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00:002,3 millions de tonnes de cacao ont été produites en 2023 en Côte d'Ivoire.
00:11Le pays, depuis des décennies, est assis sur le toit du monde en termes de production.
00:16Sur le papier, une telle performance devrait faire de notre pays un des leaders en matière non seulement de production,
00:23mais surtout de consommation de chocolat.
00:25Et pourtant, une question demeure, les Ivoiriens consomment-ils réellement du chocolat ?
00:32Pour tenter d'y répondre, l'invité de ce nouveau numéro 2, c'est-à-dire est Axel Emmanuel Baou, artisan chocolatier.
00:39Bonjour.
00:39Monsieur Baou, merci d'être sur notre plateau.
00:42C'est un très grand honneur pour moi d'être là aujourd'hui.
00:45Vous êtes venu avec tout un arsenal de produits qui sentent quand même extrêmement bon,
00:50et surtout un tablier qui est assez particulier.
00:55Est-ce que vous pouvez nous l'intécrire ?
00:56Oui, le tablier, c'est une créatrice de Côte d'Ivoire qui le fait.
01:00C'est fait avec des vrais sacs de cacao de Côte d'Ivoire qui ont fait le tour du monde dans les conteneurs
01:06et qui reviennent, donc qui ont été recyclés pour leur donner une seconde vie, donc adaptés aux pagnes et tout.
01:12Moi, je suis très ravi parce que ça donne aussi la possibilité de montrer que,
01:16même si la toile de jute, on ne peut pas la fabriquer ici parce qu'elle aussi, on ne la fabrique pas ici,
01:22on peut vraiment transformer parce qu'on en a tellement pour faire des jolis articles comme ça.
01:28Donc, je fais vraiment toujours un clin d'œil à cette créatrice ivoirienne qui fait de très bons travails,
01:33nouvelle vie à des produits qui étaient censés être dans la nature.
01:38Alors, la transformation, on y reviendra, mais dans un premier temps,
01:41est-ce que vous pouvez décrire la relation des Ivoiriens avec le chocolat ?
01:46Oui, les Ivoiriens avec le chocolat, ils ont plutôt des liens avec le cacao.
01:52Le cacao, c'est un déterminant, il fait partie de notre ADN, j'aime bien le dire,
01:58en en prêtant les mots d'Assandé Farkas, qu'il dit, c'est vraiment indéterminant,
02:03c'est l'ADN des Ivoiriens.
02:04On est cacao-culteur de père en fils, on a le cacao, on plante le cacao depuis plus d'un siècle,
02:09un million de cacao-culteurs, 3500 coopératives, c'est 40% des recettes d'exportation,
02:16c'est une vraie, vraie, vraie manne pour la Côte d'Ivoire, on en vit, c'est cela.
02:21On vit du cacao, certes, mais le chocolat ?
02:24Oui, c'est deux choses distinctes, le cacao, ce n'est pas le chocolat, le chocolat, ce n'est pas le cacao.
02:28C'est ça l'amalgame que beaucoup de personnes font et puis bon, ils se plantent.
02:32C'est totalement distinct.
02:34Le chocolat, c'est un aliment à base de cacao, ce n'est pas le chocolat.
02:40Et quand vous avez cette révélation-là, ça vous ouvre les yeux pour toute autre chose.
02:44Vous allez prendre un produit comme le Nutella ou quelque chose comme ça,
02:47vous avez 7% de cacao dans la recette, ça suffit.
02:50Les États-Unis, à travers le Food and Drug Administration,
02:54admettent à appeler chocolat un produit qui a 10% de cacao.
02:58Comment décrivez-vous la relation des Ivoiriens, non pas au cacao, mais au chocolat ?
03:02Est-ce que c'est un produit qui est apprécié ou pas ?
03:03Alors, ils aiment le chocolat, mais ils aiment plutôt recevoir plutôt que sortir le porte-monnaie.
03:10J'espère qu'on arrivera à ça.
03:12C'est dû au fait que vraiment, il y a un gap.
03:15Il peut être sociologique, il peut être aussi psychologique.
03:18On pourra le détailler, mais c'est dû au fait qu'ici, ils n'ont pas un rapport.
03:22Le chocolat n'est pas dans les habitudes alimentaires des Ivoiriens.
03:25Pourquoi ?
03:25Pour des raisons économiques principalement, mais aussi sociologiques et psychologiques.
03:33Psychologiques parce qu'on a été mis en esclavage pour planter le cacao.
03:37Le cacao rentre en 1881 à travers un colon qui s'appelle Atuverdi,
03:40qui fait les premières plantations à Elimaver Ayame.
03:43Donc, ils plantent pour directement la Rochelle chez lui, en Europe.
03:48Donc, ça part en France.
03:50Et en plus, ils mettent les Ivoiriens au travail forcé, c'est-à-dire qu'on les maltraite.
03:56Ils travaillent sans être payés pour planter le cacao.
03:59Donc, beaucoup de psychologues m'ont dit que ça mène à même à leurs descendants de détester le cacao.
04:05Le chocolat plutôt ?
04:06Le cacao et tous les produits qui vont en revenir.
04:09Donc, le chocolat.
04:09Donc, le chocolat.
04:10Deuxième point, c'est que sociologiquement, dans aucune ethnie de Côte d'Ivoire, vous allez avoir le mot cacao.
04:16On peut dire piment.
04:18On peut dire piment, c'est yibé en béthé, macou en baoulé, frotto en djoula, mais on ne dira pas cacao.
04:25On dira coco.
04:26Cocoa, c'est les emprunts de l'anglicisme de cocoa.
04:30Donc, ça n'existe pas.
04:31Et donc, c'est quelque chose qui est étranger pour eux.
04:33Voici une raison sociologique.
04:35La dernière raison, elle est économique.
04:38Est-ce que c'est perçu comme un produit de luxe ?
04:40Absolument.
04:41On ne pourra jamais lui enlever son caractère de produit de luxe.
04:45Aujourd'hui, le cacao coûte 12 000 dollars la tonne.
04:49Ça veut dire 7 000 francs CFA le kilo à l'international.
04:5412 000 dollars la tonne, c'est nettement supérieur au prix du bitcoin.
04:59Il est nettement supérieur au prix du cuivre à la tonne.
05:02Ce qui est quand même beaucoup pour une denrée qui est périssable.
05:04Et quand on dit qu'un bijou ou une bague en or, 18, 24 carats, ça veut dire qu'elle a au moins 25 % d'autres alliages que l'or comme le cuivre.
05:14Donc, cet élément-là, le cacao est plus cher que ça.
05:18Donc, c'est plus un bijou.
05:20C'est un bon chocolat.
05:22Un chocolat de bonne facture.
05:23Il s'agirait d'investir dans le chocolat, alors ?
05:26Oui, si on a le marché.
05:28Parce que ceux qui vont consommer, si ce n'est pas les nationaux, il faudrait encore chercher à l'exporter.
05:35Alors, justement, le goût du chocolat noir ou amer est-il bien accepté par le palais ivoirien ?
05:40Ou quelles préférences gustatives vous vous remarquez à votre niveau ?
05:43Ah ouais, ça, je peux vous faire une belle révélation.
05:46Dites-moi tout.
05:46Le chocolat, en Côte d'Ivoire, ceux qui consomment le chocolat, ils mangent plus le chocolat noir.
05:51Pourquoi ?
05:51Statistiquement, j'ai travaillé depuis 10 ans dans le domaine.
05:55Je suis champion de Côte d'Ivoire, du chocolat.
05:58Les habitudes alimentaires, de statistiques que nous avons vues, les gens préfèrent plus le chocolat noir.
06:02Chacun en Côte d'Ivoire fait attention à sa ligne.
06:05Vous pensez ?
06:06Oui.
06:07Dans les foutus, les foutus bananes, gare, bar.
06:09Oui, ils aiment moins les choses sucrées.
06:13Ah oui, ce n'est pas dans nos habitudes.
06:14Ce n'est pas dans nos habitudes.
06:15Donc, ça, c'est à notre avantage.
06:18Et donc, le chocolat noir marche beaucoup plus que le chocolat au lait.
06:22Pour nous qui vendons du chocolat, on peut témoigner ça.
06:25Donc, je suppose que cette tablette qui est au gingembre et au chocolat noir, est l'un de moins besté.
06:29Par exemple, parce que les Ivoiriens, beaucoup d'Ivoiriens mangent épicé.
06:32Donc, un chocolat noir au gingembre, ça séduit les Ivoiriens et les papilles de ceux qui ont le porte-monnaie pour acheter.
06:38Quel rôle joue le pouvoir d'achat dans la faible consommation de chocolat en Côte d'Ivoire ?
06:43Oui, c'est déterminant parce que tous les pays qui consomment le chocolat au monde sont des pays riches.
06:50Le premier, c'est l'Allemagne.
06:51Le deuxième, c'est la Suisse.
06:52Ainsi de suite et la Belgique.
06:54En Allemagne, c'est 12 kilos de chocolat par habitant.
06:57C'est l'équivalent de 120 tablettes comme celles que vous avez en main.
07:01Par personne, ils sont plus de 80 millions d'habitants.
07:03À quelle fréquence ?
07:04Alors, quand vous dites 12 kilos, il y a d'autres qui vont vous dire la grande fréquence, c'est Pâques et Noël.
07:11On y est.
07:11Voilà.
07:12À Pâques et à Noël, quasiment le grand chiffre d'affaires de tous les chocolatiers, c'est à ces périodes-là.
07:18Ils mangent le chocolat de façon frénésique.
07:21Et ça, c'est ce qui fait que vous allez prendre, par exemple, après ça, la plus grande chocolatérie du monde est l'américaine.
07:30Donc, c'est des pays qui mangent le chocolat.
07:32Mais vraiment, quand vous prenez juste le PIB par habitant de la Californie, il est presque cinq fois supérieur à celui même de Dubaï.
07:40Ils ont beaucoup d'argent.
07:42Ils peuvent s'acheter le chocolat aussi facilement.
07:44C'est ça les raisons.
07:45On est en période, Pascal, justement, vous l'avez rappelé.
07:48Mais vous, cette période-là, est-ce qu'elle a une influence sur votre chiffre d'affaires?
07:55Oui, pas totalement.
07:59Mais c'est une période où on parle beaucoup de chocolat.
08:02On fait des ateliers de chocolat.
08:03Oui, on a vu des campagnes.
08:03Voilà, moi, je suis au Femi, on a fait des ateliers de chocolat avec les enfants qui venaient de tous les quartiers de Côte d'Ivoire.
08:13Mais ce n'est pas tant que ça.
08:14Côte d'Ivoire, je dirais, Ramadan et Noël, les fêtes de fin d'année.
08:20Là, la consommation du chocolat a un pic quand même.
08:23Est-ce que le manque de transformation locale du cacao en chocolat influence aussi l'accessibilité à ce produit?
08:28Oui, oui, je peux le dire.
08:34Mais c'est aussi dû à plusieurs facteurs.
08:37Le premier facteur, c'est que les ingrédients nécessaires à la fabrication du chocolat sont principalement des ingrédients importés.
08:46Parce que le cacao n'est pas le chocolat.
08:49Les tous autres ingrédients qui vont rentrer en scène, tels que la poudre de lait, c'est des ingrédients importés.
08:54Alors, je vous provoque un petit peu, mais ici, je vois 70% de pâtes de cacao, 9% de pur beurre de cacao.
09:02Ça, ça se trouve localement.
09:03Ça se trouve localement.
09:045% de gingembre.
09:06Oui, ça se trouve localement.
09:0715% de cassonade.
09:08Oui.
09:091% de vanille naturelle.
09:10Oui.
09:11Alors, la vanille naturelle, la Côte d'Ivoire commence à en planter, sinon c'est importé.
09:16Mais très souvent, le chocolat, pour faire du chocolat, il faut du sucre.
09:20Les industries sucrières de Côte d'Ivoire ne peuvent même pas produire pour toute la population de Côte d'Ivoire.
09:26Souvent, on n'est même pas un ramadan.
09:27Il faut rentrer dans des rayons de supermarché.
09:29Il y a des ruptures.
09:29Comme ce côté, on ne vous dit pas plus de 2 kilos de sucre par personne.
09:33C'est ahurissant.
09:34En 2025, ça se voit tout le temps.
09:36Donc, on n'a même pas assez de sucre pour tout le monde.
09:38On ne peut pas faire une industrie de sucre qui va entrer en grande partie dans le chocolat.
09:42Ça aussi, c'est un facteur.
09:44Le fait que le chocolat, c'est vraiment quelque chose qui sera encore étranger.
09:48Mais si on veut le changer, on peut commencer dès maintenant.
09:50C'est ce que j'allais vous dire.
09:51Pour le changer, est-ce qu'on ne devrait pas réadapter les recettes aux produits locaux ?
09:55Je vais très loin.
09:56Mais du chocolat à la tchèque, on pourrait l'envisager un jour.
09:59Après tout, Dubaï a bien fait du chocolat de Dubaï avec du cunefeu, je crois.
10:04Oui, avec les cheveux d'ange et de la pistache.
10:07Par exemple, nous, on va aller sur les habitudes alimentaires.
10:12Par exemple, à Pâques, comme ça, on sert du chocolat dans un talier.
10:15Ce ne soit pas du plat cali avec de la sauce, mais des oeufs de Pâques.
10:20Ça donne une originalité et c'est quand même attirant.
10:24On essaie de partir comme ça, faire des créations avec des produits locaux.
10:31Oui, bien sûr, nous, on a un chocolat aux chips de banane plantain.
10:34C'est notre best-seller.
10:36Aux chips de banane plantain, comment ça se présente ?
10:38C'est du chocolat, au lieu d'avoir du riz soufflé ou d'autres choses à l'intérieur.
10:42Ça part direct avec des chips de banane et c'est croustillant.
10:46C'est vraiment croquant, croustillant.
10:48Et la banane, ce n'est pas une banane douce.
10:52Ce n'est pas la banane douce, c'est les chips de banane plantain.
10:56Donc, elle a aussi une teneur en sucre qui se marie très bien avec le chocolat.
11:02Et ça apporte un croustillant dans le chocolat au lait.
11:04Il est vraiment délicieux.
11:05Donc, un jour, M. Kbaou, on pourrait avoir du chocolat à la tchéquée ?
11:10Ce serait possible, mais la tchéquée est une teneur en eau.
11:14Il faudrait vraiment le travailler.
11:15La tchéquée, tel que connu, la tchéquée est un taux d'humidité.
11:18Le chocolat horreur de l'humidité.
11:20Il faudrait le travailler d'une certaine manière.
11:22Et quand vous le travaillez d'une certaine manière,
11:25ça pourrait peut-être même...
11:26Est-ce qu'on pourrait l'appeler à tchéquée ? C'est ça le truc.
11:28Sinon, bon, restons plus réalistes.
11:30L'hibiscus ?
11:31Oui, bien sûr.
11:32Ça, ça marche très fort.
11:33Avec l'hibiscus.
11:35Et l'hibiscus, biologiquement ou botaniquement,
11:40a des liens avec le cacao.
11:42Donc, ça matche.
11:43Merci pour cette première partie, M. Kbaou.
11:46Merci.
11:47On revient après une courte pause.
11:48Voilà.
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