depuis même pas 2 ans, on se dit, bon est-ce que c'est pas
00:40:00finalement dans... d'ailleurs la question que je me suis posée c'est
00:40:04est-ce qu'il n'était pas devenu docker d'emblée
00:40:08avec cette idée qu'il allait d'emblée passer de l'autre côté, je veux dire
00:40:12la corruption aujourd'hui est un phénomène qui se répand sur le
00:40:16territoire avec des zones grises, des zones d'ombre, regardez ce que...
00:40:20enfin bon on ne va pas rentrer dans l'actualité, mais oui c'est ça, des zones grises
00:40:24je pense que le gris, l'informel est en train plutôt
00:40:28de monter que de se restreindre, officiellement il y a moins d'espèces qui circulent, mais en
00:40:32vérité l'économie informelle se développe
00:40:36sans cesse et fait vivre beaucoup de
00:40:40monde, donc si vous vous attaquez à la lutte contre le blanchiment vous allez aussi buter
00:40:44là-dessus, cette économie informelle elle fait partie aujourd'hui, on n'est pas en Grèce
00:40:48on n'est pas en Italie, mais on n'est pas non plus dans un pays
00:40:52où ça n'existe pas et je pense qu'il y a une montée
00:40:56derrière tout ça justement de l'économie informelle et que les 4-5
00:41:00milliards ou 6 milliards selon les estimations de l'argent
00:41:04de la drogue qui est généré par la drogue en France chaque année
00:41:08irriguent, enfin il y en a une partie qui part évidemment, vous le savez tous
00:41:12à l'étranger très très vite, mais il irrigue également le
00:41:16territoire français, donc voilà l'argent de la drogue
00:41:20après il y a des, j'espère que vous avez des questions mais
00:41:24il y a des choses qui sont surprenantes, c'est qu'il y a tous les niveaux
00:41:28de blanchiment, vous le savez bien, vous avez celui qui peut aller
00:41:32à Dubaï, qui peut acheter de l'immobilier à Tangier et puis à la base vous avez
00:41:36celui qui, et ça ça compte aussi, il ne faut pas l'oublier parce que
00:41:40il va pouvoir acheter une petite boutique, un petit pas de porte
00:41:44et peut-être d'ailleurs, c'est là où ça se complique
00:41:48humainement, c'est quand vous vous retrouvez face à un petit jeune qui a
00:41:5221 ans qui vous dit que depuis 14 ans il accumule pas mal d'argent
00:41:56que finalement il a peut-être aujourd'hui suffisamment de moyens devant lui pour
00:42:00peut-être pour quitter le crime, la criminalité et pour investir
00:42:04et peut-être pour acheter une crêperie, un kebab
00:42:08et peut-être devenir un autre, vous vous dites peut-être que
00:42:12ça pose des questions humaines, moi j'en ai rencontré plusieurs comme ça
00:42:16qui investissaient dans des petits commerces
00:42:20j'ai rencontré un jeune de Seine-Saint-Denis, ses parents étaient originaires
00:42:24du Congo-Brazzaville, donc il avait déjà à 18 ans
00:42:283 ou 4 crêperies au Congo-Brazzaville
00:42:32à lui et il comptait se recycler, donc l'argent sale
00:42:36rentre toujours dans l'économie réelle et l'irrigue
00:42:40et en période de crise, mais bon je vais arrêter de parler parce que je pense que vous avez des questions
00:42:44mais en période de crise, plus l'économie est fragile
00:42:48plus effectivement cet argent sale attire
00:42:52les acteurs blancs de l'économie
00:42:56et plus les flux se croisent
00:43:00et voilà, je vous souhaite un bon courage dans vos investigations
00:43:06Merci beaucoup, merci monsieur Ploquin
00:43:10merci à tous les deux, on va en effet peut-être passer à nos échanges
00:43:14je vais poser moi une première question, vous posez une première question
00:43:18peut-être à tous les deux avant de passer la parole à madame la rapporteure
00:43:22je m'interroge sur un paradoxe que je crois percevoir, et monsieur Harfi
00:43:26vous nous dressez un tableau extrêmement lucide
00:43:30sur la situation de ces atteintes à la probité de manière générale
00:43:34au-delà de la seule délinquance financière qui mine notre démocratie
00:43:38vous dites que c'est la rencontre aussi du pouvoir et de l'argent
00:43:42et vous nous mettez en garde évidemment contre les conséquences
00:43:46d'une telle infiltration de notre système par ces atteintes à la probité
00:43:50pourtant, on observe
00:43:54une évolution quand même très importante du cadre légal depuis quelques années
00:43:58il y a eu des mesures qui ont été prises par la France et par l'Union Européenne
00:44:02il y a eu la mobilité contre l'utilisation des paradis fiscaux
00:44:06il y a eu le renforcement de traquefins, il y a eu la création du parquet national financier
00:44:10il y a eu un tas d'évolutions
00:44:14et récemment encore la loi sur le narcotrafic
00:44:18donc il y a quand même une volonté, me semble-t-il
00:44:22de notre démocratie et du Parlement bien sûr
00:44:26et des gouvernements pour essayer de se prémunir
00:44:30de ces dangers. Alors ma question est simple, comment expliquez-vous
00:44:34que finalement ça ne marche pas ? Est-ce que Monsieur Ploquin apporte
00:44:38une première réponse en disant finalement que c'est aussi l'alliance
00:44:42de techniques rudimentaires avec des techniques beaucoup plus complexes
00:44:46technologiques, la fintech, etc.
00:44:50Est-ce que c'est cette difficulté qu'on a à appréhender
00:44:54les méthodes et les modes opératoires de toutes ces formes de délinquance
00:44:58qui fait que malgré nos évolutions réglementaires et légales
00:45:02et les moyens aussi qui sont quand même mis sur la table
00:45:06nous ne parvenons pas à ralentir cette infiltration ?
00:45:10Oui, oui, votre question est plus que légitime
00:45:14et je ne veux pas donner l'impression d'être
00:45:18le peintre d'une situation qui ne serait que sombre
00:45:22et évidemment qu'il y a eu des évolutions législatives
00:45:26et institutionnelles depuis un certain nombre d'années
00:45:30d'ailleurs on peut constater que depuis les années 80
00:45:34où a surgi dans la chronique publique la question
00:45:38des affaires, il y a eu énormément de lois et décrets
00:45:42qui ont été pris par la puissance publique
00:45:46avec la petite nuance que ça a
00:45:50toujours été dans la secousse
00:45:54d'une affaire qui a ému l'opinion publique
00:45:58vous avez cité la création du parquet national financier
00:46:02j'en sais quelque chose, c'est parce que nous avons révélé l'affaire Cahuzac
00:46:06après vous vous rappelez cet épisode de 4 mois de bataille
00:46:10de mano à mano entre un ministre et un petit journal
00:46:14l'un démenté, l'autre maintenait ses informations dans la tornade
00:46:18c'est parce que cette affaire a suscité un émoi
00:46:22populaire que le pouvoir politique avait dans l'épée
00:46:26de ses reins cet émoi populaire qu'il a été décidé des choses qui en effet
00:46:30sont des vraies évolutions, la création du parquet national financier
00:46:34la création de l'oclif qui jusque là était une division d'un point de vue policier
00:46:38l'oCRGDF existe toujours
00:46:42et la création de la haute autorité pour la transparence
00:46:46de la vie publique que vous connaissez bien comme parlementaire
00:46:50et également de lois nouvelles de lutte contre
00:46:54notamment la fraude fiscale
00:46:58c'est une évolution indéniable mais elle n'était pas prévue dans le programme présidentiel
00:47:02elle n'était pas prévue dans le programme présidentiel de ceux qui l'ont décidé
00:47:06donc c'est ce que j'essaye de dire sur
00:47:10la question politique et même culturelle qui est posée
00:47:14par rapport à ces affaires, alors oui vous avez raison bien sûr
00:47:18qu'il y a eu des évolutions grâce à l'affaire UBS
00:47:22le secret bancaire a quasiment disparu en Suisse
00:47:26notamment suite au travail qui a été mené par les Etats-Unis
00:47:30en la matière, vous avez raison que des dispositions
00:47:34ont été prises à l'échelle européenne pour
00:47:38lutter contre un certain nombre de systèmes de prévarication
00:47:42et de lieux d'opacité
00:47:46et d'opacification
00:47:50des flux financiers
00:47:54mais ma réponse à votre question, je ne suis pas arbitre des élégances et je n'ai pas du tout la prétention d'avoir
00:47:58réponse à tout, mais ce n'est pas parce que
00:48:02je vais être un peu provoquant dans ma façon de dire les choses, mais ce n'est pas parce qu'on passe
00:48:06de l'âge de pierre au Moyen-Âge qu'on est encore au niveau
00:48:10je ne dis pas qu'on est totalement passé de l'âge de pierre au Moyen-Âge
00:48:14c'est là où je rejoins ce qui a été dit par Frédéric
00:48:18le crime financier, même si au regard du code pénal ce n'est pas un crime
00:48:22c'est un délit, peut-être d'ailleurs faudrait-il réfléchir à cela
00:48:26le crime financier s'adapte
00:48:30toujours, et il a les moyens de s'adapter vite
00:48:34c'est pour ça que c'est un écosystème général
00:48:38c'est pour ça qu'on ne peut pas parler de ces questions-là si on ne parle pas d'un côté de la volonté politique
00:48:42de l'autre de la force des lobbies, ici du sentiment d'impunité
00:48:46là de la mobilité des paradis fiscaux, ici de la faiblesse des contre-pouvoirs
00:48:52là encore du peu d'appétence médiatique pour ces questions-là
00:48:56dans un pays où l'essentiel des médias, je suis désolé de le dire, appartient
00:49:00à des capitaines d'industrie qui ont eux-mêmes des problèmes
00:49:04pour une grande partie avec la justice financière
00:49:08peut-être que ça n'aide pas ça, à ce que dans les médias concernés
00:49:12et détenus par ce type de responsables économiques
00:49:16pour se dire que c'est peut-être intéressant
00:49:20pour le grand public, vous savez moi j'entends toujours
00:49:24ces affaires sont compliquées, je ne comprends pas cet argument
00:49:28notre métier c'est quand même de rendre accessible ce qui est compliqué
00:49:32premièrement, et deuxièmement
00:49:36on a pas de difficulté à faire des éditions spéciales sur des OQTF
00:49:40le droit administratif des étrangers c'est très compliqué
00:49:44et pourtant on le fait, parce qu'on estime que c'est important
00:49:48et probablement c'est très important, je ne dis pas le contraire, je ne suis pas là pour dire
00:49:52qu'il y a quelque chose de plus important que l'autre, mais ce que j'essaye de dire
00:49:56en vous répondant, c'est que
00:50:00le crime s'adapte, vous parliez des paradis fiscaux
00:50:04bon, pendant très longtemps, la Mecque des paradis fiscaux
00:50:08c'était en effet la Suisse, ici le Luxembourg
00:50:12Singapour, et puis des lois, des dispositions internationales
00:50:16ont permis que ça change, bon ben c'est ailleurs maintenant
00:50:20et il y a des trous noirs dans le monde qui demeurent
00:50:24donc ça pose des questions diplomatiques, ça pose des questions politiques, Dubaï
00:50:28Dubaï est un trou noir absolu qui ne coopère pas judiciairement
00:50:32les Émirats ne coopèrent pas judiciairement
00:50:36c'est une réalité, et ça devient du coup des lieux
00:50:40où on retrouve, et là ça me paraît intéressant et ça va dans le sens de ce qui a été
00:50:44dit par Frédéric Ploquin, c'est que
00:50:48peut-être on a un biais
00:50:52dans notre façon institutionnellement de lutter contre ces phénomènes là
00:50:56que j'appellerais le syndrome des silos
00:51:00comme s'il y avait d'un côté les stups
00:51:04de l'autre le crime de sang, ici la criminalité organisée
00:51:08là le financier, comme s'il n'y avait pas
00:51:12ce que les spécialistes appellent des phénomènes d'hybridation
00:51:16il y a des lieux de l'hybridation
00:51:20vous avez cité tout à l'heure un livre que j'ai
00:51:24commis d'argent et de sang, l'affaire dite
00:51:28des quotas carbone est une histoire incroyable
00:51:32d'hybridation entre le crime, le vrai
00:51:36il n'y a pas de vrai et de faux crime, le crime tel qu'on en a
00:51:40une exception populaire, les bandits, et les cols blancs
00:51:44c'est même la fusion chimiquement pure de cette histoire
00:51:48mais ces phénomènes existent aussi, y compris avec une partie
00:51:52de responsables qui ont des
00:51:56charges publiques, c'est une histoire sur laquelle
00:52:00Frédéric a beaucoup écrit, les histoires de celui qui a été surnommé
00:52:04le parrain des parrains, Michel Thomy
00:52:08qui est l'un des inventeurs avec son ancien associé
00:52:12du concept de Corse-Afrique
00:52:16c'est quelqu'un qui avait un pied à la fois dans des phénomènes
00:52:20mafieux insulaires, dans le monde des jeux et dans le monde
00:52:24politique. Il a été condamné dans une affaire concernant un ancien ministre
00:52:28qu'a rencontré deux mois avant sa mort, Frédéric
00:52:32dans cette maison. Je vous parlais tout à l'heure
00:52:36de l'affaire des financements libyens, il y a un des prévenus qui s'appelle Alexandre Joury
00:52:40qui est présumé innocent, qui à lui seul
00:52:44pourrait incarner ce que j'essaye de vous dire sur les phénomènes
00:52:48d'hybridation. Et pour lutter face à cela
00:52:52c'est vrai que nous avons des services enquêteurs
00:52:56qui de la gendarmerie, qui de la police, qui des douanes, qui y compris
00:53:00dans les parquets spécialisés, s'attachent à un type
00:53:04de délinquance et coopèrent peu entre eux
00:53:08pour essayer, je ne dis pas que ça n'existe pas, mais
00:53:12pour essayer de partager l'information et avoir une vision d'ensemble
00:53:16et c'est l'une des prises de conscience aujourd'hui, notamment dans la lutte contre le
00:53:20narcotrafic, c'est qu'on ne peut pas lutter contre le narcotrafic si on ne lutte pas financièrement
00:53:24contre le narcotrafic. Je veux dire, limiter la lutte du narcotrafic
00:53:28à la saisie, à se dire ce qu'il faut c'est saisir
00:53:32mais en fait ça ne sert à rien. Je parle sous le contrôle de Frédéric
00:53:36qui connait beaucoup mieux que moi, mais enquêter dans un sens, ça on sait faire
00:53:40pour trouver un peu de la drogue qui circule, un peu
00:53:44parce que c'est infinitisimal ce qu'on saisit par rapport à ce qui circule, mais dans l'autre sens
00:53:48faire l'enquête dans l'autre sens pour remonter les flux financiers
00:53:52enfin on n'est pas face à des philanthropes qui font ça pour l'argent
00:53:56donc c'est quand même, c'est un peu une expression tarte à la crème
00:54:00que je vais dire là, mais c'est quand même le nerf de la guerre
00:54:04et donc tant qu'on n'a pas une prise de conscience globale de tout ça
00:54:08bien sûr qu'on pourra toujours comme un pointilliste
00:54:12mettre ici une évolution, là une amélioration
00:54:16c'est mon analyse, si on n'a pas une prise de conscience générale
00:54:20et une sorte de task force global
00:54:24c'est global le problème qui nous est posé par la corruption
00:54:28et vous voyez bien que quand des personnes ont si peu de rapports
00:54:32à la morale publique et à l'éthique, deviennent président de la première puissance mondiale
00:54:36ce que ça donne à l'échelle diplomatique
00:54:40vous pensez que ce qui se passe entre les Etats-Unis et la Russie
00:54:44n'a pas de lien avec les intérêts privés des uns et des autres
00:54:48quelle est la décision que vient de prendre Donald Trump
00:54:52il l'a annoncé hier, il prend beaucoup de décisions
00:54:56la fin de la transparence sur les bénéficiaires économiques aux Etats-Unis
00:55:00c'est l'un des premiers outils pour lutter contre la délinquance
00:55:04c'est de savoir qui est derrière les sociétés
00:55:08c'est pour ça que je dis que ça n'est pas déconnecté du reste
00:55:12ces histoires, ce n'est pas simplement des histoires de gens puissants
00:55:34Merci beaucoup, le temps passe et il passe vite malheureusement
00:55:38je voulais vous remercier pour vous exposer
00:55:42vous dire que précisément l'objectif de cette commission d'enquête
00:55:46dont le titre est tellement vaste, c'est qu'après le travail remarquable
00:55:50du Sénat sur le narcotrafic, ce n'était qu'une partie
00:55:54visible de l'iceberg et que s'attaquer
00:55:58à la délinquance financière, la criminalité organisée et la violation des sanctions internationales
00:56:02permet finalement de suivre l'argent au coeur
00:56:06de notre sujet, il y a évidemment 50 nuances de blanchiment
00:56:10voire plus, et qu'évidemment, M. Harfi, j'ai vérifié
00:56:14la dernière audition où nous avons
00:56:18en octobre 2013 dans la commission d'enquête d'Eric Bocquet
00:56:22sur la fraude et l'évasion fiscale, on était déjà très mobilisés
00:56:26ici il n'y a pas de mitralisation en ce qui concerne la lutte contre la fraude et l'évasion fiscale
00:56:30nous sommes un certain nombre à continuer le combat
00:56:34c'est assez inégal, je dois dire
00:56:384 ans ou 5 pour
00:56:42endiguer la fraude à l'arbitrage des dividendes
00:56:46qui est quand même un vrai scandale, 5 ans pour
00:56:50non pas supprimer mais réduire le verrou de Bercy
00:56:54on a eu des combats, et des combats pour plus de transparence
00:56:58et on continue à en avoir, à armes inégales, je vous le concède
00:57:02mais rendez-nous grâce
00:57:06de ce qu'on est quand même ici un certain nombre, comme à l'Assemblée nationale
00:57:10d'ailleurs, à continuer à mener ces combats
00:57:14voilà, donc ça nous a pas échappé, moi j'ai
00:57:18j'ai quand même quelques questions
00:57:22j'en ai une, alors les raisons
00:57:26vous les imputez beaucoup à la corruption, ça fait partie
00:57:30du dispositif, vous avez parlé
00:57:34de ces facilitateurs dans la sphère légale, finalement de tout ce blanchiment
00:57:38et on a eu des auditions dans ce sens, moi je voudrais quand même vous parler
00:57:42du Parlement européen, où un million et demi
00:57:46d'euros en cash s'est retrouvé finalement entre les mains
00:57:50d'un certain nombre de parlementaires dans une affaire qui est complètement enterrée
00:57:54est-ce que vous en avez des nouvelles ?
00:57:58ou pas, parce qu'a priori le dossier est complètement enterré
00:58:02et le deuxième sujet qui m'intéresse beaucoup
00:58:06c'est, en dehors des moyens dont vous nous dites qu'ils sont
00:58:10insuffisants, de la volonté politique dont vous nous dites
00:58:14qu'elle est insuffisante
00:58:18quel outil supplémentaire faudrait-il
00:58:22mettre en place pour arriver finalement
00:58:26à motiver plus
00:58:30les outils politiques pour pouvoir avoir un travail plus important
00:58:34contre le blanchiment, vous avez cité
00:58:38Donald Trump il y a quelques minutes
00:58:42au moment où il libère complètement les crypto-actifs
00:58:46où il y avait eu une tentative de régulation
00:58:50sous l'administration Biden et pour lequel j'ai quand même
00:58:54le sentiment que les uns et les autres manquant de formation sur ces nouveaux
00:58:58outils de la criminalité qui sont quand même
00:59:02extrêmement créatifs
00:59:06alors il y a l'awala d'un côté et les crypto-actifs de l'autre, si vous mettez l'intelligence artificielle
00:59:10au milieu, on est quand même dans une situation extrêmement difficile
00:59:14donc la première question est sur l'affaire du parlement européen
00:59:18la seconde c'est sur les outils
00:59:22qui manqueraient à notre dispositif en dehors de la volonté politique
00:59:26dont elle peut être ici ou là tout à fait insuffisante
00:59:34Sur l'affaire du parlement européen, moi je ne vais pas en parler parce que je ne la connais pas suffisamment bien
00:59:38mais je constate comme vous qu'effectivement
00:59:42finalement on a retenu qu'un vague petit scandale
00:59:46ça a fait un peu de bruit en Grèce
00:59:50parce que l'actrice principale du dossier de la corruption
00:59:54était grecque, mais c'est très vite retombé
00:59:58ça a été traité comme un soupe opéra, une espèce de micro-série télé
01:00:02c'est comme si il n'y avait aucune prise de conscience réelle des impacts
01:00:06de ce genre d'affaires, parce qu'il faut bien s'en souvenir
01:00:10je crois qu'on l'a déjà dit, mais l'argent sale
01:00:14est un orchestre, génère un trouble social
01:00:18extrêmement important, que ce soit au plus haut niveau à Bruxelles
01:00:22avec toutes les conséquences que ça, que dans un quartier
01:00:26où vous avez à un moment donné l'émergence d'une petite bande
01:00:30qui va complètement déstabiliser le rapport au travail
01:00:34le rapport à l'argent, ça fait des dégâts sociaux considérables
01:00:38je le répète, dans les quartiers où circule l'argent sale, il ne bénéficie pas à tout le monde
01:00:42cet argent sale, il faut le rappeler, il bénéficie en général à 5% des habitants
01:00:46même pas de ces quartiers, mais ça fait des dégâts
01:00:50beaucoup plus importants qu'on croit, de voir ce pavané des gens
01:00:54qui dans le quartier, circulent avec des automobiles que personne ne pourra jamais s'acheter
01:00:58ont un train de vie absolument considérable, c'est rien
01:01:02ce sont des petites choses dont je parle, mais il faut imaginer
01:01:06que ça a des traductions sur le plan de la démocratie
01:01:10parce que ça impacte, ça déstabilise tout le rapport à la société de l'argent sale en réalité
01:01:14c'est beaucoup plus important qu'on ne le croit, c'est pas juste comme ça des gens qui dans un coin
01:01:18en profitent, ça a des conséquences sociales importantes, ça déstabilise
01:01:22des quartiers, ça déstabilise la concurrence politique au plus haut niveau, ça peut déstabiliser
01:01:26une élection présidentielle, notamment aux Etats-Unis, ça sera de plus en plus le cas
01:01:30si on ne sait plus d'où vient l'argent qui finance
01:01:34les acteurs politiques, parce qu'on en arrive là
01:01:38au sommet du bas en haut de la société, c'est un
01:01:42puissant déstabilisateur qu'il ne faut pas oublier, donc le fait
01:01:46que cette histoire semble passer à la trappe est plus que troublant
01:01:50après les outils, je veux vraiment
01:01:54revenir au terrain et aux chiffres que je vous donnais tout à l'heure
01:01:58à partir du moment où vous ne valorisez pas la lutte contre l'argent sale
01:02:02qui lutte contre l'argent sale ? Des magistrats spécialisés
01:02:06qui doivent comprendre ce que leur racontent des policiers spécialisés
01:02:10à partir du moment où la création du parquet national financier c'est bien
01:02:14mais ça ne suffit évidemment pas, parce qu'il faudrait à peu près
01:02:18partout dans toutes les juridictions, si on veut renverser la vapeur
01:02:22dans la lutte contre l'argent, contre le trafic de stupéfiants, et si on prend
01:02:26en considération le fait que leur saisir des tonnes de drogues ne les déstabilise
01:02:30pas énormément, parce que la drogue elle-même, il faut quand même le dire,
01:02:34elle ne vaut rien en fait en soi, elle vaut quelques centimes au départ
01:02:38dans le territoire dans lequel elle est produite, elle n'a pas de valeur
01:02:42elle n'a de valeur que lorsqu'elle a passé les frontières, lorsqu'elle
01:02:46est rentrée sur un territoire, un pays consommateur, et donc elle n'a de valeur que
01:02:50lorsqu'on y ajoute à ce prix initial
01:02:54du pied de cocaïne qui ne vaut rien, le prix de la correction. En réalité
01:02:58c'est ça qui fait que le gramme de cocaïne et le gramme de cannabis il vaut cher
01:03:02c'est parce qu'il a fallu qu'on reprend, il faut bien s'en rendre compte, puisque si on avait la capacité
01:03:06d'aller se fournir directement dans la montagne en Colombie ou en Bolivie
01:03:10ça vaut quelques centimes le pied, ça ne vaut rien, et donc
01:03:14tout cet argent qui fait que
01:03:18ça vaut plus cher quand ça arrive au consommateur, c'est parce qu'on a acheté des gens
01:03:22parce qu'on a acheté des douaniers, des dockers, des machins, etc. Donc effectivement
01:03:26si vous luttez contre la corruption, vous allez
01:03:30indirectement vous attaquer à cette circulation
01:03:34des produits stupéfiants, puisqu'ils passent de cette façon là.
01:03:38Donc moi je répète ce que j'avais dit sur le fait que 860 enquêteurs
01:03:42en France un peu spécialisés, des enquêteurs qui sont tous vieillissants
01:03:46qui ont l'impression qu'ils vont tous sortir du jeu
01:03:50et que les plus jeunes seront de moins en moins spécialisés, on est sur
01:03:54une mauvaise pente, donc il faut inverser cette pente.
01:03:58Merci beaucoup. Monsieur Arfi vous voulez rajouter quelque chose ?
01:04:02Non mais juste très rapidement pour aller dans le sens
01:04:06par rapport à la question sur les manques de moyens
01:04:10je sais que c'est toujours un peu, je présume que quand on est parlementaire
01:04:14on entend toujours, on manque de moyens ici, on manque de moyens là, et que tout ne se
01:04:18résout pas par le combler les manques de moyens, etc.
01:04:22Mais on ne peut pas faire l'impasse là-dessus, c'est ça que je veux dire.
01:04:26On a cité deux offices policiers, le CRGDF et le CLIF
01:04:30à interroger leurs responsables.
01:04:34Il leur manque des dizaines d'enquêteurs, des dizaines.
01:04:38À le CLIF ils sont censés être je crois 120 ou 130, ils sont 70.
01:04:42À le CRGDF ils sont 60. Dans les deux offices je crois qu'ils n'ont jamais été aussi
01:04:46peu de toute leur histoire.
01:04:50Et qu'on ne vienne pas nous dire que ça coûte cher.
01:04:54Parce qu'en fait c'est...
01:04:58c'est sa vision de la fonction publique, mais
01:05:02ils rapportent beaucoup d'argent ces fonctionnaires.
01:05:06C'est un investissement, c'est pas un coût.
01:05:10Les enquêteurs, les enquêtrices spécialisées sur les questions financières
01:05:14ils rapportent à la nation énormément
01:05:18d'un pognon de dingue, si j'ose l'expression.
01:05:22Mais ça n'est pas sans conséquence ce que je dis sur le manque de moyens.
01:05:26Depuis la loi Sapin II de 2016
01:05:30a été introduit dans le droit français
01:05:34un concept très anglo-saxon de justice négociée.
01:05:38Avec ce qu'on appelle la convention judiciaire d'intérêt public.
01:05:42Je ne suis pas là pour dire c'est bien c'est mal.
01:05:46Mais vous expliquez moi ce que j'en vois d'expérience.
01:05:50C'est parfaitement légitime évidemment que l'on puisse créer ce vrai faux
01:05:54plaidé coupable des personnes morales. Ce n'est pas totalement un plaidé coupable.
01:05:58Il n'y a pas de reconnaissance de culpabilité pénale par la personne morale.
01:06:02C'est une coquetterie législative.
01:06:06Il y a une reconnaissance des faits.
01:06:10Mais ça permet, c'est vrai, dans un certain nombre
01:06:14d'enquêtes financières de récupérer très vite
01:06:18de l'argent qui manque au trésor public.
01:06:22Ce qui s'est passé avec des grandes affaires au terme desquelles il y a eu
01:06:26des conventions judiciaires d'intérêt public. L'affaire Airbus, 3 milliards, la plus connue.
01:06:30Mais on peut parler de la Société Générale, 500 millions.
01:06:34Il y en a aujourd'hui une bonne vingtaine
01:06:38dont d'ailleurs les ordonnances de validation sont disponibles
01:06:42sur le site du ministère de la Justice.
01:06:46Il y a plusieurs spécialistes
01:06:50qui ont tendance à critiquer aussi le recours
01:06:54de plus en plus intensif aux conventions judiciaires d'intérêt public
01:06:58qui serait une forme en réalité de dépénalisation
01:07:02de la justice financière, voire
01:07:06de démonstration de justice du pauvre dans ce type de dossier.
01:07:10Pourquoi je dis ça ? Parce que la convention judiciaire d'intérêt public
01:07:14qui a tout à fait ses avantages, pose un certain nombre de questions.
01:07:18D'abord, la loi nous dit que ce n'est pas parce qu'une personne morale
01:07:22signe une convention judiciaire d'intérêt public que les enquêtes
01:07:26s'arrêtent sur les responsabilités individuelles.
01:07:30Une personne morale, ce n'est pas quelque chose d'immanent, c'est la personne morale
01:07:34qui décide de verser des pots de vin. Il y a bien des gens qui décident ça,
01:07:38il y a des responsables. La réalité c'est que, sauf erreur de ma part,
01:07:42et vous pourrez vérifier, je ne connais pas une grande affaire
01:07:46d'une convention judiciaire d'intérêt public où il y a eu la poursuite de l'enquête
01:07:50sur les responsabilités individuelles. C'est comme si, au nom
01:07:54de la cégipe, on abandonne en réalité, on remet tout en bas de la pile
01:07:58la responsabilité individuelle. Qu'est-ce que ça veut dire ça ?
01:08:02C'est le libéral en moi qui parle. Ça veut dire que la corruption,
01:08:06les atteintes à la probité sont chiffrables désormais.
01:08:10Ça veut dire qu'on fait payer aux actionnaires le coût
01:08:14des dérives des individus et des dirigeants. Ça veut dire qu'on peut prévoir
01:08:18combien ça peut coûter. Ça veut dire qu'on peut
01:08:22provisionner. C'est pour ça que je vous dis que le crime s'adapte.
01:08:26On peut s'adapter. Et pourquoi on a recours
01:08:30à ce point aux conventions judiciaires d'intérêt public ? Parce que précisément
01:08:34on a de moins en moins d'enquêtrices et d'enquêteurs dans
01:08:38les offices. Je ne dis pas du tout qu'il faut arrêter avec ça.
01:08:42Mais je dis que c'est une bonne démonstration par rapport
01:08:46à votre question. Et enfin, ça me paraît
01:08:50absolument capital. C'est qu'il y a la question
01:08:54des moyens. Il y a ce que j'appelle moi la question culturelle.
01:08:58C'est ce que disait Frédéric. La gratification
01:09:02de ce travail-là. Je veux dire, s'il y a bien
01:09:06la lutte contre une délinquance qui est populaire, c'est celle-là.
01:09:10C'est grand public.
01:09:14Et pourquoi une grande partie du débat public autour de ces affaires-là
01:09:18c'est de laisser à croire que les magistrats
01:09:22et les enquêteurs seraient mus par autre chose que l'envie de faire
01:09:26respecter la loi. C'est pas les magistrats qui votent la loi quand même.
01:09:30C'est pas les magistrats qui décident de dire que la corruption c'est 10 ans de prison.
01:09:34C'est vous. C'est le monde politique.
01:09:38Et quand ils essayent d'appliquer la loi à ce milieu-là, on leur dit
01:09:42vous êtes des Torquemada. C'est la république des juges. Je vous parlais tout à l'heure
01:09:46du rassemblement national qui a été scandalisé que le parquet puisse demander
01:09:50une exécution provisoire d'une peine complémentaire d'inégibilité.
01:09:54Je vous parlais du décentrement tout à l'heure.
01:09:58Dans toutes les affaires, dans toutes les juridictions,
01:10:02il y a des exécutions provisoires avec des interdictions d'exercer
01:10:06pour tous les métiers. Pour tous les métiers.
01:10:10Un pompier qui fait n'importe quoi, on le retire. Un policier, un architecte,
01:10:14un commissaire aux comptes. Mais quand ça touche le monde politique,
01:10:18alors là ça devient un débat qui à mon sens est
01:10:22néfaste à la conversation publique. Donc la question de la gratification
01:10:26me paraît absolument capitale puisque en effet,
01:10:30aujourd'hui, aller dans ces offices-là, ça fait pas envie.
01:10:34Merci M. Harfi. Je veux passer la parole à Hervé Reynaud
01:10:38et après à Patrice Joly pour des questions.
01:10:42Je voulais insister sur ce point de résolution des affaires.
01:10:46Une question qui est faussement naïve, mais c'est vrai que généralement,
01:10:50on a affaire, on le voit bien dans la série d'Argent et de Sang,
01:10:54on a un journaliste, parfois un peu seul au monde, on l'a vu avec
01:10:58Denis Robert par le passé, un juge ou un directeur d'administration, lui aussi
01:11:02un peu seul au monde, ça donne un peu le vertige quand même de se dire,
01:11:06ou des fuites, des lanceurs d'alerte qui distillent des informations
01:11:10pour aboutir à parfois des affaires qui sont effectivement
01:11:14énormes. Donc ça donne le vertige et je vous rejoins sur les coûts
01:11:18financiers et démocratiques que cela engendre. Je voulais vous entendre, vous,
01:11:22dans vos enquêtes, à un moment vous vous êtes dit, mais là,
01:11:26si on avait eu tel aspect pour résoudre l'affaire,
01:11:30tel soutien, peut-être pas tel moyen,
01:11:34mais telle procédure qui aurait pu s'enclencher, dans quelle mesure ça nous
01:11:38aurait facilité le travail pour la résolution de cette enquête.
01:11:42De votre point de vue, quel dispositif
01:11:46compléter encore, et je crois que ce qu'a dit le Président
01:11:50tout à l'heure, pourtant on a le sentiment, mais peut-être qu'on a un prisme un peu politique ici,
01:11:54sentiment que la transparence est toujours plus forte et toujours plus exigeante,
01:11:58au risque parfois de salir d'ailleurs, parce qu'il y a aussi des affaires qui n'aboutissent pas,
01:12:02qui sont un peu tronquées, mais dans quelle mesure on pourrait structurellement
01:12:06organiser les choses pour que le cadre, parce que je ne crois pas trop à la vertu
01:12:10effectivement, personnelle et unique sur cette affaire,
01:12:14dans quelle mesure le cadre structurel pourrait
01:12:18permettre d'aboutir plus facilement ou de contenir plus facilement ces dérives.
01:12:22On va prendre la question de Patrice Joly si vous permettez
01:12:26et puis vous essayez de répondre aux deux questions.
01:12:28Merci messieurs, c'était très enrichissant.
01:12:32On a des difficultés à évaluer exactement le montant de cette délinquance financière,
01:12:36les masses concernées. Est-ce qu'au regard des informations,
01:12:40des travaux que vous avez réalisés, quels sont les ordres de grandeur selon vous
01:12:44sur quoi éventuellement s'appuyer de manière la plus utile ?
01:12:48Deuxièmement, quelles sont les racines de cette délinquance financière ?
01:12:52Alors bien évidemment il y a la cupidité, mais il n'y a pas que ça.
01:12:56Est-ce qu'il y a des choses plus objectives ? Je pense à des questions d'ordre économique,
01:13:00d'ordre social, pour donner deux illustrations de la manière dont j'envisage les choses.
01:13:04Est-ce que dans une économie mondialisée, avec une concurrence qui est redoutable,
01:13:08est-ce que la question de la délinquance financière
01:13:12et donc de la corruption n'est pas liée aussi à ces éléments-là
01:13:16pour obtenir des marchés, des avantages, etc. Ça fait circuler des moyens
01:13:20et puis sur le plan social, est-ce que la déconstruction de la cohésion sociale
01:13:24qu'on connaît depuis maintenant quelques décennies à la fois en France et dans le monde
01:13:28avec des échelles de revenus qui sont complètement disproportionnées,
01:13:32est-ce que tout ça n'y participe pas ? Voilà quelques exemples
01:13:36de ce que j'entends derrière ces racines profondes.
01:13:40Vous avez 10 minutes, pardonnez-moi,
01:13:44de questions importantes, mais vous avez 10 minutes pour y répondre.
01:13:48Les deux questions, merci beaucoup. Ce n'est pas facile de répondre,
01:13:52mais sur les racines,
01:13:56moi je vois un invariant
01:14:00dans toutes ces affaires qui rejoint
01:14:04un peu ce que j'essaye de dire tout à l'heure, c'est le sentiment d'impunité.
01:14:08La première des racines, il me semble
01:14:12que c'est le sentiment d'impunité. Qu'est-ce qui fait
01:14:16que Jérôme Cahuzac, fraudeur fiscal, il le sait lui,
01:14:20qu'il a un compte en Suisse et à Singapour, accepte
01:14:24d'être ministre du budget quand François Hollande le lui propose ? C'est quand même fascinant.
01:14:28Il dit oui, il sait qu'il est fraudeur lui,
01:14:32et il accepte de devenir le ministre qui doit,
01:14:36du point de vue du gouvernement, lutter contre la fraude fiscale. Qu'est-ce qui fait que
01:14:40Claude Guéant, déjà définitivement condamné pour avoir détourné l'argent de la police,
01:14:44laisse traîner dans son secrétaire de son appartement
01:14:48la trace d'un virement de 500 000 euros qui va
01:14:52causer sa perte dans l'affaire des financements libyens, pour laquelle il est
01:14:56toujours évidemment présumé innocent. L'ancien directeur général de la police nationale,
01:15:00ministre, préfet, secrétaire général de l'Elysée,
01:15:04c'est le sentiment d'impunité.
01:15:08Puisque vous vous intéressez aux racines, je pense que c'est une racine
01:15:12qui est absolument très ancrée
01:15:16dans pas simplement la culture française. Il ne s'agit pas du tout de
01:15:20dire repentance, repentance, mais on est le spécimen de soi-même
01:15:24et du pays dans lequel on vit, et donc c'est la France qui m'importe.
01:15:28Ce que vous dites sur les phénomènes qui intéressent
01:15:32la délinquance économique, si j'ose dire, concurrence acharnée,
01:15:36donc la corruption est un moyen de...
01:15:40C'est quelque chose, moi, que j'entends beaucoup et que je ne
01:15:44comprends pas. Je vous avoue que je ne comprends pas cet argument
01:15:48parce que si on se décentre, on ne se poserait pas ces questions pour
01:15:52d'autres formes de crimes et de délinquances. Ah bah oui, alors les autres,
01:15:56dans les autres pays, les braquages c'est autorisé, faisons-nous aussi des braquages pour avoir un peu
01:16:00d'argent de poche. Non, je ne dis pas du tout que vous dites ça.
01:16:04Non, non, non, je sais bien, mais c'est parce que j'ai beaucoup
01:16:08entendu ça. Alors attendez, nous on ne peut plus verser pot de vin, mais les Anglais le font,
01:16:12les Américains le font, les Suédois le font, alors nous on ne peut plus
01:16:16emporter les marchés. Non, mais c'est un argument que j'ai entendu énormément
01:16:20depuis 25 ans. C'est pour ça que je dis que la question
01:16:24elle est culturelle, et en plus, il me semble que l'argument
01:16:28selon lequel, dans les grands marchés internationaux, on ne peut pas faire
01:16:32autrement que cela, est un argument à très courte vue.
01:16:36Peut-être que ça peut permettre de décrocher un marché et
01:16:40d'avoir de l'emploi, mais le poison que ça instille
01:16:44dans la relation économique et dans la relation internationale
01:16:48est parfois donc diplomatique au regard des produits
01:16:52qui sont vendus, parce que si on parle d'hydrocarbures, de matières premières,
01:16:56de ventes d'armes, ce que ça provoque comme dépendance,
01:17:00comme lien sommâtre entre le pays vendeur et
01:17:04le pays acheteur, ça n'est pas sans conséquence sur les relations
01:17:08diplomatiques. Donc peut-être que ça a permis pendant un temps
01:17:12d'avoir des marchés et de faire travailler des gens, et puis j'ai tendance à penser
01:17:16que dans un temps plus long, c'est absolument dramatique.
01:17:20Sur le coup, le cadre structurel, c'est dur de
01:17:24répondre à votre question tant elle est vaste, et vous avez raison
01:17:28sur la transparence, qui est un mot que je n'aime pas,
01:17:32et que j'utilise comme tout le monde, mais je pense qu'il a été inventé par ceux qui n'en veulent pas,
01:17:36parce que ça donne l'impression qu'on veut regarder au travers des gens.
01:17:40Il y a comme ça une espèce de violence,
01:17:44je préfère le terme, mais qui a été depuis capté par la valeur marchande,
01:17:48malheureusement, de la publicité, ce qui appartient au public.
01:17:52Et il est normal, il me semble, quand on est dépositaire d'un intérêt public,
01:17:56qu'il y ait des phénomènes de transparence pour
01:18:00consolider la confiance, ça ne veut pas dire qu'il ne peut pas y avoir de dérive
01:18:04sur ces questions-là, vous avez raison. Il y a un cadre structurel qui me paraît
01:18:08important, vous avez dit pour résoudre vos affaires,
01:18:12c'est vrai qu'on n'est pas des détectives, nous ce n'est pas tant
01:18:16qu'on résout des affaires qu'on essaye de mettre sur la table des faits d'intérêt général
01:18:20et vérifié, qui ensuite alimentent le débat public, et on n'est pas
01:18:24des policiers ou des magistrats frustrés, nous on n'est pas là pour amener des gens
01:18:28devant un tribunal, et ce qu'on révèle n'a pas forcément
01:18:32vocation à devenir un délit. Nous on lève
01:18:36des lièvres et la société s'en empare, parfois la justice, parfois le Parlement,
01:18:40parfois les syndicats, parfois le monde de l'entreprise, il y a des destinations, des informations
01:18:44qui peuvent devenir judiciaires ou autres, mais on ne peut pas juger
01:18:48la qualité du journalisme à l'aune de la décision judiciaire. Cela étant,
01:18:52il y a un cadre structurel qui me paraît assez intéressant sur ces
01:18:56questions-là, qui est un lieu commun répété depuis des décennies, mais c'est
01:19:00quand même la non-indépendance du parquet en France. Je veux dire, on est quand même
01:19:04sous le régime d'une justice supranationale qui est la CEDH
01:19:08qui nous dit, depuis l'arrêt Medvedev, célèbre arrêt en la matière,
01:19:12que le parquet n'étant pas indépendant en France, on ne peut pas dire
01:19:16que les magistrats du parquet soient des magistrats. C'est quand même ce que dit la justice européenne
01:19:20en la matière. Bien sûr, je ne suis pas du tout là pour jeter l'opropre sur les procureurs
01:19:24qui font un travail extraordinaire et qui, pour la grande majorité d'entre eux,
01:19:28sont parfaitement indépendants dans leur tête. Mais la question qui est posée par cela,
01:19:32il me semble, c'est celle de l'indépendance institutionnelle.
01:19:36C'est la raison pour laquelle, à chaque fois qu'il y a une affaire, comme on ne donne pas
01:19:40l'indépendance au parquet, je parle d'une affaire d'atteinte à la probité,
01:19:44c'est facile pour les unes, pour les uns et pour les autres de dire, comme par hasard,
01:19:48le parquet qui est sous l'autorité de tel pouvoir politique s'attaque à moi,
01:19:52comme par hasard, le parquet qui est sous l'autorité de tel autre pouvoir politique
01:19:56ne s'attaque pas à l'autre. C'est exactement ce qu'on voit dans toutes les affaires
01:20:00de droite comme de gauche. Je pense que si on donnait l'indépendance
01:20:04aux magistrats du parquet, ce qui ne doit pas leur empêcher d'appliquer une politique pénale,
01:20:08ça permettrait quand même d'assainir culturellement ce rapport un peu pathologique
01:20:12que l'on a parfois avec la justice financière.
01:20:16J'ajoute juste un mot, parce qu'on a dépassé le temps.
01:20:20Je ne vais pas vous retenir jusqu'à midi, mais je pense que considérer que la lutte
01:20:30contre le blanchiment et l'argent sale peut se résoudre à l'échelle de la France,
01:20:35c'est un peu comme considérer que la lutte contre le trafic de stupéfiants
01:20:39pourrait se régler en se concentrant sur ce qui se passe à Champigny-sur-Marne.
01:20:44Parce qu'en réalité, aujourd'hui, c'est vrai que la France peut montrer l'exemple,
01:20:50la France peut prendre des décisions, mais tout cela ne peut être pensé
01:20:54à l'échelle strictement hexagonale. C'est totalement obsolète en réalité,
01:20:59puisque ces flux financiers débordent largement nos frontières.
01:21:04Donc je crois que dans votre réflexion, vous intégriez cela.
01:21:08Quand un policier français qui pourrait être lanceur d'alerte,
01:21:12qui pourrait nous amener des informations dont on ne demande que ça,
01:21:15ou un magistrat, etc., ne peut pas nous les amener pour une raison simple.
01:21:19C'est que lui, il a envoyé une commission rogatoire internationale à Rabat, à Alger,
01:21:25à Dubaï, à Hong Kong, et puis il ne répond pas, il ne répond pas,
01:21:30mais il ne répondra jamais, ou il répondra peut-être dans tellement longtemps
01:21:34que le délit lui-même ne sera plus constatable.
01:21:36Donc en réalité, il faut vous interroger aussi là-dessus, sur la nécessité,
01:21:40sur le fait qu'on ne peut pas penser la lutte contre le blanchiment
01:21:44à l'échelle juste de l'hexagone. C'est trop petit.
01:21:47Et quand vous voyez que pendant des années, les délinquants français,
01:21:52les criminels français d'origine française ont investi en Espagne,
01:21:56quand vous allez vous balader en Andalousie, vous ne pouvez pas comprendre
01:22:01cette poussée immobilière colossale, cette flambée de villas de luxe.
01:22:06Vous ne pouvez pas la comprendre si vous n'admettez pas que l'Espagne,
01:22:09à un moment donné, a largement ouvert ses portes, que les banques espagnoles
01:22:12ont ouvert leurs portes, que les avocats locaux, les élus locaux,
01:22:17que tout le monde a dit oui à l'argent sale.
01:22:20Quand vous allez au Luxembourg, parce que vous avez parlé de l'Union Européenne,
01:22:24vous vous intéressez, c'est frontalier, c'est un pays frontalier.
01:22:28Quand vous allez aux Pays-Bas et que vous entendez des trafiquants,
01:22:31vous vous dites, non mais aux Pays-Bas, moi ce n'est pas comme en France,
01:22:33j'arrive avec ma valise de billets, on descend à la cave, on paye le champagne
01:22:36et on compte les billets.
01:22:38Quand vous entendez ça, vous vous dites, je ne dis pas qu'on est ridicule,
01:22:41mais que c'est intéressant de penser au renforcement des outils en France,
01:22:45mais cette réflexion n'aurait pas de sens si vous ne demandiez pas
01:22:50ce qui est en train de se passer au niveau des flux d'argent internationaux.
01:22:53Cette mondialisation du trafic lui-même correspond à une véritable mondialisation
01:23:00des flux financiers qui est la plus grande, la première, la réjouissance
01:23:04de tous les criminels et de tous les corrompus.
01:23:08Merci, je vous remercie de nous donner autant la justification
01:23:14de cette commission d'enquête et de son bien fondée,
01:23:17parce que c'est ce que vous nous avez dit la matinée,
01:23:19le blanchiment c'est 3 à 5% du GDP, c'est 2 000 milliards qui manquent à l'économie réelle,
01:23:26donc c'est un crime social, démocratique, économique, on est d'accord.
01:23:30Je pense que renforcer le name and shame, vous parliez des conventions judiciaires,
01:23:34je pense que ça évite le name and shame et je crois que ce sera une chose importante
01:23:37et vous rassurez pour dire que notre commission d'enquête va aller évidemment hors de nos frontières.
01:23:43On continue à suivre les auditions de la commission d'enquête du Sénat
01:23:46sur la délinquance financière et la criminalité organisée.
01:23:49Les sénateurs ont entendu également Laurent Nunez, le préfet de police de Paris.
01:23:54On a des réseaux de criminalité organisée qui ont des modes de rapatriement d'argent,
01:23:59de blanchiment de l'argent qui sont assez sommaires, assez rudimentaires,
01:24:03il ne faut pas le perdre de vue, qu'il s'agisse tout simplement de transfert d'argent physique,
01:24:09donc tout simplement à destination du territoire national ou vers l'étranger,
01:24:15souvent vers l'étranger et donc ça, dans les services de la préfecture de police,
01:24:21ce sont évidemment des modes de financement auxquels nous sommes confrontés
01:24:25et qui sont généralement opérés par les réseaux eux-mêmes,
01:24:28qui se chargent eux-mêmes de transférer cet argent.
01:24:32J'y reviendrai parce qu'il y a aussi une spécialisation de l'activité de blanchiment
01:24:36qu'on constate de plus en plus évidemment.
01:24:38Et puis il y a un autre type de blanchiment, de rapatriement d'argent
01:24:43qui est quand même assez rudimentaire également, que je classe dans la même catégorie,
01:24:47c'est ce qu'on appelle le transfert par compensation,
01:24:50notamment l'ayala, la fameuse ayala, très utilisée aussi en matière de terrorisme.
01:24:55Ces deux modes de financement de blanchiment, on les retrouve aussi en matière de terrorisme.
01:25:01L'ayala a été également un moyen de financement d'activités à caractère terroriste.
01:25:07Donc ce sont des modes de financement que je qualifierais de plus rudimentaires,
01:25:11qui évidemment mobilisent également les services de police
01:25:15et généralement les services en charge des enquêtes.
01:25:18Et puis nous avons, on constate maintenant depuis de nombreuses années,
01:25:23évidemment des systèmes de blanchiment qui sont beaucoup plus sophistiqués,
01:25:27sur lesquels on pourra là encore revenir en détail,
01:25:30mais qui font appel, par les groupes de criminalité organisée,
01:25:38à la constitution de sociétés,
01:25:42souvent qui n'ont pas d'activité, sont des sociétés fictives
01:25:45et qui vont se mettre en relation avec l'économie réelle pour blanchir de l'argent.
01:25:52Donc avec souvent des sociétés d'ailleurs qui peuvent être très éphémères ou pas,
01:25:59qui se créent aussi par rebonds, on a toute une kyrielle de sociétés
01:26:04et qui rentrent en contact avec le monde de l'économie réelle
01:26:07pour blanchir l'argent issu des trafics.
01:26:11Notamment auprès d'entreprises de l'économie réelle,
01:26:15qui pour des raisons qui leur sont propres non,
01:26:19qui leur sont propres mais qui ne sont pas très légales, ont besoin d'espèces.
01:26:23Elles ont besoin d'espèces, que ce soit pour des actes corruptifs,
01:26:28pour payer des salariés qui ne sont pas déclarés,
01:26:31pour évidemment plein de raisons,
01:26:34ou elles-mêmes évidemment pour échapper aux contributions fiscales et sociales.
01:26:40Donc ces sociétés fictives vont se mettre en contact avec le monde de l'économie réelle
01:26:46et ça passe par des facturations, des prestations de sous-traitance
01:26:49qui sont rémunérées mais en réalité procurent à la société de l'économie réelle
01:26:56des espèces de cette façon.
01:26:59Côté évidemment des réseaux de criminalité organisée,
01:27:02c'est une façon de blanchir l'argent puisqu'il passe par le truchement
01:27:06de ces sociétés qui ont été créées uniquement pour ce faire.
01:27:10Et ça, je parle sous le contrôle du sous-directeur,
01:27:13on le retrouve, cette connexion avec l'économie réelle,
01:27:16on le retrouve dans de nombreux secteurs d'activité,
01:27:18mais beaucoup quand même le BTP,
01:27:20et beaucoup, un certain nombre de secteurs qui emploient une main d'œuvre importante
01:27:26et qui... la restauration, exactement.
01:27:30Voilà pour ces auditions de la commission d'enquête du Sénat
01:27:32sur la délinquance financière et la criminalité organisée.
01:27:36C'est la fin de cette émission, merci de l'avoir suivie.
01:27:38Rendez-vous à 16h25 aujourd'hui sur Public Sénat
01:27:41pour suivre le débat au Sénat sur la guerre en Ukraine
01:27:44et la sécurité de l'Europe,
01:27:46notamment après la décision du président américain Donald Trump
01:27:48de suspendre l'aide militaire américaine à l'Ukraine.
01:27:52Très bonne suite des programmes sur Public Sénat.
01:28:00Sous-titrage Société Radio-Canada