Un fonctionnaire du ministère de l'économie a été interpellé pour avoir transmis des informations sur des opposants algériens en France au consulat d'Algérie. Soupçonné d'intelligence avec une puissance étrangère, il pourrait avoir agi sous pression ou pour des contreparties.
Catégorie
📺
TVTranscription
00:007 minutes pour comprendre ce matin l'affaire d'espionnage qui éclabousse le ministère de l'économie et des finances.
00:06Générique
00:12Et avec nous pour en parler, Jérôme Poirot, consultant BFMTV, ancien adjoint à la coordination nationale du renseignement.
00:17Bonjour Jérôme. Et puis Alexandre Gonzalès du service police-justice de BFMTV.
00:21Alexandre, un fonctionnaire de Bercy a donc été interpellé, mis en examen pour intelligence avec une puissance étrangère.
00:28Qui est cet homme et que sait-on de ce qu'il a fait ?
00:30Alors ça remonte à décembre dernier, on ne l'apprend que maintenant.
00:34Cet homme est fonctionnaire du ministère de l'économie et en décembre dernier il a été mis en examen parce qu'il est soupçonné
00:42d'avoir livré des informations sur des opposants, notamment des opposants au régime algérien qui vivent en France.
00:50Et il obtenait ces informations, d'après les premiers éléments de l'enquête, de la part d'une personne qui travaillait au sein de l'office français de l'immigration.
01:03Une assistante sociale qui également est mise en examen.
01:06Vous voyez ce schéma qui explique justement ce que soupçonnent à ce stade les enquêteurs.
01:12Donc cet employé de Bercy, franco-algérien, il a la double nationalité,
01:16qui obtenait donc ces informations et qui les transmettait notamment au consulat algérien basé à Créteil.
01:24Pour l'instant ce ne sont que les premiers éléments, les investigations commencent à se développer.
01:31L'enquête a débuté par un signalement qui avait été fait par le renseignement intérieur.
01:36C'est comme ça qu'il a été démasqué ? Quelqu'un l'a balancé ?
01:40Ça c'est le secret de l'enquête.
01:42En tous les cas, le renseignement intérieur a été alerté qu'il y avait possiblement une compromission
01:47et qu'il y avait possiblement des informations secrètes transmises de façon illégale par ce fonctionnaire au sein de Bercy.
01:56Et donc c'est comme ça que l'enquête a débuté.
01:58Jérôme Poirot, à quoi pouvaient servir ces informations ?
02:01On sait a priori que ce fonctionnaire de Bercy livrait des informations concernant des opposants au régime algérien.
02:09À quoi servaient ensuite ces informations ?
02:11À savoir effectivement qui était opposant, quelles étaient les raisons qui étaient évoquées par ces demandeurs d'asile pour la plupart d'entre eux.
02:21Et donc ça permet au régime algérien, comme à beaucoup de dictatures qui font ça partout dans le monde,
02:26d'avoir à jour des dossiers sur qui est fidèle au régime, qui est un opposant.
02:31Ça permet aussi, le cas échéant, de prendre des mesures de rétorsion sur leur famille quand ils en ont encore dans leur pays d'origine
02:38ou d'exercer des pressions sur eux.
02:40Mais c'est un cas classique.
02:42La Chine, la Turquie et l'Algérie contrôlent leur diaspora ici en France et ailleurs en Europe
02:48avec des moyens de coercition plus ou moins importants.
02:52La Chine a d'ailleurs, dans beaucoup de pays du monde, des commissariats clandestins.
02:56Deux coercitions, ça veut dire qu'ils ne sont pas forcément volontaires ?
03:00C'est des gens sur qui on fait pression pour qu'ils exercent sur le compte des pays ?
03:03Il y a différents cas de figure.
03:05C'est le contrôle de la diaspora.
03:07C'est évidemment identifier les opposants et les surveiller.
03:10Mais dans beaucoup de cas aussi, de figure, c'est faire pression sur eux.
03:13Soit pour les transformer en source de renseignements pour que là où ils travaillent, ils fournissent du renseignement.
03:19Voire pour mener des opérations de déstabilisation.
03:22C'est typique de certaines dictatures qui font ça.
03:26La Syrie a fait ça très longtemps.
03:28Encore une fois, la Chine est sans doute, si j'ose dire, le modèle absolu dans ce domaine.
03:33Ça veut dire que ce matin, Jérôme Poirot, il n'y a pour vous absolument aucune ambiguïté.
03:36C'est le régime algérien qui est à la manœuvre ?
03:38Oui, avec les réserves habituelles, puisque une enquête est en cours.
03:42Mais il n'y a guère de doute, ça fait partie de ces méthodes.
03:46Il y a beaucoup d'Algériens en France.
03:49Le régime algérien, c'est une dictature assez rude.
03:52Mais c'est un pouvoir qui est fragile.
03:54Il faut rappeler qu'il y a eu des élections législatives qui ont été annulées en 1991 entre les deux tours.
03:59Parce que c'était les islamistes qui allaient au pouvoir.
04:02Et depuis, c'est toujours cette crainte-là qu'a le régime à Alger.
04:06S'agissant de ce fonctionnaire interpellé et donc mis en examen fonctionnaire du ministère de l'Economie et des Finances,
04:12est-ce qu'on a la moindre idée des contreparties qu'il a reçues en échange des informations qu'il a fournies ?
04:17Non. Les enquêteurs pourraient soupçonner un lien intime qu'il avait avec la personne qui le renseignait au sein de l'office.
04:25Est-ce qu'il y avait des pressions ?
04:27Peut-être, en tous les cas.
04:29Est-ce qu'il y avait des pressions sur lui qui étaient exercées par exemple par l'Algérie pour qu'il fournisse ces informations ?
04:35C'est quelque chose que semble évoquer son avocat qui a été contacté par l'AFP.
04:39On a essayé de le joindre ce matin, mais pour l'instant pas de retour.
04:42Mais à l'AFP, voilà ce qu'il déclare.
04:44Mon client a été victime d'une campagne de menaces et de manipulations d'une puissance étrangère ayant resserré l'étau autour de lui.
04:53Des menaces ?
04:54C'est ce que dit cet avocat qui a été contacté par l'AFP.
04:57Là aussi, on est dans des pratiques habituelles, Jérôme Poirot ?
05:00Oui, pour une affaire comme celle-là, il y a deux grands leviers.
05:02Effectivement, les menaces, ça semble être le cas.
05:04Mais effectivement, cet homme a sans doute à la fois de la famille en Algérie, peut-être des intérêts en Algérie,
05:10peut-être a-t-on fait des pressions physiques sur lui.
05:13L'autre levier habituel pour ce type d'affaires, c'est évidemment de payer les documents qui sont fournis.
05:19Tout à l'heure, quand Adeline évoquait l'idée que cet individu ait pu être balancé, vous aviez un petit sourire.
05:24Parce que c'est des affaires qui sont compliquées à mettre au jour.
05:27En fait, il y a deux cas de figure.
05:29Soit, effectivement, dans son entourage personnel, professionnel, pour une des deux personnes mises en cause,
05:35il y a eu des soupçons et il y a eu une alerte qui a été transmise au ministère de l'Intérieur.
05:40Soit, c'est une autre hypothèse, ce diplomate algérien en poste au consulat de Créteil
05:45faisait l'objet, ce qui est tout à fait naturel, d'une surveillance du contre-espionnage de la DGSI
05:50et à travers ces surveillances, un contact avec le fonctionnaire de Bercy a été décelé.
05:57C'est par l'officier de traitement qu'on est remonté jusqu'à lui.
05:59C'est une autre possibilité.
06:01On ne connaît pas la vérité, mais c'est les deux hypothèses les plus vraisemblables.
06:06Oui, il se trouve qu'hier, la directrice de la DGSI, Céline Berton, était sur l'antenne de nos confrères de France Info
06:13et elle a parlé de l'Algérie.
06:15Voici ce qu'elle a dit.
06:17La situation avec l'Algérie est complexe.
06:19Nos relations sur le plan sécuritaire sont réduites à leur plus simple expression
06:23et la coopération est difficile.
06:26Ça, c'était justement avant qu'on apprenne ces révélations,
06:30mais on sent en creux que ce dossier illustre cette coopération rendue très difficile.
06:36Ça ne va pas arranger le climat délétère entre Paris et Alger, Mathieu ?
06:39Oui, un climat qui est chargé.
06:41On le rappelle, depuis que Paris a décidé de soutenir la vision marocaine sur le Sahara occidental,
06:46les relations se sont considérablement dégradées.
06:48Il y a eu l'arrestation et la détention aussi ahurissantes qu'arbitraires
06:52de l'écrivain franco-algérien Boalem Sansal à l'automne dernier.
06:55Il y a eu toutes ces polémiques sur les OQTF prononcées par la France
06:59sur des ressortissants algériens que l'Algérie refuse de reprendre.
07:02Il y en a encore eu deux, le 7 mars et le 10 mars,
07:06alors que le gouvernement de son côté affiche une position de fermeté.
07:10Mais ça embrouille aussi en politique intérieure,
07:12puisque François Bayrou et Bruno Retailleau étaient favorables à la dénonciation
07:16de cet accord de 1968 dont on a souvent parlé.
07:19Le président de la République a dit que c'était lui qui déciderait
07:22et il n'était pas partisan.
07:23Mais donc on voit bien qu'entre les deux, évidemment que ça continue de se parler,
07:26il y a quand même des retours.
07:28Il y en a plus que quand on avait fait la politique de suppression des visas,
07:31mais la situation est extrêmement tendue.
07:33Par ailleurs, Jérôme et Alexandra le disaient,
07:35il s'agit d'un franco-algérien, un binational,
07:38qui travaillait donc au ministère de l'Économie et des Finances.
07:40Est-ce que ça va poser la question de la double nationalité
07:44quand on travaille dans des ministères ?
07:48Ça faisait partie du programme du Rassemblement national un temps ?
07:52Ça fait longtemps partie du programme du Rassemblement national.
07:54Est-ce que vous pensez qu'il y a un très grand nombre,
07:56une immense majorité de binationaux qui travaillent
07:58dans des conditions tout à fait paisibles et respectables ?
08:01Oui, il n'y a pas d'incompatibilité sauf pour des postes
08:04qui relèvent de la sécurité nationale,
08:06qui nécessitent des habilitations au secret de différents niveaux.
08:10Là, manifestement, il occupe un poste informatique,
08:13mais peut-être est-ce qu'il va y avoir une vigilance particulière
08:17qui va être instaurée autour d'un certain nombre de binationaux
08:22relevant d'autres pays, bien entendu.
08:25Russie, Chine, par exemple.
08:27Oui, bien entendu.
08:29Merci à tous les trois d'avoir été avec nous.