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00:00Bienvenue au Cœur du Crime, un podcast issu des archives d'Europe 1.
00:11Savez-vous que plus d'un tiers des crimes et délits commis en France sont traités par la Gendarmerie Nationale ?
00:19Je m'appelle Yann Kermadek, je suis commandant de gendarmerie.
00:25Je dirige une section de recherche dont la mission essentielle est une mission de police judiciaire.
00:41L'histoire que je vais vous raconter est une histoire vraie.
00:46Tous les faits sont réels et se sont déroulés en France.
00:50Seuls, les noms des personnes et des lieux ont été changés.
00:55C'était ce qu'on appelle aujourd'hui communément une ville nouvelle.
01:05On avait essayé d'en faire une cité gaie et accueillante.
01:08On avait planté des arbres, créé des espaces verts, évité de construire des immeubles trop élevés.
01:15Vraiment, l'architecte s'était donné un mal de chien pour éviter le genre cité d'ortoir.
01:20Il y avait même une place de l'église super vaste avec un parking pratique pour les mariages et les enterrements.
01:27Mais l'église, elle, n'était pas réussie.
01:30C'était un bâtiment austère, ailé, avec une vague croix en pointillés, des vitraux tristes, gris.
01:38L'ensemble donnant une irrésistible envie de prendre le large.
01:42Un peu après la ville nouvelle, il y avait la zone industrielle et c'est là que j'avais rendez-vous avec Pierre de Villers.
01:52Il m'avait demandé de venir le voir sans m'en donner la raison, mais il m'avait semblé percevoir une certaine inquiétude dans sa voix au téléphone.
02:00Depuis le temps que j'avais fait sa connaissance, Pierre de Villers était pratiquement devenu un ami.
02:08En effet, je l'avais souvent rencontré à la SNEC, la société dont il était le président et directeur général,
02:13lors de visites de routine que j'avais effectuées dans le cadre du contrôle de la surveillance de son entreprise.
02:20Je pénétrais donc ce lundi matin dans le vaste hall de la SNEC, Société Nationale d'Éléments de Construction,
02:28et demandais à l'hôtesse de m'annoncer.
02:30Quelques minutes plus tard, j'étais introduit dans le bureau de Pierre de Villers,
02:36qui m'accueillit avec son amabilité coutumière.
02:40La SNEC est spécialisée dans la construction de poutrelles, planchers, charpentes et armatures en béton.
02:47C'est ce qu'on appelle une entreprise leader.
02:50C'est elle, entre autres, qui a réalisé les poutres de soutènement de l'Arche de la Défense,
02:54ainsi que 175 000 m2 de prédales pour ce même édifice.
02:59Également l'Opéra de la Bastille ou encore le ministère des Finances à Bercy.
03:05Pierre de Villers est très préoccupé, me semble-t-il, et il me fait part de ses inquiétudes.
03:11Tout d'abord, mon commandant, merci d'être venu si vite.
03:14Voilà.
03:16Il y a ici un mystère.
03:19Depuis quelques mois, aucune des études réalisées par mon entreprise n'est retenue.
03:24Et les débits proposés sont systématiquement plus élevés que ceux de l'unique concurrent
03:28arrivé récemment sur le marché et qui, fait étrange, propose les mêmes réalisations que nous.
03:35Au début, j'ai pensé qu'il s'agissait d'une forme de compétition déloyale,
03:41mais aujourd'hui, j'ai acquis la certitude d'avoir été concurrencé sur des chantiers
03:46où j'ai été le seul consulté.
03:49Je suis donc pratiquement certain que les fuites se produisent au sein même de mon entreprise.
03:55C'est pour cela que je vous ai demandé de venir, mon commandant.
03:58Il se passe ici des choses qui m'échappent et qui risquent de conduire mon entreprise à la ruine.
04:06Non, vraiment, je ne plaisante pas, mon commandant.
04:10Vous savez ce que ça veut dire pour nous ?
04:12Pas une étude retenue en six mois ?
04:14C'est épouvantable.
04:16Notre chiffre d'affaires tombe en flèche.
04:18Ça veut dire, si l'entreprise est mise en faillite,
04:21plus d'une centaine de personnes au chômage.
04:23avec tout ce que cela comporte.
04:28Si je comprends bien, monsieur de Villers,
04:31il s'agit d'une affaire de vol de documents commerciaux
04:33avec communication de secrets de fabrication.
04:37C'est exactement ça, mon commandant.
04:39J'ai bien peur que l'on se trouve en pleine affaire d'espionnage industriel, comme on dit.
04:45Eh bien, monsieur de Villers, je vais prendre des dispositions
04:48et émener mon enquête discrètement, mais immédiatement.
04:53C'est ainsi que, pendant plusieurs jours,
04:58je me rendis à la SNEC où, sous prétexte de contrôles divers,
05:02je me mis au courant des us et coutumes de la profession et du fonctionnement de la société.
05:08Et ma conclusion fut que le vol de documents et de divulgation de secrets de fabrication
05:14était bien constitué.
05:16Le substitut du procureur de la République chargé des affaires relatives aux entreprises
05:22confirma les qualifications pénales proposées
05:26et il fut convenu avec le magistrat
05:29qu'après une rapide enquête préliminaire,
05:32une information serait ouverte de manière à élargir notre champ d'action.
05:36La commission rogatoire délivrée le 8 juin m'avait été confiée.
05:43Mon enquête pouvait commencer.
05:47Au fur et à mesure que je me renseignais sur les méthodes de travail au sein de la société
05:51et sur les habitudes de chacun,
05:55je me rendis compte que les soupçons pouvaient se limiter à un nombre très restreint de personnes.
06:00Je m'étais procuré la liste des employés licenciés récemment
06:04et j'avais remarqué que, parmi eux,
06:08deux anciens cadres étaient maintenant responsables de la CMI,
06:12Compagnie de matériaux industrielles,
06:15implantée tout récemment à Montigny dans le département voisin
06:18et qui raflait tous les contrats à la SNEC depuis quelque temps.
06:24En poussant un peu plus loin mes recherches,
06:26je m'étais aperçu que la CMI était une filiale du groupe SED,
06:32Société pour l'étude et le développement implantée en Aquitaine.
06:36Ce groupe SED était un concurrent sérieux de la société SNEC de mon ami Pierre de Villers.
06:44Je décidai donc de faire surveiller les deux cadres licenciés par la SNEC
06:49et, comme on dit, passer à l'ennemi.
06:52Il s'agit de Bernard Dumas, 48 ans, directeur de la CMI,
06:59et de Jean-Michel Moulinet, 35 ans, son adjoint.
07:05Ces deux-là reçoivent vraisemblablement des informations venant de la SNEC.
07:09Mais de qui ?
07:12À la SNEC, je fais la liste des personnes ayant accès aux dossiers technico-commerciaux.
07:17Je sais qu'elles sont peu nombreuses, mais je m'aperçois avec stupéfaction
07:22qu'en fait, trois personnes seulement ont accès aux dossiers complets.
07:28Pierre de Villers, le PDG, son adjoint François Berthet,
07:33et la secrétaire de direction, mademoiselle Simone Laveau.
07:38Pierre de Villers est bien sûr, a priori, hors de cause.
07:42En ce qui concerne la secrétaire, mademoiselle Laveau,
07:48j'avoue qu'il est très difficile de l'imaginer en matahari.
07:53En effet, mademoiselle Laveau est le modèle de la parfaite secrétaire.
07:58La cinquantaine, le cheveu grisonnant,
08:02ni laide, ni belle.
08:05Elle est dans la maison depuis plus de 25 ans
08:08et mène une existence effacée entre son travail et sa petite maison,
08:15où elle a pour seul compagnon trois chats, deux canaris et un poisson rouge.
08:22Le directeur adjoint, François Berthet, a lui aussi accès aux dossiers.
08:27Alors lui, c'est un homme ouvert, affable, vêtu avec recherche.
08:34Il est marié et vient d'acheter une magnifique propriété
08:38qui lui a coûté une petite fortune.
08:42Tiens, tiens, tiens, tiens, il aime aussi beaucoup sortir, ce François Berthet.
08:48On le voit dans les boîtes de nuit à la molle.
08:50Il fait du bateau, joue au golf, monte à cheval.
08:54Bref, c'est un homme qui apparemment aime à jouir de la vie
08:57et qui ne se refuse rien.
09:01Quelques jours de filature discrète ne donnent aucun résultat positif.
09:07François Berthet est aussi un bourreau de travail.
09:10Il arrive très tôt à son bureau, en sort pour rentrer chez lui,
09:13va souvent dîner au restaurant avec sa femme,
09:15puis se rend dans une discothèque avant de rentrer à l'aube.
09:20Le week-end, il fait un parcours de golf le samedi
09:23et une longue promenade à cheval le dimanche.
09:27Cet homme est infatigable.
09:29Je me demande vraiment quand il prend le temps de dormir.
09:35Est-ce que ce serait lui, l'espion ?
09:39C'est ce que vous saurez dans quelques instants.
09:41En moins d'un an, la société SNEC a vu son chiffre d'affaires chuter d'une façon vertigineuse.
09:59En effet, depuis plusieurs mois, pas une étude de marché n'a été acceptée.
10:03Tous les devis ont été refusés au bénéfice d'une autre société,
10:07la CMI, qui, à chaque fois, propose des prix moins élevés.
10:13Le PDG de la SNEC, Pierre de Villers,
10:16soupçonne ses concurrents d'avoir, au sein de sa propre société,
10:20un espion qui vole des documents sur place
10:22et communique les secrets de fabrication.
10:25L'enquête commence
10:28et je m'aperçois que
10:29seules trois personnes ont accès
10:31aux dossiers technico-commerciaux.
10:34Le PDG lui-même,
10:35Pierre de Villers,
10:37son adjoint, François Berthet,
10:39et la secrétaire de direction,
10:41mademoiselle Simone Laveau.
10:44François Berthet, lui,
10:45dépense beaucoup d'argent.
10:47Il semble vivre très au-dessus de ses moyens
10:49et vient d'acheter une magnifique propriété.
10:51Je décide d'en parler à Pierre de Villers un jour
10:55que nous avons rendez-vous
10:56pour faire le point de la situation.
10:59M. de Villers,
11:01en ce moment, nous enquêtons sur votre adjoint,
11:03François Berthet.
11:05Savez-vous d'où vient l'argent
11:07qui lui a servi à payer sa somptueuse propriété
11:09et qui lui permet de mener un tel train de vie ?
11:13Est-ce qu'il a une fortune personnelle ?
11:17Ah ! Mon commandant !
11:20Moi, je crois que vous ne fassiez fausse haute.
11:22François Berthet a toute ma confiance.
11:24Oui, en plus, il a épousé une femme
11:26très, très riche, folle à tout.
11:28Et elle vient, effectivement,
11:30ces derniers temps d'hériter de ses parents
11:31et c'est elle qui a payé la super propriété.
11:34Je connais, d'ailleurs.
11:35Il est vrai que François a une formidable fidélité.
11:39Il ne dort que trois heures ou quatre heures par nuit.
11:41Ça lui suffit.
11:42Le reste du temps, il travaille,
11:44il fait du sport.
11:44Il est increvable.
11:45Non, non, je crois que vous allez être obligé
11:48de le rayer de la liste de vos suspects.
11:50François est un ami.
11:51J'ai toute confiance en lui.
11:54Bah !
11:55Alors, le plus étrange, M. De Villers,
11:57c'est qu'il ne reste plus sur cette liste
11:59que vous et Mlle Laveau, votre secrétaire.
12:03Vous êtes les seules personnes ayant accès au dossier.
12:07À moins que vous, M. De Villers,
12:09ayez une autre idée.
12:10Ah non ?
12:12Mon commandant s'achènerait.
12:14Hélas, pas d'autres suggestions à vous proposer, non ?
12:18Mais tout de même,
12:19Mlle Laveau, la pauvre,
12:22si la situation n'était pas aussi dramatique,
12:24je hurlerais de rire, n'est-ce pas ?
12:26Non, Mlle Laveau, en espionnouée.
12:28Vous l'avez regardée ?
12:29Elle ressemble davantage à une grenouille de bénitier
12:33qu'à une James Bond girl.
12:35Vous ne trouvez pas, mon commandant ?
12:37En effet, oui, mais vous savez, M. De Villers,
12:40il ne faut négliger aucune piste, on ne sait jamais.
12:44Quoi qu'il en soit, dès demain, je ferai surveiller...
12:47Non, n'ayez pas peur, discrètement, Mlle Laveau.
12:51Eh bien, vous n'allez pas vous ennuyer, mon commandant.
12:54Entre le cimetière où est enterrée sa maman
12:56et le cabinet vétérinaire où elle va faire castrer ses chats,
13:01vous allez passer de bons moments.
13:03M. De Villers, permettez-moi de vous dire
13:05que vous n'avez aucune imagination, sauf votre respect.
13:09Votre secrétaire grise et insignifiante
13:10se transforme peut-être la nuit venue
13:12en une redoutable espionne de la série noire.
13:15Vous allez trop au cinéma, mon commandant.
13:19C'est anchereux pour un gendarme.
13:21Un gendarme ne doit négliger aucune possibilité, M. De Villers.
13:26Allez, au revoir. Je vous tiens au courant.
13:29Au revoir, commandant Kermadec.
13:30La filature de Mlle Laveau nous apprit beaucoup de choses.
13:38Elle nous apprit surtout que Mlle Simone Laveau
13:41n'avait pas besoin de se déguiser en ventes platinées
13:44pour se rendre à un rendez-vous galant.
13:47Que ce rendez-vous n'avait lieu ni au cimetière,
13:51ni chez le vétérinaire,
13:52mais dans un hôtel discret et élégant de Chaumont.
13:57Elle y rencontrait un jeune homme d'environ 35 ans
14:00qui n'était autre que Jean-Michel Moulinet,
14:04le directeur adjoint de la CMI,
14:07firme concurrente de la SNEC.
14:12M. De Villers n'en crut pas ses oreilles.
14:16Sa secrétaire, une vieille fille de 52 ans,
14:21filait le parfait amour avec un jeune cadre aux dents longues
14:25qui devait enregistrer soigneusement
14:27toutes ses confidences sur l'oreiller.
14:32Mais il ne me suffisait pas de savoir
14:35que Mlle Laveau entretenait des relations
14:38très intimes avec Jean-Michel Moulinet.
14:41Encore fallait-il avoir la preuve
14:43qu'elle faisait passer des documents à son jeune amant.
14:46Pour cela, je devais lui tendre un piège.
14:51Le 13 juin, M. De Villers,
14:55qui a du mal à garder son sang-froid
14:56face à cette messaline en tailleur stricte,
15:00lui donne à taper quatre études
15:02et les deux vies correspondants.
15:05En fin de matinée,
15:07un de mes hommes en costume civil
15:09chargé de la surveillance de Mlle Laveau
15:11et qui, aussi discrètement que possible,
15:14et puis tous ses faits et gestes,
15:17constate qu'elle fait des photocopies
15:19de tous les deux vies qui lui sont confiées
15:21et d'une partie des documents remis.
15:25Or, le travail de la secrétaire,
15:27c'est très précis,
15:29consiste à dactylographier les deux vies
15:31sur une liasse comportant quatre feuillets.
15:34Un point, c'est tout.
15:36Aucune photocopie ne lui a été demandée.
15:40Je décide qu'une opération sera déclenchée le soir même
15:43après la sortie des bureaux.
15:47Je constitue trois équipes.
15:50La première de ces équipes
15:51doit interpeller la secrétaire,
15:54Mlle Simone Laveau,
15:56sur la route,
15:58à proximité de l'entreprise,
15:59puis effectuer une perquisition à son appartement.
16:04La deuxième équipe
16:05doit perquisitionner dans les bureaux de la CMI.
16:08La troisième équipe, quant à elle,
16:12doit agir à Buxière,
16:14au domicile de Bernard Dumas,
16:16le directeur de la CMI.
16:19L'heure venue,
16:20tout se passe comme prévu.
16:23La première équipe interpelle Mlle Laveau,
16:25dont la citroëne blanche est arrêtée
16:27à un feu rouge,
16:28à peine sortie du parking de la SNEC.
16:31L'un de mes hommes demande
16:32à Mlle Laveau d'ouvrir son sac à main.
16:35On y découvre des photocopies
16:38de tous les devis confiés dans la journée,
16:41la photocopie d'un cartouche de plan
16:43de chacun des dossiers,
16:44deux feuilles de bloc-notes
16:46sur lesquelles les agents technico-commerciaux
16:48ont reporté les coordonnées
16:50de clients potentiels
16:52et une carte de visite professionnelle
16:54de Jean-Michel Moulinet.
16:58Au même instant,
17:00au domicile de Simone Laveau,
17:02la deuxième équipe saisit
17:03les copies de deux devis
17:05et d'un contrat prévisionnel
17:07portant sur d'importants travaux
17:08à réaliser par PFB,
17:10une filiale de la SNEC.
17:13Mes hommes découvrent également
17:14deux lettres de l'amant
17:16de Mlle Laveau
17:17dans lesquelles il lui donne
17:19des instructions précises
17:20et surtout dans lesquelles
17:22est prouvée la participation
17:23en pleine connaissance de cause
17:25de Bernard Dumas,
17:28directeur de la CMI.
17:29La perquisition effectuée
17:32au domicile de Bernard Dumas
17:34n'a rien révélé.
17:35En revanche,
17:36dans ces bureaux de la CMI,
17:38mes hommes saisissent
17:39des documents fort intéressants.
17:42496 feuillets soigneusement classés
17:45qui sont tout simplement
17:47les photocopies de tous les devis
17:49établis par la SNEC
17:51depuis environ un an
17:52et d'un cartouche de plan
17:54de chaque dossier.
17:55Le montant total
17:57des marchés ainsi copiés
17:59et qui ont échappé
18:00à la société SNEC
18:01s'élève à plus de
18:03200 millions de francs.
18:06La photocopie de documents,
18:08telle qu'elle a été pratiquée
18:09dans cette affaire,
18:11constitue un vol,
18:12c'est évident.
18:13La relation entre les études
18:14réalisées à la SNEC
18:16et leur arrivée à la CMI
18:18est bien fondée.
18:19Le vol est caractérisé.
18:22Reste maintenant
18:22à établir le lien
18:24avec les devis
18:25défiant toute concurrence
18:26établis par la société
18:28SED
18:29dont la CMI
18:30est une filiale.
18:32Les investigations
18:33vont être poursuivies
18:34à Libourne,
18:35en Gironde,
18:36au sein de la société
18:37SED
18:38dont la CMI,
18:39je vous le répète,
18:40est une filiale.
18:42Là encore,
18:43les gendarmes
18:44font diligence.
18:46Dans les heures
18:46qui suivent,
18:47ils découvrent
18:48des télécopies
18:49de documents
18:49et de notes saisies
18:50dans les bureaux
18:51de la CMI,
18:52des documents
18:52qui révèlent
18:53la divulgation
18:54de secrets
18:55de fabrication.
18:57Les saisies
18:57ainsi opérées
18:58permettent de prouver
19:00le lien existant
19:01entre les vols
19:02commis par la secrétaire
19:03Mlle Laveau
19:04et la production
19:05de devis
19:06moins élevés.
19:09Mais
19:09pourquoi
19:11Simone Laveau
19:12photocopiait-elle
19:14un cartouche
19:14de plan
19:15dans chaque dossier ?
19:17Eh bien,
19:17tout simplement
19:18parce qu'il figure
19:19la nature
19:20de l'ouvrage,
19:21son implantation,
19:22les maîtres d'œuvre
19:23et l'architecte.
19:25Munie
19:26des précieuses
19:27photocopies
19:27fournies
19:28par Mlle Laveau,
19:30la société
19:30SED
19:31faisait l'économie
19:33du travail
19:33réalisé par les
19:3440 agents
19:35technico-commerciaux
19:37et employés
19:37du bureau d'études
19:38de la SNEC.
19:40Elle n'employait,
19:40elle,
19:41qu'un seul dessinateur.
19:42Les devis
19:44pouvaient ainsi
19:44sans difficulté
19:46être réduits
19:47de 10
19:48à 20%
19:49voire
19:49à 30%.
19:51Dans toute
19:53cette affaire
19:54dont la presse
19:55nationale
19:56s'empara
19:56avidement,
19:58celle qui fut
19:59à la fois
19:59coupable
20:00et victime
20:01fut bien évidemment
20:02Simone Laveau
20:03dont la vie
20:04avait basculé
20:05le jour
20:06où fortuitement,
20:08du moins
20:08le croyait-elle
20:09naïvement,
20:10elle avait rencontré
20:11Jean-Michel Moulinet.
20:14Jean-Michel Moulinet
20:15était jeune,
20:16beau,
20:17séduisant.
20:20Simone Laveau
20:20n'avait rien
20:21décelé d'anormal
20:22dans cette liaison
20:23débutante
20:23qui faisait d'elle
20:25une autre femme,
20:27une femme
20:28à part entière.
20:30Quand elle avait
20:31appris que son jeune
20:32amant était agent
20:33technico-commercial
20:34à la CMI,
20:35entreprise
20:36directement
20:36concurrente
20:37de celles
20:38qu'il employait,
20:40elle avait pensé
20:40que c'était
20:41le fruit
20:42du hasard
20:42et jusque-là,
20:45le hasard
20:45avait tellement
20:46bien fait
20:47les choses.
20:49Et quand,
20:49amoureusement,
20:50calinement,
20:52le jeune homme
20:52lui avait demandé
20:53les photocopies
20:54des devis
20:55de la SNEC,
20:56elle avait cru
20:57ce qu'il lui disait,
20:59que son métier
20:59le passionnait,
21:00qu'il voulait
21:00se perfectionner
21:02dans son travail
21:02en étudiant
21:03les devis
21:03de la société
21:04concurrente.
21:06Et puis,
21:08Jean-Michel Moulinet
21:09avait insisté
21:09pour avoir
21:10d'autres photocopies.
21:13Simone,
21:14elle avait bien sûr
21:14eu quelques doutes,
21:15mais l'amour
21:17ne facilite pas
21:18la clairvoyance.
21:21Et elle savait
21:21peut-être
21:22au fond d'elle-même
21:22que si elle ne fournissait
21:25plus les documents
21:26demandés,
21:27son bel amant
21:28la quitterait.
21:30Oh,
21:30elle n'était pas
21:30complètement folle.
21:32Elle avait 52 ans,
21:33lui 35,
21:34elle était terne,
21:36fanée,
21:36il était jeune,
21:38brillant.
21:40C'était tellement
21:40douloureux
21:41et insupportable
21:42de renoncer
21:43à cet amour
21:44venu au crépuscule
21:45de sa vie.
21:47Alors,
21:48elle fermait
21:49les yeux
21:50et elle rapportait
21:51les dossiers
21:52à Jean-Michel.
21:54Celui-ci,
21:55en revanche,
21:55avait tout
21:56manigancé
21:56depuis le début.
21:57Oui,
21:57oui,
21:58tout cela
21:58avait été
21:59prémédité
22:00depuis le jour
22:01où il avait été
22:02licencié
22:03de la société
22:04Snec.
22:05Il affichait
22:06un cynisme
22:07qui le rendait
22:08vraiment
22:09très antipathique.
22:12Je savais
22:13que la secrétaire
22:14de direction
22:14était une vieille
22:15fille
22:15qui,
22:16tous les samedis,
22:17allait sur la tombe
22:17de sa mère.
22:19Je m'étais arrangé
22:20pour la rencontrer
22:20au cimetière
22:21en faisant semblant
22:22de fleurir
22:22la tombe voisine.
22:23Bref,
22:24je lui ai joué
22:25le grand jeu
22:25du jeune veuf
22:26désemparé
22:27et elle m'est tombée
22:28dans les bras.
22:30À partir de là,
22:31tout a été
22:32facile,
22:32vraiment facile,
22:33trop facile.
22:35Oui,
22:36tout avait été
22:37facile.
22:40Simone Laveau,
22:42Jean-Michel Moulinet,
22:43Bernard Dumas
22:43et trois autres
22:45cadres
22:45de la société
22:46SED
22:47furent présentés
22:49au juge
22:49d'instruction
22:50qui les inculpa
22:51de vol de documents,
22:53complicité
22:54et recel.
22:56Ils furent
22:56écroués,
22:57jugés
22:58et condamnés
22:59à de lourdes peines.
23:02Pour Simone Laveau,
23:04il fut tenu compte
23:05de circonstances
23:06atténuantes.
23:08Elle n'avait,
23:08quant à elle,
23:09tiré aucun profit
23:10matériel personnel
23:12dans toute cette affaire.
23:14Elle aurait tout simplement
23:15vendu son âme au diable
23:17pour garder ce jeune amant
23:19qui lui avait fait découvrir
23:20les affres de la passion.
23:23Elle avait tout de même
23:24fait perdre plus de
23:25200 millions de francs
23:26à son employeur.
23:28Mais après tout,
23:31qu'est-ce que c'est
23:32200 millions ?
23:34Quand on aime,
23:36on ne compte pas.
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23:51Romy Azoulay.
23:52Patrimoine sonore,
23:54Sylvaine Denis,
23:55Laetitia Casanova
23:56et Antoine Reclut.
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