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Aujourd'hui je vous propose un format entre documentaire et journal intime puisque je vais beaucoup vous parler de mon rapport au livre et comment il a Ă©voluĂ©. Ce sera probablement la vidĂ©o la moins neutre que vous verrez sur ma chaĂźne. En m’intĂ©ressant Ă  l’actualitĂ© du livre et ce qu’il dit de notre sociĂ©tĂ© que j’ai rĂ©alisĂ© Ă  quel point nos pratiques de lecture sont liĂ©es Ă  notre milieu social. Ce que l’on lit, et comment on lit, est un miroir de l’environnement dans lequel comment l’on a grandi. Alors je vais tenter de rĂ©pondre Ă  cette question : qu’est-ce qui fait qu’on se sente tellement illĂ©gitime Ă  lire qu’on aille brĂ»ler une mĂ©diathĂšque ? Pour explorer cette question loin d’ĂȘtre simple, je vous propose de partir Ă  la rencontre de sociologues, bibliothĂ©caires, d’amoureux et d'amoureuses du livre et surtout de partagera avec vous une conversation intime sur ce que le livre reprĂ©sente pour moi. A Vif, partie 2, c’est parti, suivez l’guide.
Transcription
00:00:00Le mardi 27 juin 2023, Naël, un jeune franco-algérien de 17 ans, meurt par tir à bout portant d'un policier.
00:00:07Pour vous recontextualiser trÚs rapidement la situation, Naël se trouve au volant d'une voiture à un feu rouge
00:00:12et la police, Ă  moto, veut le contrĂŽler en raison de son jeune Ăąge.
00:00:15D'aprÚs la version de la police, le véhicule fuit, se retrouve coincé dans les embouteillages
00:00:19et tente de repartir en fonçant sur le policier.
00:00:22Il aurait donc eu peur pour sa vie et aurait tiré en légitime défense.
00:00:25L'arme est alors pointée sur Naël et au moment de repartir, le policier tire.
00:00:29Pourtant, à aucun moment le véhicule ne dévie sur le policier dans les vidéos qui ont circulé.
00:00:34Ces images, toute la France les a vues et c'est bien parce qu'elles contredisent la version officielle de la police
00:00:39que cette nouvelle violence policiÚre a été l'élément déclencheur des révoltes.
00:00:43DÚs le lendemain, des tensions éclatent dans plusieurs grandes villes en hommage à Naël avec des messages anti-police.
00:00:48C'est une nouvelle rupture entre jeunes et forces de l'ordre.
00:00:50Pendant juin 2023, de nombreux dégùts ont eu lieu.
00:00:52Sur ces images, à gauche, on peut voir des voitures brûlées.
00:00:55À droite, c'est la mĂ©diathĂšque Jean MassĂ© Ă  Metz qui prend feu dans la nuit du vendredi 30 juin.
00:01:00En seulement deux heures, elle est complÚtement détruite et prÚs de 110 000 documents partent en fumée.
00:01:04Dans les deux cas, les images sont édifiantes.
00:01:06Pourtant, sans vouloir trop m'avancer et me prendre pour Madame Irma,
00:01:09j'imagine que l'image de la médiathÚque en feu vous a encore plus choquée.
00:01:13Elle n'a pas Ă©tĂ© la seule d'ailleurs Ă  ĂȘtre prise pour cible.
00:01:15Et pourtant, c'est un sujet dont on a assez peu parlĂ©, alors que plusieurs ont mĂȘme Ă©tĂ© rĂ©duites ensemble.
00:01:20Et pour vous dire, ça a mĂȘme fait rĂ©agir Elon Musk.
00:01:23C'est donc en m'intéressant à l'actualité du livre et à ce qu'il dit de notre société,
00:01:27que j'ai réalisé à quel point nos pratiques de lecture sont liées à notre milieu social.
00:01:31Ce qu'on lit et comment on lit est un miroir de l'environnement dans lequel on a grandi.
00:01:34Alors je vais tenter ici de répondre à cette question.
00:01:36Qu'est-ce qui fait qu'on se sente tellement illégitime à lire qu'on aille brûler une médiathÚque ?
00:01:40Pour explorer cette question, loin d'ĂȘtre simple, je vous propose de partir Ă  la rencontre de sociologues,
00:01:45bibliothécaires, d'amoureux et d'amoureuses du livre,
00:01:47et surtout de partager avec vous une conversation intime sur ce que le livre représente pour moi.
00:01:52C'est parti, suivez le guide !
00:01:53Comment peut-on avoir envie de détruire un tel lieu qui a pu avoir une telle rage ?
00:01:59J'ai merci de cette bande de racailles, on va vous en débarrasser.
00:02:02La lutte sera impitoyable contre les voyages.
00:02:04Les émeutes reprennent, cette fois, la colÚre ne s'éteindra pas.
00:02:08Pas du tout, pas du tout !
00:02:10Ma france Ă  moi leur tiendra, jusqu'Ă  ce qu'ils nous respectent.
00:02:17Bonjour et bienvenue, ici votre bon vieux Jeannot.
00:02:21Je vous propose un format entre documentaire et journal intime, on pourrait dire,
00:02:24puisque je vais vous parler de mon rapport au livre et comment il a évolué.
00:02:27Ce sera probablement la vidéo la moins neutre que vous verrez sur ma chaßne,
00:02:30de toute maniÚre, je suis convaincue que la neutralité, ça n'existe pas.
00:02:33Dans cette vidéo, vous remarquerez que j'utilise le terme de révolte et non émeute.
00:02:37Ça peut sembler anecdotique, mais si vous aimez le livre comme moi, vous le savez bien, les mots ont un sens.
00:02:42L'émeute évoque un soulÚvement populaire, généralement spontané et non organisé.
00:02:47Camille Chaise, porte-parole du ministÚre de l'Intérieur, en dit par exemple,
00:02:51il ne faut pas chercher forcément de symboles derriÚre tout ça, c'est vraiment des émeutes de la violence.
00:02:55C'est tout un récit médiatique qui s'installe alors que nos luttes sont organisées.
00:02:59Des problÚmes, des difficultés, beaucoup de Français en ont.
00:03:05Mais la violence ne rĂšgle jamais rien.
00:03:08La révolte est une action violente, certes, par laquelle un groupe se soulÚve contre l'autorité politique avec des revendications.
00:03:15Alors que le terme émeute dépolitise l'action et est connoté négativement.
00:03:18Pour changer, je vais vous parler un peu de moi.
00:03:20DĂ©jĂ , je m'appelle Jade, ça je crois qu'on l'a Ă©tabli il y a quand mĂȘme dĂ©jĂ  quelques temps,
00:03:24et j'ai passé une trÚs grande partie de ma vie dans le 93.
00:03:26Je suis nĂ©e Ă  Bagnolet et Ă  mes 5 ans, j'ai emmĂ©nagĂ© Ă  Sevran, oĂč j'ai vĂ©cu jusqu'Ă  mes 24 ans.
00:03:31Pour moi, c'est quelque chose qui a son importance sur ma maniĂšre de voir le livre.
00:03:34J'ai grandi en zone pavillonnaire, juste à cÎté de l'église pour ceux qui savent.
00:03:38Et pour ce qui est de mes parents, mon pÚre était chargé de projets techniques chez Orange, sur Aubervilliers,
00:03:42puis ensuite en région parisienne.
00:03:44J'ai jamais capté vraiment concrÚtement ce qu'il faisait comme travail.
00:03:46Et ma maman était professeure des écoles à Sevran.
00:03:48Et maintenant, ils vivent leur best life Ă  la retraite en Bretagne, Ă  manger des galets.
00:03:52Donc grandir Ă  Sevran, ouais, vous en avez peut-ĂȘtre une image un peu inquiĂ©tante avec Carice et ses canaches.
00:03:56Ah bah il est améliorable sur la carte, ça c'est sûr.
00:03:58Moi, c'est ma ville d'enfance, donc elle occupe une place particuliùre dans mon cƓur.
00:04:02Mais il faut le dire, comme beaucoup de villes de banlieue,
00:04:04c'est malheureusement pas en regardant le JT qu'on va se faire une idée concrÚte de ce qui s'y passe.
00:04:08Mes parents, ils nous ont toujours poussés vers l'éducation.
00:04:10On était quatre enfants, on a tous fait de grandes écoles, il y a eu une vraie ascension sociale,
00:04:14et ma maman était et reste encore aujourd'hui une grande amoureuse du livre.
00:04:17On dirait que je raconte grave ma life, mais vous en faites pas, ça va avoir de l'intĂ©rĂȘt aprĂšs.
00:04:20Si je vous dis ça, c'est un peu pour établir mon profil sociologique.
00:04:23On n'a pas forcément grandi avec beaucoup d'argent,
00:04:25mais mes parents ont mis beaucoup d'importance sur l'accÚs aux livres et le fait de développer notre curiosité.
00:04:29Il y a toujours eu des livres partout chez moi, jusque dans les toilettes.
00:04:32D'ailleurs, maman, avec le recul, je pense que d'un point de vue hygiénique, c'était pas ouf.
00:04:36Bon, je l'attaquine un peu gentiment.
00:04:37Bref, trÚs jeune, j'ai eu accÚs aux livres de plein de maniÚres différentes.
00:04:40Pour autant, j'ai un souvenir d'enfance en particulier qui me sort pas de la tĂȘte.
00:04:43C'est le jour oĂč le CDI de ce qui allait ĂȘtre mon futur collĂšge a brĂ»lĂ©.
00:04:46J'ai contacté une journaliste du Parisien qui travaillait à l'époque sur le terrain.
00:04:50Elle n'en a aucun souvenir et donc il n'y a aucun papier dessus en ligne.
00:04:53Il y a bien un article qui existe sur un incendie.
00:04:55Celui-lĂ , il a eu lieu en 2011.
00:04:57Ouais, plutÎt sympa mon ancien établissement.
00:04:59Malheureusement, il y a trÚs peu de gens avec qui j'étais au collÚge qui s'en souviennent
00:05:02parce qu'ils n'avaient pas forcĂ©ment de grands frĂšres ou de grandes sƓurs qui Ă©taient sur place Ă  ce moment-lĂ .
00:05:06Alors, je suis allée interviewer ma seule source qui a bien voulu m'en parler.
00:05:09Elle s'appelle Marie et c'est ma grande sƓur.
00:05:10Ah bah, je vous avais prévenu, il y aura zéro neutralité dans cette vidéo.
00:05:13Salut Marie.
00:05:14Salut Janine.
00:05:15Bon déjà, ça fait trop bizarre de t'appeler par ton prénom.
00:05:17Ça n'arrive absolument jamais.
00:05:19Aujourd'hui, on va revenir un peu sur notre enfance.
00:05:21C'est le moment oĂč le CDI de notre collĂšge Ă  l'Ă©poque a brĂ»lĂ© Ă  Sevran, en Seine-Saint-Denis.
00:05:27Toi, tu Ă©tais dans l'Ă©tablissement le jour oĂč c'est arrivĂ©.
00:05:30CDI, si je ne dis pas de bĂȘtises, c'est donc le centre de documentation et d'information.
00:05:33On va parler à partir de nos souvenirs, des souvenirs d'enfance, donc c'est forcément un petit peu biaisé.
00:05:38Si on repose un peu les choses, moi j'étais à l'époque en CM2, donc je n'étais pas encore arrivée dans l'établissement.
00:05:44Toi, tu étais en quatriÚme et François, notre grand frÚre, était en troisiÚme.
00:05:48Et Pierre, notre encore plus grand frĂšre, parce qu'on est beaucoup, il devait ĂȘtre au lycĂ©e.
00:05:51Ce dont je me rappelle, c'est qu'au départ, on ne comprend pas trop ce qui se passe.
00:05:55Mais on n'est pas trop inquiets, on croit que c'est un peu un jeu, on se dit que c'est un exercice.
00:05:59Dans le sens oĂč tu entends l'alarme, c'est ça ?
00:06:00On entend l'alarme, exactement.
00:06:01On entend l'alarme et du coup, on fait un peu, chacun, les profs sont un peu étonnés.
00:06:06Donc on se dit, c'est juste un exercice, ils font des blagues.
00:06:10Sachant qu'à l'époque, ça arrivait qu'il y ait des petits malins qui fassent l'alarme pour finir les cours plus tÎt.
00:06:15Exactement, c'est ça.
00:06:15Et donc, on ne prend pas trop le truc au sĂ©rieux, mais on voit que les profs sont un peu Ă©tonnĂ©s quand mĂȘme.
00:06:19Mais on se dit, tu sais, réflexe de prendre tes clés, t'attrapes un peu tes trucs, ton stylo préféré.
00:06:24À l'Ă©poque, t'as une trousse, une super trousse.
00:06:26T'es une petite rude idole.
00:06:27Je prends ma super belle trousse, mais tu pars un peu, t'as tes clés et basta.
00:06:32Et donc, tout le monde sort, on se retrouve sur le trottoir d'en face.
00:06:36Ils font vraiment sortir un peu plus loin que d'habitude.
00:06:38On n'est pas juste devant le collÚge, mais on va carrément sur le trottoir d'en face.
00:06:43Et donc, il y a la rue, les trÚs grandes rues qui nous séparent.
00:06:46Et on voit un peu de loin, mais on ne comprend pas vraiment.
00:06:49Le jour J, ce qui se passe.
00:06:50On ne sait pas ce qui brûle, qu'est-ce qui brûle, combien de temps ça brûle.
00:06:53On ne prend pas la mesure du truc, tu vois.
00:06:54Tu captes qu'il y a quelque chose qui est en train de brûler ?
00:06:56Bah oui, on se dit, c'est une vraie alarme incendie.
00:06:59Il y a vraiment un incendie, cette fois-ci, ce n'est pas un exercice.
00:07:01Et cette fois-ci, il se passe quelque chose parce qu'on ne re-rentre pas.
00:07:05Ça ne dure pas qu'un quart d'heure.
00:07:06Je crois qu'on nous renvoie chez nous, ce jour-lĂ .
00:07:08Si ma mémoire est vraiment bonne, on nous renvoie chez nous.
00:07:10Et du coup, tu as effectivement, heureusement, ceux qui ont pris leur clé ont les affaires avec eux.
00:07:15Il y en a qui sont trop contents parce que finalement, ils n'ont pas leur, tu sais, les cahiers de dévoir et ils ne savent pas ce qu'ils doivent faire pour le lendemain.
00:07:20Ils sont en mode, allez, yolo, on rentre Ă  la maison.
00:07:22Je crois que c'est qu'en revenant en cours le lendemain.
00:07:26Je crois que ça a rouvert tout de suite et je n'ai pas mémoire d'avoir un jour fermé.
00:07:30Peut-ĂȘtre que ma mĂ©moire me fait dĂ©faut, mais on revient.
00:07:33Et lĂ , on comprend, on apprend ce qui se passe.
00:07:35Et comment tu l'apprends ? Tu te souviens de ça ?
00:07:37Assez vite.
00:07:39Déjà, ça sent le brûlé de partout.
00:07:41On comprend du coup, quelques jours aprÚs, que le CDI a brûlé donc.
00:07:44Et je me souviens que ce qui se diffuse comme explication, c'est qu'il y a des petits malins qui voulaient juste en gros pas aller travailler
00:07:54et qui ont fait brûler le CDI parce que c'est le lieu dans un collÚge qui fait un plus beau départ de feu, si on peut dire ça comme ça.
00:08:03Parce que les livres, ça crame, ça brûle d'un coup.
00:08:07Et on se dit que si tu fais un bon départ de feu par là, tu as une chance de pouvoir brûler le collÚge en intégralité.
00:08:13C'est ça dont je me souviens et vraiment, du coup, la fermeture du fait que moi, je n'ai pas du tout souvenir que ça ait rouvert.
00:08:20Fermeture du CDI.
00:08:21Du CDI, ouais.
00:08:22Quand mĂȘme, on n'a plus eu de livres, tout simplement, pendant super longtemps.
00:08:27Et on n'avait plus accÚs à la bibliothÚque au sein de l'école alors que pour beaucoup de familles, c'est une découverte.
00:08:32Il y a plein de gens qui n'allaient pas Ă  la bibliothĂšque.
00:08:34Il y a plein de livres.
00:08:35Il y en a qui n'avaient pas des livres chez eux.
00:08:37C'est un endroit, du coup, qui était important pour plein de personnes dans le collÚge.
00:08:40Et d'un coup, tu n'as plus accÚs à ça et c'est fermé pendant super longtemps.
00:08:44On sentait l'odeur du brûlé dans les classes, tu vois, cette odeur désagréable.
00:08:47Je n'ai pas de souvenirs de suie sur les murs ou des trucs comme ça, mais il y avait cette odeur et cette ambiance super bizarre.
00:08:53Des semaines aprĂšs et mĂȘme, franchement, super longtemps aprĂšs, tu es en train de jouer dans la cour, tu attrapes un truc comme ça par terre.
00:08:59Et tu te dis, ah, c'est ouf, c'est une page de livres qu'a brûlé.
00:09:01Et tu arrives à avoir un mot et tu te dis, quel livre c'était, à quoi ça correspond.
00:09:05Enfin, c'est des vestiges du truc qui sont encore lĂ , c'est assez impressionnant.
00:09:09Et je me rappelle aussi, quelques semaines aprÚs, il y a eu un élan de solidarité énorme.
00:09:13Ils avaient demandé un peu autour, aux familles, aux élÚves, de faire des dons de livres pour le futur CDI qui allait rouvrir.
00:09:21Et ça, c'était assez beau à voir.
00:09:23Je me souviens, on apportait tous nos petits livres Ă  droite Ă  gauche.
00:09:26Il y avait une grande collecte.
00:09:27MĂȘme nous, maman, elle Ă©tait la premiĂšre Ă  aller dans les Ă©tagĂšres.
00:09:30Et tu te souviens, au bout de combien de temps, il a réouvert ?
00:09:33Parce que j'avoue, moi, je n'ai pas de souvenirs, j'étais trop petite.
00:09:36Mais du coup, je crois que moi, quand je suis arrivée, donc quelques mois aprÚs, il n'y avait pas de CDI.
00:09:38Pour moi, la fermeture était hyper longue.
00:09:41Je crois qu'on n'a plus du tout, du tout eu de CDI pendant...
00:09:45Et il y a le choc aussi, tu sais.
00:09:47Les femmes qui travaillaient au CDI, du jour au lendemain, tu les mets un peu en mode, bon, ça a cramé votre lieu de travail.
00:09:53Donc, tu les mets un peu au chĂŽmage technique, on va dire.
00:09:57Et non, moi, je n'ai pas du tout souvenir que ça ait pu réouvrir.
00:10:01Ça chamboule dĂ©jĂ  humainement les gens qui sont lĂ , ça chamboule la structure, ça chamboule...
00:10:06Tu as des assurances, tu as des travaux, tu as des réparations, tu as des...
00:10:10Et c'est des structures qui sont vieilles.
00:10:11Et quand ça brûle, ça révÚle aussi toutes les fragilités des bùtiments qui sont en réalité...
00:10:16Il y a un besoin de modernisation qui est énorme et un manque de moyens.
00:10:19Je suis retournĂ©e il y a quelque temps dans notre ancien collĂšge pour voir oĂč ça en Ă©tait.
00:10:24Et en fait, il y a plein de choses qui m'ont choquée.
00:10:26Déjà, d'y retourner, ça m'a paru tout petit.
00:10:29Ah oui, les yeux d'adulte, ça c'est toujours choquant.
00:10:31Ça fait toujours trop bizarre.
00:10:32Et en fait, j'ai trouvé que le CDI était minuscule.
00:10:35Il n'y avait vraiment pas beaucoup de livres.
00:10:38Par rapport à d'autres établissements, tu vois.
00:10:40Il y a un étage, mais qui n'était pas utilisé.
00:10:42J'ai trouvé que c'était trÚs grand, mais que le nombre de livres, ça restait relativement petit.
00:10:48Et en fait, quand j'en ai parlé avec les documentalistes, tu sens que le sujet était encore tendu.
00:10:51Ah ouais, c'est fou.
00:10:52Alors que ça fait 17 ans, si je ne suis pas trop mauvaise en maths.
00:10:55Quas-tu que 20 ans ?
00:10:55Enfin, quasi 20 ans.
00:10:56Et j'ai senti qu'elles étaient encore assez choquées par ça.
00:10:59Alors que ce n'est pas elles forcément qui l'ont vécu, mais on leur a raconté.
00:11:01Donc c'est un truc qui a marqué plusieurs générations.
00:11:04Et en fait, il reste des traces de l'incendie.
00:11:07Ouf.
00:11:07Donc en fait, je ne sais pas si tu te souviens bien, mais en fait, le CDI, c'était des vitres transparentes.
00:11:15Et donc, il y a des traces oĂč tu vois que les vitres sont encore abĂźmĂ©es.
00:11:18Si tu ne le sais pas, tu ne sais pas qu'il y a eu un incendie.
00:11:21Mais elles m'ont dit, il y a des élÚves parfois qui nous demandent, et on ne sait pas trop quoi répondre.
00:11:24Incroyable.
00:11:24Je ne sais pas si tu te souviens, du lino un peu dégueulasse orange par terre.
00:11:28Il y a des endroits oĂč ça a Ă©tĂ© brĂ»lĂ© et ça a Ă©tĂ© remplacĂ© par une autre couleur.
00:11:31Donc tu le sais.
00:11:32Tu comprends.
00:11:33En fait, tu le sais sans le savoir, mais il y a plein de choses comme ça.
00:11:35Si tu connais l'historique, tu vas voir.
00:11:36Si tu connais l'historique, exactement.
00:11:38Et en fait, il y a plein de choses qui ne sont pas encore aux normes.
00:11:41Je ne rentrerai pas dans les détails parce que je n'ai pas les termes techniques.
00:11:43Mais en fait, tu te dis, il n'y a pas forcĂ©ment grand-chose qui a pu ĂȘtre mis en place aprĂšs.
00:11:48C'est fou.
00:11:48Et mĂȘme s'il y a eu cet Ă©lan de solidaritĂ©, les documentalistes me disaient que pendant trĂšs longtemps,
00:11:52elles ont dĂ» continuer de prĂȘter des livres avec de la sueur dessus, tu vois, des Ă©lĂšves.
00:11:57Ah ouais, c'est fou.
00:11:57Et que ça ne fait vraiment que trois ans qu'elles ont pu se débarrasser enfin de ce stock-là.
00:12:01D'accord.
00:12:02Et tu te dis, en fait, moi, ça m'a créé un truc un peu révoltant.
00:12:04Je me suis dit, mais on nous fait la grande histoire de l'égalité des chances, etc.
00:12:08Et moi, j'ai envie d'y croire, Ă  ce truc-lĂ .
00:12:10Et pour toi, je suis arrivée, je me suis dit, tu arrives là, dans cet établissement,
00:12:14tu as l'impression que tu n'as aucune chance de t'en sortir, tu vois.
00:12:16Soyons pas dans le truc hyper défaitiste, mais les ressources que tu as, il y en a trÚs peu, en fait.
00:12:22Nous, il y a certes le CDI qui avait brûlé, mais rappelons-le, dans l'univers culturel,
00:12:26on a aussi le cinéma qui a brûlé.
00:12:27Je crois qu'il n'a jamais rouvert, d'ailleurs, ce cinéma.
00:12:30Je ne sais mĂȘme pas s'il a brĂ»lĂ© ou juste, je crois qu'il y a eu un truc oĂč, en fait, il y a eu des dĂ©gĂąts.
00:12:35Il devait le rouvrir et, en fait, il n'a jamais rouvert.
00:12:36Il y avait de l'amiante, etc.
00:12:38Et du coup, maintenant, c'est un lieu d'urbex.
00:12:40C'est le mĂȘme sujet.
00:12:40Et en fait, on a grandi dans une ville oĂč il n'y avait pas de cinĂ©ma.
00:12:43On a eu beaucoup de bibliothĂšques, ça, c'Ă©tait quand mĂȘme une chance.
00:12:44La piscine, qui était complÚtement...
00:12:46Toutes les infrastructures culturelles et mĂȘme sportives, franchement, on se dit, la France, on bosse, etc.,
00:12:54pour avoir une mĂ©ritocratie, pour que tout soit au mĂȘme niveau.
00:12:57Mais clairement, on n'a pas tous les mĂȘmes chances, on n'est pas tous les mĂȘmes endroits.
00:13:00Et encore, je dis ça d'un point de vue trÚs favorisé.
00:13:02Nous, j'estime que mĂȘme dans la ville dans laquelle on Ă©tait, on faisait partie des personnes qui Ă©taient dans une classe moyenne
00:13:08oĂč on a eu beaucoup de chance, on n'a manquĂ© de rien.
00:13:09Mais le fait est que quand tu regardes et que tu zooms sur les infrastructures et que tu compares,
00:13:14moi, pour avoir, aprÚs le bac, commencé à étudier à Paris et avoir étudié dans un lycée en prépa à Paris,
00:13:21je me suis dit, waouh, attends, c'est un lycĂ©e qu'on avait, nous, oĂč genre, il manque des chaises, oĂč il y a des trous dans le plafond.
00:13:26Tu lĂšves la plaise Sandra en 93, Ă©videmment qu'on n'a pas de rideau et qu'on les faits nous-mĂȘmes.
00:13:32Et je me dis, aprÚs les lycées à Paris, déjà, c'est des lieux historiques.
00:13:37Visuellement, tu as l'impression que tu es dans un musée, c'est un truc de fou.
00:13:39Enfin, le décalage, le choc des cultures, il est énorme.
00:13:42Et pour revenir un peu sur les révoltes en 2005, est-ce que toi, tu t'en souviens ?
00:13:46J'avoue, moi, je n'ai quasiment aucun souvenir. J'avais 9 ans, je crois.
00:13:49Ouais.
00:13:50C'est un petit...
00:13:50Moi, pour le coup, j'ai des souvenirs.
00:13:52J'ai des souvenirs de choses qui brûlent aussi beaucoup.
00:13:57Ouais.
00:13:57J'ai des souvenirs, globalement aussi, du traitement, ça c'est rigolo, du médiatique à l'international.
00:14:03On voyait sur CNN des vidéos de nos quartiers.
00:14:07Genre, tu vois, juste à cÎté de chez toi, sur CNN, en train de brûler, avec des sous-titres en mode riot et tout.
00:14:14On était en mode, mais attends, mais qu'est-ce qui se passe ?
00:14:15C'est bon, il y a une poubelle qui a brûlé.
00:14:17Ils ont pris les bonnes images et ce n'est pas non plus la fin du monde.
00:14:20Et je sais que nous, on avait de la chance aussi.
00:14:22On était dans un quartier pavillonnaire.
00:14:24Ouais, ouais.
00:14:25Le cƓur le plus dur de la ville, mĂȘme si dans laquelle on Ă©tait, qui n'Ă©tait pas trĂšs favorisĂ©.
00:14:30Mais je me souviens d'avoir entendu par les copains et copines qui étaient dans ces quartiers-là
00:14:34que telle nuit, ça avait été chaud, qu'ils avaient brûlé des trucs, machin.
00:14:38Et le plus choquant, c'était de voir effectivement le décalage et de se dire,
00:14:41en fait, c'est fou, c'est chez nous.
00:14:43Et certes, il se passe des choses, mais on n'est pas pris au sérieux.
00:14:46On est tournés en dérision.
00:14:47Moi, vous avez vu, ils sont déchaßnés, etc.
00:14:50Dans le vocabulaire, il y a quelque chose qui est trĂšs flagrant.
00:14:52C'est que pendant les révoltes, on utilise des mots, genre on dit, c'est des racailles, des actes dommages.
00:14:57En effet, ça ne représente pas toute la population.
00:14:59Mais en mĂȘme temps, cette population-lĂ , c'est une colĂšre qui, moi, me semble lĂ©gitime aussi, tu vois.
00:15:03C'est un symptĂŽme de tension.
00:15:04Exactement.
00:15:05Et oĂč, en fait, tout de suite, on nous renvoie ce truc de...
00:15:08C'est une énorme violence parce que ça passe par le feu et parce qu'en effet, ça passe par une forme de violence.
00:15:12En fait, le problÚme n'a pas été traité.
00:15:14Cette affaire résonne malheureusement avec beaucoup d'autres, mais une en particulier,
00:15:17celle de Zied et Bouna, qui en 2005 sont morts électrocutés
00:15:21alors qu'ils tentaient d'échapper à un contrÎle de police.
00:15:23Ça s'explique puisque cette fois, on a des images
00:15:26et avec la force de frappe des réseaux sociaux qu'on n'avait pas à l'époque.
00:15:28L'information devient alors virale
00:15:30et ils ont permis de diffuser le mouvement plus vite et plus loin qu'en 2005.
00:15:33En 2023, il y a plus d'interpellations
00:15:35ou du moins autant en une semaine par rapport Ă  2005.
00:15:38Environ un tiers des interpellés sont des jeunes, voire mineurs.
00:15:41Beaucoup de policiers sont blessés
00:15:42et d'aprÚs le Sénat, on compte 50 000 émeutiers.
00:15:44Les dégùts sont aussi plus coûteux alors que les révoltes ne durent qu'une dizaine de jours
00:15:48contre trois semaines en 2005.
00:15:50Et ce qui est particuliÚrement frappant par rapport aux précédentes mobilisations,
00:15:53c'est que les révoltes se propagent beaucoup plus loin.
00:15:5566 départements sont touchés contre 25 en 2005.
00:15:58Afin de mieux comprendre les événements,
00:16:00j'ai interviewé Denis Merklen, sociologue, professeur à la Sorbonne
00:16:03et auteur du livre « Pourquoi brûle-t-on des bibliothÚques ? ».
00:16:06J'ai pu échanger avec lui à la médiathÚque Georges Brassens
00:16:08Ă  Drancy en Seine-Saint-Denis,
00:16:10qui a eu la gentillesse de nous accueillir,
00:16:12ainsi qu'avec Eléonora Leboec,
00:16:14qui est secrétaire adjointe au sein de l'Association des bibliothécaires de France.
00:16:18Eléonora, Denis, bonjour.
00:16:19Bonjour.
00:16:20Bonjour.
00:16:20Eléonora, pendant les événements de juin dernier,
00:16:23donc toi tu as connu directement au sein de ta médiathÚque
00:16:25des dégradations qui ont eu lieu.
00:16:29La bibliothĂšque de Sainte-GeneviĂšve-des-Bois,
00:16:30comme la plupart des bibliothÚques qui ont été touchées à ce moment-là,
00:16:34elle a eu quelques dégradations.
00:16:36Donc dans une nuit, on a eu quelques vitres brisées
00:16:40et des feux d'artifice lancés à l'intérieur de la bibliothÚque.
00:16:45C'Ă©tait des dĂ©gĂąts matĂ©riels qui ont pu ĂȘtre rĂ©glĂ©s en quelques jours,
00:16:49quelques jours de fermeture, et puis on a pu réouvrir.
00:16:52D'autres bibliothÚques ont été un petit peu plus touchées.
00:16:55Globalement, avec le ministĂšre,
00:16:57l'ABF, donc l'association,
00:16:59et le ministÚre conjointement à ce moment-là ont essayé de lister.
00:17:03Les bibliothÚques avaient été touchées.
00:17:06On en a recensé à peu prÚs une cinquantaine sur le territoire français.
00:17:09Il y a des choses trÚs différentes qui se sont passées en fonction des territoires.
00:17:13La partie du mobilier urbain proche de la bibliothĂšque
00:17:15qui est dégradée ou brûlée,
00:17:17et donc quelques dégradations sur le bùtiment,
00:17:20a vraiment quelques bibliothÚques qui ont été incendiées entiÚrement,
00:17:24moins d'une dizaine, donc vraiment sur les 50.
00:17:26En regard d'une dizaine ou une quinzaine de jeunes
00:17:29qui sont venues et qui se sont introduites dans la bibliothĂšque
00:17:33pour faire des dégradations,
00:17:35une dizaine et une quinzaine d'habitants du quartier
00:17:38sont descendus à défendre la bibliothÚque.
00:17:41Il n'y a pas eu une explication à tout ce qui s'est passé en une nuit.
00:17:44Il y a des bibliothĂšques qui sont prises par cible,
00:17:47de caillassage, de cocktails Molotov,
00:17:50qui deviennent parfois des incendies ou pas,
00:17:52en dehors des contextes émeutiers.
00:17:57Donc il n'y a pas une relation mécanique et immédiate
00:18:01entre l'émeute et l'incendie et la bibliothÚque,
00:18:03ou l'incendie et la bibliothÚque comme un fait de l'émeute.
00:18:06Ça c'est historiquement faux.
00:18:09Cependant, il y a une coĂŻncidence temporelle
00:18:11entre la séquence historique des émeutes,
00:18:15qu'on connaĂźt en France,
00:18:16les révoltes urbaines ou les violences urbaines
00:18:18comme on les a nommées au départ, à la toute fin des années 70,
00:18:22début des années 80 jusqu'à aujourd'hui.
00:18:25Donc ça fait plus de 40 ans.
00:18:27La bibliothĂšque se trouve dans un espace conflictuel.
00:18:29Bien qu'elle soit pensée comme un équipement de services publics,
00:18:33et donc comme en faisant partie de l'espace public,
00:18:36elle est l'une des institutions principales de l'espace public,
00:18:39et bien elle se voit ramener dans un espace conflictuel,
00:18:43qui est un espace conflictuel Ă  la fois culturel, social et politique.
00:18:47Ce que je veux dire, c'est qu'il y avait un silence
00:18:51qui entourait les incendies des bibliothĂšques.
00:18:54Alors puisque c'est à la mode, je me précipite à dire,
00:18:57ce n'est pas une invisibilisation,
00:18:59ce n'est pas qu'on voulait le cacher,
00:19:01c'est qu'on était dans l'impossibilité d'en parler.
00:19:04Notre espace politique et les espaces professionnels,
00:19:07que ce soit les espaces des bibliothécaires,
00:19:09que ce soit les espaces des agents de la culture
00:19:12et de la lecture publique en particulier,
00:19:14que ce soit les sciences sociales,
00:19:16ne disposait pas d'un appareil
00:19:19ou d'un appareillage conceptuel et de mots
00:19:23permettant de parler sereinement de ce qui se passe
00:19:27et d'accueillir cela comme relevant d'autre chose
00:19:31qu'un simple acte de délinquance.
00:19:34Pendant les révoltes, il y a quelque chose
00:19:35que j'ai beaucoup entendu et qui me faisait mal personnellement,
00:19:38c'est ce truc, de toute façon,
00:19:39ils brûlent tout, ils brûlent n'importe quoi,
00:19:40ils ne savent pas ce qui brûle,
00:19:41alors que pourtant vous expliquez que s'attaquer à une médiathÚque ou une bibliothÚque,
00:19:45c'est un geste trĂšs symbolique.
00:19:46C'est un geste exclusivement d'ordre symbolique,
00:19:50c'est-Ă -dire que ce n'est pas un rapport de force,
00:19:52on ne va pas brĂ»ler la bibliothĂšque pour empĂȘcher qu'elle fonctionne,
00:19:54on sait pertinemment que la médiathÚque ou la bibliothÚque ou l'équipement
00:19:58sera remise en forme et les activités reprendront.
00:20:04Il y a une parfaite économie morale et une grand-mÚre,
00:20:08si je peux parler comme ça,
00:20:10de ce qui est cassé en général dans les meutes
00:20:13et en particulier concernant les équipements culturels.
00:20:16Je donne pour preuve un seul élément.
00:20:20Jusqu'à présent, il n'y a pas eu de personnes atteintes dans ces attaques.
00:20:25Les personnes physiques ne sont pas blessées ni victimes d'incendies.
00:20:29Tous les incendies se produisent quand les équipements sont fermés.
00:20:33C'est penser que les gens ne savent pas ce qu'ils font,
00:20:36c'est tout simplement ne pas avoir pris le temps de discuter avec eux.
00:20:41Imaginez-vous dans quelle crise politique nous sommes,
00:20:46qu'une institution culturelle qui se veut totalement ouverte
00:20:50a besoin de faire appel aux sciences sociales
00:20:53pour pouvoir connaĂźtre ce qu'ils pensent leurs voisins,
00:20:56les gens qui habitent juste dans l'immeuble d'à cÎté.
00:21:01Qu'est-ce qui se passe ?
00:21:03Qu'est-ce qui se passe dans notre démocratie
00:21:05pour avoir besoin de telles médiations ?
00:21:07Ce qui serait souhaitable, c'est que moi, sociologue,
00:21:10je débarque depuis le haut de mon université dans un quartier
00:21:13et que les bibliothécaires me disent
00:21:16« Non, mais c'est moi qui connais les habitants,
00:21:18pas vous ou pas toi. »
00:21:20Moi, je discute avec eux tous les jours,
00:21:22pas seulement avec ceux qui viennent dans la bibliothĂšque,
00:21:24mais ceux qui ne viennent pas.
00:21:26Et cependant, on me demande,
00:21:28mais vous qui avez parlé avec eux,
00:21:30qu'est-ce qu'ils vous disent ?
00:21:32Comme si j'étais allé en terre inconnue,
00:21:34comme un ethnographe du 18e siĂšcle,
00:21:37plutĂŽt du 19e siĂšcle,
00:21:39je suis allé voir Lavao Mato Gros,
00:21:41j'ai parlé avec les Nambiguara,
00:21:43j'ai appris leur langue,
00:21:44je viens vous raconter ce qui s'y passe.
00:21:46Non, c'est ici, lĂ .
00:21:48On les voit par la vitre,
00:21:49les habitants de ces quartiers.
00:21:52Et donc, lĂ , nous avons la preuve
00:21:57de l'énorme profondeur de la crise.
00:22:01Nous avons des brillantissimes
00:22:02et des trÚs bien intentionnés professionnels,
00:22:06mais nous avons des acteurs de politique culturelle
00:22:09qui, du point de vue politique, sont rachitiques.
00:22:11Nous, on a besoin d'ĂȘtre soutenus,
00:22:13et notamment dans les quartiers populaires,
00:22:14puisque parfois,
00:22:16on est le seul équipement public ouvert.
00:22:18Parfois, on fait aussi café, PMU,
00:22:21endroit oĂč on peut jouer aux jeux vidĂ©o,
00:22:24endroit oĂč il ne pleut pas
00:22:25et on peut se rencontrer,
00:22:27endroit oĂč on peut faire de l'accompagnement scolaire
00:22:29parce qu'Ă  la maison,
00:22:30il n'y a pas assez d'espace.
00:22:32Et c'est Ă  cet endroit-lĂ 
00:22:33oĂč nous, on aimerait Ă©voquer ça, justement,
00:22:35avec l'État,
00:22:37avec les élus locaux
00:22:39et toute leur masse d'expertise aussi de ce cÎté-là,
00:22:43c'est que les bibliothĂšques
00:22:45sont les grandes oubliées
00:22:46des politiques publiques,
00:22:48des quartiers prioritaires.
00:22:50On n'a pas les codes
00:22:51ou on n'a pas le vécu, tout simplement,
00:22:54de ces personnes-lĂ .
00:22:55C'est qu'on se demande, effectivement,
00:22:56si la population de ces quartiers-lĂ 
00:22:58n'est pas présente
00:22:59dans les équipes des bibliothÚques.
00:23:02Parce que c'est plus difficile
00:23:03d'avoir un diplÎme métier du livre,
00:23:04parce que c'est plus difficile
00:23:06de passer les concours
00:23:07de la fonction publique,
00:23:08parce que, trĂšs clairement,
00:23:10on n'a pas une diversité folle
00:23:12dans ce métier
00:23:14comme dans d'autres, d'ailleurs.
00:23:15Les 15 500 bibliothĂšques
00:23:16dont je parlais tout Ă  l'heure,
00:23:18c'est autant 50 mÚtres carrés
00:23:20en pleine ruralité
00:23:21qu'une grande médiathÚque
00:23:22de 3 000 mÚtres carrés
00:23:23en plein quartier populaire.
00:23:25Et, effectivement,
00:23:27Ă  chaque ville,
00:23:29Ă  chaque village,
00:23:31on fabrique des solutions différentes
00:23:35pour fabriquer des bibliothĂšques.
00:23:36On essaie de plus en plus
00:23:38d'élargir ce que veut dire la culture.
00:23:41La culture, c'est un manga.
00:23:43La culture, c'est un vinyle.
00:23:45La culture, c'est un artiste
00:23:46qui vient faire un spectacle.
00:23:48Ça peut ĂȘtre un tournoi
00:23:49de jeux vidéo FIFA
00:23:51pendant deux semaines.
00:23:53La culture, c'est aussi ça.
00:23:54Et c'est en discutant,
00:23:56notamment avec cette population-lĂ 
00:23:58et en faisant, effectivement,
00:24:00avec et non plus seulement pour,
00:24:03qu'on se dit qu'il y a des choses
00:24:05qui rentrent dans les collections
00:24:07ou dans la vie du bĂątiment
00:24:08et qui rendent les choses vivantes.
00:24:11Et c'est en ça que les bibliothÚques
00:24:13ou les médiathÚques,
00:24:15quand elles font rentrer
00:24:16du spectacle vivant,
00:24:18du cirque, de la musique,
00:24:20avec un tremplin pour les groupes locaux,
00:24:24etc.,
00:24:25elles ont besoin aussi
00:24:27d'ĂȘtre soutenues
00:24:28pour qu'il y ait,
00:24:29parallĂšlement Ă  cette vie,
00:24:31aussi des places assises,
00:24:32silencieuses,
00:24:33pour pouvoir étudier,
00:24:35notamment avant le bac et le brevet,
00:24:37qui sont les grands enjeux,
00:24:38quand mĂȘme,
00:24:39pour une partie de nos publics,
00:24:41en fait,
00:24:41de la population qui passe.
00:24:42C'est les collégiens,
00:24:44les lycéens,
00:24:45et les étudiants aussi.
00:24:48Comment on fait
00:24:48pour faire vivre
00:24:50ces deux utilisations,
00:24:53en fait,
00:24:54de la bibliothĂšque
00:24:54et de la médiathÚque ?
00:24:56Les bibliothécaires,
00:24:57ils prennent des bibliobus,
00:24:58ils vont sur les places,
00:25:00les parcs l'été,
00:25:01ils vont lire dans les parcs.
00:25:03Certains montrent
00:25:04des bibliothĂšques en prison,
00:25:05dans les hĂŽpitaux.
00:25:06La bibliothĂšque
00:25:07et les bibliothécaires
00:25:08et ce que nous,
00:25:09on appelle
00:25:09une politique
00:25:10de lecture publique,
00:25:12c'est quand mĂȘme
00:25:12quelque chose
00:25:13qui, normalement,
00:25:15devrait s'aimer
00:25:16en dehors du lieu.
00:25:19On n'apporte pas
00:25:22un échange
00:25:23autour de la culture,
00:25:25la littérature
00:25:25ou d'autres choses,
00:25:27la musique,
00:25:28du cinéma,
00:25:29seulement à l'intérieur
00:25:30du lieu bibliothĂšque.
00:25:31On peut sortir, nous,
00:25:34ou sortir les ressources
00:25:36qu'on a
00:25:36pour pouvoir se baser
00:25:38sur des groupes sociaux
00:25:40qui existent déjà.
00:25:42C'est un travail
00:25:43que font les bibliothécaires
00:25:44en quartier populaire
00:25:45depuis trĂšs longtemps,
00:25:46d'aller lire
00:25:46dans les parcs,
00:25:47par exemple,
00:25:48et de sortir
00:25:49de la bibliothĂšque.
00:25:50Et ça,
00:25:50c'est peut-ĂȘtre
00:25:51quelque chose
00:25:51qui travaille
00:25:54un petit peu
00:25:54cette frontiĂšre
00:25:55dont on parle
00:25:56depuis tout Ă  l'heure,
00:25:57c'est-Ă -dire
00:25:57la vitre,
00:25:59la porte
00:25:59de la bibliothĂšque.
00:26:01C'est l'institution,
00:26:02mais lĂ ,
00:26:02c'est le bibliothécaire
00:26:03qui n'accueille,
00:26:04ce n'est pas
00:26:04qu'il accueille chez lui,
00:26:05c'est qu'il est accueilli
00:26:06chez les gens.
00:26:07Et d'aprĂšs vous,
00:26:08les événements
00:26:09de cet été,
00:26:10ils étaient prévisibles ?
00:26:11La prochaine émeute
00:26:12est parfaitement prévisible,
00:26:14celle qui viendra.
00:26:15Nous ne savons pas
00:26:16dire quand
00:26:17elle va survenir,
00:26:19mais toutes les autorités
00:26:20savent
00:26:22qu'elle peut
00:26:23advenir
00:26:24Ă  un moment
00:26:25ou Ă  l'autre.
00:26:26Il y aura
00:26:26un concours
00:26:27de circonstances
00:26:28qui va faire
00:26:28que le combustible
00:26:30inflammable
00:26:31avec lequel
00:26:32nous arrosons
00:26:33nos espaces sociaux
00:26:34va prendre feu
00:26:35d'un moment
00:26:36Ă  l'autre.
00:26:37Le rapport
00:26:37entre les forces
00:26:39de l'ordre
00:26:40et la population
00:26:41n'évolue pas
00:26:43dans le bon sens.
00:26:44La conflictualité sociale
00:26:45n'évolue pas
00:26:46dans le bon sens.
00:26:48Le fonctionnement
00:26:48des institutions politiques
00:26:49Ă  commencer
00:26:50par le vote
00:26:51et la démocratie
00:26:52n'évolue pas
00:26:52dans le bon sens.
00:26:53Les organisations politiques
00:26:55ont énormément de mal
00:26:56Ă  travailler
00:26:57dans ces espaces
00:26:59Ă  travers
00:27:00un travail militant
00:27:01et les institutions,
00:27:04on vient de le voir,
00:27:05ont énormément de mal
00:27:06Ă  communiquer
00:27:06et Ă  faire rentrer
00:27:08le monde
00:27:08dans leurs espaces
00:27:09qui sont plutÎt protégés.
00:27:11Donc le meute,
00:27:13elle est lĂ ,
00:27:13bien sûr.
00:27:14Elle fait partie
00:27:14de notre vie démocratique
00:27:15aujourd'hui.
00:27:16Aujourd'hui,
00:27:17d'aprÚs des études,
00:27:18les catégories sociales
00:27:18défavorisées
00:27:19ne se sentent pas spécialement
00:27:20concernées par la lecture
00:27:21de livres,
00:27:22mais beaucoup le regrettent.
00:27:23La faible pratique
00:27:23de la lecture
00:27:24dépend beaucoup
00:27:25du milieu social
00:27:26de l'enfant.
00:27:26Clairement,
00:27:27la lecture,
00:27:27c'est un délire
00:27:28de reproduction sociale.
00:27:29Je serais le parfait
00:27:29petit exemple pour Bourdieu.
00:27:31Et c'est donc
00:27:31les pratiques
00:27:32et valeurs familiales
00:27:32autour du livre
00:27:33qui vont déterminer
00:27:34si l'enfant va lire
00:27:35de lui-mĂȘme ou non.
00:27:36En 2008,
00:27:3649% des foyers
00:27:38de cadres
00:27:38et professions intellectuelles
00:27:39supérieures
00:27:40déclarent posséder
00:27:41200 livres et plus,
00:27:42alors que ce n'est le cas
00:27:43que de 13% des employés,
00:27:4512% des agriculteurs
00:27:46et 10% des ouvriers.
00:27:48Bon,
00:27:48d'aprĂšs les statistiques,
00:27:49j'ai un master,
00:27:50je vous laisse imaginer
00:27:51le nombre de livres
00:27:52derriĂšre moi.
00:27:52Le livre est en fait
00:27:53souvent vu
00:27:53comme un outil
00:27:54d'émancipation
00:27:55qui nous permettrait
00:27:56de penser par nous-mĂȘmes.
00:27:57À l'Ă©cole,
00:27:57par exemple,
00:27:58on peut chercher
00:27:58des mots dans le dictionnaire,
00:27:59s'orienter grĂące
00:28:00Ă  la table des matiĂšres
00:28:01d'un livre
00:28:01et donc sélectionner
00:28:02les infos qui nous intéressent.
00:28:04Ça nous apprend
00:28:04Ă  devenir autonome.
00:28:05Pour le contexte,
00:28:06le livre est réservé
00:28:07dĂšs son apparition
00:28:08à une élite instruite
00:28:09qui était lettrée.
00:28:10Au Moyen-Âge,
00:28:11il fallait avoir
00:28:11un sacré paquet de moulas
00:28:12pour pouvoir posséder
00:28:13un livre.
00:28:14C'était un objet précieux
00:28:15qu'on voyait en général
00:28:16plutĂŽt dans les monastĂšres
00:28:17et les universités.
00:28:18Parce que oui,
00:28:18il y a aussi une différence
00:28:19entre la lecture
00:28:20purement instructive
00:28:21et la lecture de divertissement.
00:28:23Au XIXe siĂšcle,
00:28:25il y avait un réel
00:28:25contrĂŽle moral.
00:28:27Lire des histoires d'amour
00:28:27était trÚs mal vu,
00:28:28par exemple.
00:28:29Est-ce que c'est mieux aujourd'hui ?
00:28:30Pas sûr.
00:28:31Et au XXe siĂšcle,
00:28:32on parle plutĂŽt
00:28:33de hiérarchisation culturelle.
00:28:34La lecture n'est pas
00:28:35sa propre fin,
00:28:36elle a une fonction d'instruction,
00:28:37sinon elle a moins de valeur.
00:28:38Le rapport Ă  la lecture,
00:28:40il est trÚs différent
00:28:40et trĂšs intime
00:28:41pour chacun d'entre nous.
00:28:42Et quand réguliÚrement
00:28:43le Centre National du Livre
00:28:44sort une étude
00:28:45qui parle de la lecture
00:28:46chez les jeunes,
00:28:47je m'interroge toujours
00:28:48par ce qu'on entend
00:28:48par les jeunes.
00:28:49Pour moi,
00:28:49ça ne veut pas dire grand-chose.
00:28:51Et c'est une conversation
00:28:51que j'ai souvent avec
00:28:52deux amis Ă  moi,
00:28:53Florian et Christelle,
00:28:54et je suis trĂšs contente
00:28:55d'avoir immortalisé ce moment.
00:28:56Christelle et Florian,
00:28:57bonjour.
00:28:58Bonjour.
00:28:58Je suis trĂšs contente
00:28:59qu'on puisse enfin
00:29:00discuter ensemble.
00:29:01Christelle,
00:29:02on se connaßt depuis la prépa
00:29:03oĂč je suis restĂ©e
00:29:05trĂšs peu de temps.
00:29:07Depuis,
00:29:07tu es autrice,
00:29:08tu as écrit un livre
00:29:08qui s'appelle
00:29:09Corps noir.
00:29:10Tu es essayiste mĂȘme,
00:29:11tout aprĂšs Google.
00:29:12Florian,
00:29:12on a grandi ensemble
00:29:13Ă  Sevran.
00:29:14Sevran,
00:29:14les R,
00:29:14je le dis quand mĂȘme.
00:29:16On est ensemble au lycée.
00:29:17Toi,
00:29:17tu as lancé un projet
00:29:18qui s'appelle
00:29:18Sevran Mouf
00:29:19pour mettre en avant
00:29:19plein de parcours
00:29:20de gens trĂšs cools
00:29:21Ă  Sevran.
00:29:21Est-ce que déjà,
00:29:22vous pouvez me parler
00:29:23chacun de votre rapport
00:29:24au livre ?
00:29:24En vrai,
00:29:25moi,
00:29:25j'avais un rapport,
00:29:26quand je dis trĂšs sain,
00:29:27c'est que je lisais
00:29:28par plaisir en fait.
00:29:29Comme mes parents,
00:29:30ils avaient déjà des livres
00:29:31qu'ils aimaient bien
00:29:31et qu'avec mes soeurs,
00:29:33on allait souvent
00:29:33en bibliothĂšque,
00:29:34médiathÚque,
00:29:35bibobus,
00:29:35librairie et tout.
00:29:36Du coup,
00:29:36j'ai appris trĂšs tĂŽt
00:29:37Ă  savoir ce que moi,
00:29:38j'aimais
00:29:39ou qu'est-ce que je voulais
00:29:41comme type d'histoire.
00:29:42Et du coup,
00:29:43moi,
00:29:43c'était vraiment un plaisir.
00:29:44Donc tu vois,
00:29:44je lisais Harry Potter,
00:29:46Narnia,
00:29:48Mec Cabot,
00:29:49bref,
00:29:50les trucs que tu lis
00:29:51quand tu as un peu
00:29:51cet Ăąge-lĂ .
00:29:52Maintenant que j'ai écrit le livre,
00:29:54je lis presque que des romans.
00:29:56Moi,
00:29:56le livre,
00:29:57c'est vrai que c'est
00:29:58trÚs compliqué.
00:30:00En fait,
00:30:01je peux parler en saison,
00:30:03entre guillemets.
00:30:03C'est la premiĂšre partie,
00:30:06je pourrais dire,
00:30:06de ma vie
00:30:07qui se résume à l'école.
00:30:10La lecture,
00:30:12c'était vraiment synonyme
00:30:13de...
00:30:15un peu de comprendre
00:30:18un univers
00:30:19qui n'était pas le mien.
00:30:20Et donc,
00:30:21dans la lecture,
00:30:22c'était beaucoup
00:30:22les Rougo Macart.
00:30:26On a parlé de Baudelaire,
00:30:28un peu tous ces auteurs-lĂ .
00:30:30Et du coup,
00:30:31ça ne me parlait pas du tout.
00:30:33Mais j'avais l'impression
00:30:34qu'il fallait que je puisse
00:30:35me conformer
00:30:36Ă  ce type de lecture
00:30:37pour comprendre
00:30:38une forme de culture
00:30:40française,
00:30:42entre guillemets.
00:30:42En venant de Sevran,
00:30:44en lisant ce genre de livre,
00:30:45j'avais conscience
00:30:46que ce n'était déjà pas
00:30:47un monde
00:30:47auquel j'appartenais.
00:30:49Vu que ça ne me parlait pas,
00:30:50du coup,
00:30:51ça ne me donnait pas envie
00:30:52d'en apprendre un peu plus.
00:30:53Et ça se résumait juste
00:30:54Ă  des bouts de lecture
00:30:56que j'apprenais
00:30:56pour pouvoir faire mes devoirs.
00:30:57surtout aprÚs le supérieur.
00:31:01J'ai commencé à faire
00:31:02une licence de maths physique
00:31:05et informatique.
00:31:06Et donc,
00:31:06c'est un autre univers
00:31:07que je commence à découvrir
00:31:08un peu des sciences.
00:31:10Et ça me parlait de fou,
00:31:12en fait,
00:31:12mĂȘme si je n'ai pas continuĂ©
00:31:14dans la licence
00:31:15maths physique et informatique.
00:31:17Mais voilĂ ,
00:31:17je voulais un peu plus
00:31:18en découvrir.
00:31:19Et donc,
00:31:20en fait,
00:31:21j'étais conscient de mes limites
00:31:22dans l'apprentissage.
00:31:24Et donc,
00:31:24j'ai commencé à acheter
00:31:25des Ɠuvres,
00:31:26en fait,
00:31:26de vulgarisation scientifique.
00:31:30Et donc,
00:31:31je reprenais goût à lire
00:31:32parce qu'en fait,
00:31:33j'avais conscience
00:31:33que c'était des choses
00:31:34que moi-mĂȘme,
00:31:35j'allais chercher.
00:31:36Et donc,
00:31:36on n'avait plus Ă  m'imposer,
00:31:37en fait,
00:31:38une forme de littérature
00:31:39ou des Ɠuvres à connaütre
00:31:41pour ma propre culture
00:31:42parce que j'avais l'impression
00:31:43que lĂ ,
00:31:44maintenant,
00:31:45c'était moi
00:31:45qui façonnais
00:31:46ma propre identité.
00:31:47Mais sinon,
00:31:48la lecture,
00:31:49que ce soit la lecture de romans,
00:31:50la lecture de nouvelles,
00:31:52vu que c'était des sujets,
00:31:53en fait,
00:31:54c'est pas que j'arrivais pas
00:31:56Ă  trouver des sujets,
00:31:57c'était plus qu'on m'avait pas appris
00:31:59Ă  chercher des sujets
00:32:00qui pouvaient me parler.
00:32:01Et donc,
00:32:02j'étais resté à ce cÎté
00:32:02oĂč,
00:32:03en vrai,
00:32:04la lecture,
00:32:04c'est en rapport avec l'école
00:32:06et qu'ils me parlent pas
00:32:08et dont aprĂšs,
00:32:09j'ai pas envie de faire l'effort
00:32:10de pouvoir les lire.
00:32:11Je repense Ă  une conversation
00:32:12qu'on a eue il y a quelques temps
00:32:12oĂč on se recommandait
00:32:13des endroits cools
00:32:14pour acheter des livres.
00:32:15Enfin,
00:32:16c'était pas pour acheter des livres,
00:32:17c'était pour trouver des livres.
00:32:18Et on en parlait
00:32:19et on te conseillait,
00:32:21Florent,
00:32:21tu nous demandais un peu
00:32:22des endroits,
00:32:22on te conseillait des librairies.
00:32:23À un moment,
00:32:24on t'a dit,
00:32:24mais sinon,
00:32:25genre,
00:32:25les bibliothĂšques.
00:32:26On a dit,
00:32:27j'y ai mĂȘme pas pensĂ©.
00:32:29On a dit ce truc fou.
00:32:30Ah,
00:32:30j'y ai mĂȘme pas pensĂ©.
00:32:32Et je me demande,
00:32:32toi,
00:32:33justement,
00:32:33ton rapport Ă  la bibliothĂšque,
00:32:34il est comment ?
00:32:35Nos parents,
00:32:35ils nous permettaient
00:32:36d'aller Ă  la bibliothĂšque.
00:32:37C'est-Ă -dire qu'on avait,
00:32:38du coup,
00:32:38la médiathÚque du quartier.
00:32:40Et du coup,
00:32:42j'y allais,
00:32:42je disais les j'aime lire,
00:32:45les tomtoms et nanas.
00:32:47VoilĂ ,
00:32:47c'était des trucs...
00:32:49C'était vraiment,
00:32:52j'avais ce cÎté
00:32:52oĂč c'Ă©tait grave cool de lire.
00:32:54Plus on grandit,
00:32:55et puis il y a ce cÎté
00:32:56oĂč on est plusieurs Ă  la maison,
00:32:59t'as besoin de calme.
00:33:00Il faut que j'aille
00:33:00dans un espace
00:33:01un peu plus tranquille.
00:33:03Et donc,
00:33:03j'ai commencé à faire
00:33:04mes recherches
00:33:04de,
00:33:05voilĂ ,
00:33:06les bibliothĂšques,
00:33:07que tout le monde va.
00:33:08J'allais pour pouvoir apprendre
00:33:10et pouvoir faire mes devoirs.
00:33:11Mais je commençais
00:33:13Ă  ĂȘtre Ă  la recherche
00:33:13de lieux
00:33:14avec un beau cadre.
00:33:15Pour moi,
00:33:15je trouvais que c'était
00:33:15hyper important
00:33:16d'avoir un cadre
00:33:17qui soit non seulement beau,
00:33:20paisible,
00:33:21mais ça te donne aussi envie.
00:33:22Il y avait toute une richesse
00:33:23autour de moi,
00:33:25tout un monde.
00:33:26Je voyais aussi
00:33:26des enfants y aller
00:33:27parce que pour eux aussi,
00:33:29comme Ă  mon Ăąge,
00:33:30c'était un moyen de s'évader.
00:33:32Mais moi,
00:33:33je ne comprenais pas
00:33:33ce schéma-là.
00:33:34MĂȘme j'ai appris
00:33:35que du coup,
00:33:36on pouvait mĂȘme louer
00:33:36des DVD.
00:33:38Non, mais franchement,
00:33:39je ne savais pas du tout
00:33:40dans ma tĂȘte.
00:33:40C'est juste des livres.
00:33:41Ce qui m'a ouvert
00:33:42Ă  d'autres lectures,
00:33:43c'était d'aller
00:33:44dans des lieux publics
00:33:45oĂč il y a plein de goĂ»ts
00:33:46de gens différents
00:33:47qui se mélangent,
00:33:48que tu parles aussi
00:33:49avec un conseiller,
00:33:51en gros,
00:33:52les bibliothĂšques
00:33:53qui sont lĂ 
00:33:53et qui ne sont pas lĂ 
00:33:55dans un but...
00:33:56On n'est pas lĂ 
00:33:57pour te vendre un livre,
00:33:58en fait.
00:33:58MĂȘme s'il y a des libraires
00:33:59avec qui je m'entends
00:34:00trĂšs bien,
00:34:00lĂ ,
00:34:01mais pas le problĂšme.
00:34:01En plus,
00:34:01on en discute
00:34:02avec des libraires,
00:34:02mais ils doivent faire
00:34:04tourner un commerce.
00:34:05Donc juste,
00:34:05parfois,
00:34:05des libraires,
00:34:06ils vendent des livres
00:34:06qu'ils n'ont mĂȘme pas lu
00:34:08ou pas forcément envie de lire.
00:34:09Moi,
00:34:09je vais parler du cas de Paris
00:34:10parce que c'est lĂ 
00:34:11oĂč j'habite.
00:34:13Je me suis rendu compte
00:34:14que le fait
00:34:15pour une personne comme moi,
00:34:16Ă  savoir une femme noire
00:34:18qui s'intéresse
00:34:19Ă  certains types de sujets,
00:34:20etc.,
00:34:20de ne pas aller en bibliothĂšque
00:34:22et donc de ne pas proposer
00:34:24mes propres recommandations
00:34:25parce que moi,
00:34:25quand j'étais au collÚge
00:34:26et au lycée,
00:34:27ma bibliothĂšque,
00:34:28enfin médiathÚque,
00:34:29pour le coup,
00:34:30tu sais,
00:34:30t'as un livre d'or
00:34:31et tu dis,
00:34:32j'ai vu tel livre,
00:34:33il est sorti,
00:34:33j'aimerais bien,
00:34:34tel DVD,
00:34:34tel CD.
00:34:35Et en fait,
00:34:36plus t'es quelqu'un d'engagé
00:34:37dans la bibliothĂšque,
00:34:38plus ils savent qu'en fait,
00:34:39Christelle,
00:34:39si elle veut un livre,
00:34:41c'est qu'elle va finir
00:34:41par le lire,
00:34:42qu'elle va dire
00:34:42qu'il est trop bien,
00:34:43qu'elle va le recommander.
00:34:44Donc ça fait venir
00:34:45d'autres gens
00:34:46à la médiathÚque aussi.
00:34:47Donc tu vois,
00:34:47en fait,
00:34:47ils ont besoin de ça.
00:34:49Je repense,
00:34:49quand j'étais au collÚge,
00:34:51non mais la médiathÚque,
00:34:52les gens,
00:34:52ils venaient juste
00:34:52pour de la drague en fait.
00:34:54C'est pas la premiĂšre personne
00:34:55à me dire que ça drague
00:34:57Ă  la bibliothĂšque.
00:34:57Parce que lĂ ,
00:34:58d'un coup,
00:34:59je suis en train de me rappeler
00:34:59de trucs de gens en fait
00:35:02que t'as jamais vus
00:35:03Ă  la bibliothĂšque,
00:35:04mais comme il y a
00:35:06telle meuf trÚs stylée
00:35:07dont tout le monde veut parler,
00:35:08ouais,
00:35:08mais elle,
00:35:08tu sais,
00:35:08c'est une fille de la médiathÚque.
00:35:10Donc si tu veux l'intéresser,
00:35:11il faut que t'aille à la médiathÚque
00:35:17et en vrai,
00:35:17moi je pense que sincĂšrement,
00:35:19il y a toujours des gens
00:35:19qui vont dire
00:35:20je me suis intéressé à ça
00:35:21Ă  cause d'une meuf,
00:35:22d'un gars,
00:35:23etc.
00:35:24Et la finalité,
00:35:24c'est qu'ils ont fini par prendre
00:35:25leur carte d'abonnement
00:35:26à la médiathÚque.
00:35:27C'est aussi pour ça
00:35:27que je pense qu'il y a
00:35:28une responsabilité collective
00:35:30Ă  aussi investir
00:35:31les lieux de bibliothĂšque
00:35:32parce qu'en fait,
00:35:33malheureusement,
00:35:34c'est hyper triste,
00:35:35mais on ne peut pas s'étonner
00:35:36que des médiathÚques,
00:35:38bibliothĂšques
00:35:39ne proposent pas
00:35:40des contenus
00:35:41dont on aurait envie
00:35:42quand en fait,
00:35:43nous-mĂȘmes,
00:35:44je trouve que ça suffit pas
00:35:46de poser un lieu
00:35:47en plein milieu
00:35:48d'un endroit
00:35:50et de se dire
00:35:52il est pour vous.
00:35:53Comme on l'a dit,
00:35:53ça dépend aussi
00:35:54de l'environnement.
00:35:56Moi, aujourd'hui,
00:35:56je suis sur Paris,
00:35:57j'habite sur Paris,
00:35:58j'aurais plus de facilité
00:36:00Ă  aller maintenant
00:36:00dans une bibliothĂšque
00:36:01parce que je vois
00:36:03il y a du monde,
00:36:03il y a une alchimie,
00:36:05c'est intriguant,
00:36:06je suis curieux,
00:36:06j'y vais.
00:36:07Quand j'habitais Ă  Sevran,
00:36:08je ne voyais pas
00:36:08cette alchimie-lĂ ,
00:36:10ça ne me donne pas envie.
00:36:11Et ça ne me donne pas envie
00:36:11parce que je repousse,
00:36:12mais ça ne me donne pas envie
00:36:13parce que je ne vois pas
00:36:16de personnes curieuses
00:36:17autour de moi aussi
00:36:19qui m'en parlent.
00:36:20Je suis toujours passé à cÎté,
00:36:21en plus, c'est marrant
00:36:21parce que c'était dans la gare.
00:36:22Il y en a quatre.
00:36:23Il y en a quatre.
00:36:24Comment faire en sorte
00:36:25que ces lieux-lĂ 
00:36:26puissent ĂȘtre investis
00:36:27par les personnes
00:36:28qui y habitent
00:36:29sur le territoire,
00:36:31sur ces lieux-lĂ  ?
00:36:31Moi, je suis peut-ĂȘtre
00:36:32attaché aussi
00:36:33Ă  ces rapports humains
00:36:34et c'est ce que je recherche
00:36:35quand je vais dans un lieu.
00:36:37Et donc,
00:36:38je pourrais passer
00:36:39toute une journée,
00:36:40mais si aussi j'y vais
00:36:40et je suis tout seul,
00:36:41en vrai,
00:36:43je suis bien Ă  la maison.
00:36:44Quand j'y pense
00:36:45la médiathÚque,
00:36:45j'Ă©tais quand mĂȘme
00:36:46de ma cinquiĂšme Ă ...
00:36:48MĂȘme aprĂšs,
00:36:48quand j'ai fait un lycée
00:36:49dans une autre vie,
00:36:49j'allais de la cinquiĂšme
00:36:50Ă  la terminale,
00:36:51se dire qu'il y a des bibliothécaires,
00:36:53elles m'ont connue
00:36:53de mes douze Ă  mes dix-sept ans.
00:36:55Tes goûts,
00:36:56ils changent.
00:36:56Ton style,
00:36:57ils changent.
00:36:58En plus,
00:36:58tu es lĂ ,
00:36:59tu lis des trucs
00:36:59sur les premiers émois.
00:37:01Ouais,
00:37:01j'ai lu un truc romantique.
00:37:04LĂ ,
00:37:04j'espÚre que ça va m'arriver.
00:37:05Ça n'arrive rien du tout,
00:37:06mais bon,
00:37:06tu vois,
00:37:07il y a aussi plein de trucs
00:37:09et c'est pas...
00:37:11MĂȘme si moi,
00:37:11aprĂšs,
00:37:12j'avais la conversation
00:37:12assez libre
00:37:13avec mes parents et tout,
00:37:14il y a des trucs,
00:37:15il n'y a que les bibliothécaires
00:37:16qu'on sue.
00:37:17Il arrive que des gens,
00:37:18ils viennent en CDI
00:37:18ou en médiathÚque,
00:37:19ils demandent un truc
00:37:20et on leur fait des remarques,
00:37:21tu vois.
00:37:22Moi,
00:37:22je sais que j'ai des amis
00:37:23avec qui j'étais au collÚge
00:37:23qui m'ont dit
00:37:24je ne suis pas allée
00:37:24parce qu'on m'a dit
00:37:25ah non,
00:37:26ça,
00:37:26c'est pas intelligent
00:37:27comme littérature et tout.
00:37:28Donc,
00:37:28c'est pas que pour mettre
00:37:29la faute sur les jeunes.
00:37:30Je pense qu'il y a aussi
00:37:31de l'autre cÎté,
00:37:31parfois,
00:37:32comprendre que
00:37:33un livre,
00:37:34ça reste un livre.
00:37:35S'il le lit,
00:37:36tu peux ĂȘtre sĂ»r
00:37:36qu'aprĂšs,
00:37:37il va relire d'autres trucs.
00:37:38Donc,
00:37:38au pire,
00:37:38donne-lui son truc lĂ .
00:37:39Il n'y a pas une méthode
00:37:40typique pour dire
00:37:41comment on va faire lire
00:37:43les jeunes aujourd'hui.
00:37:44Il n'y a pas d'en recette
00:37:45parce que ça dépend
00:37:47oĂč vous voulez leur faire lire.
00:37:48Ils vont lire quoi ?
00:37:49Pourquoi ?
00:37:50Et puis les jeunes,
00:37:51c'est lĂ .
00:37:51Et puis les jeunes,
00:37:52genre voilĂ ,
00:37:53si on prend l'exemple
00:37:53de,
00:37:54on est de la mĂȘme gĂ©nĂ©ration,
00:37:56toi,
00:37:57il est au collĂšge,
00:37:58j'utilisais grave des trucs
00:37:59et tu ne lisais pas
00:38:00ou d'autres trucs.
00:38:00Et pourtant,
00:38:01on est de la mĂȘme gĂ©nĂ©ration.
00:38:02Et pourtant,
00:38:03aujourd'hui,
00:38:03on est plus grand,
00:38:04on se retrouve
00:38:04et on a lu un livre commun.
00:38:06En fait,
00:38:06ça ne veut rien dire.
00:38:08C'est assez vaste
00:38:08comme question.
00:38:09Le livre que j'ai dans les mains,
00:38:10c'est « Deux secondaires
00:38:11qui brûlent »
00:38:11de Diati Diallo
00:38:12qu'on a lu tous les trois
00:38:14et qu'on a tous les trois adoré.
00:38:16C'est un livre
00:38:16qui nous parle
00:38:17d'une bande de potes.
00:38:18Ça se passe en banlieue.
00:38:19Ce n'est pas dans une ville précise
00:38:20parce qu'en fait,
00:38:21ça pourrait ĂȘtre un peu
00:38:21n'importe oĂč.
00:38:22Et en gros,
00:38:22on va suivre ces bandes de potes
00:38:24genre au tout début,
00:38:25ils sont en soirée,
00:38:25ça drague et tout.
00:38:26C'est trop bien écrit,
00:38:27j'adore.
00:38:27On a tous vécu.
00:38:28C'est ça,
00:38:28on a tous vécu.
00:38:29Et en fait,
00:38:30ça nous raconte leur quotidien,
00:38:31les barbecues entre potes,
00:38:32les rĂąteaux,
00:38:34les petits moments en scooter
00:38:36jusqu'au moment pivot
00:38:38dans l'histoire
00:38:38oĂč il y a un dĂ©gĂąt
00:38:40qui est tué par un policier.
00:38:43Et donc lĂ ,
00:38:43le quartier s'enflamme.
00:38:45Et c'est un livre
00:38:46qui est ouf
00:38:48parce qu'Ă  la fois,
00:38:49il est trĂšs dur
00:38:50et ça parle de deuil
00:38:51et de violence,
00:38:52etc.
00:38:53Et pour autant,
00:38:54il y a beaucoup de joie dedans,
00:38:55il y a beaucoup de passages
00:38:55autour de la musique.
00:38:56Franchement,
00:38:56c'était la premiÚre fois
00:38:57que je lisais un livre
00:38:59oĂč en fait,
00:38:59ça parlait potentiellement
00:39:01d'un quotidien
00:39:03que j'aurais pu vivre.
00:39:04Moi,
00:39:04ça m'a fait rire
00:39:04parce que j'avoue
00:39:05qu'il y avait une période
00:39:06de ma vie
00:39:07oĂč j'allais en soirĂ©e
00:39:08vraiment dans des lieux
00:39:09underground.
00:39:10Ça veut dire que...
00:39:11Je ne connaissais pas
00:39:12cette partie de ta fin.
00:39:12Ça veut dire que potentiellement...
00:39:14AprĂšs,
00:39:15moi,
00:39:15je partais toujours
00:39:15avant que la police
00:39:16n'arrive à ton cƓur.
00:39:20Mais il y avait ce truc
00:39:21oĂč quand j'ai lu ça,
00:39:23avec le cÎté
00:39:24le gars qui drague la meuf,
00:39:26il est que des potes.
00:39:27En fait,
00:39:28je me suis dit
00:39:29en vrai,
00:39:30ça peut grave ĂȘtre mon histoire.
00:39:32C'est un groupe de potes.
00:39:33Il y a ce cÎté
00:39:34mĂȘme les activitĂ©s qu'ils font.
00:39:36Et quand aprĂšs,
00:39:37ça a basculé un peu
00:39:38sur la bavure policiĂšre,
00:39:41un peu sur le meurtre
00:39:42du gars,
00:39:44je me suis dit
00:39:46qu'il y a une forme
00:39:47d'injustice.
00:39:49Mais ça m'a fait écho
00:39:50un peu
00:39:50Ă  des histoires
00:39:52qu'on a pu entendre,
00:39:54qu'on a pu voir
00:39:55trÚs récemment.
00:39:56Ça veut dire
00:39:56que ça peut ĂȘtre tirĂ©
00:39:57d'une histoire réelle
00:39:58qui a été adaptée.
00:40:00Et donc,
00:40:00ça veut dire
00:40:00qu'il y a des histoires
00:40:01de mon quotidien aussi
00:40:02qui peuvent ĂȘtre adaptĂ©es.
00:40:04En fait,
00:40:04c'est possible.
00:40:04Peut-ĂȘtre que c'est des histoires
00:40:05qui sont banales.
00:40:09Qui ne sont pas intéressantes.
00:40:09Qui ne sont pas intéressantes.
00:40:11Et lĂ ,
00:40:12je me réalise
00:40:12qu'il y a quelqu'un
00:40:14qui a osé écrire
00:40:15ce genre d'histoires
00:40:16qui nous concernent,
00:40:18qui sont liées
00:40:19Ă  nos territoires.
00:40:20On dit beaucoup
00:40:21la représentation,
00:40:23la représentation.
00:40:24Mais moi,
00:40:25en fait,
00:40:26la représentation,
00:40:27ce n'est pas qu'un truc
00:40:27« est-ce que XY me ressemble ? »
00:40:30Il y a de ça.
00:40:31Mais il y a aussi
00:40:31le « quel type d'histoires
00:40:33sont racontées
00:40:34et par quel prisme ? »
00:40:35Toutes les histoires
00:40:36n'ont pas besoin
00:40:37de devoir sauver le monde.
00:40:39Et je trouve que c'est ça
00:40:40qui est fort
00:40:40dans ce que tu as dit
00:40:41par rapport au livre de Diati.
00:40:42C'est qu'en fait,
00:40:43ce livre,
00:40:44il t'a fait prendre conscience
00:40:45que ta banalité,
00:40:46elle a une valeur.
00:40:47Et en fait,
00:40:48ça,
00:40:48c'est se dire
00:40:49qu'il y a plein de gens,
00:40:51ils pensent
00:40:52que leur vie
00:40:54ne mérite pas
00:40:55de droit au chapitre
00:40:56juste parce qu'ils n'ont
00:40:56jamais vu ça quelque part.
00:40:58Et qu'ils se disent
00:40:58que si ce n'est pas dedans,
00:40:59c'est que ça n'a pas d'importance.
00:41:01Mais en fait,
00:41:02c'est la question
00:41:03Ă  la prendre dans l'autre sens.
00:41:04C'est pourquoi tu penses
00:41:05que ça n'a pas d'importance ?
00:41:07Parce que des gens comme toi,
00:41:08avant,
00:41:10il n'y a pas de cinéma,
00:41:11pas, etc.
00:41:12Et que s'ils ne l'ont pas été,
00:41:13ce n'est pas parce que leur histoire
00:41:13n'est pas intéressante.
00:41:14C'est qu'on parle du livre,
00:41:16des médiathÚques, etc.
00:41:17Mais avant qu'un livre,
00:41:18il arrive dans une médiathÚque,
00:41:19il y a un circuit économique
00:41:20et financier avant, en fait.
00:41:21Mais tu vois,
00:41:22il y a toute une histoire aussi
00:41:23de la publication,
00:41:25puis de comment ces auteurs,
00:41:26parfois,
00:41:26ils sont reçus,
00:41:27juste, tu vois,
00:41:27de, on va dire,
00:41:28vous faites la littérature de banlieue.
00:41:30C'est aussi,
00:41:31comment est-ce qu'on autorise
00:41:33les auteurs
00:41:33qui ne viennent pas du Serail
00:41:35à faire de la littérature
00:41:36sans leur dire,
00:41:37ah, mais vous,
00:41:38c'est un témoignage,
00:41:39en fait, votre truc.
00:41:40C'est hyper important
00:41:41que des livres comme ça,
00:41:42ils existent,
00:41:42parce que, du coup,
00:41:43toi, ça t'a donné,
00:41:44je pense,
00:41:45d'autres perspectives
00:41:45sur tellement d'autres choses,
00:41:47alors que de base,
00:41:47c'est un livre.
00:41:49Donc, tu vois,
00:41:50tu te dis,
00:41:51il y a plein d'autres auteurs
00:41:52qui font des trucs comme ça
00:41:52et peut-ĂȘtre tu vas kiffer, quoi.
00:41:54C'est infini.
00:41:55Si cette conversation
00:41:56m'évoque bien une chose,
00:41:57c'est le terme d'auteur
00:41:58ou d'autrice de banlieue.
00:41:59Avant 2005,
00:42:00on voyait les banlieues
00:42:01comme des cités apocalyptiques.
00:42:03On filme leur quotidien
00:42:04et on veut montrer
00:42:04un cÎté sensationnel
00:42:05oĂč on met en scĂšne
00:42:06la violence
00:42:07et oĂč le conflit
00:42:07et la peur
00:42:08sont poussĂ©s Ă  l'extrĂȘme.
00:42:09Bon, quand on voit
00:42:10les sujets de Bernard
00:42:11de la VillardiĂšre,
00:42:11je sais pas si ça a changé
00:42:12tant que ça.
00:42:13Apparemment,
00:42:13nos caméras dérangent
00:42:14dans le quartier.
00:42:16Laissez bosser.
00:42:18Dans ce groupe de jeunes,
00:42:20un mélange de salafistes.
00:42:21En 2004,
00:42:22Feisagen sort son premier roman
00:42:23a seulement 19 ans.
00:42:25Elle est invitée
00:42:25sur les plateaux télé
00:42:26oĂč les critiques littĂ©raires
00:42:27et journalistes
00:42:28parlent finalement
00:42:29que trĂšs peu de son livre
00:42:30et s'intéresse à son profil
00:42:31de fille arabe
00:42:32venant de banlieues défavorisées.
00:42:34Les gens attendent d'elle
00:42:35qu'elle parle des banlieues
00:42:36et devienne un porte-drapeau.
00:42:37AprÚs les révoltes de 2005,
00:42:39les auteurs originaires
00:42:40de banlieues
00:42:40sont quasiment accueillis
00:42:41Ă  bras ouverts
00:42:42par les maisons d'édition
00:42:43qui se rendent compte
00:42:44du manque de diversité
00:42:45dans leur catalogue.
00:42:46À ce moment-là,
00:42:47d'aprĂšs Jean-Marc Robert,
00:42:48éditeur en chef
00:42:49des éditions Stock,
00:42:50deux manuscrits sur cinq
00:42:53et alors enfin remis en question.
00:42:55Les jeunes de banlieues
00:42:55osent enfin partager leurs textes
00:42:57et ça, ça fait zizir.
00:42:59Une subculture naĂźt
00:42:59mais dÚs ses débuts,
00:43:00elle est considérée
00:43:01comme une littérature marginale.
00:43:03Ici, on conteste,
00:43:04on utilise du vocabulaire
00:43:05en verlan,
00:43:05des formes hybrides,
00:43:07finalement,
00:43:07on réinvente la langue.
00:43:08Les auteurs et autrices
00:43:09de quartier sont en rupture
00:43:10avec la littérature blanche.
00:43:11Sauf qu'aprĂšs 2005
00:43:12et cet essor de la littérature
00:43:14de banlieues,
00:43:14bah, plus rien.
00:43:15En 2015,
00:43:16on a déjà oublié ses auteurs
00:43:17et le genre est absent
00:43:18des classements et des anthologies.
00:43:20Si les révoltes
00:43:20ont donné envie au public
00:43:21de découvrir cette partie
00:43:22de la population,
00:43:23ça n'a malheureusement,
00:43:24semble-t-il,
00:43:25été seulement qu'un effet de mode.
00:43:26Et lorsque des auteurs
00:43:27et autrices de ce genre
00:43:28arrivent dans le milieu littéraire,
00:43:30mĂȘme si, Dieu merci,
00:43:31le traitement médiatique
00:43:31a un peu changé,
00:43:32on continue quand mĂȘme
00:43:33d'avoir des interviews
00:43:34parfois un peu incongrues.
00:43:36Et en fait,
00:43:36je réalisais pas que,
00:43:38en parlant de mon opinion,
00:43:40on allait penser
00:43:40que je parle pour tous
00:43:41les jeunes de banlieue
00:43:42et je sais pas,
00:43:43je crois pas avoir
00:43:45cette responsabilité-là aujourd'hui.
00:43:47À l'Ă©poque,
00:43:47en 2005,
00:43:48on a aussi tout de mĂȘme
00:43:49la création du Bondi-blog,
00:43:50suite aux révoltes,
00:43:51dont le but est de donner
00:43:52la parole aux habitants
00:43:53de banlieues urbaines
00:43:54et de montrer la réalité
00:43:55depuis l'intérieur.
00:43:56Des reporters issus
00:43:57de banlieues voient
00:43:58grĂące au Bondi-blog
00:43:59le monde des médias
00:44:00devenir une voie professionnelle
00:44:01plus accessible.
00:44:02Comme votre petit Jeanneau,
00:44:03par exemple.
00:44:04Mais quand on manque
00:44:04d'auteurs et d'autrices
00:44:05qui nous ressemblent,
00:44:06c'est pas si simple que ça
00:44:07de s'intéresser aux livres
00:44:08et Ă  son univers.
00:44:09Et surtout à l'école.
00:44:10Comme le disait si bien Florian,
00:44:12souvent,
00:44:12si on n'a pas accroché,
00:44:13c'est parce que c'est
00:44:14des histoires trÚs éloignées de nous.
00:44:15Lire des classiques,
00:44:17c'est lire ce qui a construit
00:44:17notre patrimoine littéraire actuel.
00:44:19Mais parfois,
00:44:20on n'a pas encore
00:44:21ni les codes
00:44:21ni la culture
00:44:22pour les comprendre
00:44:22et on ne peut pas les savourer.
00:44:24Et en plus,
00:44:25c'est obligatoire.
00:44:26Du coup,
00:44:26on s'emmerde.
00:44:26La plupart des oeuvres classiques
00:44:28et incontournables
00:44:29sont aussi trĂšs souvent
00:44:29d'auteurs français
00:44:30ou encore britanniques,
00:44:32germaniques,
00:44:32ils sont blancs
00:44:33et majoritairement des hommes.
00:44:34C'est trĂšs occidental
00:44:35et on n'est pas trop exposé
00:44:36Ă  d'autres cultures.
00:44:37Aujourd'hui,
00:44:37les programmes sont quand mĂȘme
00:44:38un peu plus variés
00:44:39et on voit pas mal
00:44:40de suggestions de BD,
00:44:41notamment au collĂšge,
00:44:43de l'ASF,
00:44:44etc.
00:44:44Et ça,
00:44:45ça me fait penser
00:44:45Ă  la professeure
00:44:46qui est sortie des sentiers battus
00:44:47pour me faire retomber
00:44:48amoureuse du texte.
00:44:49Parce que ce qui m'intéresse
00:44:50finalement dans le livre,
00:44:51c'est son contenu
00:44:52et aussi comment on peut
00:44:53l'apprécier de différentes maniÚres.
00:44:54Cette enseignante
00:44:55dont je vous parlais,
00:44:56c'était ma professeure de français
00:44:57en classe de premiĂšre
00:44:58quand j'étais au lycée
00:44:59et qui m'a beaucoup questionné
00:45:00sur ces sujets.
00:45:01J'ai eu le bonheur
00:45:01de l'interviewer
00:45:02au théùtre Aragon
00:45:03Ă  Tremblay
00:45:04et plusieurs générations
00:45:05de ses élÚves
00:45:05se sont prĂȘtĂ©es
00:45:06Ă  l'exercice de l'interview
00:45:07pour discuter
00:45:08de notre rapport au livre.
00:45:09Je suis trÚs émue
00:45:10lors de t'avoir aujourd'hui
00:45:11puisque tu es
00:45:12mon ancienne professeure
00:45:13de français.
00:45:14Oui.
00:45:14J'ai encore du mal
00:45:15Ă  te tutoyer
00:45:16alors que je crois
00:45:16que ça fait dix ans
00:45:17que j'ai eu mon bac.
00:45:19Et c'est notamment toi
00:45:20qui m'as donné
00:45:20en grande partie
00:45:21le goût pour le livre
00:45:23et la lecture,
00:45:24notamment par le théùtre.
00:45:26Je trouve que c'est
00:45:26une porte d'entrée
00:45:27hyper intéressante
00:45:29vers le livre
00:45:30et la littérature
00:45:31et que pour moi,
00:45:31il y a plein de portes
00:45:33qui sont intéressantes
00:45:34que ce soit,
00:45:35moi, il y a des moments
00:45:35oĂč je n'avais pas envie de lire.
00:45:37Je suis allée au théùtre,
00:45:38ça m'a redonné envie de lire.
00:45:40J'ai écouté des textes
00:45:40d'Amso, Dinos,
00:45:42ça m'a redonné envie de lire.
00:45:43Je trouve que toutes ces approches
00:45:44sont hyper intéressantes.
00:45:46Aujourd'hui,
00:45:46on va se concentrer
00:45:47quand mĂȘme plus
00:45:47sur le théùtre
00:45:48que le rap,
00:45:49mĂȘme si j'adorerais.
00:45:50Moi, je suis trÚs émue aussi
00:45:51d'ĂȘtre lĂ 
00:45:52avec toi
00:45:53qui es devenue journaliste
00:45:55et avec des élÚves
00:45:56et anciens élÚves
00:45:57de toute génération.
00:45:58C'est assez émouvant.
00:45:59Je suis enseignante
00:46:00Ă  Sevran
00:46:00depuis presque 15 ans.
00:46:01Je veux bien peut-ĂȘtre
00:46:02qu'on commence lors
00:46:04que tu nous expliques
00:46:06un petit peu plus
00:46:07comment le projet
00:46:08de théùtre est né au lycée.
00:46:10Je crois que
00:46:11quand tu étais au lycée,
00:46:12je n'avais pas encore
00:46:14l'atelier théùtre,
00:46:15je crois.
00:46:15De toute façon,
00:46:16pour moi,
00:46:16enseigner les lettres,
00:46:18c'Ă©tait quand mĂȘme
00:46:19forcément emmener
00:46:20les élÚves voir du théùtre
00:46:21et plus largement que ça,
00:46:25voir du spectacle vivant.
00:46:27Assez rapidement,
00:46:28j'ai repéré ce lieu
00:46:29lĂ  oĂč on est aujourd'hui
00:46:30qui est le Théùtre Le Aragon,
00:46:31qui est Ă  Tremblay
00:46:32et qui est un lieu
00:46:33subventionné pour la danse.
00:46:35Donc, je pense qu'à ton époque,
00:46:36oui, je proposais
00:46:37déjà pas mal de sorties.
00:46:38En faisant ça,
00:46:38je me suis rendue compte
00:46:39que j'adorais ĂȘtre
00:46:40Ă  cet endroit-lĂ ,
00:46:41d'ĂȘtre l'endroit
00:46:41de la transmission.
00:46:43Moi, avant,
00:46:43j'avais été sur scÚne.
00:46:45Il y a quelque chose
00:46:45dans ce métier
00:46:46qui m'avait déplu
00:46:47oĂč je ne me sentais pas
00:46:48la force de revendiquer
00:46:49ma présence sur scÚne.
00:46:50Mais ĂȘtre Ă  cet endroit-lĂ ,
00:46:52je te permets
00:46:52de rencontrer une Ɠuvre,
00:46:54je te permets
00:46:54de rencontrer un artiste,
00:46:55je te permets
00:46:55de rencontrer un texte
00:46:56qui a commencé à me plaire.
00:46:58Et puis, aujourd'hui,
00:46:59je suis aussi directrice artistique
00:47:00d'une association
00:47:01qui s'appelle
00:47:01La Belle Jeunesse
00:47:01et qu'on a monté
00:47:02avec d'anciens élÚves du lycée.
00:47:06Maintenant,
00:47:06il y a d'autres jeunes
00:47:07qui ont intégré
00:47:07cette association.
00:47:09Et donc,
00:47:09elle est composée
00:47:10de jeunes,
00:47:10de sevrants,
00:47:11de Tremblay
00:47:13et du 93 en général.
00:47:15Ça m'intĂ©resse justement,
00:47:16Romaisa,
00:47:17est-ce que tu veux nous parler
00:47:18un peu de cette expérience
00:47:19de théùtre
00:47:20que tu as pu faire ?
00:47:21Ou du coup,
00:47:21c'était de la poésie
00:47:22si je ne dis pas de bĂȘtises ?
00:47:23Oui, exactement.
00:47:24C'était de la poésie.
00:47:25Mais on a travaillé
00:47:27avec Suleymane Diamanka.
00:47:29On a fait des ateliers
00:47:30avec lui.
00:47:30Il a l'habitude
00:47:31de mener des ateliers
00:47:32d'écriture.
00:47:32Oui.
00:47:33Et il travaille beaucoup
00:47:35dans les quartiers populaires,
00:47:37comme on dit.
00:47:38Lui-mĂȘme,
00:47:39c'est son histoire
00:47:40Ă  Suleymane Diamanka.
00:47:42Et vous,
00:47:42vous disiez
00:47:42que vous ĂȘtes arrivĂ©e
00:47:43en France il y a un an.
00:47:45Donc, aussi,
00:47:45le français,
00:47:46c'était quelque chose
00:47:47de nouveau pour vous ?
00:47:48Oui, exactement.
00:47:50La premiĂšre fois
00:47:51qu'il nous a proposé
00:47:53d'écrire des poÚmes,
00:47:54je me suis dit
00:47:55c'est impossible,
00:47:56je ne vais pas arriver.
00:47:57Je ne parle pas
00:47:58le français 100%.
00:47:59Je ne suis pas française,
00:48:01je n'ai pas né ici.
00:48:02C'est sûr,
00:48:03ce sera compliqué pour moi.
00:48:05Mais,
00:48:06Ă  la fin,
00:48:07pas du tout.
00:48:08J'ai essayé,
00:48:09il m'a aidé,
00:48:10il m'a proposé des trucs.
00:48:12La langue,
00:48:12ce n'est pas un truc
00:48:15qui va te bloquer
00:48:16de poursuivre
00:48:18un truc
00:48:18que tu veux faire.
00:48:20Par exemple,
00:48:20personnellement,
00:48:21j'aime trop le théùtre.
00:48:22grĂące Ă  lui
00:48:23et Ă  Madame Amizi,
00:48:24bien sûr,
00:48:25on a pu
00:48:26écrire des poÚmes
00:48:29et tout.
00:48:30Et bien sûr,
00:48:31aprĂšs,
00:48:31Ă  la fin,
00:48:32c'était l'atelier final.
00:48:34J'ai monté sur scÚne,
00:48:35personnellement.
00:48:36Il y avait
00:48:36d'autres élÚves,
00:48:38ma classe.
00:48:39C'Ă©tait mon rĂȘve,
00:48:39en vrai,
00:48:40Ă  part
00:48:41ĂȘtre avec un auteur
00:48:43que d'habitude,
00:48:44juste on entend
00:48:46son prénom.
00:48:47ce jour-lĂ ,
00:48:49on est avec lui.
00:48:50On est présent
00:48:51avec lui et tout.
00:48:53Donc,
00:48:53c'est incroyable.
00:48:54Le fait d'enseigner
00:48:55dans un endroit,
00:48:57comment ça t'apporte ?
00:48:58Et si tu enseignes
00:48:59dans un autre endroit,
00:48:59ça t'apporte peut-ĂȘtre
00:49:00autre chose.
00:49:01Mais moi,
00:49:01je ne vois pas mon métier.
00:49:03Pour moi,
00:49:03ĂȘtre prof de français,
00:49:04c'est ĂȘtre prof de français
00:49:04Ă  ce rang.
00:49:06Et avec les artistes
00:49:09qui ont la volonté,
00:49:14le désir
00:49:14de travailler
00:49:15au sein des théùtres
00:49:16et au sein des établissements
00:49:17avec les élÚves.
00:49:19Et lĂ ,
00:49:19il se passe des rencontres
00:49:21mais qui ont tellement de sens.
00:49:23J'étais au lycée
00:49:24Blais-Sandrace Ă  Sevant.
00:49:25J'ai rencontré Laure
00:49:26en premiĂšre,
00:49:27qui était ma prof,
00:49:28puis en terminale aussi.
00:49:30J'ai découvert le théùtre
00:49:31grĂące Ă  elle
00:49:32et la littérature
00:49:34en grande partie
00:49:36grĂące Ă  elle.
00:49:38Et suite à ça,
00:49:38j'ai décidé de me lancer
00:49:39dans le théùtre
00:49:40et d'en faire mon métier.
00:49:42Ça a Ă©tĂ© un parcours
00:49:43un peu sinueux,
00:49:44mais c'est la rencontre
00:49:45du théùtre au lycée
00:49:47qui m'a donné envie
00:49:48aprĂšs de poursuivre.
00:49:50Et aujourd'hui,
00:49:50je suis comédien,
00:49:52acteur.
00:49:52Le CDI au collĂšge,
00:49:54c'était un peu un refuge.
00:49:55LĂ , je ne lisais pas
00:49:56trop de romans.
00:49:57C'était vraiment
00:49:57pour le plaisir,
00:49:58pour m'évader.
00:50:00Donc, j'étais plutÎt
00:50:01tourné comme Georges
00:50:02vers les mangas.
00:50:03Mais j'ai eu la chance
00:50:04de faire un projet
00:50:05à la Comédie française
00:50:06oĂč on avait des ateliers
00:50:09de lecture.
00:50:10Et là, c'était
00:50:11beaucoup plus...
00:50:13C'était comme un club
00:50:14lecture trÚs détendu
00:50:16oĂč on nous a donnĂ©
00:50:17des livres Ă  lire
00:50:18et on allait voir
00:50:20les piĂšces,
00:50:20le spectacle aprĂšs en plus.
00:50:22Donc, c'était
00:50:23d'autant plus motivant
00:50:24et on pouvait rencontrer
00:50:25les traducteurs,
00:50:27les auteurs,
00:50:28échanger avec eux.
00:50:29Et donc lĂ ,
00:50:30mon envie de livre,
00:50:32mon envie de lecture,
00:50:33elle est revenue
00:50:34grùce à ça.
00:50:35J'ai retrouvé
00:50:36le goût du livre
00:50:37quand on a lu
00:50:38La vie de Mansoie
00:50:39de Romain Garry
00:50:40oĂč je crois que c'est
00:50:41l'une des premiĂšres fois
00:50:42oĂč je me suis dit
00:50:43Ah, ok, c'est un livre
00:50:44qui nous ressemble.
00:50:45Alors qu'avant ça,
00:50:46j'avoue qu'il y avait
00:50:47plein de livres
00:50:47oĂč j'avais vraiment
00:50:48beaucoup, beaucoup de mal.
00:50:49Je repense Ă  une anecdote
00:50:51lors dont on a parlé
00:50:52la derniĂšre fois
00:50:53qu'on s'est vues.
00:50:54J'avais oublié.
00:50:55Qui est trop mignonne.
00:50:57En gros, déjà,
00:50:58au tout début de l'année,
00:50:59je crois qu'un des premiers
00:51:00trucs que tu nous as dit,
00:51:01c'est moi, je vais tout faire
00:51:03pour que votre bac de français
00:51:04vous l'ayez.
00:51:05AprĂšs, peut-ĂȘtre que
00:51:06je fantasme un petit peu
00:51:07mais je crois qu'on l'a tous
00:51:08su cette année-là.
00:51:09Et j'ai eu toujours
00:51:10beaucoup de plaisir
00:51:11dans tes cours
00:51:11parce que je trouvais
00:51:13qu'il y avait ce truc
00:51:14oĂč tout le monde
00:51:14est légitime,
00:51:15tout le monde a sa place
00:51:16et surtout quand on faisait
00:51:17des analyses de textes,
00:51:18un des mots dont je me souviens
00:51:20trop, mĂȘme quand on disait
00:51:21des analyses genre
00:51:22qui étaient vraiment
00:51:23éclatées
00:51:24ou qui n'avaient rien Ă  voir,
00:51:25tu nous disais
00:51:25Alors, je ne l'avais pas vu
00:51:26comme ça.
00:51:27C'est vrai.
00:51:28Et il y avait cette ouverture
00:51:30qui était trÚs trÚs belle.
00:51:31Et du coup, à la fin de l'année,
00:51:32tu nous as tous donné un poÚme
00:51:34en disant
00:51:35ça m'a fait penser
00:51:36Ă  chacun de vous.
00:51:37Et j'ai trouvé ça hyper beau
00:51:38et je l'ai gardé chez moi,
00:51:40je l'ai encore
00:51:41et je crois qu'il y avait
00:51:41un truc dedans
00:51:42avec
00:51:44Ne t'arrĂȘte jamais d'Ă©crire
00:51:46ou quelque chose comme ça.
00:51:47J'ai trouvé ça hyper beau
00:51:48et c'est ce contact aussi
00:51:50qui est fort
00:51:52qu'on a avec nos profs
00:51:53qui jouent beaucoup
00:51:54Ă  un moment, je pense,
00:51:55oĂč on a besoin aussi
00:51:57d'ĂȘtre vu quand on est au lycĂ©e
00:51:58et d'ĂȘtre entendu.
00:51:59C'est une période
00:51:59oĂč on se construit.
00:52:00Moi, ça me fait penser
00:52:01Ă  deux choses.
00:52:02Il y a le fait que
00:52:03je crois que
00:52:05JTU, c'était la deuxiÚme année
00:52:06que j'étais à Blaise
00:52:07ou quelque chose comme ça.
00:52:08Oui, c'est que tu n'étais pas là
00:52:08depuis trĂšs longtemps.
00:52:10Donc aussi,
00:52:13je ne veux pas dire
00:52:14que j'ai plus ce mĂȘme enthousiasme
00:52:16parce que je l'ai toujours
00:52:16et je pense que c'est ce que je disais
00:52:19ou c'est ce que je dis
00:52:19assez réguliÚrement.
00:52:20C'est impossible de continuer
00:52:21à faire ce métier
00:52:22si tu ne l'aimes plus
00:52:25parce que c'est intense.
00:52:28Mais c'est vrai que
00:52:30j'étais vraiment
00:52:31Ă  ce moment-lĂ ,
00:52:31tu m'as rencontrée
00:52:32au moment aussi
00:52:33oĂč moi-mĂȘme,
00:52:34je rencontrais
00:52:35cette jeunesse
00:52:38parce que moi,
00:52:41je viens de province
00:52:41et ma premiÚre année
00:52:45d'enseignement,
00:52:46j'enseignais en province
00:52:47Ă  Amiens,
00:52:48dans le centre-ville d'Amiens.
00:52:49C'est peut-ĂȘtre bĂȘte
00:52:50de dire ça,
00:52:51mais il me semble
00:52:53que je n'avais pas perçu
00:52:54ce mĂȘme dynamisme,
00:52:57cette mĂȘme envie,
00:53:00cette mĂȘme vitalitĂ©.
00:53:02Ce qui m'intéresse
00:53:02avec vous, Georges,
00:53:04c'est que vous ĂȘtes,
00:53:05je pense,
00:53:05le seul élÚve
00:53:06quand vous ĂȘtes arrivĂ©e
00:53:08en seconde,
00:53:08vous vouliez ĂȘtre libraire.
00:53:10Ce n'est pas banal.
00:53:10Donc, je ne sais pas,
00:53:12ça vous est venu
00:53:13comment ce projet ?
00:53:15Du coup, oui,
00:53:16c'était en seconde
00:53:16de faire un exposé
00:53:18sur un travail
00:53:19qui pourrait nous intéresser.
00:53:20Il fait des recherches
00:53:21et je ne sais pas,
00:53:23la description,
00:53:24ça m'a intéressé
00:53:25l'idĂ©e d'ĂȘtre
00:53:27dans une librairie,
00:53:27de partager des livres
00:53:29avec des gens,
00:53:29bouger des cartons.
00:53:32L'idée m'a plu,
00:53:33ĂȘtre avec des livres et tout.
00:53:35Ça tombe bien,
00:53:35il paraĂźt qu'on n'a pas
00:53:36assez de librairies
00:53:37en Seine-Saint-Denis,
00:53:38donc vous,
00:53:39m'avait procuré
00:53:42beaucoup d'enthousiasme
00:53:43en fait,
00:53:44de sens dans mon métier.
00:53:45Donc, comme toi,
00:53:46tu étais une des premiÚres années,
00:53:48j'étais vraiment...
00:53:49Et donc,
00:53:51moi, j'avais vraiment,
00:53:51je pense,
00:53:52beaucoup de confiance.
00:53:55Mais aprĂšs,
00:53:55ce truc de
00:53:56je vais tous vous faire
00:53:57avoir votre bac,
00:53:58et ce n'est mĂȘme pas
00:53:58je vais tous vous faire avoir,
00:54:00c'est vous allez avoir votre bac.
00:54:02C'est aussi ça,
00:54:03quand on monte un projet
00:54:04de théùtre,
00:54:05lĂ , avec Georges,
00:54:06on est bien placé
00:54:07pour en ĂȘtre tĂ©moin,
00:54:08enfin lĂ ,
00:54:08on va bientĂŽt monter sur scĂšne,
00:54:10et les jeunes,
00:54:11ils commencent à se démobiliser,
00:54:12Ă  se dire,
00:54:12oh lĂ  lĂ ,
00:54:12ça va ĂȘtre difficile.
00:54:14Non, non,
00:54:14on va y arriver.
00:54:15Donc,
00:54:16je pense que c'est notre rĂŽle,
00:54:17quoi, d'enseignant,
00:54:17de dire,
00:54:18ok,
00:54:18on va y arriver,
00:54:19et notre rĂŽle,
00:54:20c'est quand mĂȘme
00:54:20de faire réussir tout le monde
00:54:22autant que possible,
00:54:23quoi.
00:54:23Et aprĂšs,
00:54:24il y a la question
00:54:24de la légitimité,
00:54:25c'est que le théùtre,
00:54:26ça permet,
00:54:27et aussi,
00:54:27RomaĂŻssa,
00:54:28c'est ce que vous disiez
00:54:28avec la langue,
00:54:29c'est-Ă -dire que,
00:54:31Ă  la fois,
00:54:31c'est un art exigeant,
00:54:33vraiment exigeant,
00:54:34et plus qu'on le croit,
00:54:35mais en mĂȘme temps,
00:54:36tu n'as pas besoin de technique,
00:54:37tu n'as pas besoin
00:54:38d'un apprentissage,
00:54:39tu n'as pas des années de solfÚge,
00:54:40des années de barre au sol,
00:54:42ou je ne sais pas quoi.
00:54:42Tu arrives,
00:54:43et tu es acteur,
00:54:49en présence,
00:54:50et c'est déjà du théùtre.
00:54:52Et ça,
00:54:53le fait de monter
00:54:53sur un plateau,
00:54:54justement,
00:54:55sans avoir
00:54:55une sorte de kit
00:54:57au préalable
00:54:58de qu'est-ce que c'est le théùtre,
00:54:59je suis allée dix fois
00:55:00voir MoliĂšre
00:55:00à la comédie française
00:55:01Ă  15 ans,
00:55:03les élÚves se sont emparés
00:55:04au théùtre
00:55:05ou mĂȘme en classe,
00:55:07se sont emparés
00:55:07des textes,
00:55:09se sont emparés
00:55:10de cet espace-lĂ ,
00:55:11de la scĂšne,
00:55:12de façon,
00:55:13pour moi,
00:55:13inouĂŻe.
00:55:15Je n'avais jamais entendu
00:55:16des textes
00:55:17dits comme ça,
00:55:18ou cette découverte,
00:55:19contraction.
00:55:20Donc,
00:55:20quand l'atelier théùtre
00:55:21s'est retrouvé
00:55:22sans personne
00:55:22pour le reprendre,
00:55:24je suis revenue
00:55:25complĂštement
00:55:26sur ce principe
00:55:27que je m'étais donné
00:55:28que j'allais
00:55:28cloisonner les choses
00:55:30et j'ai commencé
00:55:31Ă  reprendre cet atelier
00:55:33et je me suis dit
00:55:34ok,
00:55:35donc c'est ça mon métier.
00:55:36Quand on pense lecture,
00:55:37on pense Ă  quelque chose
00:55:38qu'on fait tout seul
00:55:38chez soi,
00:55:39dans le silence.
00:55:40Bien sûr,
00:55:40il faut des moments
00:55:40et des temps calmes
00:55:41pour lire,
00:55:42mais il y a quelque chose
00:55:42qui me fascine
00:55:43depuis quelques temps,
00:55:44c'est comment est-ce
00:55:44qu'on arrive Ă  faire
00:55:45corps autour du livre
00:55:46et surtout,
00:55:47comment est-ce qu'on arrive
00:55:49et pour ça,
00:55:49il y a deux personnes
00:55:50qui ont lancé
00:55:51des initiatives
00:55:51que je trouve
00:55:52particuliÚrement stylées
00:55:53dont je vais vous parler.
00:55:54La premiĂšre,
00:55:55c'est Dely
00:55:55qui tient un club de lecture
00:55:56qui s'appelle
00:55:57Overbooké
00:55:58et j'ai assisté
00:55:58Ă  l'une de ses rencontres
00:55:59Ă  la librairie
00:56:00L'Art Matan Ă  Paris
00:56:01oĂč j'ai aussi pu discuter
00:56:02avec Balogon.
00:56:03Elle est également
00:56:04bookstagrammeuse littéraire,
00:56:05autrement dit,
00:56:06elle partage ses lectures
00:56:07sur les réseaux sociaux
00:56:08et ainsi,
00:56:09elle propose une large quantité
00:56:10de lectures
00:56:11que l'on ne verrait
00:56:11peut-ĂȘtre pas ailleurs.
00:56:12Aujourd'hui encore,
00:56:13ce qui est valorisé
00:56:14dans la lecture,
00:56:14c'est l'effort mental
00:56:15qu'on y investit.
00:56:16Par exemple,
00:56:17si on lit des Zola
00:56:18ou Flaubert
00:56:18avec plein de sujets complexes,
00:56:20des figures de style recherchées
00:56:22ou un style perché,
00:56:23c'est ça la culture,
00:56:24la vraie lecture.
00:56:25On fait de la gym du cerveau,
00:56:26on peut se la péter
00:56:27parce qu'on comprend
00:56:28les phrases d'un français
00:56:29qu'on n'utilise plus aujourd'hui
00:56:30et qui était déjà
00:56:31d'un langage trĂšs soutenu
00:56:32à l'époque.
00:56:33Mais pourquoi la lecture
00:56:33devrait ĂȘtre une discipline
00:56:34qui demande de l'effort
00:56:36et pas juste un plaisir ?
00:56:37La pratique de partager
00:56:38ses lectures en ligne
00:56:38comme le fait Dely,
00:56:40elle n'est pas toujours
00:56:40trĂšs bien vue,
00:56:41surtout par nos politiques.
00:56:42comme Gabriel Attal
00:56:43qui le 10 avril dernier disait
00:56:45« Je ne veux pas d'un pays
00:56:46oĂč TikTok remplace les romans,
00:56:48oĂč les influenceurs
00:56:49remplacent les grands auteurs
00:56:50et oĂč les Ă©crans
00:56:52prennent peu Ă  peu
00:56:53toute la place. »
00:56:53J'ai vraiment envie
00:56:54de faire une analyse de texte
00:56:56mais vraiment,
00:56:56je vais me détendre.
00:56:57Bon, je vous le fais
00:56:57quand mĂȘme vite fait,
00:56:58au moins le mot influenceur
00:56:59qui vient décrédibiliser
00:57:00tout un taf
00:57:01qui est fait par des personnes
00:57:02sur un truc qui s'appelle
00:57:03BookTok
00:57:04qui est la contraction
00:57:05de book, livres et tocs
00:57:06pour TikTok
00:57:07et en fait,
00:57:08on retrouve plein de livres
00:57:09qui sont mis en avant
00:57:10qu'on ne retrouve pas
00:57:10dans les médias traditionnels.
00:57:11Par exemple,
00:57:12en 2023,
00:57:13jamais plus de Colin Hoover
00:57:14se retrouve en quatriĂšme position
00:57:16des livres les plus vendus
00:57:17de l'année.
00:57:17Bon, on ne jugera pas
00:57:18la lecteur en elle-mĂȘme
00:57:19mais en tout cas,
00:57:19clairement,
00:57:20ça c'est grùce à TikTok.
00:57:21Si on écoute Gabriel Attal,
00:57:22il ne faudrait pas juste lire.
00:57:23Non, il faudrait lire des romans
00:57:25et en plus,
00:57:26des grands auteurs.
00:57:26Je ne suis pas certaine
00:57:27de qui on parle
00:57:28mais je pense qu'on parle
00:57:29d'auteurs blancs
00:57:29décédés qu'on nous a forcés
00:57:30Ă  lire pour le bac.
00:57:31Le fait de considérer
00:57:32qu'il y a une mauvaise culture,
00:57:34c'est dangereux
00:57:34pour tout un tas de raisons
00:57:35parce que par exemple,
00:57:41une culture urbaine
00:57:42donc qui serait mauvaise.
00:57:43Chaque mois en tout cas,
00:57:44Délie, elle arrive
00:57:44à fédérer du monde
00:57:45pour parler de livres
00:57:46et je suis ravie
00:57:47de vous partager
00:57:47son initiative
00:57:48et son point de vue.
00:57:49Hop,
00:57:50parce qu'il y a
00:57:51une trentaine de personnes
00:57:52du coup,
00:57:53je me suis dit
00:57:55qu'il fallait peut-ĂȘtre
00:57:57prévoir un peu plus large.
00:58:00Bonjour.
00:58:03Bonsoir.
00:58:03Hello Délie.
00:58:04ConcrĂštement,
00:58:04pourquoi est-ce que
00:58:05tu as lancé ton club de lecture ?
00:58:06Est-ce que c'était
00:58:07le besoin peut-ĂȘtre
00:58:08et ton compte Instagram à cÎté ?
00:58:10Est-ce que peut-ĂȘtre
00:58:10c'était le besoin
00:58:11de parler de livres
00:58:13que tu ne voyais pas ailleurs,
00:58:14de te sentir représentée ?
00:58:15Je dis ça parce que
00:58:16je pense aussi
00:58:16au festival de lecture
00:58:18que tu as fait
00:58:18ou de littérature
00:58:19oĂč il y avait beaucoup
00:58:21cette question-lĂ  aussi
00:58:22de représentation.
00:58:23Est-ce que c'était ça aussi
00:58:24Ă  l'origine
00:58:24l'envie dans le book club ?
00:58:25Je me posais
00:58:26plein de questions.
00:58:27J'étais au début
00:58:28de mon cheminement féministe.
00:58:30A la rigueur,
00:58:31pour mon cheminement antiraciste,
00:58:32il est plus ancien.
00:58:33J'ai grandi en tant
00:58:34que fille métisse
00:58:35dans une ville de province
00:58:36oĂč il n'y avait personne
00:58:36qui me ressemblait
00:58:38et oĂč pour le coup,
00:58:39je me suis intéressée
00:58:40trĂšs tĂŽt
00:58:40Ă  l'histoire
00:58:42de ma ville déjà
00:58:44parce que je suis de la Rochelle.
00:58:45C'est un des plus gros
00:58:46porn et grillés.
00:58:48Donc ça,
00:58:48dĂšs l'enfance,
00:58:49c'est des questionnements
00:58:50que j'avais.
00:58:51Je n'étais pas outillée
00:58:52pour réfléchir à tout ça.
00:58:54J'étais en plein
00:58:55cheminement féministe
00:58:56et donc je commençais
00:58:57Ă  ĂȘtre hyper Ă©nervĂ©e.
00:58:59Le book club,
00:58:59c'était mon objectif principal.
00:59:02Instagram,
00:59:02c'est presque arrivé
00:59:03parce qu'il me fallait
00:59:04un support
00:59:04pour réunir du monde.
00:59:07Et donc du coup,
00:59:08Instagram,
00:59:08c'est arrivé
00:59:09accessoirement,
00:59:11je dirais,
00:59:11mais au final,
00:59:12c'est quand mĂȘme
00:59:12l'outil qui me sert le plus
00:59:13parce que c'est ma plateforme
00:59:16pour communiquer principalement.
00:59:18Ce club de lecture,
00:59:19je l'ai fondé il y a trois ans
00:59:20au moment d'un déconfinement.
00:59:21La ligne éditoriale,
00:59:22c'est principalement
00:59:23féminisme et antiracisme.
00:59:25Et puis donc,
00:59:25on fait des rencontres
00:59:26avec des autrices
00:59:28et des auteurs parfois,
00:59:29mais le plus souvent
00:59:30des autrices.
00:59:31Ce qui m'a marquée,
00:59:31c'est la premiĂšre fois
00:59:32que je suis venue
00:59:32Ă  ton club de lecture.
00:59:33c'était il y a quelques mois
00:59:34et oĂč j'ai trop aimĂ©.
00:59:36C'est pour ça que j'ai eu envie
00:59:37qu'on discute un petit peu ensemble
00:59:39parce que j'ai trouvé
00:59:40que déjà,
00:59:41au niveau du nombre de personnes,
00:59:42c'était pile ce qu'il fallait
00:59:43pour qu'il y ait suffisamment de gens
00:59:44pour animer une discussion
00:59:45et que ça reste suffisamment intime.
00:59:47Et ce que j'ai trouvé trÚs chouette,
00:59:48c'est que,
00:59:49comme tu le disais,
00:59:49il y a beaucoup,
00:59:50beaucoup de bienveillance
00:59:51et tu sens que les gens sont lĂ 
00:59:52pour venir papoter
00:59:52et passer un bon moment
00:59:54et qu'il y a presque ce besoin
00:59:55aussi de se retrouver
00:59:56qui est assez fort.
00:59:58Et ce qui est assez fou,
00:59:59c'est que le livre est lĂ ,
01:00:01mais il pourrait ne pas ĂȘtre lĂ .
01:00:02C'est quelque chose
01:00:03dont on a déjà parlé
01:00:04oĂč tu me dis que pour toi,
01:00:05en fait,
01:00:05le livre,
01:00:05c'est un support.
01:00:06Ouais,
01:00:06c'est exactement ça.
01:00:08Le livre nous permet
01:00:09de nous retrouver
01:00:09et c'est trĂšs bien.
01:00:10Ça nous permet aussi
01:00:11de discuter avec des penseurs,
01:00:13des penseuses
01:00:13ou des artistes
01:00:16et c'est super chouette.
01:00:18Mais en mĂȘme temps,
01:00:18quelque chose que je dis toujours
01:00:19au début des sessions,
01:00:20c'est ici,
01:00:21on est lĂ  pour tout se dire
01:00:22tant qu'on se le dit
01:00:22dans le respect.
01:00:23Mais tu vois,
01:00:24tu vas avoir des sessions
01:00:25qui sont beaucoup dans l'émotion.
01:00:27Je pense Ă  la session de May,
01:00:28par exemple,
01:00:30qui est une année
01:00:31mais surtout une autrice
01:00:33que j'aime beaucoup.
01:00:35Sa session,
01:00:35elle a publié
01:00:37une espĂšce de carnet de voyage,
01:00:39de son voyage
01:00:40dans son pays d'origine
01:00:41qui est le Vietnam.
01:00:43Et elle nous raconte
01:00:43en fait ce que ça lui a fait
01:00:45en tant que franco-vietnamienne,
01:00:47qui est métisse en plus,
01:00:48de retourner dans son pays,
01:00:50quel est son rapport
01:00:51à son identité, etc.
01:00:52Moi, par exemple,
01:00:53je ne suis pas franco-vietnamienne,
01:00:54je suis franco-gabonaise
01:00:55avec une autre histoire migratoire,
01:00:58une autre histoire familiale,
01:00:59etc.
01:00:59et on était beaucoup
01:01:02dans la salle
01:01:03à venir de plein d'horizons différents
01:01:05mais Ă  se reconnaĂźtre
01:01:06dans ce qu'elle nous expliquait.
01:01:08Il y a eu beaucoup de larmes
01:01:09et tu vois,
01:01:11je trouve ça super beau
01:01:12d'avoir réussi
01:01:14Ă  construire ce petit endroit
01:01:16oĂč on peut parfois pleurer,
01:01:17parfois rire,
01:01:18parfois se délester
01:01:20de nos peines aussi
01:01:21parce que des fois,
01:01:22on parle de thématiques
01:01:23genre d'antiracisme,
01:01:24d'agressions racistes
01:01:28qu'on a pu vivre
01:01:28ou parfois,
01:01:29on a aussi fait des sessions
01:01:30en non-mixité
01:01:31oĂč on parle
01:01:32de nos vies de femmes
01:01:34qui vivent malheureusement
01:01:37parfois trĂšs souvent
01:01:38des violences
01:01:39et puis au fur et Ă  mesure,
01:01:40c'est comme
01:01:40un cercle vertueux.
01:01:42En fait,
01:01:42comme il y a une premiĂšre rencontre
01:01:43avec des premiĂšres personnes
01:01:44qui s'intéressent
01:01:45aux mĂȘmes choses que moi,
01:01:46elles ont enrichi la discussion
01:01:48puis il y a eu d'autres personnes,
01:01:50d'autres rencontres
01:01:51avec d'autres réflexions encore
01:01:52et en fait,
01:01:53c'est une boucle
01:01:53oĂč on ne fait que se nourrir
01:01:55et apprendre
01:01:58et plus tu apprends
01:01:59et plus tu te rends compte
01:02:00que le problĂšme est complexe
01:02:02mais que les solutions
01:02:03doivent ĂȘtre complexes aussi
01:02:05et donc,
01:02:05c'est important
01:02:06qu'on continue
01:02:06d'avoir ce genre
01:02:07d'espace
01:02:09pour discuter
01:02:10entre personnes
01:02:11qui se ressemblent
01:02:12et d'autres
01:02:12qui ne se ressemblent
01:02:13pas non plus
01:02:14mais oĂč en tout cas,
01:02:15on a un intĂ©rĂȘt commun
01:02:17pour certaines thématiques.
01:02:18Parmi les gens
01:02:19qui viennent au club de lecture,
01:02:20est-ce que tu sais
01:02:21un petit peu
01:02:21si c'est des gens
01:02:22qui lisent le livre
01:02:23Ă  l'avance
01:02:24ou pas forcément ?
01:02:25Moi, j'ai vu
01:02:25qu'il y a pas mal de gens
01:02:25qui l'achĂštent aussi aprĂšs
01:02:27donc est-ce que les gens
01:02:28ils viennent pour le livre vraiment ?
01:02:29Est-ce qu'ils viennent
01:02:30pour la personnalité
01:02:30qui est lĂ  ?
01:02:31J'imagine qu'il y a
01:02:32plein de raisons différentes
01:02:33de toute maniĂšre.
01:02:33Il y a plein de raisons différentes
01:02:34mais effectivement,
01:02:35c'est la particularité
01:02:36de ce book club
01:02:37c'est que tout le monde
01:02:38ne lit pas le livre
01:02:39avant de venir.
01:02:41Alors au début,
01:02:41je trouvais ça un peu
01:02:42un peu dérangeant
01:02:43quand je me mettais
01:02:44la pression de
01:02:45ouais mais je...
01:02:47il y a l'autrice
01:02:48il faut pas que...
01:02:48VoilĂ .
01:02:49Et en fait,
01:02:49je me rends compte
01:02:52que c'est plutĂŽt
01:02:52une bonne chose
01:02:53parce que malgré ça
01:02:54les personnes sont
01:02:54hyper curieuses en fait
01:02:55et puis je crois
01:02:56qu'elles ont besoin
01:02:57aussi d'ĂȘtre plus en contact
01:02:59avec les auteurs,
01:03:00les autrices.
01:03:01Des retours
01:03:01qui me sont faits aussi
01:03:02des intervenants
01:03:04qui viennent,
01:03:06c'est que le format
01:03:07se prĂȘte quand mĂȘme
01:03:08Ă  un genre de discussion
01:03:09nouveau
01:03:10auxquels ils sont
01:03:12pas habitués en fait
01:03:13et donc ça je crois
01:03:13que c'est Ă  la fois
01:03:15bien pour le public,
01:03:16pour les lecteurs
01:03:17ou les lectrices
01:03:18ou ceux qui n'ont pas
01:03:19encore lu
01:03:20et souhaitent lire
01:03:21mais c'est aussi bien
01:03:22pour l'auteur
01:03:23ou l'autrice.
01:03:25Dans ton club de lecture
01:03:26aussi tu mets pas mal
01:03:27en avant des auteurs
01:03:28et des autrices
01:03:28auto-édités.
01:03:30Ouais.
01:03:30Ce qui est quand mĂȘme
01:03:31assez rare.
01:03:31Enfin je pense,
01:03:32je compare un peu
01:03:33avec Bookstagram
01:03:33mais oĂč typiquement
01:03:34c'est des livres
01:03:35qu'on n'a pas trop
01:03:35l'habitude de voir.
01:03:36Est-ce que c'est quelque chose
01:03:37qui te tenait particuliĂšrement
01:03:38à cƓur
01:03:39ou c'est plus des histoires
01:03:40dans lesquelles
01:03:40tu t'es retrouvée
01:03:41et tu t'es dit
01:03:42ah bah ça serait cool
01:03:42pour le club de lecture ?
01:03:43Ben alors
01:03:44comme je viens pas
01:03:45du milieu littéraire
01:03:46je te cache pas
01:03:47que c'est assez...
01:03:48Tu fais pas la différence ?
01:03:49Maintenant je la fais.
01:03:50J'ai aussi compris les dynamiques
01:03:52qu'il y avait derriĂšre
01:03:53l'enjeu auto-édition
01:03:54et puis en parallĂšle
01:03:56j'ai découvert aussi
01:03:57Balogon
01:03:57qui avait son projet
01:04:00aussi passé par une campagne
01:04:01Ulule
01:04:02et pareil en fait
01:04:03c'est en suivant
01:04:04les gens sur les réseaux
01:04:05parce que ça c'est un truc
01:04:06aussi ça nous permet
01:04:07aussi de contourner
01:04:09les circuits traditionnels
01:04:11desquels
01:04:12bah des fois
01:04:13les gens
01:04:13souvent
01:04:14les gens qui me ressemblent
01:04:15sont exclus
01:04:16ou alors soumis
01:04:17aux mĂȘmes dynamiques
01:04:17qu'il y a dans la société
01:04:18donc des dynamiques racistes
01:04:20etc
01:04:20et du coup
01:04:22en ce sens
01:04:23Instagram c'est un outil
01:04:24super important
01:04:25j'écris un book club
01:04:26mais je suis pas
01:04:27une littéraire de base
01:04:28enfin je suis juriste
01:04:30donc j'ai quand mĂȘme
01:04:30lu un peu
01:04:31mais je veux dire
01:04:32je viens pas d'un parcours
01:04:33de littérature classique
01:04:36j'ai aimé lire
01:04:37quand j'étais plus jeune
01:04:38mais en mĂȘme temps
01:04:39mes références culturelles
01:04:40moi je viens d'un milieu
01:04:41plutĂŽt populaire
01:04:42j'avais plein de références culturelles
01:04:43mais qui n'étaient pas
01:04:44forcément celles
01:04:45qu'on attendait de moi
01:04:46à l'école en fait
01:04:46mais je crois que je voulais
01:04:47aussi me réconcilier
01:04:48avec des livres
01:04:49qui me plaisent vraiment
01:04:50qui me parlent
01:04:51qui parlent
01:04:51des gens qui me ressemblent
01:04:54des crises
01:04:55qu'il faut qu'on aborde
01:04:57et pour lesquelles
01:04:58il faut qu'on trouve
01:04:58des solutions
01:04:59puis j'ai envie
01:05:00de découvrir
01:05:00d'autres choses aussi
01:05:01parce qu'il y a une époque
01:05:02je lisais beaucoup d'essais
01:05:04et donc par extension
01:05:05les gens d'Overbook
01:05:06ils lisaient aussi
01:05:07beaucoup d'essais
01:05:07lĂ  on essaye de lire
01:05:08plus de romans
01:05:09lĂ  la session de ce soir
01:05:10ça va ĂȘtre un roman
01:05:11on lit de la poésie aussi
01:05:14des BD
01:05:15tu vois
01:05:15on essaie de s'ouvrir
01:05:16un petit peu
01:05:17et c'est pour ça
01:05:17que je trouve ça cool
01:05:18que ce ne soit pas forcément
01:05:20des personnes
01:05:21qui ont lu le livre
01:05:22qui viennent
01:05:22comme ça
01:05:23elles viennent s'enrichir
01:05:24discuter
01:05:24apporter aussi
01:05:25parce qu'elles participent
01:05:26quand mĂȘme
01:05:27donc c'est chouette
01:05:27c'est juste des gens
01:05:28qui se retrouvent
01:05:29qui parlent
01:05:30et qui ont plein de choses
01:05:30Ă  dire
01:05:31et qui ont un espace
01:05:33oĂč on les Ă©coute aussi
01:05:34Balogou bonsoir
01:05:42bonsoir Jeanne
01:05:43ce soir
01:05:43tu es lĂ 
01:05:44pour l'événement
01:05:45Overbooké
01:05:45est-ce que déjà
01:05:46tu peux te présenter
01:05:47en quelques mots
01:05:48je suis architecte
01:05:49et auteur-illustrateur
01:05:51avant d'ĂȘtre un livre
01:05:52c'était
01:05:52un carnet de dessin
01:05:54qui rassemblait
01:05:55pas mal d'idées
01:05:56autour de la question
01:05:57des luttes sociales
01:05:59parce que
01:06:00il est né
01:06:01en fait Ă  partir
01:06:02des manifestations
01:06:03qui ont eu lieu
01:06:03en 2020
01:06:04pour d'abord
01:06:06George Floyd
01:06:07mais qui ont ensuite
01:06:08été agréguées
01:06:09avec la question
01:06:10d'Adama Traoré
01:06:11et donc les rassemblements
01:06:12qui avaient lieu
01:06:13en juin 2020
01:06:14Ă  ce moment-lĂ 
01:06:15je me suis vraiment
01:06:15posé la question
01:06:16de qu'est-ce que moi
01:06:17je peux faire
01:06:17en tant qu'aujourd'hui
01:06:18architecte
01:06:19qui est la capacité
01:06:20de dessiner
01:06:21et donc ces événements-là
01:06:22j'ai commencé à croquer
01:06:23un peu sur des feuilles volantes
01:06:25et Ă  un moment
01:06:26j'ai pris un carnet
01:06:27j'ai commencé vraiment
01:06:27Ă  dessiner
01:06:28en composant
01:06:30mon parcours
01:06:31dans ces manifestations
01:06:32mon parcours
01:06:33dans ces questions
01:06:34de lutte sociale
01:06:36et mĂȘme
01:06:37les interrogations
01:06:37que j'avais
01:06:38parce que
01:06:39avant de mélanger
01:06:41mes deux identités
01:06:42identité militante
01:06:43d'un cÎté
01:06:44oĂč j'avais dĂ©jĂ  Ă©tĂ©
01:06:45confronté
01:06:45Ă  des injustices
01:06:48et tout ce qui était
01:06:49violence policiĂšre
01:06:51parce que
01:06:52dans ma vie
01:06:52la Chanson-sur-Marne
01:06:53il y a un jeune homme
01:06:55qui s'appelait
01:06:56Guy Kamara
01:06:57qui est mort
01:06:57d'un tir
01:06:59par balle
01:07:00d'un policier
01:07:01en 2016
01:07:02et donc j'avais été
01:07:04Ă  ces manifestations-lĂ 
01:07:05mais j'avais jamais
01:07:05évoqué ces questions-là
01:07:08dans mon travail
01:07:09et dans mes études
01:07:10Daily en fait
01:07:11c'est la premiĂšre personne
01:07:12qui m'a donné
01:07:13une plateforme publique
01:07:14c'est-Ă -dire que
01:07:15j'avais jamais
01:07:16présenté mon travail
01:07:17et donc c'est la premiĂšre personne
01:07:18qui m'a fait confiance
01:07:20en soi
01:07:20qui m'a invité
01:07:20sur un événement
01:07:21pour un son book club
01:07:23ce qui a joué
01:07:24dans le fait d'écrire
01:07:25c'est de se sentir représenté
01:07:26dans les écrits
01:07:26qu'on peut lire
01:07:27j'ai un livre
01:07:28sous la main
01:07:29qu'on aime beaucoup
01:07:29toi et moi
01:07:30qui s'appelle
01:07:30Les saveurs du béton
01:07:31de Kélam
01:07:32ça m'a réconcilié
01:07:33avec la possibilité
01:07:36de sortir quelque chose
01:07:36qui n'est pas de mon domaine
01:07:38c'est-Ă -dire que
01:07:39le livre pour moi
01:07:39c'était seulement des gens
01:07:40qui étaient en L
01:07:41ou qui avaient été
01:07:42qui avaient fait
01:07:44des études littÚres
01:07:45aprĂšs
01:07:45qui pouvaient en sortir
01:07:46j'ai dit que moi aussi
01:07:47j'ai le droit
01:07:48d'écrire des choses
01:07:49qui me ressemblent
01:07:50sur ma vie
01:07:51parce qu'il y a d'autres gens
01:07:52qui pourraient s'identifier
01:07:52les images en soi
01:07:54elles peuvent parler d'elles-mĂȘmes
01:07:55elles peuvent dépasser
01:07:56mĂȘme ce qu'on attend d'elles
01:07:57c'est assez impressionnant
01:07:58je trouve qu'en parlant de soi
01:08:00et en étant dans une sphÚre
01:08:01trĂšs personnelle
01:08:01en fait on se rend compte
01:08:02un peu
01:08:02je veux dire un truc trÚs cliché
01:08:03mais Ă  quel point
01:08:04ça peut ĂȘtre super universel
01:08:05et parler Ă  plein de gens
01:08:06genre typiquement moi
01:08:07ce livre il m'a touchée
01:08:08pour d'autres raisons
01:08:08parce qu'elle parle de son
01:08:10ancien Bagnolet
01:08:10moi c'est lĂ  oĂč j'ai grandi
01:08:11et donc de revoir des endroits
01:08:13je me disais
01:08:13mais c'est comme dans mes souvenirs
01:08:15et pareil
01:08:15ça faisait trop du bien
01:08:16de voir ça dans un livre
01:08:17et j'aurais jamais imaginé
01:08:18je voulais revenir un peu
01:08:19sur ta casquette d'architecte
01:08:21que je trouve hyper intéressante
01:08:22parce que pour toi
01:08:23il y a un vrai cÎté politique
01:08:24dans ce métier
01:08:25et on a discuté un peu
01:08:26de ces sujets-lĂ  ensemble
01:08:27mais dans mon documentaire
01:08:29je m'intéresse beaucoup
01:08:30aux bibliothĂšques
01:08:30et aux médiathÚques
01:08:31qu'est-ce qui fait que
01:08:32déjà l'espace est accueillant
01:08:34à l'intérieur
01:08:34mais avant mĂȘme de rentrer
01:08:36genre qu'est-ce qui fait
01:08:36que l'extérieur
01:08:37te donne envie de rentrer ou pas
01:08:39Le contexte dans lequel
01:08:39c'est inséré
01:08:40c'est tellement important
01:08:41parce que
01:08:42si un objet
01:08:43ne dialogue pas
01:08:43avec son contexte
01:08:44c'est sûr qu'il ne va pas
01:08:45durer longtemps
01:08:46ou des fois
01:08:47il va ĂȘtre un objet
01:08:48un peu ovni
01:08:50au milieu d'un quartier
01:08:51et les choses
01:08:52vont commencer à se créer
01:08:52autour de cet objet
01:08:53La sensation d'ĂȘtre invitĂ©
01:08:55Ă  entrer dans un lieu
01:08:56elle se passe
01:08:57déjà à partir de la rue
01:08:59en fait
01:08:59dĂšs la rue
01:09:00si tu te dis
01:09:01que tu as le droit
01:09:02d'aller dans cet espace
01:09:04parce qu'on t'y a
01:09:05introduit
01:09:06par différents biais
01:09:07par exemple
01:09:08il y a une expo
01:09:08qui se passe dedans
01:09:09oĂč il y a
01:09:10des artistes
01:09:12ou des auteurs
01:09:13qui ont fait une diffusion
01:09:15sur des réseaux
01:09:16que tu as vus
01:09:17et d'un coup
01:09:17il y a une communication dessus
01:09:18t'as moins peur
01:09:19d'entrer dans ce lieu-lĂ 
01:09:20parce que
01:09:21tu dis qu'il y a
01:09:22d'autres gens
01:09:22qui te ressemblent
01:09:23qui vont y entrer aussi
01:09:24Justement
01:09:25il y a des projets
01:09:25qui existent
01:09:26par exemple
01:09:26dans une ville
01:09:27qui est à cÎté de chez moi
01:09:28Ă  Shell
01:09:29en fait
01:09:29la bibliothĂšque
01:09:30elle est complĂštement
01:09:31vitrée de l'extérieur
01:09:31donc en fait
01:09:32dĂšs la rue
01:09:33tu vois ce qu'il y a dedans
01:09:33tu vois qui est dedans
01:09:35et il y a un truc aussi
01:09:36c'est
01:09:37quand t'entres dans un lieu
01:09:39t'as une notion de contrĂŽle
01:09:40c'est-Ă -dire que
01:09:41si tu penses
01:09:42que tu vas entrer
01:09:43dans une bibliothĂšque
01:09:44comme si tu vas entrer
01:09:44dans un magasin
01:09:45et que
01:09:46t'as déjà
01:09:47une sécurité
01:09:48qui est mise en place
01:09:49la question de contrĂŽle
01:09:50des corps dans l'espace
01:09:51et de
01:09:52l'identification
01:09:53de certains individus
01:09:55qui ont plus ou moins
01:09:57de légitimité
01:09:58Ă  ĂȘtre dans des lieux
01:09:58la bibliothĂšque
01:09:59aujourd'hui
01:10:00dans son entité
01:10:01il y a des gens
01:10:02qui se chantent
01:10:03chez eux
01:10:03quand ils sont
01:10:04dans certaines médiathÚques
01:10:05parce que
01:10:06c'est des extensions
01:10:07par exemple
01:10:07des maisons de jeunesse
01:10:09et culture
01:10:10moi quand j'étais petit
01:10:11c'était la MJC
01:10:12qui nous amenait
01:10:12Ă  la bibliothĂšque
01:10:13et on allait faire
01:10:14des activités là-bas
01:10:15et ensuite on allait
01:10:16Ă  la ludothĂšque
01:10:16oĂč il y avait plein
01:10:17de jeux sociétés
01:10:17enfin c'était plein
01:10:18de tech tech tech
01:10:19mais on était
01:10:20genre lĂ 
01:10:21et on y allait
01:10:22comme si c'était juste
01:10:23un endroit
01:10:24un prolongement
01:10:25le fait d'avoir
01:10:26cette communication
01:10:28mĂȘme avec les gens
01:10:30qui sont dans la bibliothĂšque
01:10:31si c'est des gens
01:10:32du quartier
01:10:32qui travaillent
01:10:33mĂȘme dans la bibliothĂšque
01:10:34t'es tellement moins
01:10:36chargé en disant
01:10:38ouais lĂ  je veux
01:10:39entrer dans un endroit
01:10:40oĂč je sais pas
01:10:41si enfin
01:10:42une bibliothĂšque
01:10:43est-ce que ça fait
01:10:43pour moi ou pas
01:10:44mais c'est un sujet
01:10:46hyper intéressant
01:10:46parce que
01:10:47l'architecture
01:10:48c'est quelque chose
01:10:49qui est un processus
01:10:50qui bouge tout le temps
01:10:51et aujourd'hui
01:10:52t'as pas un bĂątiment
01:10:53qui est fixe
01:10:53et qui a un titre
01:10:54et qui va ĂȘtre
01:10:55comme ça
01:10:56jusqu'à ce qu'il soit détruit
01:10:57le but c'est de créer
01:10:58quelque chose
01:10:59et de se dire
01:10:59qu'il pourra changer
01:11:00d'usage par la suite
01:11:01ĂȘtre ce qu'on appelle
01:11:03la réversibilité
01:11:04et se dire que
01:11:05demain
01:11:05il ne pourra plus avoir
01:11:06le mĂȘme usage
01:11:07mais il restera quand mĂȘme
01:11:08pareil en termes de physique
01:11:10enfin aspect physique
01:11:11c'est comme ça que tu sais
01:11:12qu'un projet fonctionne
01:11:13en fait
01:11:13c'est marrant ça
01:11:14j'avais jamais pensé
01:11:15il faut que tu fasses
01:11:15un truc relativement neutre
01:11:17pour que ça puisse servir
01:11:17Ă  d'autres usages
01:11:18neutre mais qui a quand mĂȘme
01:11:20une identité marquée
01:11:21c'est-Ă -dire que
01:11:22d'un jour Ă  l'autre
01:11:23ça ne peut pas devenir
01:11:24une boulangerie ici
01:11:25mais que tu dises
01:11:28qu'il y a quand mĂȘme
01:11:28une évolution possible
01:11:29avec l'usage des espaces
01:11:30et que tu puisses
01:11:31créer des circulations
01:11:32et parfois il y a des projets
01:11:34qui se parlent entre eux
01:11:35tu as des gens
01:11:36qui vont étudier
01:11:36des bibliothĂšques
01:11:37pour comprendre
01:11:38comment gérer
01:11:39une gare
01:11:40ou Ă  l'inverse
01:11:41regarder comment les gares
01:11:42elles fonctionnent
01:11:43en termes de réseaux
01:11:44de circulation et tout
01:11:45pour savoir
01:11:45comment est-ce que tu peux
01:11:46faire des allées
01:11:47en fait dans une bibliothĂšque
01:11:49qui soit fluide
01:11:50avant de vous présenter
01:11:50la derniĂšre personne
01:11:51que j'ai rencontrée
01:11:52pour ce documentaire
01:11:53je voudrais revenir
01:11:54sur pourquoi
01:11:54les classes populaires
01:11:55lisent moins
01:11:56et comment elles s'organisent
01:11:57par rapport à ça
01:11:57on l'observe déjà
01:11:58en 1966
01:11:59oĂč une Ă©tude a montrĂ©
01:12:01de la méfiance envers la lecture
01:12:02qui serait considérée
01:12:03comme une pratique
01:12:03liée à la paresse
01:12:04mais en cas d'intĂ©rĂȘt
01:12:05pour la lecture
01:12:06le premier frein
01:12:07c'est le manque de temps
01:12:08lire ce n'est pas
01:12:09ne rien faire
01:12:09et ça repose pas forcément
01:12:11le cerveau
01:12:11ça demande de l'effort
01:12:12et de la concentration
01:12:13si votre travail
01:12:14qu'il soit professionnel
01:12:15ou Ă  la maison
01:12:16vous demande beaucoup d'énergie
01:12:17qu'en plus parfois derriĂšre
01:12:18vous devez vous taper
01:12:19les transports en commun
01:12:20pour rentrer Ă  la baraque
01:12:21bah parfois
01:12:22on n'a pas le courage
01:12:23de lire
01:12:23quand on rentre le soir
01:12:24on est juste épuisé
01:12:25et puis pour des enfants
01:12:26issus de l'immigration
01:12:27avoir accĂšs Ă  des livres
01:12:28en français
01:12:28peut ĂȘtre difficile
01:12:29si la famille
01:12:30ne le parle pas
01:12:30mais c'est lĂ 
01:12:31que ça devient aussi intéressant
01:12:32puisqu'il arrive
01:12:33que des enfants
01:12:33apprennent Ă  leurs parents
01:12:35Ă  parler et Ă  lire
01:12:36le français
01:12:36s'ils ne le parlent pas
01:12:37c'est quelque chose
01:12:38que par exemple
01:12:39ma maman
01:12:39professeure en ZEP
01:12:40a plusieurs fois observé
01:12:41si les enfants
01:12:41sont bien encadrés
01:12:42et peuvent avoir accĂšs
01:12:43à des livres à l'école
01:12:44dans un contexte
01:12:45d'ouverture
01:12:46et d'inclusion
01:12:46sans forcément
01:12:47passer direct
01:12:48par les classiques
01:12:49il faut y aller
01:12:49étape par étape
01:12:50alors on peut donner
01:12:51aux classes populaires
01:12:52le goût de lire
01:12:52pour ça
01:12:53il y a plein de moyens
01:12:54Laye m'en a parlé
01:12:55quand on s'est rencontré
01:12:55au festival SLAP
01:12:57le festival du livre
01:12:58queer féministe
01:12:59Ă  la parole errante
01:13:00Ă  Montreuil
01:13:00bonjour Laye
01:13:01salut
01:13:01on est lĂ  aujourd'hui
01:13:03pour parler d'arpentage
01:13:04est-ce que d'abord
01:13:04tu peux te présenter
01:13:05un petit peu
01:13:06l'arpentage
01:13:06c'est un outil
01:13:07d'éducation populaire
01:13:08et plus largement
01:13:09ça fait environ
01:13:094-5 ans
01:13:10que je travaille
01:13:11dans le domaine
01:13:11de l'éducation populaire
01:13:12est-ce que tu peux
01:13:13m'expliquer un peu
01:13:13en quoi ça consiste
01:13:14l'éducation populaire
01:13:15du coup il y a
01:13:15plusieurs points à évoquer
01:13:16quand on parle
01:13:17d'éducation populaire
01:13:18le principal
01:13:19qui est assez intéressant
01:13:20c'est que l'éducation populaire
01:13:21c'est une autre forme
01:13:22de pédagogie
01:13:23on va dire
01:13:23une pédagogie alternative
01:13:24qui s'oppose
01:13:26à la pédagogie scolaire
01:13:27on part du principe
01:13:28qu'il n'y a pas de hiérarchie
01:13:29il y a un prof
01:13:30il y a des élÚves
01:13:30les élÚves écoutent le prof
01:13:32et justement
01:13:33dans l'éducation populaire
01:13:34on part du principe
01:13:34que tout le monde a dĂ» savoir
01:13:35et pourquoi
01:13:37tout le monde a dĂ» savoir
01:13:37parce que chaque personne
01:13:39a une expérience individuelle
01:13:40vit des choses
01:13:41et de par cette expérience individuelle
01:13:43on peut s'inscrire
01:13:44dans une histoire collective
01:13:45dans un systÚme précis
01:13:46un exemple concret
01:13:47des personnes de quartier populaire
01:13:49vont avoir un vécu
01:13:50spécifique
01:13:51de par leur position
01:13:52de marginalisation
01:13:53de personnes racisées
01:13:54etc
01:13:54et ce vécu individuel
01:13:57va s'ancrer
01:13:58dans une histoire collective
01:13:59l'éducation populaire
01:14:00en fait
01:14:01c'est créer des lieux
01:14:01collectifs
01:14:02oĂč on va justement
01:14:03parler d'expériences individuelles
01:14:05pour comprendre
01:14:06comment le systĂšme
01:14:07fonctionne
01:14:08et quels sont les mécanismes
01:14:09dans l'objectif vraiment
01:14:10de transformer
01:14:11le monde dans lequel on vit
01:14:12c'est un grand objectif
01:14:14comme l'éducation populaire
01:14:15c'est un bel objectif
01:14:16j'ai eu l'opportunité
01:14:17d'ĂȘtre formĂ©e
01:14:18par ressources alternatives
01:14:19sur les techniques
01:14:20d'éducation populaire
01:14:21donc là c'était vraiment
01:14:22le théùtre forum
01:14:23il y a vraiment plein d'outils
01:14:24et l'arpentage
01:14:25et ça fait longtemps
01:14:27que j'ai mon compte Instagram
01:14:28oĂč je partageais mes lectures
01:14:29et pour moi la lecture
01:14:30c'était hyper important
01:14:32et je trouve que c'est un
01:14:33c'est un bel outil
01:14:35justement
01:14:35pour prendre conscience
01:14:36de notre expérience individuelle
01:14:38et que notre expérience individuelle
01:14:39s'ancre dans une histoire collective
01:14:40et quand j'ai découvert l'arpentage
01:14:42je me suis dit
01:14:43bah en fait c'est parfaitement moi
01:14:44je kiffe les livres
01:14:44je kiffe l'éducation populaire
01:14:46et bam on met les deux ensemble
01:14:47et du coup l'arpentage
01:14:48c'est une méthode de lecture collective
01:14:50donc en fait on va lire ensemble
01:14:52un livre
01:14:53un ouvrage théorique
01:14:54et on va essayer de dresser des ponts
01:14:56entre ce qu'il y a dans le livre
01:14:58et notre expérience
01:14:59ce qui est hyper important de le dire
01:15:01c'est que c'est politique
01:15:02et que ça a été créé
01:15:03par les classes populaires
01:15:04notamment l'arpentage
01:15:05a été créé par les classes ouvriÚres
01:15:07au 19Ăšme siĂšcle
01:15:08donc c'est un outil
01:15:09qui a été beaucoup utilisé
01:15:10aprĂšs les sources et tout
01:15:12de l'arpentage
01:15:12c'est un peu compliqué
01:15:13parce que c'est plus
01:15:14une culture de résistance
01:15:15qui se transmet par l'oral
01:15:16on va pas avoir des trucs de écrit
01:15:18genre les outils
01:15:18d'éducation populaire sur Google
01:15:20il y en a
01:15:20ça commence Ă  ĂȘtre fichĂ© etc
01:15:22mais c'est vraiment une culture
01:15:23qui se transmet à l'intérieur
01:15:24des mouvements militants
01:15:25des collectifs etc
01:15:26on m'avait expliqué
01:15:27que l'arpentage
01:15:28il avait été créé
01:15:29par les ouvriers
01:15:30au 19Ăšme siĂšcle
01:15:30et que justement
01:15:31aprÚs une journée de taf
01:15:33ils se réunissaient
01:15:34pour déchirer un livre
01:15:35et se conscientiser en collectif
01:15:37sur les conditions de travail
01:15:37Ă  l'usine
01:15:38dans l'objectif justement
01:15:39de créer des syndicats
01:15:40de revendiquer des droits
01:15:41l'accĂšs au travail etc
01:15:43il y a plusieurs maniĂšres
01:15:44de faire des ateliers d'arpentage
01:15:45et aussi différentes thématiques
01:15:47je sais que par exemple
01:15:47il y a des personnes
01:15:48qui vont faire des arpentages
01:15:49plus sur les conditions de travail etc
01:15:50moi j'ai choisi le biais
01:15:52féministe, queer, antiraciste
01:15:55handicapitaliste etc
01:15:56donc déjà je vais traiter
01:15:57que des livres
01:15:58qui touchent Ă  l'analyse
01:16:01des rapports de pouvoir
01:16:02dans notre société
01:16:02pourquoi j'ai commencé
01:16:03un peu les arpentages
01:16:04parce que moi
01:16:04il y a plein de lectures
01:16:05qui m'ont marquée personnellement
01:16:06et qui m'ont permis
01:16:07de prendre conscience
01:16:08que j'étais pas seule
01:16:09en fait Ă  vivre des oppressions
01:16:10ou justement
01:16:12Ă  reproduire aussi
01:16:13des oppressions
01:16:14d'aprĂšs ce que tu dis
01:16:15et ce que j'en comprends
01:16:16on n'est pas dans une lecture
01:16:17genre limite pour le bac
01:16:19oĂč on fait des fiches
01:16:19genre de tout ce qu'il y a
01:16:20dans le livre
01:16:21on est vraiment aussi
01:16:21de parler de soi
01:16:22ouais
01:16:22parce qu'en fait
01:16:23l'arpentage aussi
01:16:25c'est un mix entre
01:16:25groupe de parole
01:16:26et groupe de lecture
01:16:27c'est Ă  dire qu'il y a
01:16:28des personnes parfois
01:16:29qui ne veulent pas lire
01:16:30qui ne sont pas Ă  l'aise
01:16:31avec le livre
01:16:31et qui se retrouvent
01:16:32dans l'atelier
01:16:33et qui ont la flemme de lire
01:16:34c'est juste le sujet
01:16:35si t'as quelque chose
01:16:35Ă  dire sur le sujet
01:16:36parle-en si t'as besoin
01:16:38de d'extérioriser quelque chose
01:16:39au début justement
01:16:40je me disais
01:16:40Ă  l'arpentage
01:16:41je vais toucher un public
01:16:42qui sera forcément à l'aise
01:16:43avec la lecture
01:16:43et au fur et Ă  mesure
01:16:44de mes ateliers
01:16:44j'ai compris que c'était
01:16:45pas du tout
01:16:45le public qui venait
01:16:47Ă  mes ateliers
01:16:47c'était plus des personnes
01:16:48qui avaient fait des études
01:16:50universitaires etc
01:16:51j'ai eu quelques personnes
01:16:52qui n'étaient pas forcément
01:16:53Ă  l'aise avec la lecture
01:16:54mais ça reste assez marginal
01:16:55et c'est justement
01:16:57avec
01:16:57quand j'ai vu que c'était
01:16:58un public
01:16:59majoritairement blanc
01:17:00de classe
01:17:02on va dire moyenne
01:17:03aprĂšs
01:17:03ça varie niveau classe
01:17:05c'est lĂ  oĂč je me suis dit
01:17:06ça serait intéressant
01:17:07justement
01:17:07de prendre des livres
01:17:09qui parlent de leur vécu
01:17:10et c'est lĂ  oĂč j'ai eu
01:17:11un peu utilisé la brÚche
01:17:12et j'ai fait quelques ateliers
01:17:14sur la blanchité
01:17:15sur la police
01:17:17sur les violences policiĂšres
01:17:17dans les quartiers populaires
01:17:18et justement
01:17:19j'ai utilisé ce cercle
01:17:20un peu pour
01:17:21mettre le sujet
01:17:22sur la table
01:17:22de ok en fait
01:17:23si tu te revendiques
01:17:23féministe
01:17:24ou la cause LGBT
01:17:26en fait
01:17:26il faut que tu t'alignes
01:17:27sur absolument
01:17:27toutes les causes
01:17:28que ce soit la police
01:17:30les prisons
01:17:31donc anti-carcérales
01:17:32que ce soit
01:17:32les violences de classe
01:17:34enfin vraiment
01:17:35pour moi je vois
01:17:36le militantisme
01:17:37comme un alignement
01:17:38face Ă  des choses
01:17:38et on peut pas
01:17:39se contenter
01:17:40de défendre
01:17:40nos propres intĂ©rĂȘts
01:17:42et s'allie en fait
01:17:43justement avec des causes
01:17:44beaucoup plus larges
01:17:44donc on va déchirer
01:17:46le livre
01:17:46ce qui est tout Ă  fait normal
01:17:47pas de panique
01:17:48l'objectif du coup
01:17:50on déchire pas le livre
01:17:50genre pour se dire
01:17:51ouh ouh
01:17:51trop stylé
01:17:52c'est justement
01:17:53désacraliser le livre
01:17:55et de prendre conscience
01:17:56qu'un livre
01:17:56c'est de l'encre
01:17:57sur du papier
01:17:58et que c'est pour le rendre
01:17:59aussi plus accessible
01:18:00parfois un livre
01:18:02à lire comme ça
01:18:02de 200 pages
01:18:03la flemme
01:18:04il faut avoir le temps
01:18:05l'espace mental aussi
01:18:08les capacités financiÚres
01:18:10pour lire des livres
01:18:11l'arpentage
01:18:12c'est justement
01:18:12se dire
01:18:12qu'on prend chacune
01:18:13une petite partie
01:18:14tranquille
01:18:15ça remplace pas
01:18:15la lecture individuelle
01:18:16si vous voulez par la suite
01:18:17lire le livre
01:18:18chez vous
01:18:19seul
01:18:19c'est une possibilité
01:18:20mais lĂ  c'est vraiment
01:18:21de se dire
01:18:22qu'en 3 heures
01:18:23vous allez lire
01:18:24une partie du livre
01:18:24échanger sur le livre
01:18:25et aprĂšs vous ressortirez
01:18:26de cet atelier
01:18:27vous aurez déjà connaissance
01:18:28de l'autrice
01:18:29etc
01:18:29de ce qui a été dit
01:18:30et on va avancer
01:18:32d'un petit pas
01:18:33sur une conscientisation
01:18:34tout le monde peut s'approprier
01:18:36un savoir produit d'un livre
01:18:37et aussi
01:18:38en fait du coup
01:18:39on déchire les parties
01:18:40chaque personne a une partie
01:18:41de 10 pages
01:18:42et en fait ça peut ĂȘtre
01:18:42beaucoup moins intrusif
01:18:44on va dire
01:18:44de lire 10 pages
01:18:45d'un livre
01:18:46que directement
01:18:47se lancer dans des essais
01:18:48de 200 pages
01:18:49etc c'est une maniĂšre
01:18:50en fait d'approcher
01:18:51le livre différemment
01:18:52je trouve hyper intéressant
01:18:53que justement
01:18:53avec l'arpentage
01:18:54c'est un truc aussi
01:18:54de sortir le livre
01:18:56de juste ce truc
01:18:57que tu fais chez toi
01:18:58tout seul
01:18:58et que tu partages pas
01:19:00ce que j'aime
01:19:00dans l'outil de l'arpentage
01:19:01c'est que tous les outils
01:19:02d'éducation populaire
01:19:03de maniÚre générale
01:19:04sont collectifs
01:19:04tu peux pas faire
01:19:05d'éducation populaire
01:19:06seule chez toi
01:19:07enfin ça n'a aucun sens
01:19:07c'est créer du collectif
01:19:09et c'est hyper important
01:19:09justement dans un monde
01:19:10oĂč on a plus tendance
01:19:11Ă  s'individualiser
01:19:12oĂč justement la lecture
01:19:13c'est quelque chose
01:19:13d'individuel
01:19:14mais en fait
01:19:14moi dans ma perception
01:19:16des choses
01:19:16un livre
01:19:17ça se partage
01:19:19ou en tout cas
01:19:20tu tires du savoir
01:19:21d'un livre
01:19:21pour mettre en place
01:19:22ou faire quelque chose
01:19:23sur le terrain
01:19:24et changer les points de vue
01:19:24aussi parce que parfois
01:19:25on peut ne pas ĂȘtre d'accord
01:19:26sur ce qui est dit
01:19:26dans un livre
01:19:27et de débattre
01:19:29de créer vraiment
01:19:30un espace de dialogue
01:19:31ça fait 8 ans
01:19:33que je travaille
01:19:33dans les quartiers populaires
01:19:34et j'viens pas forcément
01:19:34de cet endroit
01:19:35donc c'était hyper important
01:19:36pour moi justement
01:19:37de commencer Ă  lire
01:19:38un maximum de livres
01:19:39sur les quartiers populaires
01:19:40sur les personnes racisées
01:19:41sur les violences policiĂšres
01:19:41parce que c'était des choses
01:19:42que j'avais pas personnellement vécues
01:19:44mais dans mon travail
01:19:45je cĂŽtoie
01:19:45des jeunes de quartier
01:19:47racisés
01:19:48qui ont subi
01:19:49une tonne de violences policiĂšres
01:19:50et en fait
01:19:51le livre a été un outil
01:19:52pour moi
01:19:53me déconstruire
01:19:54et ne pas faire de conneries
01:19:55ou dire de choses maladroites
01:19:57Ă  ces jeunes
01:19:57et pas les blesser
01:19:59dans leur expérience individuelle
01:20:00et pas nier en fait
01:20:01leur expérience individuelle
01:20:02et aussi
01:20:02que la charge mentale
01:20:03de m'éduquer
01:20:05ne revienne pas
01:20:06Ă  ce public
01:20:07mais que moi
01:20:07je fasse l'effort
01:20:08de mon cÎté
01:20:09de voir un peu
01:20:10comment ça fonctionne
01:20:11les dynamiques de pouvoir
01:20:12etc
01:20:12et pour ensuite
01:20:13échanger
01:20:14avec ces jeunes lĂ 
01:20:15c'est donc tout ce que j'avais
01:20:17pour vous aujourd'hui
01:20:18j'avais vraiment envie
01:20:18de poser ça quelque part
01:20:20maintenant je vous le laisse
01:20:21comme vous l'avez remarqué
01:20:22c'est une histoire
01:20:22assez intime
01:20:23que je vous ai livrée
01:20:24j'adore ce livre
01:20:24tout ça
01:20:25mais c'est Ă  mon sens
01:20:26qui la rend universelle
01:20:27et j'espĂšre que certains
01:20:28et certaines
01:20:28s'y seront reconnus
01:20:29merci infiniment
01:20:30Ă  toutes les personnes
01:20:30qui ont bien voulu
01:20:31faire partie de ce format
01:20:32merci à mon incroyable équipe
01:20:34sans qui je n'aurais rien pu faire
01:20:35merci aussi au CNC
01:20:37et Ă  la SCAM
01:20:38et puis merci Ă  vous aussi
01:20:39surtout
01:20:39si vous voulez me soutenir
01:20:41vous pouvez faire un petit tour
01:20:42sur mon Patreon
01:20:42et je finirai par ça
01:20:43ne laissez personne vous dire
01:20:45que le livre
01:20:45c'est pas fait pour vous
01:20:46ou de vous enlever le plaisir
01:20:47de lire
01:20:48et surtout
01:20:48de lire ce que vous avez envie
01:20:49allez salut
01:21:11merci à mes Tipeurs et sous-titrage Société Radio-Canada
01:21:16Sous-titrage Société Radio-Canada
01:21:23Sous-titrage Société Radio-Canada

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