• il y a 20 heures
"Ces dernières années, il y a une explosion de tentatives de suicide, notamment chez les jeunes femmes."
De plus en plus de patients aux urgences et de moins en moins d’offres de soins, c’est le quotidien des urgences psychiatriques. On a passé une journée à l'hôpital de Ville Evrard, en Seine-Saint-Denis, avec le docteur Mouaffak, les infirmiers et les patients.

Catégorie

🗞
News
Transcription
00:00Pourquoi j'ai voulu m'attacher ?
00:01Parce qu'on ne peut plus faire autrement.
00:04Vous êtes quand même mise en danger.
00:05D'accord.
00:07Par des tentatives de suicide, par des fenestrations, tout ça.
00:10Vous avez inquiété votre maman quand vous lui avez dit
00:12que vous vouliez sauter par la fenêtre ?
00:13Cette personne-là, elle va pouvoir y avoir place ?
00:15On espère, on espère dans les délais les plus rapides.
00:18Pour certains patients, en France aujourd'hui,
00:20il y a des patients qui attendent plus d'une semaine.
00:23Une solution en hospitalisation, c'est la réalité.
00:26Une semaine attachée comme ça dans un couloir, quoi.
00:29On n'aime pas ça, on trouve que c'est indigne,
00:31à la fois pour les patients et pour les soignants.
00:33Mais on ne baisse pas les bras.
00:34Bonjour, Brut, Faisal Boifac.
00:36Je suis responsable d'un pôle de psychiatrie de secteur
00:38en Seine-Saint-Denis.
00:39Vous êtes les bienvenus pour passer avec moi une journée.
00:42Bonsoir.
00:43Bonsoir.
00:44Bonjour.
00:45C'est une réunion qui nous permet de coordonner
00:47entre les différents sites d'urgence
00:49l'orientation des patients.
00:50Deux patients qui sont arrivés ce matin,
00:52nous avons occupé notamment madame.
00:55Elle était suicidaire, on avait trouvé une clinique pour elle,
00:57mais il fallait mettre 20 euros tous les jours,
00:59elle est infusée.
01:00Cette patiente, elle est arrivée quand ?
01:01Au moins hier, de ce que je vois.
01:04D'accord.
01:05Elle est connue pour un trouble bipolaire, c'est ça ?
01:08Elle est connue pour un trouble bipolaire.
01:10Elle est insomniaque,
01:11elle est venue d'elle-même pour être hospitalisée.
01:13OK, donc sur l'ensemble, là, en fin de journée,
01:15on aura combien de patients en attente ?
01:1816 patients, si on désengorge.
01:2216 patients, si on désengorge,
01:23il nous restera 8 patients, quoi.
01:268 patients en attente, ouais.
01:29C'est beaucoup ou pas ?
01:30C'est énorme.
01:31C'est toujours trop.
01:33Un patient aux urgences en attente, c'est trop.
01:36Notamment des patients qui restent attachés sur des bancars,
01:40parce qu'on n'a pas la possibilité de les accueillir
01:43dans une chambre adaptée, c'est trop.
01:47Quand on diminue l'offre de soins,
01:49la demande de soins, elle ne diminue pas.
01:52Il y a toujours autant, voire plus de patients
01:55qui viennent aux urgences.
01:56Avec tous les efforts qu'on a faits,
01:59on ne s'en sort pas.
02:01Pourtant, ça s'est amélioré, non ?
02:03Mais là, il y a eu des fermetures de lits.
02:05Et ces fermetures de lits,
02:06c'est parce qu'il n'y a pas assez de psychiatres.
02:09Ici, actuellement, en psychiatrie adulte en Seine-Saint-Denis,
02:11il nous manque environ 50 postes de médecins, psychiatres
02:15et une centaine de postes d'infirmiers.
02:16Depuis que je travaille ici,
02:17on a toujours été en manque de personnel
02:19et d'autant plus après la crise Covid
02:21où on est à chaque fois à des équipes
02:24où il manque au moins 4 à 5 infirmiers
02:28dans les équipes, à la fois de jour et de nuit.
02:30La psychiatrie, déjà, c'est le parent pauvre de la médecine
02:35et la Seine-Saint-Denis, c'est le département le plus pauvre.
02:39Donc cette addition de pauvreté et de misère
02:44fait qu'on n'a pas trop envie de venir
02:46passer des années de sa vie ici,
02:49de se confronter à la précarité,
02:51de se confronter au malheur des gens,
02:54de se confronter à la violence.
02:56C'est la police, c'est l'évocat, c'est tout ça.
03:00En même temps, vous comprenez la juridique,
03:02vous comprenez le mouvement, vous ne comprenez pas.
03:04C'est pour ça que je suis comme ça.
03:06Mais calme-toi, mais calme-toi.
03:08Mais on me dit quoi ? Je ne sais pas.
03:10Votre rêve, c'est de faire du rap plus tard ?
03:12Oui.
03:15Pourquoi est-ce que vous êtes là ?
03:17Moi, en fait, j'ai tapé mon copier.
03:21J'ai eu des hallucinations.
03:25J'ai eu aussi...
03:28En fait, ma vie est très compliquée.
03:30Moi, personnellement, je ne suis pas sacrificien.
03:32J'aime bien travailler ici pour la simple raison
03:34qu'ici, notre pratique est extrêmement riche,
03:38extrêmement diversifiée.
03:39Moi, j'apprends tous les jours et je ne m'ennuie pas.
03:43Je suis amené à réfléchir
03:45et à résoudre des problématiques tous les jours.
03:47Ça maintient vert, ça maintient vivant, ça maintient frais.
03:51Bonjour !
03:53Bonjour, bonjour.
03:53Est-ce que vous vous rappelez de moi ?
03:55Est-ce que vous m'avez vu la dernière fois ?
03:57Je t'ai vu dans la salle.
03:59Je vous ai trouvé très sans colère, très tendu.
04:03Moi, je ne savais pas.
04:05En fait, moi, le problème, c'est que je fumais.
04:08Qu'est-ce que vous avez fumé ?
04:11C'est du cannabis.
04:12Si je fume,
04:14je peux contrôler de telle sorte
04:18que je n'ai pas de problème avec vous.
04:21D'accord, donc fumer du cannabis,
04:23pour vous, c'est un moyen de contrôler les autres.
04:25Est-ce que vous, vous êtes étudiant, c'est ça ?
04:27Oui, je suis étudiant.
04:28Étudiant en quoi ?
04:29Je suis étudiant en informatique.
04:32Vous vous êtes énervé contre d'autres patients et des soignants ?
04:36Il y a eu des violences ?
04:37Vous avez mis un coup de poing ?
04:39Oui, c'est vrai.
04:41Pourquoi ?
04:42Je ne sais pas quoi manigance des diables,
04:45mais je ne sais pas.
04:46Et pourquoi vous ?
04:47Pourquoi ça se dirige contre vous ?
04:50Parce que peut-être,
04:52j'en ai la force de tenir ça.
04:55On veut vous tester ?
04:56Oui.
04:57Donc tout se désorganise, tout se mélange.
05:01C'est quelque chose qui était dans moi.
05:02C'est quelque chose qui est arrivé comme ça dans votre tête ?
05:05Oui, mais j'ai essayé de supporter ça.
05:08Ces dernières années, ce qui m'a beaucoup interpellé,
05:11c'est l'explosion de tentatives de suicide.
05:13Les chiffres vous le montrent.
05:14Il y a eu une augmentation de 20% des tentatives de suicide,
05:18notamment chez les femmes, chez les jeunes femmes.
05:22Ces dernières années ?
05:22Ces dernières années.
05:24On le voit beaucoup plus ici, en Seine-Saint-Denis,
05:29parce que tous les éléments de précarité, d'isolement,
05:34les pathologies qu'on traite,
05:35la pathologie schizophrénique et le trouble de l'humeur,
05:38ce sont des pathologies qui tuent.
05:40Ce sont des maladies qui démarrent entre l'âge de 15, 25, 35 ans,
05:45à cette période charnière de la vie
05:47où les personnes sortent de leur scolarité
05:49pour trouver un emploi, pour construire leur vie.
05:52Ce sont des maladies que nous, nous combattons au quotidien.
05:56J'ai un técatrique.
05:57Oui ? Vous savez pourquoi ?
05:59Parce que ça ne va pas, une crise d'angoisse.
06:02Ça vous prend les poumons, ça vous prend le mal de ventre.
06:07Vous ne mangez plus.
06:08C'est comme une dépression.
06:09Oui.
06:11C'est pareil.
06:11Mais en plus fort peut-être, non ?
06:13Ça dépend.
06:15Ça dépend des cachets, ça dépend...
06:17Ça fait longtemps que vous avez ces angoisses-là ?
06:20Oui, depuis 2015.
06:22C'est la première fois que vous venez ici ?
06:23Non, non.
06:24Et vous avez des enfants ?
06:26Trois.
06:27Est-ce que ça va un petit peu mieux ici ?
06:28Un peu.
06:29C'est une chance immense d'avoir en France
06:34ce qu'on appelle le secteur psychiatrique,
06:36c'est-à-dire n'importe quelle personne en France
06:39sait que lorsqu'elle tombera malade,
06:42elle pourra avoir un lit
06:45ou supposer qu'elle pourra avoir un psychiatre
06:48à qui s'adresser pour se soigner.
06:50C'est une chance immense, il ne faut pas la gâcher.
06:53Il ne faut pas la gâcher, il ne faut pas tuer
06:58cet hôpital public qui est un bien pour nous tous
07:02et dans lequel nous travaillons
07:05parce qu'on s'en rend compte
07:08à quel point c'est quelque chose de précieux,
07:12quelque chose d'important
07:13pour une société qui veut aller de l'avant,
07:18qui veut vivre.

Recommandations