• 2 days ago
« Pour être capable de finir une telle aventure, il faut laisser un petit peu de place à son instinct primaire, animal, survivaliste. »
Mathieu Blanchard, athlète et aventurier, est un spécialiste de l’ultra-trail. Il est arrivé premier à la Yukon Arctic Ultra, une course de 600 km en totale autonomie avec des températures pouvant descendre à -50°C. Pour neo, il raconte cette aventure hors du commun et les défis qu’il a surmontés. 🏔💪

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00:00Mais moins 40, c'est vraiment extrême, en gros on n'a pas le temps.
00:02Si on s'arrête sur place pour bricoler ou pour résoudre un problème,
00:05en 10, 15, 20 secondes maximum, on va se geler sur place.
00:08Salut Néo, c'est Mathieu Blanchard, athlète et aventurier professionnel.
00:12Et aujourd'hui, je vais vous parler d'un bout de mon incroyable aventure à la Yukon Arctic Ultra.
00:17J'ai un parcours assez atypique.
00:19J'ai d'abord eu une vie assez conventionnelle de bureau.
00:22J'étais un ingénieur pendant une dizaine d'années au Canada
00:25avant de devenir un athlète professionnel.
00:27C'est arrivé sur le tard, une belle surprise de la vie.
00:29Je suis devenu traileur, coureur même d'ultra-trail.
00:31Je réalise aussi pas mal d'aventures autour de ces courses.
00:34Et c'est mon métier aujourd'hui, un métier de passion, un métier de rêve.
00:37Yukon Arctic Ultra, je ne sais pas si on peut parler de course ou d'aventure.
00:40En tout cas, l'émensuration, on parle d'une distance entre 600 et 700 kilomètres,
00:44dépendamment de l'année, en fonction des fonds, des rivières.
00:47Parfois, il y a quelques itinéraires bis, on va dire.
00:50Cette année, j'ai eu 11 000 mètres de dénivelé à la montre.
00:53On parle de température pouvant descendre jusqu'à moins 50 degrés.
00:56J'ai eu un minimum de moins 42 degrés.
00:58Voilà, et une autonomie totale aussi.
01:00C'est ça qui fait la particularité de cette course.
01:02Ça veut dire qu'on doit avoir tout le matériel sur nous pour pouvoir survivre,
01:04se nourrir, manger, être prêt à toute éventualité dans cette nature sauvage.
01:09Alors, pour faire cette course de plus de 600 bornes à moins 50,
01:12ça m'a pris 7 jours et 22 heures exactement,
01:15sachant qu'on avait une barrière horaire de maximum 12 jours pour réaliser la distance,
01:19ce qui fait qu'on devait faire au minimum 55 kilomètres par jour pour tenir le rythme.
01:23Moi, j'étais sur une moyenne plutôt de 80 kilomètres par jour,
01:25ce qui m'a permis de le faire en moins de 10 jours.
01:27Mais oui, je suis arrivé en première position,
01:29donc on peut dire que j'ai remporté cette Yukon Arctic Ultra.
01:32Il y a très peu de monde qui finisse cette course.
01:35Je pense qu'on est à peu près à moins de 5% de finisheurs.
01:39Moi, pour mon édition, la première nuit déjà,
01:41il y avait la moitié des participants qui ont sauté dû à des problèmes d'engelure,
01:45donc les doigts qui gèlent ou des petites fractures du mental.
01:49On a été trois seulement à finir sur plus de 40 au départ.
01:52Pour être capable de finir une telle aventure, une telle course,
01:56je pense qu'il faut laisser un petit peu de place à son instinct primaire,
01:59son instinct animal, son instinct survivaliste.
02:02Si on est trop cartésien à vouloir faire absolument ce qu'on a préparé,
02:07à utiliser le matériel comme on avait prévu de le faire,
02:09on va avoir des problèmes.
02:10Donc à un moment donné, il faut vraiment switcher,
02:12se mettre dans une adaptation au milieu naturel comme le fait un animal,
02:14par rapport au froid, par rapport aux petits bobos, par rapport aux réparations à faire
02:18et vraiment ressentir l'élément.
02:20On a même l'ouïe qui devient plus fine pour entendre les animaux.
02:23On a aussi l'odorat qui se développe et c'est vraiment ça.
02:25Quand on se retrouve dans un milieu naturel en survie où on n'a pas le choix,
02:29on se transforme un petit peu en animal sauvage
02:30et ça, on l'a tous un petit peu au fond de nous.
02:32Le plus gros risque concrètement, c'est le froid.
02:35Mais moins 40, c'est vraiment extrême.
02:36En gros, on n'a pas le temps.
02:37Si on s'arrête sur place pour bricoler ou pour résoudre un problème,
02:40en 10, 15, 20 secondes maximum, on va se geler sur place.
02:43Et ensuite, qu'est-ce qui peut se passer ?
02:44Alors ça va commencer par des engelures.
02:46Le bout des doigts et le bout des orteils qui vont commencer à geler
02:49avec des cristaux de glace sous la peau.
02:51Et puis le doigt va devenir tout noir et puis on va devoir l'amputer.
02:55Et si on va plus loin, c'est même le membre qui va complètement commencer à geler,
02:59la main au complet.
03:00Et le risque le pire, c'est l'hypothermie parce que l'hypothermie en fait peut tuer.
03:04On s'évanouit et puis on ne se réveille jamais.
03:06Le corps décide de s'arrêter parce qu'il n'est plus capable de se réchauffer.
03:09On est obligé de faire des concessions au niveau du matériel,
03:12d'aller le plus léger possible,
03:13voire même de prendre volontairement un petit peu moins de nourriture
03:16par rapport à ce qu'on a besoin.
03:17Donc tout ce matériel, moi je l'ai mis dans une petite luge derrière
03:19parce que ça représentait quand même une trentaine de kilos.
03:21Sur cette course, j'ai très peu dormi parce qu'en fait,
03:24le froid est tellement extrême que même avec un sac de couchage
03:27qui était prévu pour moins 40°C, le froid pénètre quand même.
03:30Et quand on est au sol à moins 40°C, le froid rentre.
03:32Et puis quand on tremble dans un sac de couchage, on ne dort jamais vraiment.
03:35Et en plus, comme on est dans un milieu extrêmement naturel
03:37où il y a plus d'animaux que d'humains et des animaux qui sont relativement costauds,
03:41on a toujours un petit peu cette inquiétude, cette appréhension
03:43d'avoir quelque chose qui va arriver.
03:45Moi au final, je m'arrêtais en gros à peu près entre 2 et 4 heures,
03:47par tranche de 24 heures pour me poser.
03:49Mais dans ces 2 à 4 heures, je ne dormais jamais vraiment.
03:52Donc on accumule, on accumule, on accumule du sommeil.
03:54Et ça, c'est vraiment pour moi ce qui m'a fait le plus souffrir.
03:57La privation de sommeil, c'est une torture immense pour l'être humain.
04:00Je me suis senti en danger plusieurs fois, notamment par rapport au froid.
04:03Lorsque je poussais, parfois on le dit, il ne faut pas du tout transpirer.
04:06J'ai un petit peu transpiré.
04:08Et là, quand on transpire, on mouille nos vêtements
04:10et la conduction thermique, on gèle sur place.
04:12Je me suis senti en danger aussi une nuit.
04:14J'ai eu une grosse problématique à mes poumons,
04:16dû au froid et à la sécheresse de l'air.
04:19Mes poumons, j'avais l'impression que c'était 2 ballons de baudruche,
04:23mais des ballons de baudruche plutôt crevés et flétris.
04:25Donc ça faisait vraiment flipper.
04:26Et après, j'ai eu aussi peur la nuit,
04:29lorsque je me mettais dans mon sac de couchage,
04:31que j'avais froid et que j'avais peur de m'endormir
04:33parce que j'avais peur de ne pas me réveiller.
04:34Donc c'est vraiment des peurs qui sont survivalistes,
04:37qui sont dures à supporter.
04:39Ce qui est beau là-dedans, c'est qu'on est obligé de les outrepasser
04:42pour pouvoir continuer à avancer.
04:44Et ce qui montre, encore une fois,
04:45cet instinct survivaliste, cette force qu'on a au fond de nous
04:48et qui nous permet de déplacer des montagnes
04:50au moment où on est le plus fatigué au final.
04:52Et c'est vraiment passionnant de ressentir cet instinct-là.

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