• il y a 1 heure
Lundi 10 mars 2025, SANTÉ FUTURE reçoit Alexis Normand (CEO et cofondateur, Greenly)

Catégorie

🗞
News
Transcription
00:00Et on termine cette émission avec la pépite santé, Alexis Normand nous a rejoint sur le plateau de Santé Futur.
00:11Bonjour. Bonjour.
00:12Vous êtes le CEO et cofondateur de Greenly, une startup française lancée en 2019 qui entend démocratiser le bilan carbone.
00:21Greenly, c'était d'abord une application mobile aux particuliers pour leur permettre de calculer leur empreinte carbone à partir de leurs relevés bancaires.
00:29Ça a bien évolué depuis. Quelles autres étapes ont été franchies ?
00:33Alors, ça fait maintenant cinq ans qu'on existe et on s'est aperçu assez rapidement que si on voulait avoir de l'impact, si on voulait aussi rencontrer un marché,
00:41il fallait apporter un service aux entreprises. Et quand on a démarré, le sujet du bilan GES, c'était essentiellement une question de grande organisation
00:51qui avait des budgets pour aller embaucher des consultants extrêmement compétents sur le sujet.
00:58Mais qu'il y avait un sujet coût qui empêchait des organisations de taille plus petite de commencer à formaliser une stratégie climat.
01:08Et on a anticipé le fait que tout le monde allait devoir calculer ses émissions.
01:16Et notamment puisque les grandes organisations, c'est le cas dans la santé, en fait, leurs émissions sont essentiellement celles de leurs fournisseurs.
01:22Et quand vos fournisseurs sont des grandes entreprises, ça va, mais même toutes ces grandes entreprises ont beaucoup de petits fournisseurs et eux ne faisaient rien.
01:30Et donc, si on veut réellement aller en profondeur, être précis sur le sujet de l'empreinte carbone, il faut que tout le monde puisse le calculer précisément.
01:39Et on a donc construit une plateforme qui facilite la collecte et l'analyse des données, travaille à rendre la précision finalement indolore pour ces organisations.
01:53Et alors, en cinq ans, maintenant, on a à peu près 2500 clients, à peu près 10-20% dans la santé, puisqu'on en parle, pour moitié en France, pour moitié à l'étranger, aux États-Unis, en Angleterre principalement.
02:06Et alors, comment ça marche exactement ? Comment est-ce que vous récoltez les données ? C'est un mélange entre technologie et humain ?
02:12Alors, la comptabilité carbone, c'est un mapping et une méthodologie qui est standard. Là-dessus, on n'innove pas spécialement.
02:20Mais pour chaque poste d'émission, vous avez une stratégie de simplification de la collecte des données.
02:28Donc, par exemple, quand il s'agit de votre électricité, vous pouvez, si vous avez beaucoup de bâtiments, vous connecter aux compteurs d'électricité qui mettent dans votre système d'information les kilowattheures.
02:40Ça peut être très fin, ça peut être même à leur près. Donc ça, vous pouvez automatiser la collecte de données.
02:45Quand vous êtes sur des postes comme le Scop1, les consommations d'essence, etc., vous pouvez aller récupérer cette information dans les ERP des entreprises, s'ils ne vous le mettent pas à la main.
02:56Et quand vous êtes sur l'essentiel des postes d'émission du Scop3, qui sont les achats de biens et services, on en parlait dans la santé, c'est les médicaments, les dispositifs médicaux,
03:08vous pouvez faire une première évaluation. C'est ce qu'a fait, je crois, le Shift Project monétaire en récupérant les dépenses.
03:17Il faut aller chercher les émissions, les postes physiques. Combien de dispositifs médicaux j'ai acheté ? Combien de médicaments j'ai acheté ? Et ça, en fait, vous pouvez avoir ces informations.
03:29Vous pouvez même automatiser la collecte de ces informations. Elles sont souvent détaillées dans les systèmes d'information des organisations.
03:39Et là, il y a un peu d'IA, c'est-à-dire qu'il faut aller lire des inventaires, parfois avec 200 000 lignes, et faire une mise en correspondance automatique, si c'est possible, avec validation par un humain,
03:51de tel dispositif médical, je l'ai identifié, je l'ai mis dans une base, le fournisseur a publié une analyse de cycle de vie, donc a calculé l'empreinte carbone de ce produit.
04:02Nous, nos bases de données font le rapprochement. Et en fait, comme vous le faites sur des grands nombres de données, vous l'automatisez. Et après, vous générez un reporting.
04:11Et vous diriez que de plus en plus d'entreprises se préoccupent de leurs émissions. Est-ce que vous observez en 5 ans, il y a un bond ?
04:18Alors, il y a un bond sous l'effet de plusieurs types de pressions. Bien sûr, il y a la pression réglementaire, donc sur la législation, sur le bilan GES,
04:28qui est boosté par la CSRD, donc une réglementation européenne qui rentre véritablement en application l'année prochaine.
04:37L'année prochaine, toutes les entreprises de plus de 500 salariés, 40 millions de chiffre d'affaires ou 20 millions au bilan, vont devoir reporter tout un tas d'indicateurs ESG.
04:48Mais la partie quantifiée, c'est le bilan carbone. Donc c'est 60 000 entreprises qui sont maintenant obligées de le faire.
04:57Alors qu'avant, c'était plutôt 10 000. Donc c'est majeur. Après, il y a un deuxième effet, c'est la pression des grandes entreprises.
05:07Donc si je suis, je dis n'importe quoi, Sanofi, un labo Pharma, l'APHP, et que je veux réduire mes émissions, en fait, à un moment donné, j'ai besoin de poser la question à mes fournisseurs.
05:18Et donc j'inclue dans mes appels d'offres une obligation pour mes fournisseurs d'une certaine taille de me reporter leurs émissions.
05:27Donc en gros, si vous reportez pas vos émissions d'un point de vue légal, vous avez une amende. Mais si vous perdez le contrat de l'APHP, c'est encore plus une contrainte pour l'entreprise.
05:37Et après, il y a la pression des investisseurs, surtout en Europe, assez peu aux États-Unis, où de plus en plus, vous avez des meilleures conditions de financement.
05:46Parfois, vous empruntez à un taux plus faible si vous êtes capable de fournir une trajectoire de décarbonation.
05:53Donc toutes ces pressions, bien sûr, celles des salariés, des clients, etc., contribuent à massifier, en fait, le suivi des émissions.
06:02Et vous travaillez avec beaucoup de petites et moyennes entreprises.
06:06Néanmoins, est-ce que vous êtes en mesure de vous adresser à des entreprises ou des établissements beaucoup plus importants ?
06:11Alors absolument. En fait, historiquement, on a commencé. On était une toute petite startup.
06:16Donc on a commencé à travailler avec les entreprises les plus petites, celles qui voulaient bien nous donner notre chance.
06:21Et puis, en grandissant, on a sophistiqué notre outil. On est allé de plus en plus loin dans la précision.
06:28On s'est connecté à de plus en plus de systèmes d'information. Et puis surtout, maintenant, on a déjà délivré presque 2 000 rapports d'émissions carbone.
06:36Donc tous les problèmes que vous pouvez avoir dans ce sujet, on les a vus.
06:40Et donc on a traité ça de mieux en mieux dans notre système d'information.
06:45Donc on a une maturité et une capacité d'industrialiser qui est beaucoup plus forte et qui devient intéressante pour les grandes entreprises.
06:53En général, et les hôpitaux notamment, on travaille avec une dizaine d'hôpitaux, une dizaine de grands groupes pharma.
06:59Ce qui se passe, c'est qu'eux, ils savent assez bien faire ça en interne. Ils sont assez à l'aise avec le système de consulting.
07:07Ils ont une difficulté, c'est d'avoir des vraies données et pas des moyens industriels sur leurs fournisseurs.
07:12Et donc, ils nous utilisent au niveau des achats pour projeter notre outil et mettre à disposition notre solution auprès de leurs fournisseurs pour qu'ils puissent eux calculer leurs émissions.
07:23Et du coup, si vous êtes un labo pharma et que vous voulez réduire vos émissions, en fait, vous devez choisir entre...
07:30Il faut que vous ayez une donnée assez fine pour pouvoir choisir entre deux fournisseurs, celui qui a une trajectoire de réduction, celui qui est déjà meilleur que l'autre.
07:40Et ça, si vous travaillez avec des moyens industriels ou des purs facteurs d'émissions monétaires, si vous basez que sur votre dépense, vous n'arrivez pas à le faire.
07:48Donc nous, on offre ce service, on utilise en fait, enfin disons, on est en partenariat avec les grandes entreprises pour récupérer une donnée plus précise auprès de leurs fournisseurs.
08:00Et ce qui est intéressant quand vous êtes une plateforme, c'est qu'à chaque fois que vous obtenez cette info d'un fournisseur, ce fournisseur, il a rarement un seul client.
08:09Donc vous pouvez mutualiser cette information pour toutes les entreprises du secteur. C'est comme ça que vous construisez notamment une expertise dans la santé.
08:16Et une dernière question avant de passer aux réactions de nos invités. Une fois que vous aidez les entreprises à déterminer où elles polluent le plus, qu'est-ce qui se passe ?
08:25Alors évidemment, si on fait que le bilan et que c'est la photo et on s'arrête, ça n'a aucun intérêt. Le sujet, c'est de s'inscrire dans une trajectoire de réduction
08:37et de pouvoir le quantifier de façon suffisamment fine pour qu'on sache réellement quoi faire.
08:44Il y a des standards aussi là-dessus. L'ADEME a un standard de trajectoire de décarbonation. Le standard anglo-saxon, c'est SBTI.
08:53Donc vous êtes tenu de soumettre un plan de réduction quantifié. Donc si on prend le cas de la santé, vous avez l'APHP par exemple, 60% de ses émissions, c'est les dispositifs médicaux.
09:06Et les médicaments. Donc pour eux, l'idée, c'est que pour tous ces postes, c'est qu'ils puissent non seulement établir une liste d'actions de réduction,
09:19mais qu'ils les quantifient et qu'ils les budgetent. Donc nous, vous découvrez que pour chaque secteur, en fait, il y a beaucoup de plans d'action qui sont génériques.
09:28Et vous pouvez assez facilement automatiser cette quantification. Ce qui est compliqué, c'est de la budgétiser. Parce qu'en fait, il y a des postes où c'est facile de réduire et de gagner de l'argent.
09:39L'électricité par exemple. Il y en a où ça coûte plus cher de réduire. Parce que vous devez remplacer. Donc bref, nous, on produit des plans de décarbonation.
09:49On le fait au format réglementaire attendu par nos clients SBTI ou maintenant avec la CSRD, vous avez une obligation de soumettre un plan de transition.
09:58Et notamment de le budgétiser. Et donc notre outil génère ce type de rapport. Et après, à charge de nos clients, d'utiliser les fonctionnalités pour voir que ça avance ou pas.
10:09Et en général, ça avance. C'est-à-dire que nos clients en moyenne réduisent 5 à 10% par an.
10:14D'abord, bravo pour cette création d'entreprise qui, je crois, n'est plus une jeune entreprise. Parce que je crois vraiment que pour accompagner la décarbonation, il faut des entreprises comme les vôtres.
10:28Parce que vous avez toujours un effet au début. Vous agissez de façon un peu artisanale. Puis après, vous arrivez à industrialiser des solutions qui vous permettent en tant qu'entreprise de conseil de prospérer.
10:38Mais surtout qui permettent d'accélérer la décarbonation. Donc je pense que c'est important. Moi, ce qui m'intéresse... J'ai une question plus qu'une observation à vous poser.
10:47On a pas mal dialogué sur les déterminants de cette décarbonation, ce que c'était les nouvelles technologies, les réunions. Et avec le recul que vous avez, si vous n'aviez peut-être pas à classer les déterminants,
10:57mais qu'est-ce que vous voyez toujours, quels que soient les secteurs ? Ou alors vous pouvez me dire, c'est spécifique au secteur. Mais je ne serais pas étonné qu'il y ait quand même quelques déterminants communs.
11:05Est-ce que c'est avant tout l'usage de nouvelles technologies ? Est-ce que c'est avant tout la restructuration en interne des ressources humaines ? Est-ce que c'est le changement des infrastructures ? Je ne sais pas quelles sont les déterminants.
11:17Qu'est-ce qui est le plus efficace auprès d'Entreprise ? Alors ça dépend énormément des secteurs. Vous parliez tout à l'heure de l'intelligence artificielle. Ça, c'est un secteur qui est intéressant parce que la tech, en général, c'est les émissions du numérique.
11:33Donc les entreprises de tech, 50% de leurs émissions, c'est leur usage d'outils digitaux, c'est leur datacenter. Donc ça, pour le coup, on est sur un domaine où c'est assez facile, entre guillemets, de décarboner.
11:46Donc nous, ce qu'on fait, c'est qu'on prend les relevés de consommation des datacenters, on transforme ça en kilowattheures, on rapproche le kilowattheure de là où il est consommé et donc du mix énergétique.
11:57Quand vous avez cette modélisation fine, vous pouvez expliquer à une entreprise comment réduire sa consommation en allant vers la machine la plus efficace et surtout comment réduire l'empreinte carbone de son électricité, non pas en mettant ses données en Irlande, mais en France, par exemple.
12:13Donc c'est l'électrification et une électricité plus verte. Ça, ça marche très bien quand il y a de l'électricité. Donc les datacenters, les machines industrielles, l'électricité tout court.
12:28Maintenant, quand c'est déjà électrifié, c'est facile, entre guillemets. Il suffit d'aller vers une source d'énergie plus verte. Quand c'est sur du fuel, ça coûte très cher de passer d'une machine avec un combustible à une machine électrique.
12:45C'est le cas des véhicules électriques. Donc les flottes d'entreprises, c'est très clair comment décarboner ça. C'est juste qu'il faut attendre le renouvellement, c'est long, etc. J'ai pris l'exemple de la tech, j'ai pris l'exemple des transports.
13:03Je pense que le gros sujet, en tout cas pour nous, chez Greenly, c'est l'industrie. Et l'industrie, en fait, c'est les achats de biens et services les plus compliqués. Et donc c'est l'engagement des fournisseurs.
13:17Je prends un exemple d'un acteur industriel qui est un fournisseur dans l'automobile, qui fait les câblages de cuivre, qui est un de nos clients américains. Eux, grosso modo, 30% de leurs émissions, c'est le cuivre.
13:32Et donc, fondamentalement, il faut qu'il trouve le fournisseur de cuivre le moins carboné, donc celui qui utilise le moins d'énergie fossile dans la production de cuivre. Et donc comment on fait ? On va interroger tous ces fournisseurs, on va faire une analyse de cycle de vie, donc quelle est la part de l'électricité, quelle est la part de l'extraction, etc.
13:52Et en fait, on trouve des différences de 1 à 5 sur l'intensité carbone de la tonne de cuivre. Et donc, ce qui est très efficace, c'est de faire ce switch, ce changement d'un fournisseur à l'autre. Mais évidemment, c'est limité par la disponibilité des ressources. Enfin, rien n'est simple, mais au moins, il faut savoir comment faire.
14:14Il nous reste trois petites minutes, si vous voulez réagir, Hélène et Baptiste.
14:17Non, c'est, je pense, indispensable. Après, ce qui est encourageant, c'est comme vous l'avez dit, au bout d'un moment, vous mutualisez vraiment tellement d'informations, de fournisseurs que ça va servir à un autre de vos clients.
14:29Et j'espère qu'au bout d'un moment, justement, on va passer le cap où l'ensemble des informations va être tellement riche qu'on va pouvoir vraiment prendre le temps d'aller plus loin dans ce que vous venez de décrire, par exemple.
14:40Donc, c'est encourageant, c'est enthousiasmant. On va dire c'est bien de finir aussi sur notre positive.
14:45Et vous avez raison de souligner ça, parce qu'un des principaux facteurs limitants, c'est la disponibilité de l'information. C'est-à-dire qu'aujourd'hui, il n'y a qu'à peu près 25% des émissions mondiales qui sont comptabilisées finement.
14:58Et donc, ça veut dire que quand vous voulez décarboner votre chaîne de valeur, en fait, vous n'avez pas d'info.
15:03Donc, une des actions, et notamment à la santé, c'est d'aller imposer aux fournisseurs de médicaments, aux fournisseurs de dispositifs médicaux, une analyse fine de l'impact carbone de ce qu'ils vous vendent.
15:16Et ça, l'État peut imposer ça dans ses procédures d'achat. Les hôpitaux peuvent le faire, les acteurs privés. Je crois que c'est d'ailleurs une des recommandations de votre rapport.
15:25Mathis, très rapidement, qu'est-ce que Grimi vous évoque ?
15:28Oui, parce que les actions que vous réalisez, j'ai l'impression que c'est une mise en œuvre assez opérationnelle.
15:31Les actions qu'on préconise, nous, au Chiffre Project, que ce soit impliquer les fournisseurs via, par exemple, les appels d'offres, que ce soit planifier sur le long terme, budgéter, mettre en œuvre des outils, mettre en place des outils pour faciliter.
15:44Donc, effectivement, ça va dans le bon sens. Donc, c'est effectivement encourageant.
15:48Merci beaucoup. Merci Alexis Normand, CEO et cofondateur de Grimi. Merci à Hélène Bachelard, docteur en pharmacie.
15:56Merci Frédéric Bizarre, économiste. Je rappelle que votre dernier ouvrage s'appelle « Les itinérants de la santé » et c'est aux éditions Michelon.
16:04Et merci également à Baptiste Verneuil, chargé de projet santé, énergie, climat, chez The Chiffre Project. Rendez-vous le mois prochain pour un nouvel épisode.

Recommandations