«Une partie des 21 suspects était déjà en lien avec le crime organisé mais d’autres étaient complètement inconnus. Ce sont des exécutants choisis et recrutés près des lieux qu’ils ont visé» explique le spécialiste du terrorisme et des renseignements Claude Moniquet, dans La Matinale WE dimanche 4 mai.
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00:00Ce qui est intéressant dans cette affaire, c'est qu'on n'était pas en face,
00:03malgré la présence de ce fameux tag DDPF,
00:07Droits des détenus et prisonniers en France,
00:09on n'était pas en face d'une organisation au sens classique du terme,
00:13mais plutôt d'une mouvance.
00:14Une mouvance qui avait été mise sur pied à partir des prisons.
00:19Le concepteur de cette opération était déjà détenu pour des faits de stupéfiants
00:25et est en attente de procès.
00:27Il est lié à la DZ Mafia.
00:28Il est décrit comme étant appartenant au haut du spectre de la criminalité organisée
00:33liée au trafic de stupéfiants.
00:35Il s'est appuyé sur des donneurs d'ordre,
00:39donc des espèces de lieutenants qui étaient, pour trois d'entre eux, également détenus.
00:44Et ils ont recruté, via les réseaux sociaux et les messageries cryptées,
00:50ils ont recruté des exécutants qui étaient payés à la tâche
00:53entre 500 et quelques milliers, jusqu'à 7000 euros par type d'action.
00:57La condition étant qu'ils devaient être prêts à beaucoup, voire à tout,
01:02y compris l'utilisation d'armes de guerre, de coctets de motifs,
01:07l'incendie volontaire de véhicules, etc.
01:09On est après sur une revendication qui était plutôt entre les mains d'une femme,
01:17sur laquelle on a peu d'informations,
01:19mais qui, d'après Laure Bécou, a réalisé des vidéos presque professionnelles,
01:23en tout cas, comme elle le dit, courtes et assez bien faites,
01:27et qui sont donc rapidement devenues virales,
01:29et dont le but était d'influencer, d'intimider,
01:33essentiellement les familles des personnels pénitentiaires.
01:36Alors, il y a trois leçons dans cette affaire, a priori.
01:41D'abord, l'extrême porosité des prisons, qui n'est plus à démontrer.
01:44Le dollar d'or principal et ses trois lieutenants étaient tous détenus,
01:48et ça ne les a pas empêchés, d'une part, de concevoir ce plan,
01:51et d'autre part, de le mettre en œuvre.
01:53Deuxièmement, c'est le fait qu'on est en face d'une organisation informelle,
01:59d'une mouvance, qui peut donc se reformer suivant des tâches précises à accomplir,
02:06qui n'a pas d'existence permanente.
02:08Et la troisième chose, c'est qu'en fait, le crime organisé utilise aujourd'hui
02:11les méthodes du terrorisme, c'est-à-dire, entre autres, la virtualité,
02:15le recrutement par les réseaux sociaux, par les messageries,
02:19comme les terroristes, eux, arrivent à convertir et à radicaliser
02:23par les réseaux sociaux.
02:26Claude, qu'est-ce qu'on a appris du profil des 21 suspects
02:30dont je vous parlais à l'instant ? Est-ce qu'on en sait un petit peu plus ?
02:34On en sait un peu plus, pas énormément, mais on en sait un peu plus.
02:38On est donc 21, dont deux mineurs, le plus jeune à 15 ans
02:44et le plus âgé des inculpés à 37 ans.
02:48Donc, c'est un spectre assez large, mais qui reste en dessous de la quarantaine.
02:53Une partie de ces gens étaient déjà liés au crime organisé,
02:56étaient donc déjà en lien avec des groupes.
03:00Et on parle beaucoup de la DZ Mafia, à laquelle semble se rattacher
03:04l'homme qui a conçu, le détenu qui a conçu toute cette manœuvre,
03:08toute cette opération.
03:10D'autres étaient totalement inconnus et ont été recrutés de manière opportuniste,
03:14attirés par l'argent probablement par ces réseaux sociaux.
03:18Donc, n'étaient pas déjà liés à des organisations criminelles.
03:24On est en face aussi d'exécutants qui ont été choisis et recrutés
03:29à proximité des lieux qu'ils attaquaient,
03:31dont on peut penser, ou les donneurs d'ordre pouvaient penser
03:34qu'ils connaissaient les lieux, qu'ils connaissaient les voies d'accès,
03:38les voies d'évacuation, d'exfiltration après l'action.
03:41Peut-être même qu'ils avaient la capacité d'opérer des repérages
03:47pour repérer les patrouilles, les horaires de patrouille, etc.,
03:50pour éviter de se faire prendre.
03:52Donc, c'était quelque chose qui était bien conçu,
03:55mais qui, je le répète, était, et c'est quand même ça le plus surprenant,
03:58était organisé de manière totalement virtuelle.
04:00C'est une organisation qui n'existait pas,
04:03qui s'est réellement créée dans l'action,
04:07pour et dans l'action, et qui probablement se serait renforcée,
04:12et peut-être d'ailleurs continue à se renforcer,
04:14on verra s'il y a d'autres arrestations,
04:16ce n'est pas du tout impossible,
04:17mais on est en face de profils très divers,
04:20et là, ça nous donne une autre leçon,
04:22c'est l'exceptionnelle attractivité du crime organisé.
04:26On savait que le terrorisme, je reviens à cette comparaison,
04:29était attractive pour une partie de la population,
04:31mais maintenant, on a la preuve que pour une partie de la population,
04:34y compris qui n'a pas de lien avec la criminalité,
04:37la criminalité est attractive à partir du moment
04:40où elle offre des rémunérations pour des tâches
04:42qui peuvent être quand même relativement dangereuses
04:44pour les exécutants,
04:46mais pour 500 à 7 000 euros,
04:48ils n'hésitent pas à mettre leur liberté en cause
04:49et à mettre surtout en danger la sécurité,
04:53voire la vie des personnes qui ne s'attaquent.
04:59Merci.
05:00Merci.