• il y a 16 heures
🇹🇳 "On m'a fait honte de mes origines." Française, tunisienne, algérienne, africaine... Quand Gisèle Halimi était questionnée sur ses origines à la télévision française. C'était en 1974.

Catégorie

🗞
News
Transcription
00:00Vous êtes née en Tunisie et d'une famille plutôt modeste.
00:04Plutôt modeste, oui.
00:05Et tunisienne ?
00:06D'origine, madame, est-ce que...
00:09Ah non, d'origine française, italienne...
00:12Tunisienne ?
00:12Tunisienne.
00:13Est-ce que je puis vous demander en quoi cette question a de l'importance ?
00:16Est-ce que si j'étais vraiment tunisienne, je n'aurais pas le droit de vous parler des femmes aujourd'hui ?
00:20Ah, ça n'est pas ça du tout !
00:21Je suis une Tunisienne, mon père s'est fait...
00:23Mais en fait, c'est une précision que je voulais avoir.
00:25Oui, eh bien, je la donne très volontiers.
00:27Mon père s'est fait naturaliser français avec ma mère.
00:31Mon père était un grand admirateur de la France.
00:35Et il s'est fait naturaliser quand je vais, je crois, 5 ans, 4-5 ans.
00:40Et dans ce cas-là, le décret de naturalisation englobe l'épouse et les enfants mineurs.
00:46Donc, mon frère est né moi-même.
00:48Madame Morin.
00:49C'est-à-dire que je suis devenue française.
00:50Auriez-vous préféré rester tunisienne au cas où vous ayez eu le libre choix ?
00:56Probablement.
00:58Probablement parce que j'ai été très intégrée à la lutte de ce pays,
01:03encore qu'elle était relativement courte.
01:05C'est plutôt dans la bataille d'Algérie que j'ai pris la plus grande part.
01:08Aujourd'hui, si vous me posez la question, je me demande si finalement,
01:12je ne suis pas plus algérienne que tunisienne,
01:14compte tenu que j'ai donné presque 8 ans de ma vie à la cause de l'indépendance algérienne.
01:20Là, je n'ai pas eu le choix.
01:22Cela dit, il faut quand même dire que je suis profondément de culture française.
01:27Mais de culture.
01:28Absolument.
01:29Je veux dire, je n'ai pas appris.
01:30Je parle l'arabe, mais je l'ai appris dans les rues.
01:32Mais de cœur, vous êtes plutôt africaine.
01:38De cœur, je suis aussi française maintenant.
01:40La culture française, si vous voulez,
01:42j'ai eu un petit compte, si j'ose dire, à régler avec elle
01:46parce que j'avais une telle admiration pour la France et tout ce qu'on y apprend.
01:51Toute la France, pour moi, c'était ce que j'apprenais à l'école,
01:53à l'école colonisée.
01:54Par conséquent, ça ne pouvait être que le Noël blanc et puis le Noël neigeux
01:59que je n'avais jamais vu de neige de ma vie.
02:01Et puis, c'était la patrie des droits de l'homme, l'égalité, la justice.
02:05Et puis, je me suis trouvée brusquement parce que j'étais encore très jeune quand même.
02:09J'étais dans les facultés de droit en particulier où on m'a fait honte de mes origines.
02:15J'ai appris que le racisme existait, alors que je pensais que ça pouvait exister en Tunisie même
02:19parce que là, il y a les mauvais Français, les colons.
02:22Alors, on arrive en France, les Français aussi l'ont été.
02:25Et puis après, il y a eu cette abominable chose pour moi que je combattrai toute ma vie
02:31tant que j'aurai des forces.
02:32En tout cas, c'était la torture et la torture au nom du peuple français.
02:36– La torture et dans les deux camps, la torture.
02:38– Je parle du camp dans lequel j'ai été à peine à me battre, madame.
02:41J'étais la voca du local algérien.
02:42– Parce qu'elle existait dans les deux camps, la torture.
02:44– Dans les deux camps, la torture.
02:46– En l'espèce, la torture était érigée en système.
02:48Mais je m'étonne d'ailleurs que vous puissiez protester parce que personne,
02:51y compris le général Massu qui a écrit un certain nombre de livres là-dessus,
02:54il sait de quoi il parle.
02:55Massu l'a dit.
02:57Alors là, personne ne le conteste.
02:59J'en reviens à moi en plaidant ces affaires.
03:02Je suis venue dire au tribunal, mais alors, on m'a appris des choses à l'école française
03:07qui étaient fausses, qui a menti.
03:10Est-ce vous ? Est-ce que la France, c'est la torture ?
03:12Est-ce que la France, c'est ce que j'ai appris à l'école ?
03:15Alors, il faut m'expliquer.
03:16– Vous étiez vraiment très avide d'absolu.
03:19– Je ne sais pas si c'est être avide d'absolu que de combattre inconditionnellement la torture,
03:23madame, où qu'elle se trouve.
03:25Moi, mon poste, c'était le tribunal militaire en Algérie.
03:29Je m'y suis battue au détriment de ma liberté.

Recommandations