Le 2 avril, Donald Trump a instauré des droits de douane sur toutes les importations, suspendus pour 90 jours après leur entrée en vigueur le 9 avril. Les œuvres d’art, si elles respectent la définition douanière (peintures, sculptures), sont exemptées. Le mobilier design et les antiquités, eux, sont concernés. Ces mesures entraînent retards, hausse des coûts et incertitudes. Édouard Gouin, cofondateur de Convelio, est l’invité d’ART & MARCHÉ pour expliquer comment les professionnels peuvent s’adapter.
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00:00Le 2 avril, le président américain Donald Trump a déclaré l'instauration de droits de douane réciproques sur l'ensemble des biens importés aux Etats-Unis.
00:12Ces mesures sont entrées en vigueur le 9 avril avant d'être suspendues pendant 90 jours.
00:18Nous sommes pendant ces 90 jours, mais nous allons voir avec Edouard Gouin, cofondateur de Convelio, entreprise de transport et de stockage d'oeuvres d'art.
00:25Comment est-ce qu'on peut quand même penser, réfléchir en amont de ces droits de douane qui vont être peut-être appliqués ?
00:34Déjà, il y avait beaucoup d'interrogations sur le fait, oui ou non, est-ce que les oeuvres d'art sont concernées par ces droits de douane ?
00:41Est-ce que c'est un peu plus clair aujourd'hui ?
00:43Bonjour. Oui, c'est relativement clair en tout cas.
00:49A priori, les oeuvres d'art ne sont pas concernées.
00:51Elles ont toujours été exemptes de tarifs aux Etats-Unis, à l'exception des oeuvres d'art qui sont d'origine chinoise,
00:59qui elles ont été historiquement, sur lesquelles était imposé un tarif de 7,5% qui maintenant est de 27,5%,
01:05mais sinon toutes les autres oeuvres d'art qui arrivent aux Etats-Unis sont exemptes.
01:09La problématique se pose beaucoup plus sur les antiquités et tout le mobilier design qui peut rentrer aux Etats-Unis,
01:15qui typiquement, eux, vont être imposés à hauteur de 10%, auxquels peuvent être ajoutés aussi jusqu'à 25% de droits de douane additionnels,
01:24à partir du moment où ces objets vont avoir soit d'aluminium, soit de l'acier de mémoire.
01:31Et donc sur cette partie d'aluminium et d'acier, il pourrait y avoir un tarif additionnel de 25%.
01:38Donc si on revient aux droits de douane, comme le précisait Donald Trump, le 2 avril,
01:43ce serait particulièrement sur design et antiquité.
01:48Design et antiquité, tout à fait.
01:49D'accord, parce que ça, ça sortait un petit peu de la définition des Etats-Unis, des oeuvres d'art.
01:55Tout à fait.
01:55Donc aux Etats-Unis, ce qui est considéré comme une oeuvre d'art, c'est quelque chose qui est unique,
01:59ou en édition limitée, où il y a une intention artistique, où il n'y a majoritairement pas de fonction.
02:06Après ça, ça peut être sur une sculpture de l'alan, on peut en discuter, j'ai quelques contre-exemples de ça,
02:14mais la majorité du temps, c'est comme ça que c'est considéré aux Etats-Unis.
02:16Et du coup, les design et antiquité, ils ont considéré que ça ne rentrait pas là-dedans ?
02:21Oui, ça ne rentre pas là-dedans, malheureusement.
02:23Du coup, ce qui touche une grosse partie du marché de l'art,
02:25il y a beaucoup de nos clients qui sont non seulement des maisons de vente,
02:29mais qui vont avoir beaucoup de vente de design, de vente d'antiquité,
02:33beaucoup de marketplaces en ligne, beaucoup de galeries, de manière générale,
02:37qui vont vendre des antiquités, et donc qui sont fondamentalement impactées par ces tarifs-là.
02:44Aujourd'hui, ce qu'on entend, c'est qu'il y a quand même une diminution assez importante de la part des acheteurs,
02:49donc beaucoup des acheteurs qui soit reconsidèrent leurs achats, soit repoussent leurs achats.
02:53Donc ça, c'est sur la partie vraiment de design d'antiquité, alors que sur la partie art,
02:57pour l'instant, l'impact semble a priori limité.
02:59Oui, j'allais dire, sur les transports, vraiment ces échanges, pour l'instant,
03:05pendant ces 90 jours, est-ce qu'il y a un impact ? Est-ce qu'il y a des retards ?
03:09Est-ce que tout s'est un peu chamboulé ? Ou on continue comme s'il n'y en était pour l'instant ?
03:14Non, il y a des retards.
03:15En fait, ce qui s'est passé, c'est que la mise en place de ces tarifs s'est faite au même moment
03:20que la réduction de ce qu'on appelle le déminimis aux Etats-Unis.
03:25Donc, il y avait des procédures d'import qui étaient fondamentalement simplifiées
03:30pour toutes les pièces dont la valeur était inférieure à 2500 dollars.
03:33Ça a été réduit à 800 dollars, donc ça a créé beaucoup d'engorgements auprès des douanes américaines.
03:40Et donc ça, ça a créé beaucoup de retard, au point que certains gros prestataires logistiques
03:44ont annoncé que leur warehouse était complètement sous l'eau et qu'il fallait s'attendre à des retards.
03:49Donc ça, c'est l'impact négatif, l'impact relativement positif, mais qu'on voit relativement peu malgré tout.
03:56C'est le fait qu'étant donné la réduction des flux, notamment aériens,
04:01on a vu une réduction du coût du fret aérien de manière globale,
04:06mais c'est rarement quelque chose qui est in fine poussé auprès du client.
04:10Au final, entre l'impact des tarifs et la réduction des fret aériens,
04:15le client ne verra pas vraiment de changement sur le prix de transport.
04:18Et du coup, sur ces 800 euros, ça c'est acté pour le coup ?
04:21Ça c'est acté, ça c'est acté et ce ne sera pas modifié.
04:23Et entre les 800 et les 1500 euros, c'est quand même des bases de prix qui sont assez fréquentes dans le milieu du marché de l'art,
04:28donc ça va toucher pas mal de...
04:29Tout à fait, ça peut être très fréquent sur les plus petites pièces.
04:33Nous, c'est quelque chose d'en tout transparent, ce qu'on voit assez peu.
04:36C'est une partie du marché, typiquement au Conveglio, on peut faire des pièces,
04:40transporter des pièces qui valent à partir de 1000 euros et plus,
04:43mais c'est vrai que la majorité de ce qu'on fait, c'est quand même fondamentalement au-dessus de ça.
04:48Donc nous, on ne voit pas l'impact pour nous, si ce n'est l'impact de l'encorgement des douanes aux Etats-Unis.
04:53Et entre galeries, maisons de vente aux enchères, etc.,
04:57ce serait du coup plutôt maisons de vente aux enchères qui seraient concernées...
05:00Qui sembleraient, oui.
05:02Qui seraient impactées, pardon.
05:02Oui, qui seraient impactées, ce seraient plus ces acteurs-là ou il n'y a pas de différence ?
05:07Alors, en fait, c'est tous les acteurs qui vont vendre des antiquités et du design.
05:11Il y a des galeries qui vont vendre des pièces de Charlotte Perriand, prouvées, etc., etc.,
05:17qui du coup vont être impactées.
05:19C'est aussi le cas des maisons de vente.
05:21Le fait est que les maisons de vente ont souvent un inventaire qui est beaucoup plus diversifié qu'une galerie.
05:25Si une galerie ne vend que des œuvres d'art, elle n'a effectivement que des œuvres d'art et du coup ne sera pas impactée.
05:29Il y en a d'autres qui vont avoir un inventaire qui est un peu plus large, un peu plus diversifié,
05:35ce qui est souvent le cas des maisons de vente.
05:37Et du coup, typiquement, les maisons de vente vont avoir tendance à être plus impactées.
05:40Maintenant, on n'est pas encore entré dans la saison haute des ventes.
05:45Donc, on va voir un petit peu comment ça se passe dans les mois qui arrivent.
05:47Et vous avez des bureaux à New York ? Un espace de stockage aussi là-bas ?
05:51Pas à New York. On est à Londres, Paris et New York.
05:54On a des espaces de stockage à Londres et à Paris.
05:57Et on devrait ouvrir New York en 2026.
05:59D'accord. Et le fait que vous soyez à New York, est-ce que ça permet justement d'apporter des solutions,
06:04de contourner certaines... Quelques recommandations vous auriez à donner peut-être ?
06:09Alors, ça ne nous permet pas de contourner. Malheureusement, c'est très compliqué de contourner les douanes.
06:12Ah oui. Vous ne voulez pas contourner les douanes, mais plutôt trouver des solutions intéressantes et intelligentes.
06:17Non, en fait, le fait d'avoir un bureau en local, ça nous aide parce qu'on a une expertise locale qui est très forte.
06:22Maintenant, honnêtement, la seule chose à faire, entre guillemets, et je vais parler surtout pour ces œuvres qui vont être à la frontière entre des œuvres d'art et du design.
06:34Je prenais les exemples des pièces de Lalanne.
06:37En fait, ce qui est très important, c'est d'être extrêmement clair sur la documentation qui va être transmise aux douanes sur la pièce.
06:44Donc, c'est de se dire, si on prend une pièce de Lalanne, est-ce que c'est une édition ?
06:49A priori, c'est une édition limitée. Il faut bien spécifier ce qu'on appelle le ECHESCO, la description douanière du bien sur la facture.
06:59Il faut, idéalement, si l'artiste est encore vivant, on peut avoir aussi une lettre manuscrite de l'artiste qu'on peut joindre aux documents qui vont être transmis à la douane.
07:06Donc, en fait, le but, c'est vraiment de surdocumenter pour prouver qu'une pièce est effectivement une œuvre d'art et que ce ne soit pas challengé par les douanes américaines.
07:15Après, il y a toujours une possibilité qui va être, de notre point de vue, d'aller challenger une décision qui va être prise par les douanes.
07:21Si, par exemple, on a une pièce de Lalanne qui va être considérée par les douanes comme étant une sculpture, nous, on peut arriver avec des informations additionnelles en disant,
07:27« Voilà, on va vous expliquer que ce n'est pas seulement une sculpture, c'est une œuvre d'art, voilà les documents joints. »
07:33Exactement. Nous, on assiste nos clients sur ce genre de procédure. Maintenant, le fait est que ça peut créer des retards si la documentation n'est pas faite correctement en amont.
07:44Et quand vous aurez un espace de stockage à New York, ça peut être intéressant peut-être d'attendre ou de stocker des œuvres d'art pendant un petit temps ?
07:51Tout à fait. C'est des demandes qui sont assez fréquentes de nos clients récemment, pas sur la partie œuvre d'art, mais vraiment sur la partie plutôt design, antiquité,
07:59où en fait, on nous demande si on peut stocker les œuvres à Londres ou à Paris, le temps de voir comment la situation se décante.
08:05Après, c'est des demandes qu'on a surtout eues en amont du 2 avril ou juste après les annonces du 2 avril, où en fait, là, il y avait vraiment un risque très fort d'avoir 20% de droits de douane imposés sur ces pièces-là,
08:17ce qui aurait été absolument énorme. Depuis, ça a été réduit à 10% pour ce qui part de l'Union européenne.
08:22Et depuis l'Angleterre, c'est resté à 10%. Donc voilà, 10%, c'est encore relativement acceptable.
08:30Et donc, on voit quand même que le business a commencé à repartir. Enfin voilà, on a eu vraiment une semaine où on a reçu beaucoup de questions.
08:36Il y a eu beaucoup d'interrogations de la part des clients. Maintenant, ça s'est entre guillemets normalisé.
08:40Et je pense que ça continuera à se normaliser dans les mois qui arrivent.
08:42Donc vous avez été créé en 2017. Vous avez levé 30 millions d'euros depuis 2022. Est-ce que vous avez travaillé sur des nouveaux projets ?
08:51Est-ce que c'est possible de faire des innovations dans le transport ? Comment vous vous êtes développé depuis ?
08:57Oui, alors depuis notre levée de fonds de 30 millions en 2022, il s'est passé pas mal de choses de notre côté.
09:03L'innovation a toujours été, la technologie a toujours été quelque chose de très propre à notre business model.
09:08C'est comme ça qu'on a commencé. C'est comme ça qu'on s'est différenciés.
09:11On avait lancé le premier algorithme de calcul de devis de transport instantané pour le marché de l'art fin 2017.
09:19Depuis, il y a beaucoup d'innovations qui sont arrivées.
09:20Maintenant, sur les innovations qu'on a développées depuis 2022, c'est surtout lié à notre activité de transport.
09:27Donc on a continué à améliorer nos systèmes de tracking qui permettent à n'importe quel de nos clients de suivre de bout en bout une œuvre.
09:33On a aussi des possibilités de tracking en temps réel avec des labels qui peuvent être mis sur les caisses et qui vont aussi traquer la température, les chocs, etc.
09:42Donc ça, c'était une partie de l'innovation.
09:43Maintenant, deux grosses parties sur lesquelles on a beaucoup innové ces dernières années, c'est surtout sur la partie stockage.
09:50Donc historiquement, on n'était pas un acteur du stockage, on était un acteur du transport.
09:53On a lancé notre premier entrepôt de stockage en août l'année dernière à Londres.
09:59Et ensuite à Paris en début février.
10:03Et en fait, on a voulu prendre la même approche sur le stockage que celle qu'on avait pris sur le transport.
10:06Donc c'est de se dire comment est-ce qu'on peut réussir à innover sur un marché qui, historiquement, est quand même assez poussiéreux.
10:12Oui, qui ne bouge pas beaucoup, on va dire.
10:14Qui ne bouge pas beaucoup, avec des acteurs qui sont très établis, qui ont tendance à se consolider,
10:17donc qui ont encore moins d'intérêt à innover parce qu'ils ont vraiment un peu, pour certains, pignon sur rue.
10:23Et donc l'approche qu'on a prise a été la suivante.
10:25On a fait ce qu'on fait tout le temps.
10:26Donc on a parlé avec nos clients en essayant de comprendre quels sont les besoins qu'ils ont au quotidien avec leur solution de stockage.
10:32Et ce qui est ressorti, c'était, bon, c'est impossible pour nous d'avoir une visibilité complète sur notre inventaire chez les prestataires qu'on a.
10:41Et de savoir exactement, voilà, qu'est-ce qui est chez ce prestataire, quelles sont les informations sur chacun de ces lots-là,
10:47combien est-ce qu'on paye de frais de stockage et de ce qu'on appelle le frais auxiliaires, qui sont souvent très chers pour ces lots, etc.
10:52Et donc ce qu'on a décidé de faire, c'est de développer une solution logicielle de gestion d'inventaire
10:56qui permet à nos clients de voir en temps réel tous les lots qu'ils ont stockés chez nous.
11:02Donc ça, on a lancé ça en septembre l'année dernière.
11:04Et c'est disponible pour tous les clients qui stockent avec nous.
11:06Et nous, en fait, ce qui est assez intéressant, c'est qu'en lançant cette solution, nos clients nous ont dit,
11:10mais en fait, cette solution, on aimerait bien l'utiliser, mais pas seulement pour les pièces qui sont stockées chez vous,
11:14mais pour les pièces qui peuvent être chez vos concurrents ou dans la galerie, etc.
11:18Et en fait, de s'en servir comme système de gestion d'inventaire plus globale.
11:22Et donc c'est ce qu'on a ouvert en février.
11:24Donc maintenant, on a une solution vraiment, on a trois activités du coup,
11:27une activité de transport historique, l'activité de stockage et l'activité purement logicielle sur la gestion d'inventaire.
11:31Logiciel logistique, voilà.
11:32Tout à fait, qui n'est pas seulement logistique, qui est vraiment gestion d'inventaire
11:35et qui en fait est en train de se développer.
11:37On a une composante douanière qui va arriver et des composantes beaucoup plus business
11:41sur la partie vraiment gestion de la galerie qui sortiront dans les mois qui arrivent.
11:44Et comme ça, on pourra savoir exactement tous les frais globaux qu'il y a à poser à un objet.
11:49Tout à fait.
11:50Et en fait, même au-delà de ça, l'idée, c'est de se dire en tant que logisticien dans le monde de l'art,
11:54mais aussi en tant que galerie manager d'une galerie d'art,
11:57je vais pouvoir me lever le matin, avoir l'ensemble des informations qui soient centralisées sur une seule et même plateforme,
12:01que ce soit au niveau logistique, au niveau financier, au niveau des informations que je peux avoir sur mes clients.
12:09Et ça, l'idée, c'est vraiment de rassembler à terme l'ensemble de ces éléments au sein du même plateforme
12:12et c'est ce sur quoi on est en train de travailler.
12:13Et du coup, cette brique de gestion d'inventaire qu'on a développée initialement pour le stockage
12:17est vraiment la première pierre de ce projet.
12:20Merci beaucoup, Edouard Gouin.
12:21Je rappelle que vous êtes cofondateur de Convelio, donc de transport, logistique, stockage, etc.
12:26Merci beaucoup d'avoir été avec nous.
12:28Et merci à vous toutes et tous de nous avoir suivis.
12:30C'était Array Marché.