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  • 14/03/2025
Grand invité : Bruno Tertrais, directeur adjoint de la Fondation pour la recherche stratégique, expert associé à l'Institut Montaigne et auteur de « La question israélienne » (L'Observatoire) et « La guerre des mondes » (Alpha)

GRAND DÉBAT / Donald Trump/Union européenne : à la guerre comme à la guerre !

« Le récap » par Bruno Donnet

Lors de sa campagne électorale, Donald Trump avait annoncé une hausse drastique des tarifs douaniers, en dénonçant la balance commerciale américaine déficitaire en faveur des pays européens. Depuis le 12 mars 2025, les importations d'acier et d'aluminium de l'Union européenne sont taxées à 25% aux frontières américaines. En réplique, l'Union européenne vient de dévoiler une liste de plusieurs produits américains - du Bourbon aux motos Harley-Davidson en passant par les jeans Levi's - qui seront taxés dès début avril. Donald Trump renchérit en menaçant de taxer à 200% les alcools européens. Alors que les États-Unis sont les premiers partenaires de l'Union européenne, jusqu'où cette nouvelle guerre commerciale pourra-t-elle aller ?

Invités :
- Christian Saint-Étienne, économiste, universitaire, membre du Cercle des économistes,
- Aurore Lalucq, eurodéputée « Place Publique »,
- Marie-Pierre Vedrenne, eurodéputée « Renew »,
- En Skype : Jérôme Bauer, Président de la confédération des vignerons d'AOC.

GRAND ENTRETIEN / Europe de la défense, guerre en Ukraine et Israël : le regard de Bruno Tertrais

Spécialiste des relations transatlantiques et des questions de sécurité au Moyen-Orient, Bruno Tertrais revient, dans son livre « La question israélienne », sur la complexité des réalités de la région. Ancien membre de l'assemblée parlementaire de l'OTAN, Bruno Tertrais analyse la relation entre Vladimir Poutine et Donald Trump à la lumière du cessez-le-feu en Ukraine. Quelles seraient les conséquences si Vladimir Poutine refusait l'accord de trêve avec l'Ukraine ?

Grand invité : Bruno Tertrais, directeur adjoint de la Fondation pour la recherche stratégique, expert associé à l'Institut Montaigne et auteur de « La question israélienne » (L'Observatoire) et « La guerre des mondes » (Alpha)

LA SÉANCE DE RATTRAPAGE / Ukraine : l'impossible union nationale ?

Invités :
- Jean-Baptiste Daoulas, journaliste politique à « Libération »,
- Marco Paumier, journaliste LCP,
- Hadrien Brachet, journaliste politique au magazine « Le Point ».

Ça vous regarde, votre rendez-vous quotidien qui prend le pouls de la société : un débat, animé par Myriam Encaoua, en prise directe avec l'actualité politique, parlementaire, sociale ou économique.
Un carrefour d'opinions où ministres, députés, élus locaux, experts et personnalités de la société civile font entendre leur voix.

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Transcription
00:00:00Bonsoir et bienvenue dans Savourgarde, notre grand témoin à mes côtés ce soir c'est Bruno Tertrais, bonsoir et merci d'être parmi nous ce soir, directeur adjoint de la Fondation pour la Recherche Stratégique.
00:00:18On a besoin plus que jamais de vos lumières pour décrypter le nouveau désordre mondial, le oui mais non de Poutine au cessez le feu de Donald Trump en Ukraine,
00:00:26le réarmement de l'Europe, la dissuasion nucléaire, c'est votre domaine d'expertise et notamment l'extension du parapluie atomique.
00:00:35Vous venez de publier deux livres importants, la guerre des mondes dans une édition augmentée et c'est chez Alpha et la question israélienne aux éditions de l'Observatoire dont on dira un mot aussi tout à l'heure.
00:00:46Mais d'abord la guerre commerciale de Donald Trump, l'escalade dans les droits de douane se resserre sur la France, le président américain menace de taxer le champagne et autre alcool à 200%,
00:01:02effroi dans la filière viticole, jusqu'où doivent aller les mesures de rétorsion et qui a le plus à perdre ? C'est notre grand débat dans un instant sur ce plateau.
00:01:11Enfin ce sera la séance de rattrapage comme tous les vendredis, va-t-en-guerre contre cinquième colonne, l'impossible unité nationale à l'Assemblée sur la menace russe,
00:01:21ce sera notre décryptage à la fin de cette émission avec notre bande de chroniqueurs. Voilà pour le sommaire, on y va Bruno Tartret, ça vous regarde, ça commence tout de suite.
00:01:29Générique
00:01:41Les producteurs de vins et champagne français ont dû passer une bien mauvaise nuit. Donald Trump l'a annoncé hier, le président américain menace de les taxer à 200%,
00:01:51comme tous les alcools en Europe, ce qui revient à tripler le prix d'une bouteille. Aux Etats-Unis, c'est un coup de massue pour la filière et la réponse américaine aux rétorsions européennes,
00:02:01notamment sur le whisky, on va y revenir, jusqu'où ira l'escalade ? Les Européens peuvent-ils rester unis dans cette bataille commerciale ?
00:02:09C'est l'une des questions de notre grand débat ce soir avec Marie-Pierre Védrenne, bonsoir.
00:02:13Bonsoir.
00:02:14Merci d'être là, vous êtes eurodéputée Renew, c'est le groupe macroniste au Parlement européen de Bruxelles, bonsoir Aurore Laluc.
00:02:21Bonsoir.
00:02:22Bienvenue, eurodéputée Place Publique, c'est le parti de Raphaël Glucksmann, vous présidez la Commission des affaires économiques au Parlement de Bruxelles, bonsoir Christian Saint-Etienne.
00:02:30Bonsoir.
00:02:31Bienvenue à vous, économiste et membre du Cercle des économistes, et puis à distance avec nous ce soir, Jérôme Bauer, bonsoir.
00:02:37Vous présidez la Confédération des vignerons d'AOC, Bruno Tertrais, la guerre commerciale, elle est aussi géopolitique.
00:02:44Vous intervenez quand vous le souhaitez, un débat qui s'ouvre, comme chaque soir, par le Bruno, par le Bruno, par le billet de Bruno Donnet.
00:03:02Vous m'obsédez, cher Bruno Donnet, bonsoir.
00:03:04Bruno Donnet, vous salue, Myriam, bonsoir à tous.
00:03:06Alors, dans votre récap, ce soir, des chiffres et des lettres.
00:03:09Oui, six lettres pour commencer, qui forment en anglais un mot.
00:03:12Tariffs, que Donald Trump adore, il l'a d'ailleurs confié alors qu'il n'était encore que candidat à la Maison Blanche.
00:03:20Vous savez, j'ai imposé beaucoup de droits de douane. Pour moi, le plus beau mot du dictionnaire, c'est droits de douane.
00:03:27Depuis son élection, le président américain souhaite donc taxer les produits européens.
00:03:33Et avant-hier, il a annoncé que l'acier et l'aluminium seraient frappés de droits de douane de 25%.
00:03:40C'est beaucoup, et ça n'a pas plu du tout à la présidente de la Commission européenne, qui a donc choisi de répliquer.
00:03:47Puisque les Etats-Unis appliquent des droits de douane d'une valeur de 28 milliards de dollars, nous répondrons par des contre-mesures d'une valeur de 26 milliards d'euros.
00:03:59Mesures, contre-mesures. Donald Trump voulant absolument avoir le dernier mot, il a annoncé hier que les vins et les champagnes européens seraient désormais taxés à 200%.
00:04:13Je ne suis pas satisfait de l'Union européenne. Je tiens à vous le dire. Et nous allons gagner. Nous allons gagner cette bataille financière.
00:04:21La bataille ferrage, mais François Bayrou l'a dit, pas question pour l'Europe de perdre cette très importante partie de bras de fer.
00:04:30Je ne doute pas que nous puissions, nous aussi, montrer notre volonté et notre résistance. Mais on ne peut pas se laisser terrasser par des menaces de cet ordre.
00:04:46Allons bon, l'intimidation économique, Myriam, est donc à son comble.
00:04:50Alors, qui a le plus à perdre dans ce bras de fer et que disent les chiffres ?
00:04:54Eh bien, si l'on en croit Donald Trump, d'abord, les Etats-Unis auraient importé l'année dernière pour 605 milliards de dollars de biens en provenance de l'Union européenne,
00:05:04tandis que l'Europe n'aurait acheté pour sa part que 370 milliards de dollars de biens fabriqués aux Etats-Unis.
00:05:11Cela ferait donc un déficit commercial pour les Etats-Unis de 235 milliards. Mais Donald Trump préfère, devant la presse, gonfler très allègrement ce chiffre.
00:05:24Nous avons un déficit de 350 milliards de dollars avec l'Union européenne. Ils nous traitent très très mal, donc ils sont bons pour des droits de douane.
00:05:33Le problème, c'est que d'après les chiffres fournis cette fois par Eurostat, ça c'est le service de la statistique de la Commission européenne,
00:05:41eh bien le déficit sur les biens ne serait que de 157 milliards d'euros, bien loin donc des 235 milliards de dollars.
00:05:51Et, tenez-vous bien, pour ce qui concerne non plus les biens mais les services cette fois-là, c'est l'Europe qui serait déficitaire de plus de 109 milliards d'euros.
00:06:00Mais tout ça n'empêche pas Donald Trump de jouer les caliméros car, selon lui, l'Europe n'achète rien de rien aux Etats-Unis.
00:06:08Ils nous traitent très très mal. Ils n'achètent pas nos voitures du tout. Ils ne prennent pas nos produits agricoles. En gros, ils ne prennent pas grand-chose.
00:06:18Voilà, toute la question est donc de savoir maintenant, Myriam, si Donald Trump est sérieux ou si, comme il l'a si souvent fait, il se contente de se payer de monde.
00:06:26Merci beaucoup, Bruno Donnet. On va commencer par les vignerons. Premier concerné, Jérôme Bauer, vous qui défendez les vignerons d'AOC.
00:06:34J'imagine que ces menaces sont une déflagration pour vous. D'abord, comment vous accueillez tout ça ? Est-ce que vous arrivez à y croire ?
00:06:43Évidemment, on arrive à y croire et on a des craintes énormes par rapport à ces annonces puisqu'on a vu le coup venir.
00:06:52Lorsqu'on a appris que le bourbon et le whisky américain allaient faire l'objet d'une surtaxe, on a mis vraiment les vins et les spiritueux européens dans le cœur de cible de la réplique.
00:07:06Et systématiquement, dans les conflits commerciaux qui nous opposent avec les États-Unis, c'est le vin, c'est le champagne et c'est le cognac qui trinquent.
00:07:15Pour bien comprendre, ça reviendrait à quoi ? À fermer tout simplement champagne et vin français au marché américain ? De multiplier par trois les prix des bouteilles ?
00:07:27Oui, ce serait une chute des exportations qui serait vertigineuse à notre sens. On a déjà connu ça sous la première mandature de Donald Trump qui avait augmenté les droits d'entrée de 25%.
00:07:38Et à ce moment-là, la filière française a perdu 500 millions d'euros en quelques mois. Donc là, passé à 200%, autant dire que c'est coupé totalement l'export vers les États-Unis.
00:07:51Avec des répercussions sur l'emploi ? On le chiffre déjà, si ça s'était mis en œuvre ?
00:07:57Alors forcément, je ne pourrais pas vous donner de chiffres précis, mais en tout cas vous dire qu'aujourd'hui, enfin 2024, on a exporté pour 3,8 milliards d'euros de vins, champagne et cognac aux États-Unis.
00:08:11Ça c'est le premier point. Le deuxième point, c'est que la filière française viticole se porte déjà très mal aujourd'hui pour différentes raisons.
00:08:20D'une part structurelle avec une consommation en baisse, mais aussi conjoncturelle avec des problèmes géopolitiques dans certains pays.
00:08:26Donc là, les États-Unis sont aujourd'hui notre plus gros client en termes de valeur sur nos produits.
00:08:34Qu'est-ce que vous attendez très concrètement de la Commission européenne ?
00:08:40Est-ce que vous lui demandez de revenir sur les taxes en rétorsion sur le bourbon américain, sur le whisky et de taxer d'autres produits américains ?
00:08:48Peut-être les technologies, les réseaux sociaux, les plateformes ?
00:08:52Alors moi, je ne conseille rien, mais au bout d'un moment, je suis contre l'escalade.
00:08:57Il ne faut pas courber l'échine à mon avis, mais pour autant, il ne faut pas tourner le bâton pour se faire battre.
00:09:03Donc je pense qu'il faut ouvrir un dialogue parce qu'aujourd'hui, on est perdant-perdant sur ces conflits commerciaux.
00:09:10Je pense que les États-Unis n'ont rien à gagner à se faire taxer en Europe comme nous n'avons rien à gagner à taxer les produits.
00:09:17Alors on va essayer de comprendre ce qui pourrait se passer jusqu'où pourrait aller l'escalade.
00:09:23Et est-ce qu'au fond, il faut être dans la loi du talion pour pouvoir se faire entendre œil pour œil, dents pour dents vis-à-vis de Donald Trump ?
00:09:31Marie-Pier Védrenne, d'abord, très clairement, la France est ciblée là.
00:09:34C'est la faute à quoi ? C'est la faute aux taxes, comme le disait Jérôme Bauer, sur le bourbon, sur le whisky.
00:09:40On entend certains vignerons nous dire que c'est une erreur tactique parce que les États qui produisent aux États-Unis cet alcool,
00:09:47ils sont contre Donald Trump. Soit ils sont démocrates, soit ce sont des républicains qui s'y opposent.
00:09:52Mauvaise idée. Est-ce que vous dites, comme François Bayrou aujourd'hui, la guerre commerciale, il a des mots très forts,
00:09:58c'est un immense danger pour l'économie et tout le continent, risque d'inflation et d'affaiblissement de l'économie européenne.
00:10:04La menace est à ce point-là ?
00:10:06Oui, la menace est forte. Je pense qu'on le savait, c'était prévisible, en tout cas.
00:10:11On a vécu Trump 1. On avait déjà des taxes, comme vous l'avez rappelé.
00:10:16Il fallait s'attendre à ce que Trump 2 soit encore plus violent, en quelque sorte, dans ses annonces, mais surtout dans la réalité de ces menaces.
00:10:24Ça a été le cas. Moi, j'ai encouragé la Commission européenne à répondre, ce qu'il va falloir...
00:10:29Ça veut dire oeil pour oeil, d'un pour l'autre ? 200% ? 200% ? C'est ça, l'idée, à chaque fois ?
00:10:33C'est pas ça, l'idée. L'idée, c'est de créer aussi du rapport de force.
00:10:36Mais ce qu'il faut bien voir aussi, c'est que Donald Trump, il cible un peu tout le monde.
00:10:40Mais qu'est-ce que ces droits de douane démontrent, en fait ?
00:10:43Qu'il applique un peu de manière suivant ses humeurs, sans trop savoir justement qui il cible.
00:10:48Finalement, c'est pas toujours non plus que l'Union européenne qui cible.
00:10:51Les droits de douane, c'est soi-disant un rapport de force vis-à-vis de l'Union européenne.
00:10:55C'est pas du tout le cas. C'est en fait un vrai rapport de faiblesse vis-à-vis de sa vraie cible, qui est en fait la Chine.
00:11:01Donc ça, je pense qu'il faut toujours l'avoir en tête.
00:11:04Et il faut toujours avoir en tête la nécessité d'une réponse unie au sein de l'Union européenne.
00:11:09Vous avez raison de le dire, parce que la France est ciblée, effectivement,
00:11:13comme l'Allemagne pourrait être ciblée sur d'autres secteurs, spécifiquement le secteur automobile.
00:11:17L'Italie pourrait être signée aussi sur les secteurs industriels.
00:11:20Il faut répondre en étant déterminé, en restant calme et en étant véritablement européen.
00:11:26Alors, Aurore Laluc, ça tombe très bien. Je vais vous faire entendre deux sons de cloche.
00:11:30Éric Lombard, notre ministre français de l'Économie et des Finances, il a l'air de dire tout de suite
00:11:35« Moi, Français, je vais partir à Washington négocier pour mon champagne ».
00:11:39En revanche, votre consoeur Nathalie Loiseau du groupe Macroniste dit « Attention, attention ». Écoutez.
00:11:48Nous aurons également à l'écoute des conséquences économiques de cette situation.
00:11:51Surtout, on a envie qu'elle dure le moins longtemps possible.
00:11:54D'ailleurs, je retournerai aux États-Unis voir mes homologues dans les jours qui viennent.
00:11:59Calmons-nous. C'est une menace. C'est fait pour faire exactement ce qui est en train de se passer.
00:12:04C'est-à-dire un ministre français qui dit « Je vais y aller ».
00:12:07Donald Trump, il faut arrêter de penser que c'est un imbécile.
00:12:09S'il parle de champagne, il sait que ça impacte un pays.
00:12:13Et il espère que ce pays vince des solidarités des autres.
00:12:17C'est tout le contraire. Il faut rester unis à 27.
00:12:21Alors, comment on fait pour rester unis à 27 ?
00:12:24Nos décisions sont beaucoup plus lentes que le décret qui augmente les droits de douane à 200% de Donald Trump.
00:12:30Alors, déjà, je trouve que pour une fois, l'Union européenne a été vite.
00:12:33Sincèrement, en tant que présidente de commission, je l'ai vu.
00:12:36Il y a eu un avant et un après le discours de Vince à Munich.
00:12:39J'ai vu tous les ministres changer à partir de ce moment-là.
00:12:42Donc, à l'échelle de l'Union européenne, ça va plutôt vite.
00:12:45Ensuite, ce qu'il faut avoir en tête, c'est que vous avez fait justement un reportage,
00:12:49une explication sur la balance des paiements américaine.
00:12:52C'est une obsession de certains conseillers de Donald Trump
00:12:56qui, plutôt que de régler en interne leur problème de balance des paiements,
00:13:01veut nous la faire payer.
00:13:02Parce qu'il faut savoir qu'une grande partie de l'épargne européenne
00:13:06va aux Etats-Unis, en fait, et on les alimente, finalement.
00:13:09Et ça, ça réclame un rééquilibrage chez eux, notamment en termes d'inégalité,
00:13:13auquel ils ne veulent pas toucher.
00:13:15Comment vous les faites changer d'avis ?
00:13:17Est-ce qu'il faut céder à son chantage, par exemple, sur le Bourbon ?
00:13:20Ou est-ce qu'il faut continuer l'escalade ?
00:13:23En fait, il faut être très calme.
00:13:25Le point faible de Trump, c'est l'économie.
00:13:27Les marchés sont en train de dévisser.
00:13:29Vous l'avez vu à Wall Street.
00:13:31Tout le monde se réfugie vers l'or aujourd'hui.
00:13:33Pourquoi ? Parce qu'à chaque fois que vous ouvrez le journal le matin,
00:13:36il y a une nouvelle annonce, une heure après, une autre.
00:13:39En économie, on aime quand même la stabilité.
00:13:42Pour moi, son point faible, c'est l'économie.
00:13:44Mais qu'est-ce que ça veut dire ? Il faut répliquer et comment ?
00:13:46Bien sûr, il faut répliquer.
00:13:48Nous, déjà, on doit rester calmes, mais extrêmement faibles,
00:13:51extrêmement fermes, et oui, il faut répliquer de manière stratégique.
00:13:55Quand ils nous ciblent...
00:13:57Parce que là, c'est les Français qui sont très ciblés.
00:13:59Il n'y a pas de champagne allemand.
00:14:01Qu'est-ce qu'on fait pour rester unis ?
00:14:03Les Etats républicains.
00:14:05C'est ça, en fait, qu'il faut faire.
00:14:07Si vous voulez, mettre des droits de douane
00:14:09là où il y a des Etats républicains.
00:14:11Donc le Ken Cuky, par exemple, sur le whisky, c'est pas malin,
00:14:13parce que c'est un opposant, c'est ce que disent certains vignerons.
00:14:15Non, il y a pas mal d'Etats républicains
00:14:17sur le Bourbon.
00:14:19Ensuite, le deuxième point,
00:14:21il ne comprend que le rapport de force.
00:14:23Il ne comprend que ça.
00:14:25Vous pouvez pas aller en négociation en disant...
00:14:27Donc il faut aligner les mêmes tarifs à chaque fois qu'il les augmente ?
00:14:29Non, il faut être stratégique, il faut cibler ce qui fait du mal.
00:14:31Et ce qui fait du mal, moi, je vais vous dire,
00:14:33c'est les big tech.
00:14:35Les big tech américaines, les GAFAM américaines
00:14:37ne vivent pas sans le marché européen.
00:14:39Il faut vraiment l'avoir en tête.
00:14:41Ce sont des mastodontes...
00:14:43Pourquoi ils ne sont pas ciblés déjà ?
00:14:45Eh bien, je pense que ça va arriver à un moment.
00:14:47Mais dites-le d'ores et déjà pour comprendre votre explication.
00:14:49Je pense que dans une stratégie de négociation
00:14:51qui a été choisie par l'Union européenne,
00:14:53l'idée, c'est de faire les choses progressivement.
00:14:55Crescendo.
00:14:57Mais je pense que la prochaine étape,
00:14:59ce sera d'autres droits de douane
00:15:01et la suivante, ce sera la taxation
00:15:03des géants du numérique américain
00:15:05qui, sincèrement, ne savent pas vivre sans le marché européen.
00:15:07Il faut qu'on prenne conscience du fait
00:15:09qu'on est un marché extrêmement fort,
00:15:11des consommateurs
00:15:13relativement homogènes, contrairement à ce qu'on peut penser,
00:15:15et que sans nous, les Etats-Unis
00:15:17vivent très mal, en fait.
00:15:19Pour ceux qui nous regardent,
00:15:21il faut bien comprendre que, malgré tout,
00:15:23cette guerre commerciale, elle ne se joue pas à armes égales.
00:15:25C'est-à-dire que Donald Trump, si j'ai bien compris,
00:15:27il peut cibler
00:15:29des tarifs par pays.
00:15:31Il peut épargner
00:15:33son allié hongrois Orban
00:15:35ou son ami Giorgia Meloni d'Italie.
00:15:37Ce n'est pas possible, nous,
00:15:39puisque nous, on a une réponse à 27
00:15:41au niveau des tarifs commerciaux
00:15:43pour tout ce qui rentre dans notre marché.
00:15:45Et donc, il y a un déséquilibre.
00:15:47Il ne faut pas l'exagérer, parce que...
00:15:49Quand il cible
00:15:51les vins, ça cible
00:15:53les vins italiens également.
00:15:55Ceci étant,
00:15:57il y a quand même une interrogation.
00:15:59Au cours du premier
00:16:01mandat, on avait déjà commencé
00:16:03par cibler les vins espiritueux.
00:16:05Et la Commission, notamment.
00:16:07Et la France était partie,
00:16:09avec Macron, Washington...
00:16:11Peut-être désagréable avec nos amis,
00:16:13mais la France s'est terriblement affaiblie
00:16:15en Europe depuis 20 ans,
00:16:17et à la Commission européenne,
00:16:19c'est l'Allemagne qui tire les ficelles,
00:16:21en grande partie. Donc, si on ne commence pas
00:16:23par les GAFAM, si on balance
00:16:25la France en première ligne,
00:16:27il y a probablement des choses
00:16:29qui se font en deuxième ligne.
00:16:31C'est-à-dire ?
00:16:33Effectivement, mettre
00:16:35en avant la France, en plus
00:16:37avec des produits emblématiques...
00:16:39Là, c'est Trump inquis.
00:16:41Parfaitement compréhensible par l'électeur
00:16:43moyen américain.
00:16:45Ça a beaucoup d'impact,
00:16:47mais c'est pas là
00:16:49que se joue le sujet,
00:16:51les grands éléments d'exportation
00:16:53européenne vers les Etats-Unis,
00:16:55c'est les voitures allemandes,
00:16:57et les grandes exportations américaines
00:16:59vers l'Europe...
00:17:01Le plus dur de la guerre commerciale est à venir.
00:17:03Je veux rappeler un point.
00:17:05C'est quand même qu'on a face à nous
00:17:07quelqu'un qui est censé être
00:17:09le garant de l'ordre mondial
00:17:11et qui ment de manière totale.
00:17:13C'est-à-dire qu'il confond...
00:17:15On l'a encore vu sur les chiffres
00:17:17du déficit commercial.
00:17:19Pour avoir des discussions rationnelles,
00:17:21quand il confond 500 milliards
00:17:23d'échanges avec 50 milliards
00:17:25de déficit effectif si on prend
00:17:27ensemble les biens et les services,
00:17:29on est dans un rapport de 1 à 10.
00:17:31S'il fait la même chose sur les armements
00:17:33nucléaires et sur les négociations
00:17:35avec d'autres pays, c'est assez terrifiant.
00:17:37Déjà, on a un problème.
00:17:39Le deuxième, c'est ce que j'évoquais.
00:17:41Les Etats-Unis ont construit l'ordre mondial
00:17:43il y a 80 ans, progressivement,
00:17:45dans le commerce, la politique
00:17:47et la géostratégie.
00:17:49Et Trump est le grand perturbateur
00:17:51aujourd'hui.
00:17:53Ça fait une série de problèmes,
00:17:55mais une des chances que nous avons,
00:17:57c'est que tous les Américains
00:17:59ne sont pas aveugles,
00:18:01notamment les marchés financiers
00:18:03commencent à se dire qu'il y a un vrai problème.
00:18:05Trump a été fortement soutenu
00:18:07par les GAFAM. Si on commence à cogner
00:18:09sur les GAFAM qui s'inquiètent,
00:18:11là, ils vont en dévouer.
00:18:13Un dernier point que je voulais évoquer,
00:18:15j'ai vécu six ans aux Etats-Unis,
00:18:17même si c'est secondaire,
00:18:19les centres de pouvoir
00:18:21ne sont pas du tout les mêmes aux Etats-Unis
00:18:23qu'en France. D'une façon ou d'une autre,
00:18:25en France, tout dérive de l'Etat
00:18:27directement ou indirectement.
00:18:29Aux Etats-Unis, il y a trois grands centres de pouvoir.
00:18:31Il y a le politique, le business
00:18:33et il y a ce qu'on peut appeler
00:18:35le complexe industriel
00:18:37et stratégique,
00:18:39qui est à la fois le Pentagone
00:18:41et les commissions spécialisées du Parlement.
00:18:43Et donc, là,
00:18:45dans ces autres centres de pouvoir,
00:18:47le Pentagone n'a pas du tout envie
00:18:49de perdre ses appuis en Europe.
00:18:51Le département d'Etat n'a pas
00:18:53du tout envie de perdre les 27 voix
00:18:55européennes dans les débats à l'ONU.
00:18:57Il y a des leviers de pression.
00:18:59Il est vraisemblable
00:19:01qu'on est dans le pire moment.
00:19:03Il faut quand même se dire aussi
00:19:05que les prochaines élections sont très proches.
00:19:07C'est novembre 2026,
00:19:09on sera en campagne déjà dans un an.
00:19:11Il est quand même un tout petit peu
00:19:13tenu par des contre-pouvoirs, Donald Trump,
00:19:15dans cette guerre commerciale ?
00:19:17Je ne suis pas totalement en désaccord
00:19:19avec ce qu'il m'a dit, mais juste un point.
00:19:21La bureaucratie américaine, les diplomates américains
00:19:23qui ne veulent pas perdre les 27 voix,
00:19:25je pense que Donald Trump et que la Maison Blanche
00:19:27s'en tamponnent le coquillard, comme on dit vulgairement.
00:19:29Mais c'est vrai qu'il y a des contre-pouvoirs
00:19:31et qu'il y a des moments
00:19:33où ça finira par tanguer
00:19:35et ça aura un impact sur Donald Trump.
00:19:37Est-ce que cette guerre commerciale
00:19:39est liée aussi à la nouvelle donne géopolitique ?
00:19:41Non.
00:19:43Je vais vous raconter une histoire.
00:19:45Il y a des liens,
00:19:47mais la nouvelle donne géopolitique,
00:19:49c'est plutôt les espoirs de business
00:19:51qui se font entre l'entourage
00:19:53de la famille Trump et la Russie.
00:19:55Là, il y a une dimension nouvelle
00:19:57qui n'existait pas il y a six ans.
00:19:59Donald Trump déteste deux choses,
00:20:01et il l'a dit, il l'a toujours dit,
00:20:03parce qu'il y a une certaine cohérence
00:20:05dans son approche. Il déteste l'Union européenne
00:20:07et il déteste les déficits commerciaux.
00:20:09L'Union européenne, pour reprendre
00:20:11ce qu'il a dit il y a trois semaines,
00:20:13elle a été créée pour nous...
00:20:15Je ne vais pas employer le terme
00:20:17dans une émission de télévision.
00:20:19On a compris.
00:20:21C'est oublié, évidemment,
00:20:23qu'au contraire, l'Amérique a plutôt favorisé
00:20:25la création de, on va dire,
00:20:27la coopération européenne dans les années 50.
00:20:29C'est un autre sujet, au point que certains
00:20:31souverainistes disent que c'est une création de la CIA.
00:20:33Faudrait savoir.
00:20:35Si vous aimez Donald Trump, choisissez votre version.
00:20:37La deuxième chose qu'il déteste,
00:20:39c'est les déficits commerciaux.
00:20:41Pendant son premier mandat, il y a un projet d'accord,
00:20:43je crois qu'il veut déchirer l'accord commercial
00:20:45avec la Corée du Sud, car il y a un déficit commercial
00:20:47majeur avec la Corée du Sud.
00:20:49Le texte est sur son bureau
00:20:51et ses conseillers racontent
00:20:53qu'ils sont allés littéralement la nuit
00:20:55enlever le projet de texte
00:20:57mis à sa signature,
00:20:59l'ont discrètement mis de côté.
00:21:01Le lendemain, il avait oublié.
00:21:03Il a cette espèce de symbolique,
00:21:05ça n'a aucun sens, je me retourne vers Christian,
00:21:07mais ça n'a aucun sens sur le plan économique,
00:21:09de dire qu'un déficit commercial
00:21:11en soi n'est pas bon,
00:21:13mais lui, il est dans le symbole.
00:21:15Après, sur la stratégie,
00:21:17je crois que c'est un vrai débat.
00:21:19Pour le moment, je pense
00:21:21que l'Union européenne a plutôt bien réagi,
00:21:23parce qu'on avait préparé le coup,
00:21:25en effet.
00:21:27Il y avait déjà des trains de sanctions
00:21:29qu'il suffisait de réactiver,
00:21:31à la décision au départ.
00:21:33Après, il me paraît logique
00:21:35de faire de la riposte graduée,
00:21:37comme en termes militaires.
00:21:39C'est pas une vraie guerre,
00:21:41mais c'est quand même une guerre.
00:21:43Pour l'instant, on joue plutôt bien.
00:21:45S'il fallait le bourbon ou autre chose,
00:21:47je rentre pas là-dedans.
00:21:49Le temps européen n'est pas le temps américain
00:21:51en matière de tariffs, de droits de douane.
00:21:53Chaque décision que va prendre
00:21:55la présidente de la commission
00:21:57va être soumise au Conseil européen,
00:21:59les chefs d'Etat et de gouvernement,
00:22:01puis au Parlement.
00:22:03Combien de temps ça prend quand on a déjà établi
00:22:05une stratégie de ciblage dans la riposte graduée ?
00:22:07On imagine qu'on peut pas non plus
00:22:09trop tarder à riposter.
00:22:11Non, effectivement, le temps européen
00:22:13n'est pas le temps américain,
00:22:15et à la fois dans la mise en place,
00:22:17à la fois aussi dans l'intensité
00:22:19des mesures, parce qu'effectivement,
00:22:21il faut aussi qu'il y ait la préservation
00:22:23de cette unité européenne.
00:22:25Donc c'est vrai que ça complexifie
00:22:27les choses en européen, mais là,
00:22:29il y a eu cette annonce qui a été validée par tout le monde,
00:22:31il va y avoir effectivement un deuxième paquet
00:22:33de mesures qui a été proposée
00:22:35par la commission européenne et qui va être soumise
00:22:37aux chefs d'Etat et de gouvernement.
00:22:39Moi, j'ai bon espoir que ça soit
00:22:41validé, parce qu'on le sait bien,
00:22:43et tout le monde l'a dit, il faut être uni,
00:22:45il faut être calme, et il faut être
00:22:47déterminé dans nos réponses.
00:22:49Donc ça, ça va être validé. Et puis, attention,
00:22:51on a effectivement ces instruments
00:22:53tarifaires, sa mise en place de droits de douane,
00:22:55mais ce qu'on a fait et ce qu'on a créé
00:22:57dans le précédent mandat, c'est pas que ça,
00:22:59c'est justement d'autres instruments commerciaux,
00:23:01parce qu'en fait, ce qu'il fait,
00:23:03c'est du chantage économique, c'est de la coercition.
00:23:05Donc moi, avec des collègues allemands en commission
00:23:07commerciale internationale, on a créé aussi
00:23:09un instrument sur la coercition économique.
00:23:11Peut-être qu'au moment où vous l'avez imaginé,
00:23:13on ne ciblait pas nécessairement
00:23:15et on ne pensait pas qu'on l'utiliserait
00:23:17pour la première fois vis-à-vis des Américains.
00:23:19Mais pourquoi pas ?
00:23:21Ça aussi, ça doit être mis sur la table.
00:23:23C'est un rapport de force, donc il va falloir riposter
00:23:25quasiment à mesure de ce qu'ils menacent
00:23:27de nous faire. On l'a vu avec le Canada,
00:23:29ça a marché, le Mexique aussi.
00:23:31Finalement, ils ont eu un sursis.
00:23:33Jérôme Bauer, est-ce que vous attendez aussi,
00:23:35on parlait du business, l'importance du business
00:23:37aux Etats-Unis, des solutions
00:23:39de la part de Bernard Arnault ?
00:23:41Parce que c'est vrai qu'il était à l'investiture
00:23:43et ça peut venir du privé aussi, Bernard Arnault.
00:23:45On le sait bien, LVMH produit
00:23:47beaucoup de nos champagnes,
00:23:49Moët et Chandon, pour ne pas
00:23:51les citer.
00:23:53Vous faites confiance à Bernard Arnault
00:23:55ou à la Commission dans cette affaire ?
00:23:59Moi, j'ai envie de faire confiance à tout le monde.
00:24:01Si Bernard Arnault peut être
00:24:03un appui auprès de Trump,
00:24:05allons-y. Mais moi,
00:24:07je pense qu'il ne faut pas continuer
00:24:09de mener
00:24:11cette guerre. Il faut poser les choses
00:24:13et il faut partir en discussion diplomatique.
00:24:15Très sincèrement, j'entends beaucoup
00:24:17qu'il faut rester calme. Là, aujourd'hui,
00:24:19vous êtes tous en train de jouer avec l'avenir
00:24:21de la viticulture française et européenne.
00:24:23Il faut vous en rendre compte aussi.
00:24:25Moi, j'ai du mal à rester calme.
00:24:27Justement, vous avez deux députées européennes
00:24:29sur ce plateau, l'une qui siège
00:24:31parmi les socialistes, l'autre par
00:24:33les macronistes. Le centre,
00:24:35qu'est-ce que vous avez envie de leur dire précisément ?
00:24:39Ce que j'ai envie de leur dire, c'est qu'on les a rendus
00:24:41attentifs, nos politiques,
00:24:43au fait que mettre sur cette liste
00:24:45le Bourbon
00:24:47est clairement ciblé en représailles
00:24:49le vin. On ne nous a pas écoutés,
00:24:51on ne nous a pas entendus. Donc moi, ce que je demande
00:24:53aujourd'hui, c'est que très rapidement,
00:24:55justement, on mette en place
00:24:57un débat diplomatique
00:24:59pour que ce soit du gagnant-gagnant.
00:25:01Continuer dans l'escalade
00:25:03de cette guerre, pour moi...
00:25:05Vous entendez, il y a
00:25:07quand même des voix qui s'élèvent, et d'ailleurs
00:25:09Éric Lombard, voilà,
00:25:11et même Nathalie Loiseau, elle dit
00:25:13attention, il faut désescalader.
00:25:15Bon, qu'est-ce que vous lui répondez ?
00:25:17On enlève la taxe, on enlève la menace ?
00:25:19Alors,
00:25:21la réalité, c'est que les guerres commerciales,
00:25:23ça ne fait que des perdants, et c'est ce qu'on est
00:25:25en train de voir. Maintenant, il va falloir faire
00:25:27bande de solidarité, parce qu'en fait, on n'a pas le choix.
00:25:29C'est pas nous qui avons commencé cette guerre.
00:25:31Les Etats-Unis, moi, c'est terrible
00:25:33pour moi de dire ça, en plus, parce que c'est un pays que j'aime.
00:25:35Jamais je n'aurais pensé que les Etats-Unis lanceraient
00:25:37une guerre hybride contre nous, parce que la réalité,
00:25:39c'est que quand on voit Musk faire des ingérences
00:25:41en Allemagne, par exemple, ça s'appelle de la guerre hybride.
00:25:43Mais comment on l'a construit,
00:25:45cette solidarité ?
00:25:47Vous avez parlé de Bernard Arnault, par exemple.
00:25:49Vous avez parlé de Bernard Arnault.
00:25:51Vous savez, on dit qu'on est en économie
00:25:53de guerre. En économie de guerre,
00:25:55il y a des fondamentaux. Parmi ces piliers,
00:25:57il y en a un, c'est qu'on ne laisse jamais les profiteurs
00:25:59de guerre gagner, et on est solidaires.
00:26:01C'est le moment d'être solidaires.
00:26:03Il va falloir que les gens qui ont beaucoup d'argent
00:26:05dans ce pays soient solidaires.
00:26:07Donc vous dites à Bernard Arnault de ne pas aller
00:26:09dans son dossier directement ?
00:26:11Je suis en train de lui dire qu'il va falloir
00:26:13payer plus d'impôts.
00:26:15Je suis absolument navrée. Parce qu'on ne va pas
00:26:17laisser crever les viticulteurs.
00:26:19Vous faites un lien en direct ?
00:26:21Il va falloir...
00:26:23En économie de guerre,
00:26:25on fait la taxation des super-profits.
00:26:27On fait la taxation des super-riches
00:26:29pour pouvoir aider ceux qui sont impactés.
00:26:31C'est ça qu'il va falloir faire.
00:26:33Juste un dernier mot.
00:26:35Vous savez pourquoi ça me touche aussi
00:26:37particulièrement ?
00:26:39Récemment, j'ai vu
00:26:41le Rassemblement national
00:26:43en permanence aller
00:26:45encenser au Parlement européen
00:26:47Musk en voulant lui donner le prix Sakharov.
00:26:49Aller voir Trump en disant
00:26:51c'est génial ce qu'il fait. Et le lendemain,
00:26:53aller au Salon de l'agriculture
00:26:55faire des papouilles
00:26:57aux animaux et dire la main
00:26:59sur le cœur aux éleveurs,
00:27:01qu'il les aimait, qu'il les défendait, etc.
00:27:03Ces gens-là, en fait,
00:27:05font des câlins aux victimes.
00:27:07Ils vont soutenir les agresseurs de ces victimes.
00:27:09C'est inadmissible.
00:27:11L'extrême droite n'est jamais du bon côté de l'histoire.
00:27:13Ils ne sont pas là pour vous répondre.
00:27:15Mais le message est passé.
00:27:17C'est la réalité des faits aussi.
00:27:19Les masques sont en train de tomber.
00:27:21On voit très bien qu'en fait, ces patriotes
00:27:23n'en ont rien à faire. C'est ce que je dis depuis un mois.
00:27:25De nos agriculteurs, de nos vidéoculteurs
00:27:27et de nos industries.
00:27:29Et oui, les temps sont durs.
00:27:31On arrive dans des moments et des semaines
00:27:33où, sincèrement, ça ne va pas être simple.
00:27:35C'est pour ça qu'il faut rester unis.
00:27:37Ça veut dire quoi, ça, concrètement ?
00:27:39Pour le comprendre de façon plus incarnée
00:27:41et plus concrète, ça va tanguer
00:27:43dans beaucoup de secteurs ?
00:27:45Pour certains secteurs. C'est pour ça qu'il faut être unis.
00:27:47C'est pour ça qu'il faut être en capacité
00:27:49de dédommager ceux qui vont aujourd'hui
00:27:51perdre de l'argent.
00:27:53On en est déjà au coup d'après
00:27:55le coup de semonce de Donald Trump.
00:27:57On est en train de monter le ton.
00:27:59On peut limiter les dégâts, ça serait bien.
00:28:01On est en train de monter le ton pour rentrer en négociation
00:28:03de manière forte.
00:28:05Comme l'a fait le Canada, d'ailleurs.
00:28:07C'est ça qu'il faut faire pour qu'il y ait
00:28:09notamment des corrections de marché ou ce genre de choses.
00:28:11Il ne faut pas être faible face à quelqu'un qui vous agresse.
00:28:13Il faut être fort.
00:28:15C'est pour ça qu'on arrive de manière forte.
00:28:17On va le faire de manière encore plus forte.
00:28:19La difficulté, c'est qu'on est 27, là où le Canada et le Mexique
00:28:21ne sont qu'un pays. Je vous redonne la parole.
00:28:23Il va falloir aider ceux qui vont trinquer.
00:28:25Oui, bien sûr.
00:28:27Je pense qu'il y a un moment
00:28:29de prise de conscience nécessaire.
00:28:31Je vous donne la parole, Christian Saint-Etienne,
00:28:33mais vous le disiez, ce genre de guerre,
00:28:35c'est toujours perdant, perdant.
00:28:37On a essayé de réfléchir à cette question.
00:28:39Qui aurait le plus à perdre entre les Européens
00:28:41et les Américains dans cette guerre sans mer ?
00:28:43Si la réponse n'est pas simple,
00:28:45et c'est Clément Perreault qui tente quelques éléments de réponse.
00:28:47Regardez.
00:28:53En ciblant les vins et spiritueux,
00:28:55Donald Trump sait qu'il touche un point
00:28:57particulièrement sensible.
00:28:59Les Etats-Unis sont
00:29:01le premier marché étranger des Européens
00:29:03dans ce secteur et représentent
00:29:05un tiers des exportations.
00:29:073,5 milliards de dollars
00:29:09de vin ont été exportés
00:29:11vers les USA en 2023,
00:29:13dont 2,4 milliards
00:29:15sont français.
00:29:17L'exécution de la menace de Donald Trump
00:29:19aurait des conséquences très lourdes,
00:29:21y compris en termes d'emploi,
00:29:23pour nos producteurs de vin, champagne
00:29:25et cognac.
00:29:27De son côté, l'Europe augmentera ses droits de douane,
00:29:29de manière certes moins spectaculaire,
00:29:31sur des produits ciblés comme
00:29:33le maïs, la viande,
00:29:35le whisky bourbon, les motos Harley Davidson
00:29:37et quelques appareils
00:29:39ménagers comme les réfrigérateurs.
00:29:41Au total, cela concernera
00:29:4328 milliards de dollars de marchandises.
00:29:45Ces mesures,
00:29:47et c'est bien sûr volontaire,
00:29:49toucheront particulièrement les Etats conservateurs
00:29:51comme la Louisiane, la Géorgie,
00:29:53le Nebraska ou encore l'Arkansas.
00:29:55Mais cette guerre commerciale
00:29:57pourrait à terme avoir aussi
00:29:59un impact plus global
00:30:01sur l'économie américaine.
00:30:03Le prix des produits importés va augmenter
00:30:05pour les Américains et ainsi
00:30:07fermenter l'inflation.
00:30:09Sans compter les effets sur la bourse,
00:30:11les annonces du président américain
00:30:13créent de l'instabilité et de l'incertitude.
00:30:15La bourse américaine a perdu plus de 10%
00:30:17depuis l'élection de Donald Trump.
00:30:19On a aujourd'hui cette situation stupéfiante
00:30:21alors que l'économie américaine allait très bien
00:30:23en début d'année, que certains
00:30:25non seulement révisent à la baisse leur prévision de croissance américaine
00:30:27mais commencent à parler de risques
00:30:29de récession aux Etats-Unis.
00:30:31Donc c'est une politique perdante.
00:30:33C'est un exemple de but contre son camp.
00:30:35Ces alertes sur l'économie américaine
00:30:37vont-elles freiner les ardeurs de Donald Trump ?
00:30:39Quelle est la part de bluff chez le président américain ?
00:30:41L'incertitude aujourd'hui
00:30:43est totale.
00:30:45Christian Saint-Etienne, la grande question
00:30:47c'est pourquoi il fait ça ?
00:30:49On lui prête quand même une certaine
00:30:51forme de rationalité. On a dit qu'il était obsédé
00:30:53par la question des balances commerciales,
00:30:55qu'il adore ce mot de tarif, de droite douane,
00:30:57mais il voit bien les effets déjà
00:30:59imperceptibles sur son économie.
00:31:01Quelle est sa motivation réelle
00:31:03si c'est contre-productif ?
00:31:05Alors...
00:31:07Déjà, dans ce que vous dites,
00:31:09il y a une question. Voit-il vraiment
00:31:11déjà les effets ? C'est-à-dire est-il
00:31:13aveuglé par son propre discours ?
00:31:15Quand j'évoquais tout à l'heure
00:31:17le fait que, dans les chiffres,
00:31:19il fait des erreurs de 1 à 10,
00:31:21c'est quand même très inquiétant.
00:31:23Vous pensez qu'il ne comprend pas,
00:31:25qu'il affaiblit sa propre économie avec cette guerre ?
00:31:27Il a une représentation du monde
00:31:29dans sa tête qui ne correspond pas
00:31:31forcément à la réalité.
00:31:33Si vous prenez sa campagne,
00:31:35il a quand même sorti des horreurs en permanence.
00:31:37Mais il n'est pas rattrapé par ses conseillers,
00:31:39par son administration, par son parti ?
00:31:41C'est ça la grande différence entre Trump 1 et 2,
00:31:43c'est que dans 1, il y avait des gens sérieux
00:31:45autour de lui, et dans 2,
00:31:47il a assemblé autour de lui des oseaux
00:31:49qui sont encore pires que lui.
00:31:51Donc il est en roue libre.
00:31:53Le deuxième, on évoquait
00:31:55les conséquences.
00:31:57Il se trouve que j'ai beaucoup étudié
00:31:59la crise des années 30 et qu'on dispose
00:32:01d'énormément de documents,
00:32:03y compris d'historiens
00:32:05qui ont analysé les réactions aux Etats-Unis.
00:32:07Je rappelle quelques éléments
00:32:09sur la crise des années 30.
00:32:11Les Américains, juste après
00:32:13la crise de 29, mettent en place
00:32:15ce qu'on appelle les tarifs
00:32:17en juin 1930.
00:32:19Ca entraîne
00:32:21des réactions
00:32:23du reste du monde.
00:32:25Les augmentations de tarifs sont considérables.
00:32:27Et les documents
00:32:29dont on dispose
00:32:31évoquent
00:32:33le fait que les Américains,
00:32:35en 1930,
00:32:37sont déjà extraordinairement surpris
00:32:39que le reste du monde réagisse.
00:32:41Ca, c'est étonnant,
00:32:43parce que quand on voit Trump aujourd'hui,
00:32:45au fond, il est scandalisé
00:32:47que l'Europe réagisse.
00:32:49C'est une naïveté américaine historique.
00:32:51C'est un élément important.
00:32:53Je rappelle que dans cette crise,
00:32:55le commerce international en valeur,
00:32:57on l'a oublié,
00:32:59a chuté
00:33:01de 60 %.
00:33:03En valeur, 60 %.
00:33:05Ca a entraîné une crise mondiale
00:33:07et le taux de chômage aux Etats-Unis
00:33:09a augmenté de 100 %.
00:33:11Après, c'est Steinbeck
00:33:13et toute la misère aux Etats-Unis.
00:33:15Recommencer une crise
00:33:17de cette ampleur aujourd'hui...
00:33:19On dispose d'outils macroéconomiques
00:33:21un peu plus puissants qu'à ce moment-là,
00:33:23mais ça va avoir des impacts
00:33:25pas seulement sur les viticulteurs français.
00:33:27Depuis cinq ans,
00:33:29la croissance mondiale est autour de 3 % par an.
00:33:31Déjà, ce qui se passe,
00:33:33ça nous fait perdre un point.
00:33:35Il est possible que, si ça s'aggrave aux Etats-Unis,
00:33:37on perde deux points.
00:33:39C'est grave pour nous,
00:33:41mais il faut savoir que tous les pays en développement
00:33:43en dépendent.
00:33:45Donc, une politique de ce type,
00:33:47c'est beaucoup de chômeurs en plus
00:33:49en Europe et aux Etats-Unis,
00:33:51mais c'est des dizaines de millions de gens
00:33:53qui retournent dans la pauvreté au plan mondial.
00:33:55Donc, il faut bien avoir une idée
00:33:57de l'ampleur...
00:33:59Il nous reste une poignée de minutes à peine.
00:34:01Je vais vous demander, en tant que...
00:34:03C'est vous qui êtes aux manettes,
00:34:05de nous esquisser, mouillez-vous,
00:34:07la stratégie des semaines à venir de l'Europe.
00:34:09Qu'est-ce que vous pouvez dire aux viticulteurs ?
00:34:11Est-ce qu'il va y avoir la carte,
00:34:13en gros, on va dire,
00:34:15le coup de massue sur les services,
00:34:17sur les GAFAM, notamment ?
00:34:19C'est ça qui vient et c'est ça qui pourrait
00:34:21désescalader, dissuader
00:34:23Donald Trump de continuer sa guerre commerciale ?
00:34:25Oui, moi, j'encourage véritablement
00:34:27la Commission européenne à agir
00:34:29et à taxer sur la question des services.
00:34:31Ma collègue l'a dit,
00:34:33il faut taper là où ça fait mal.
00:34:35Il n'y a que comme ça qu'on pourra faire.
00:34:37Les échéances, c'est quand ?
00:34:39Toutes les choses vont être aussi
00:34:41en fonction de nouvelles mesures
00:34:43et des nouvelles annonces qui vont être faites par Donald Trump.
00:34:45La réalité de la mise en place des décrets
00:34:47pour que nous en puissions réagir.
00:34:49Là, on est sur la menace à 200 %,
00:34:51donc qu'est-ce qu'on fait après
00:34:53pour que cette menace ne se réalise pas ?
00:34:55On met en place, nous aussi, de nouveaux droits de douane
00:34:57spécifiquement ciblés sur la question.
00:34:59Mais on menace sur les services ou on passe aux actes ?
00:35:01Il faut avoir peut-être un appel d'abord au dialogue.
00:35:03C'est nécessaire, c'est fondamental,
00:35:05mais c'est aussi notre rôle, nous, de parlementaires européennes,
00:35:07de dire, nous voulons aller
00:35:09cibler davantage, et notamment
00:35:11sur les services, parce que c'est là
00:35:13où nous créerons davantage de rapports de force.
00:35:15Et je rebondis sur ce qui a été dit tout à l'heure.
00:35:17Je pense qu'aussi, en parallèle,
00:35:19parce que nous entrons dans ce contexte
00:35:21de tensions de manière de plus en plus prégnante,
00:35:23la mise en place de fonds
00:35:25de solidarité et de compensation
00:35:27entre tous les secteurs,
00:35:29entre tous les Etats membres.
00:35:31On est déjà dans le jour d'après.
00:35:33Les compensations, ça veut dire que
00:35:35vous imaginez déjà que cette guerre commerciale
00:35:37est en cours, qu'elle est là,
00:35:39et qu'il va falloir compenser, réparer.
00:35:41Le mot de la fin ?
00:35:43Récupérer notre épargne qui va aux Etats-Unis,
00:35:45c'est essentiel pour qu'il puisse financer l'économie européenne.
00:35:47Deux, taxer les géants du numérique.
00:35:49Trois, faire de la réindustrialisation
00:35:51sur ce continent,
00:35:53et ça passe par une politique industrielle européenne,
00:35:55pas que dans le domaine du réarmement.
00:35:57Il nous faut notre souveraineté énergétique,
00:35:59il nous faut notre souveraineté aussi dans le domaine
00:36:01de la communication et du numérique.
00:36:03Merci beaucoup. On s'arrête là.
00:36:05C'est un feuilleton qui ne fait que commencer
00:36:07entre l'Europe,
00:36:09Bruxelles et Washington.
00:36:11Merci à vous, Jérôme Bauer.
00:36:13J'ai envie de vous dire bon courage, tenez bon,
00:36:15rien n'est encore fait. Merci. Vous restez avec moi,
00:36:17Bruno Tertré. On va continuer
00:36:19à parler de Donald Trump qui se rêve également
00:36:21en faiseur de paix en Ukraine.
00:36:23Poutine a répondu à sa proposition de cesser le feu.
00:36:25C'était une réponse extrêmement attendue
00:36:27qu'on va décrypter ensemble,
00:36:29juste après l'invitation de Stéphanie Despierre.
00:36:35Si on vous invite, Bruno Tertré,
00:36:37c'est parce que vous êtes un de nos meilleurs
00:36:39experts en géopolitique
00:36:41et que tous les regards sont braqués
00:36:43sur l'Ukraine et le Kremlin,
00:36:45avec l'espoir d'une trêve.
00:36:47Politologue, vous êtes directeur adjoint
00:36:49de la Fondation pour la recherche stratégique.
00:36:51Après 48 heures de silence
00:36:53et une visite sur le front
00:36:55près de Kursk, côté russe,
00:36:57Vladimir Poutine a réagi
00:36:59à l'idée d'un cesser le feu de 30 jours
00:37:01proposé par les Etats-Unis et l'Ukraine.
00:37:05Nous sommes d'accord
00:37:07avec les propositions
00:37:09visant à mettre fin aux hostilités.
00:37:11Mais nous pensons
00:37:13que cet arrêt doit être
00:37:15un arrêt qui mène à une paix durable
00:37:17et qui s'attaque
00:37:19aux causes profondes de cette crise.
00:37:23Un oui mais ou un non
00:37:25sauf, tout dépend des points de vue,
00:37:27le président ukrainien
00:37:29lui n'est pas convaincu.
00:37:33Il prépare en fait
00:37:35un refus dès maintenant.
00:37:37Poutine, bien sûr,
00:37:39a peur de dire directement au président Trump
00:37:41qu'il veut poursuivre cette guerre,
00:37:43qu'il veut tuer des Ukrainiens.
00:37:45C'est pourquoi à Moscou,
00:37:47il formule l'idée d'un cesser le feu
00:37:49avec des conditions préalables
00:37:51telles qu'il ne fonctionnera pas.
00:37:53A Washington, réaction
00:37:55en demi-teinte aux propos de Vladimir Poutine.
00:37:59Il a fait une déclaration très prometteuse
00:38:01mais elle n'était pas complète.
00:38:03Et oui, j'aimerais beaucoup le rencontrer ou lui parler
00:38:05mais nous devons en finir rapidement.
00:38:07Vous savez, tous les jours, des gens sont tués.
00:38:09Ce matin, dans un message sur son réseau social,
00:38:11Donald Trump se félicite de discussions
00:38:13très productives avec la Russie.
00:38:15Il affirme avoir demandé à Vladimir Poutine
00:38:17d'épargner la vie de milliers
00:38:19de soldats ukrainiens sur le front.
00:38:21Alors, Bruno Tertrais,
00:38:23dites-nous si l'on peut croire à une paix
00:38:25et à quelle paix en Ukraine ?
00:38:27Alors évidemment, il y a beaucoup de questions.
00:38:29On va commencer par cette réponse de Vladimir Poutine.
00:38:31Nous sommes pour,
00:38:33mais il y a des nuances et des questions
00:38:35importantes à régler,
00:38:37dit le chef du Kremlin à propos de ce cesser le feu
00:38:39de 30 jours proposé par les Etats-Unis,
00:38:41accepté par l'Ukraine.
00:38:43Est-ce qu'on peut dire
00:38:45qu'il semble dire oui,
00:38:47mais en réalité, c'est non ?
00:38:49Vous avez tout compris, c'est exactement cela.
00:38:51Il ne pouvait pas dire non,
00:38:53parce que ça vient de Donald Trump
00:38:55et parce qu'il ne veut pas apparaître
00:38:57aux yeux du reste du monde comme celui
00:38:59qui dit non à la paix, oui à la guerre,
00:39:01même si c'est exactement ce qu'il fait.
00:39:03La grande question, c'est de savoir
00:39:05si Donald Trump va se sentir obligé
00:39:07d'essayer de demander
00:39:09à l'Ukraine des concessions
00:39:11pour que la Russie puisse signer
00:39:13ou si, au contraire,
00:39:15s'il n'est pas capable, il va dire
00:39:17que ça suffit,
00:39:19il a un super accord de paix
00:39:21qui est prêt, il n'y a plus qu'à signer.
00:39:23Un accord de cesser le feu,
00:39:25pas de paix.
00:39:27C'est la première étape, mais l'étape nécessaire.
00:39:29Si tu ne signes pas sans condition,
00:39:31eh bien, je vais t'imposer
00:39:33tel type de sanctions, je ronds
00:39:35tel ou tel projet de contrat,
00:39:37parce qu'il y a beaucoup de choses
00:39:39qui se discutent entre Américains et Russes,
00:39:41il y a beaucoup d'enjeux commerciaux et financiers.
00:39:43Et avec Trump, on ne sait jamais
00:39:45de quel côté la pièce de monnaie va tomber.
00:39:47Votre intime conviction.
00:39:49Vous avez des spécialistes
00:39:51de Trump, de la Russie,
00:39:53qui vous disent, au fond,
00:39:55c'est très étrange, s'il n'est pas tenu,
00:39:57il est sous influence.
00:39:59Et donc, au fond, il est déjà prêt à tout lâcher
00:40:01puisque tout a été déjà discuté
00:40:03avant même son investiture
00:40:05à la maison blanche. Et puis vous avez,
00:40:07deuxième école, parce qu'on n'est pas tous
00:40:09dans le cerveau ni de Donald Trump
00:40:11ni de Vladimir Poutine,
00:40:13qui vous disent que tout l'enjeu,
00:40:15maintenant, pour Washington,
00:40:17ça va être d'amener Poutine
00:40:19à accepter ce cessez-le-feu,
00:40:21et donc, pourquoi pas, à commencer
00:40:23à mettre davantage de pression sur lui,
00:40:25sur le soutien militaire à l'Ukraine,
00:40:27sur Course, sur d'autres sujets.
00:40:29C'est exactement ce que je vous disais.
00:40:31Mais vous, vous en pensez quoi ?
00:40:33Moi, je ne pense pas, parce que je ne peux pas savoir.
00:40:35Avec Trump, on ne peut jamais savoir
00:40:37de quel côté la pièce va tomber.
00:40:39Mais je vais répondre à votre question.
00:40:41Est-ce que Trump est sous influence ?
00:40:43Oui, je pense qu'il est sous influence.
00:40:45Est-ce qu'il est un agent du FSB,
00:40:47du service russe ?
00:40:49Non, mais il est, depuis 40 ans,
00:40:51travaillé par les services russes.
00:40:53Ça laisse des traces,
00:40:55y compris des traces profondes dans le cerveau.
00:40:57Quand vous ajoutez à cela
00:40:59les intérêts financiers de Trump,
00:41:01de sa famille, de ses cercles dirigeants
00:41:03et de ses soutiens, ça fait beaucoup.
00:41:05Est-ce que ça veut dire qu'il est incapable
00:41:07de faire des actions sous la réussite ?
00:41:09Non, il est tout à fait capable de le faire,
00:41:11dans certaines limites.
00:41:13Mais Trump, c'est toujours un jeu
00:41:15entre son égo et son argent.
00:41:17Il y a que ces deux choses-là qui l'intéressent.
00:41:19L'Amérique ne l'intéresse pas.
00:41:21Les Américains ne l'intéressent pas.
00:41:23Son égo et l'argent.
00:41:25Il a remis les interdictions d'autorisation
00:41:27pour les banques russes
00:41:29d'accéder à certains systèmes bancaires américains,
00:41:31notamment pour les échanges
00:41:33en matière pétrolière.
00:41:35C'est un signal ou pas ?
00:41:37Ce n'est pas forcément un premier pas.
00:41:39Regardez ce que vous avez diffusé tout à l'heure,
00:41:41à savoir ce que Donald Trump a dit
00:41:43cet après-midi.
00:41:45Il y a, en lettres capitales,
00:41:47des milliers de soldats ukrainiens
00:41:49qui sont encerclés par l'armée russe.
00:41:51Ce n'est pas vrai, mais c'est ce que lui a dit Vladimir Poutine.
00:41:53Il y a les deux chez Donald Trump.
00:41:55Et à la fin, ce qui comptera,
00:41:57je ne sais pas de quel côté ça tombera,
00:41:59mais il y a que deux choses qui compteront,
00:42:01c'est son égo et son argent.
00:42:03Est-ce qu'il peut se permettre de perdre la face,
00:42:05Donald Trump ?
00:42:07Si, au fond, Vladimir Poutine
00:42:09le fait mariner, le manipule,
00:42:11le fait trop attendre,
00:42:13là, on a l'impression qu'il y a deux conditions
00:42:15si on essaie de décrypter,
00:42:17non pas sur l'accord de paix final,
00:42:19mais sur ce cessez-le-feu, ce préalable,
00:42:21il dit, kursk, enlevez-moi tous les Ukrainiens,
00:42:23les derniers,
00:42:25ou en tout cas, moi, je récupère cette ville russe,
00:42:27et il dit, l'aide militaire américaine
00:42:29doit cesser.
00:42:31C'est ce point-là. Il ne peut pas s'aider, Trump.
00:42:33Mais attendez, c'est deux choses
00:42:35totalement différentes. Kursk, les Ukrainiens
00:42:37sont déjà en train de se retirer,
00:42:39donc la question est...
00:42:41Vous pensez qu'il se retire à la demande de Trump ?
00:42:43Non. Je ne peux pas vous dire
00:42:45aujourd'hui si c'est
00:42:47davantage la pression militaire russe
00:42:49ou un choix
00:42:51tactique ukrainien, ou pour faire
00:42:53plaisir à Donald Trump, ça, je ne peux pas vous le dire.
00:42:55En tous les cas, il se retire.
00:42:57Je me contente de constater que ce n'est
00:42:59plus véritablement un problème.
00:43:01Les Ukrainiens ne voulaient pas que ce soit un problème
00:43:03pour les négociations de cesser le feu.
00:43:05Après, dans tous les cas de figure,
00:43:07je vais vous dire, la Russie s'est
00:43:09transformée en machine de guerre.
00:43:11Poutine a créé un monstre
00:43:13de manière très consciente qu'il ne peut plus
00:43:15arrêter. Il y aura peut-être
00:43:17un cesser le feu, il n'y aura pas de paix
00:43:19tant que Poutine sera là. C'est aussi simple
00:43:21que cela. Réinvitez-moi dans six mois
00:43:23pour me dire que j'avais tort, si vous voulez.
00:43:25Je pense que la probabilité
00:43:27que j'ai raison est assez forte.
00:43:29Pour vous, il n'y aura aucune
00:43:31véritable négociation.
00:43:33Non, il y aura des négociations.
00:43:35Je ne vous ai pas dit qu'il n'y aurait pas de négociations.
00:43:37Il n'y aura pas de cesser le feu durable,
00:43:39quelque chose qui ressemble à une stabilisation
00:43:41et donc une forme de paix
00:43:43dans les six mois. Ça me paraît
00:43:45totalement inconvaincant tant que Poutine sera là.
00:43:47Il a évoqué les causes profondes.
00:43:49Il en parle sans arrêt.
00:43:51Une fois qu'il parle de causes profondes,
00:43:53on sait que la cause est perdue, si j'ose dire.
00:43:55Les causes profondes, c'est au fond
00:43:57le fait qu'il y ait une Europe démocratique,
00:43:59des pays démocratiques, une organisation
00:44:01plutôt pro-occidentale, l'OTAN,
00:44:03aux portes de la Russie.
00:44:05Et ça, il ne le supporte pas.
00:44:07Surtout, ce qu'il ne supporte pas,
00:44:09c'est que l'Ukraine, dont il a toujours pensé
00:44:11qu'elle fait partie intégrante
00:44:13de l'Empire russe, et il l'a dit
00:44:15et redit, il suffit de l'écouter
00:44:17et de le lire, que l'Ukraine choisit sa voie
00:44:19et que cette voie-là soit plus pro-européenne
00:44:21que pro-russe, c'est insupportable
00:44:23pour lui, d'ailleurs, et aussi
00:44:25pour une grande partie de la classe dirigeante russe.
00:44:27Donc, au fond, si je vous suis bien,
00:44:29Trump a plus à perdre que Poutine dans cette affaire ?
00:44:31Oui, effectivement, quand on revient
00:44:33à Trump, je pense que Trump
00:44:35a plus à perdre que Poutine.
00:44:37Vous me parliez de perdre la face.
00:44:39Poutine est suffisamment intelligent et connaît suffisamment son Trump
00:44:41pour lui permettre de ne pas
00:44:43perdre la face. Après, Trump
00:44:45trouvera toujours un moyen de dire
00:44:47c'est pas moi, c'est la faute des Ukrainiens
00:44:49et il passera peut-être à autre chose.
00:44:51Trump est capable de passer
00:44:53d'un sujet à l'autre. Regardez ce qu'il avait essayé
00:44:55de faire avec la Corée du Nord.
00:44:57Pendant un an, il a dit
00:44:59ça y est, je vais transformer
00:45:01la Corée du Nord en Nouvelle Côte d'Azur.
00:45:03C'était comme Gaza, c'était le même projet.
00:45:05Transformer, la moderniser,
00:45:07ça n'a pas marché, il est passé à autre chose.
00:45:09Pour la Russie, c'est un peu plus difficile quand même,
00:45:11mais on peut imaginer
00:45:13une situation dans laquelle Poutine
00:45:15lui aide à conserver la face.
00:45:17Oui, incroyable. Bon, c'est très compliqué
00:45:19à déchiffrer. Vous ne croyez
00:45:21pas, en tout cas, à une véritable
00:45:23accord de paix
00:45:25rapide. Les garanties
00:45:27de sécurité encore plus compliquées,
00:45:29puisque manifestement, Poutine
00:45:31n'en veut pas. L'absence complète
00:45:33de l'Europe dans tout ça.
00:45:35Premièrement, elle n'est pas totalement absente.
00:45:37Elle a donné ses conditions.
00:45:39C'est pas elle qui négocie, mais c'est normal.
00:45:41Il fallait quelqu'un qui fasse l'intermédiaire.
00:45:43L'Amérique pouvait le faire, l'Europe
00:45:45ne pouvait pas le faire. La question
00:45:47de l'absence totale ne se pose pas.
00:45:49Mais l'Europe, elle sera quand même
00:45:51bien indispensable,
00:45:53quand il faudra d'abord
00:45:55éventuellement maintenir
00:45:57une sorte de stabilité
00:45:59militaire, s'il y a un accord
00:46:01de cesser le feu et surtout
00:46:03un accord durable de stabilisation,
00:46:05ce à quoi je ne crois pas beaucoup.
00:46:07Il faudra aussi que l'Europe
00:46:09reconstruise l'Ukraine,
00:46:11et ça peut être un formidable
00:46:13chantier de relance économique
00:46:15pour l'Europe, pas maintenant,
00:46:17mais dans quelques années.
00:46:19Surtout, l'Europe est à la manoeuvre
00:46:21pour remplacer en grande partie
00:46:23les Etats-Unis pour l'assistance militaire
00:46:25à l'Ukraine, dès lors que celle
00:46:27des Etats-Unis commence sérieusement
00:46:29à faire défaut ou du moins à fassayer.
00:46:31Donc elle n'est pas au centre,
00:46:33mais ça ne veut pas dire qu'elle est absente.
00:46:35Volodymyr Zelensky l'a bien compris.
00:46:37Il s'est battu pour que l'Europe soit mentionnée
00:46:39dans le communiqué ukraino-américain
00:46:41de Riad de l'autre jour,
00:46:43je veux que l'Europe soit concernée
00:46:45dans les futures négociations,
00:46:47qui n'ont pas encore commencé.
00:46:49Donc, il y aura l'Europe.
00:46:51Elle est déjà là, même si elle n'est pas
00:46:53visible à Jeddah, en Arabie saoudite.
00:46:55Un mot sur la dissuasion nucléaire,
00:46:57c'est votre véritable domaine
00:46:59de prédilection d'être l'expert en la matière.
00:47:01L'extension
00:47:03du parapluie français
00:47:05atomique à nos
00:47:07alliés européens,
00:47:09est-ce que ça va avoir
00:47:11un effet dissuasif,
00:47:13véritablement, si c'était mis en oeuvre ?
00:47:15On n'en est qu'au début.
00:47:17Il y a deux choses différentes.
00:47:19Le parapluie américain commence à avoir
00:47:21des trous, en tout cas beaucoup moins assurés
00:47:23qu'il ne l'était il y a encore quelques années.
00:47:25Qu'est-ce qu'on peut faire pour rassurer
00:47:27un peu plus nos voisins ?
00:47:29Les Français et les Britanniques sont en train d'y travailler
00:47:31parce qu'il y a une vraie demande allemande
00:47:33et polonaise en particulier.
00:47:35Il y a un autre scénario, celui dans lequel
00:47:37Trump décide de refermer complètement ce parapluie.
00:47:39Avec la demande nucléaire américaine en Europe,
00:47:41il n'y a plus de protection.
00:47:43Il faudrait se dépêcher de reconstruire.
00:47:45On n'en est pas là du tout.
00:47:47C'est même indispensable de l'imaginer.
00:47:49Dans ce cas, il faudrait que Britanniques et Français
00:47:51reconstruisent ensemble quelque chose.
00:47:53Ça ne serait pas du tout dans le cadre de l'Union européenne.
00:47:55On le sait maintenant, tout le monde le répète,
00:47:57pas question de partager la décision d'emploi
00:47:59qui resterait française
00:48:01pour les armes françaises et britanniques.
00:48:03La grande question reste
00:48:05qu'est-ce qui est crédible pour Vladimir Poutine ?
00:48:07Comment est-ce que Starmer et Macron,
00:48:09si ce sont eux, peuvent dire ensemble
00:48:11et être crédibles auprès de Poutine
00:48:13quand on dit, attention,
00:48:15le sort de l'Estonie, de la Pologne, de la Finlande,
00:48:17c'est aussi le nôtre ?
00:48:19Cette question de la crédibilité, c'est moins
00:48:21une question de nombre d'armes qu'une question de volonté politique.
00:48:23Est-ce que Tallinn fait partie de nos intérêts vitaux ?
00:48:25Vraie question.
00:48:27Je vous remercie infiniment.
00:48:29Une toute petite question pour terminer,
00:48:31parce que c'est l'autre livre du jour.
00:48:33La question israélienne.
00:48:35Vous êtes inquiet d'Israël
00:48:37et vous posez cette immense question.
00:48:39Pourquoi ce pays, l'un des plus petits sur la planète,
00:48:41suscite autant de passion, autant de haine ?
00:48:43Est-ce que vous avez un début de réponse ?
00:48:45On dit beaucoup qu'il y a une sorte de deux poids, deux mesures.
00:48:47Soi-disant qu'on traiterait moins bien
00:48:49la Russie et mieux Israël.
00:48:51Il y a cette comparaison un peu absurde,
00:48:53pour faire le lien entre les deux débats,
00:48:55qui voudrait qu'on ne condamne pas
00:48:57ou peu les bombardements israéliens
00:48:59sur Gaza, alors qu'on condamne
00:49:01les bombardements de la Russie
00:49:03sur l'Ukraine. Je renverse la perspective.
00:49:05Le vrai deux poids, deux mesures,
00:49:07c'est de comparer la Russie avec Israël.
00:49:09La vraie comparaison, c'est entre Israël et l'Ukraine.
00:49:11Ca ne veut pas dire que j'approuve
00:49:13les tactiques, les méthodes
00:49:15de l'administration Netanyahou,
00:49:17mais en tout cas, je crois que le deux poids,
00:49:19deux mesures, il est plutôt à renverser dans l'autre sens.
00:49:21A la question, je ne vais pas donner la réponse.
00:49:23Non, c'était pour évoquer le livre.
00:49:25Vous savez, il y a quand même un principe scientifique,
00:49:27quand on cherche la solution
00:49:29à un problème scientifique,
00:49:31il y a une méthode qui s'appelle le rasoir d'Ockham.
00:49:33Ne me demandez pas pourquoi.
00:49:35Ockham était un Anglais.
00:49:37Finalement, c'est souvent la réponse
00:49:39la plus simple qui s'impose.
00:49:41Je crois que la réponse, finalement,
00:49:43c'est parce que c'est un Etat juif
00:49:45et que l'idée d'avoir un Etat juif indépendant
00:49:47au Proche-Orient, autonome,
00:49:49qui est beaucoup plus un Etat oriental
00:49:51qu'occidental, par ailleurs,
00:49:53c'est quelque chose qui est encore considéré
00:49:55comme une incongruité par une grande partie
00:49:57de la population mondiale.
00:49:59Une conclusion à ce débat absolument passionnant,
00:50:01incandescent aussi.
00:50:03Signez Bruno Tertrais à lire aux éditions de l'Observatoire
00:50:05et puis je rappelle aussi la nouvelle édition
00:50:07de La Guerre des Mondes,
00:50:09c'est chez Alpha. Merci pour votre éclairage.
00:50:11Je vous propose de rester avec nous,
00:50:13parce qu'on continue d'une certaine façon à parler du monde,
00:50:15de l'Ukraine, de la Russie, dans notre séance de rattrapage.
00:50:17Tout de suite.
00:50:19Musique de générique
00:50:21...
00:50:27Séance de rattrapage du vendredi
00:50:29avec Adrien Brachet, bonsoir.
00:50:31Journaliste politique au point,
00:50:33Jean-Baptiste Daulas de Libération,
00:50:35bonsoir, et Marco Pommier, mon confrère
00:50:37d'LCP. On commence
00:50:39avec l'impossible union nationale
00:50:41à l'Assemblée. On l'a vu cette semaine dans l'hémicycle
00:50:43lors d'un débat sur un texte, une motion
00:50:45de résolution tout à fait symbolique.
00:50:47Regardez.
00:50:49Pour 288 contre 54,
00:50:51l'Assemblée nationale a adopté.
00:50:53Voilà, c'est une adoption,
00:50:55mais sans grand enthousiasme,
00:50:57Marco Pommier, alors que plus que jamais,
00:50:59notre pays aurait pu afficher
00:51:01un soutien franc et massif à l'Ukraine
00:51:03dans cette période si difficile.
00:51:05Pas d'unanimité,
00:51:07un hémicycle clairsemé.
00:51:09Oui, c'était une proposition de résolution européenne
00:51:11pour renforcer le soutien
00:51:13à l'Ukraine, soutien politique,
00:51:15économique et militaire. Alors, ce texte
00:51:17n'avait pas de caractère contraignant.
00:51:19C'était l'occasion d'avoir
00:51:21un soutien symbolique aux Ukrainiens,
00:51:23sous les yeux de l'ambassadeur
00:51:25ukrainien qui assistait à ce débat.
00:51:27Occasion ratée, vous l'avez dit,
00:51:29pas d'unanimité. On avait quand même
00:51:31un consensus assez large avec, d'un côté,
00:51:33les socialistes, les écologistes,
00:51:35le camp présidentiel et la droite qui ont soutenu ce texte.
00:51:37De l'autre, la France insoumise
00:51:39et une partie des communistes qui ont voté contre.
00:51:41Et puis, le Rassemblement national
00:51:43qui s'est abstenu.
00:51:45Pour une raison, officiellement, l'adhésion
00:51:47de l'Ukraine à l'Union européenne.
00:51:49Ça, c'est une ligne rouge de Marine Le Pen.
00:51:51On ne veut pas d'un pays
00:51:53de l'Union européenne avec un SMIC à 200 euros.
00:51:55On ne veut pas...
00:51:57Une compétition agricole.
00:51:59Après, c'était accompagné,
00:52:01l'adhésion. On n'y était pas.
00:52:03Sauf que le camp présidentiel dit
00:52:05qu'à chaque fois, il y a un prétexte.
00:52:07Quand il s'agit de soutenir l'Ukraine,
00:52:09il y a un prétexte pour voter contre ou s'abstenir.
00:52:11On se souvient encore au Parlement européen
00:52:13quand il fallait condamner
00:52:15les conditions de détention
00:52:17d'Alexei Navalny, l'opposant numéro un à Poutine,
00:52:19aujourd'hui décédé.
00:52:21Ils se sont abstenus.
00:52:23Le camp présidentiel dit souvent
00:52:25qu'on n'a pas assez de prise d'attaque
00:52:27sur Marine Le Pen,
00:52:29sur les troupes de Marine Le Pen.
00:52:31Cette fois, ils en avaient et ça a donné ça dans l'hémicycle.
00:52:33La question qu'on se pose,
00:52:35c'est qu'aurait donné
00:52:37un gouvernement Le Pen-Bardella
00:52:39sur le sujet de l'Ukraine ?
00:52:41Et on a la réponse.
00:52:45Vous auriez couru à Moscou tout de suite
00:52:47au Kremlin,
00:52:49et c'est ça la vérité.
00:52:51Vous auriez porté plainte,
00:52:53il y a plein de choses dans le code pénal pour les inférences,
00:52:55mais vous ne faites rien contre l'Assemblée nationale
00:52:57parce que vous beuglez, vous insultez, vous diffamez,
00:52:59mais vous ne saisissez jamais parce qu'il n'y a pas de fait.
00:53:01Tout ça est vide.
00:53:03Jean-Baptiste Daoulas, vous n'êtes pas surpris,
00:53:05pas d'unité nationale.
00:53:07Notre pays, contrairement aux Britanniques,
00:53:09qui sont beaucoup plus unis, y compris
00:53:11avec les populistes de droite,
00:53:13Nigel Farad, nous, on n'arrive pas à parler
00:53:15de ce débat.
00:53:17Ce débat, justement, il n'était absolument pas là pour montrer
00:53:19une unité nationale, même tout le contraire.
00:53:21En fait, on est dans le cadre d'une bataille de communication
00:53:23qui est lancée et assumée d'ailleurs comme telle
00:53:25par l'Elysée, par Emmanuel Macron,
00:53:27qui veut avertir les Français, qui veut les convaincre,
00:53:29convaincre l'opinion de la réalité
00:53:31de la menace russe.
00:53:33Alors, ce n'est pas facile parce que c'est une menace hybride
00:53:35qui a des éléments
00:53:37de manipulation informationnelle.
00:53:39Elle n'est pas existentielle.
00:53:41Il n'y a pas de menace territoriale,
00:53:43il se parle sous le contrôle de Bruno Tertrais
00:53:45avec les chars russes à Paris.
00:53:47L'idée, c'est de convaincre
00:53:49les Français de cette menace.
00:53:51Ce débat, il a permis de figer
00:53:53les choses, il a permis de montrer
00:53:55les arguments des uns et des autres,
00:53:57de faire tomber les masques.
00:53:59Dans cette bataille de communication, c'était un jalon
00:54:01assez important.
00:54:03Marine Le Pen estime qu'Emmanuel Macron
00:54:05dramatise pour faire diversion.
00:54:07Emmanuel Macron,
00:54:09voilà,
00:54:11avec un ton
00:54:13très martial,
00:54:15nous explique quasiment
00:54:17qu'il faut
00:54:19transformer les usines de Kleenex
00:54:21en usines d'armement parce que la guerre est pour demain.
00:54:23Voilà, la surenchère
00:54:25de la peur, c'est ce qu'on a vu également
00:54:27dans les médias de la sphère Bolloré
00:54:29en une du JDD dimanche dernier.
00:54:31Quelle est la stratégie
00:54:33de Marine Le Pen ? Je croyais que depuis
00:54:35l'invasion russe, elle avait tout fait
00:54:37décoller du procès
00:54:39en poutinophilie,
00:54:41en complaisance avec le Kremlin.
00:54:43Et là, qu'est-ce qu'elle fait ?
00:54:45Je pense qu'il y a une forme de gêne réelle
00:54:47au sein du RN, y compris en interne
00:54:49sur la façon dont il faut gérer
00:54:51cette question.
00:54:53Ils essaient de théoriser une forme de non-alignement
00:54:55que mon collègue Charles Sapin, au point,
00:54:57a appelé la position du ni-ni-ni,
00:54:59c'est-à-dire ni Washington, ni Moscou,
00:55:01ni Bruxelles, c'est-à-dire ni l'Europe,
00:55:03en essayant d'affirmer une position
00:55:05pour la souveraineté française.
00:55:07Mais cette position très floue cache
00:55:09très mal l'historique
00:55:11de complaisance qu'il y a eu du RN
00:55:13avec la Russie,
00:55:15avec le régime de Vladimir Poutine.
00:55:17Et donc, il y a une gêne, et on voit bien
00:55:19quand Marine Le Pen est interviewée,
00:55:21notamment dans le Figaro, il y a quelques jours,
00:55:23quand on lui pose la question de la menace russe,
00:55:25elle tend à répondre, non, mais regardez,
00:55:27la Russie a du mal à avancer en Ukraine,
00:55:29ils ne vont pas arriver à Paris.
00:55:31Ou alors, elle botte en touche en disant
00:55:33que la première menace, c'est le fondamentalisme islamiste.
00:55:35Donc on sent qu'il y a une difficulté,
00:55:37c'est-à-dire qu'en effet,
00:55:39elle n'est pas dans une défense
00:55:41publique affirmée
00:55:43de la Russie de Vladimir Poutine.
00:55:45En effet, dans le cas de cette dédiabolisation,
00:55:47elle veut rompre avec ça,
00:55:49mais on sent qu'en interne, il y a quand même
00:55:51des débats, des vrais débats en interne.
00:55:53On a l'impression qu'il y a deux lignes,
00:55:55Bardella a l'air convaincu de la menace russe.
00:55:57Bardella n'était pas du tout sur la même ligne,
00:55:59en tout cas publiquement,
00:56:01de l'élection européenne.
00:56:03Et puis, il y a un nouveau facteur
00:56:05qui ne nous a pas échappé,
00:56:07c'est que Trump est arrivé.
00:56:09Le malaise est aussi un malaise
00:56:11vis-à-vis de ce que projette Trump.
00:56:13Ca l'autorise davantage d'être plus proche de Poutine ?
00:56:15C'est très gênant pour le RN
00:56:17qu'il n'y a pas une tradition de pro-américanisme
00:56:19très forte.
00:56:21En même temps, Trump est maintenant l'homme de paix
00:56:23et donc ça commence à se compliquer
00:56:25dans les cerveaux du RN.
00:56:27Il y a beaucoup de heu-heu-heu,
00:56:29de gênes à la fois sur le fond
00:56:31et sur la tactique politique.
00:56:33Et un problème de lisibilité aussi.
00:56:35C'est indéniablement une gêne,
00:56:37puisqu'on a vu le côté brouillon
00:56:39de Marine Le Pen et du RN
00:56:41qui ont un peu changé de position
00:56:43de manière assez spectaculaire
00:56:45ces dernières semaines.
00:56:47Mais il y a aussi un pari,
00:56:49c'est de se dire qu'aujourd'hui,
00:56:51l'URN est en porte-à-faux avec l'opinion,
00:56:53qui a été extrêmement choquée
00:56:55par la séquence Zelensky-Trump
00:56:57qui est aujourd'hui soutenue
00:56:59massivement, ou en tout cas majoritairement
00:57:01dans les sondages par les Français.
00:57:03Quand il va commencer à coûter,
00:57:05quand l'émotion sera passée,
00:57:07potentiellement l'opinion va peut-être se retourner.
00:57:09Est-ce que l'Elysée est inquiète quand même
00:57:11de cette stratégie de l'extrême-droite,
00:57:13de Marine Le Pen qui dit attention,
00:57:15elle joue sur les peurs ?
00:57:17L'Elysée
00:57:19est dans cette bataille de communication
00:57:21dont je vous parlais tout à l'heure.
00:57:23Donc en fait, ils ont le souci de dénoncer
00:57:25une manipulation d'opinion.
00:57:27Pour l'instant, c'est vrai, Marco Pommier,
00:57:29l'opinion, les Français
00:57:31suivent plutôt
00:57:33les avertissements et le ton
00:57:35martial, l'alarme du Président.
00:57:37Les sondages sont assez clairs.
00:57:39Selon un sondage Ipsos,
00:57:41il y a 83% des Français
00:57:43qui se disent inquiets de la situation
00:57:45actuelle en Ukraine
00:57:47et, précision importante, dont
00:57:4978% des sympathisants
00:57:51du Rassemblement national.
00:57:53Il y a un autre sondage intéressant,
00:57:55Ipsos, qui montre que 68% des Français
00:57:57se disent favorables à une augmentation
00:57:59du budget de la défense en France
00:58:01dans les prochaines années et un autre chiffre
00:58:03qui contredit un peu Marine Le Pen,
00:58:0566% des Français qui sont favorables
00:58:07à l'adhésion de l'Ukraine
00:58:09à l'Union européenne.
00:58:11Effectivement, sur ce point, les Français donnent
00:58:13plutôt le point, c'est le cas de le dire,
00:58:15à Emmanuel Macron plutôt qu'à Marine Le Pen.
00:58:17Pour le moment, quand les sacrifices seront
00:58:19sur la table...
00:58:21On verra quand il faudra porter
00:58:23quelque chose de lourd.
00:58:25Financer l'effort de défense.
00:58:27Je crois que c'est ça.
00:58:29Dernier point, ultime tentative
00:58:31hier à Matignon de créer
00:58:33du consensus avec un partage
00:58:35d'informations au plus haut niveau
00:58:37de responsabilité.
00:58:39Les forces politiques ont pu dialoguer,
00:58:41téléphone mis de côté, bien sûr,
00:58:43avec le directeur général du renseignement
00:58:45extérieur et puis
00:58:47le chef d'Etat-major des armées.
00:58:49Ecoutez le Premier ministre.
00:58:51C'est un moment
00:58:53très difficile,
00:58:55c'est un moment très exigeant
00:58:57et c'est un moment qui exige
00:58:59beaucoup de solidarité nationale.
00:59:01C'est exactement ce que nous avons bâti
00:59:03cet après-midi.
00:59:05Alors, qu'est-ce qu'on peut dire de cette réunion ?
00:59:07Que savez-vous ?
00:59:09Il y avait les Insoumis,
00:59:11il y avait Marine Le Pen,
00:59:13tous les chefs de parti, ce qui ont été convaincus
00:59:15de la menace en sortant.
00:59:17Disons que non, je pense que les positions politiques
00:59:19des uns et des autres sont les mêmes au départ qu'à l'arrivée.
00:59:21Vous parliez des Insoumis,
00:59:23ce qui est très intéressant dans la séquence,
00:59:25c'est qu'on avait oublié un peu ces dernières années,
00:59:27on parle beaucoup des fractures à gauche sur
00:59:29la sécurité, l'écologie,
00:59:31l'économie, la laïcité. On oublie aussi
00:59:33que la question des relations internationales,
00:59:35la question de l'ordre mondial
00:59:37est quelque chose qui fracture la gauche
00:59:39entre, d'un côté,
00:59:41ceux qui considèrent que,
00:59:43dans un logiciel très anti-américain,
00:59:45c'est une forme d'escalade, et en face,
00:59:47Raphaël Duxman, qui accuse les Insoumis
00:59:49d'avoir un discours défectiste.
00:59:51On ne les remettra pas d'accord,
00:59:53pourtant c'est la gauche aux encharges. Vous avez deux secondes,
00:59:55trois secondes sur l'Elysée ?
00:59:57À l'Elysée, il y avait une autre réunion le matin pour évaluer
00:59:59les besoins de l'armée, et ça c'est essentiel,
01:00:01parce que ça va coûter beaucoup, et là on reviendra
01:00:03à l'Assemblée nationale pour voir si les crédits sont votés.
01:00:05En tous les cas, c'est assez inédit
01:00:07de partager ce niveau d'information
01:00:09pour les forces politiques. On verra
01:00:11si le consensus dans l'opinion
01:00:13tient, et combien de temps,
01:00:15et puis quels seront les efforts.
01:00:17J'espère que vous reviendrez, Bruno Tertrais.
01:00:19C'est le week-end. Profitez bien, pardon pour le retard.
01:00:21À la semaine prochaine.

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