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80 ans après la capitulation de l'Allemagne nazie, le devoir de mémoire reste un défi pour transmettre aux jeunes générations. 

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00:008 mai 1945, 80e anniversaire de la victoire des Alliés contre l'Allemagne nazie.
00:05Le 7 minutes pour comprendre comment transmettre cet indispensable devoir de mémoire.
00:12Et nous sommes en direct ce matin de Saint-Raphaël, juste avant le début des commémorations
00:20avec Jean-Claude Moïse qui est le chef des drapeaux de Saint-Raphaël et Fréjus
00:25et à ses côtés Lina Escamilla.
00:27Lina, elle a 15 ans et elle vient d'être formée pour être le porte-drapeau de ces cérémonies ce matin.
00:33Donc à Saint-Raphaël, on est ravis que vous soyez avec nous aux côtés ce matin de l'historien Nicolas Offenstadt.
00:37Nicolas, d'abord, on va profiter de votre présence pour rappeler quand même des faits historiques indispensables aux jeunes générations.
00:45La rédition de l'Allemagne nazie, on a retenu le 8 mai comme date de fin de la guerre.
00:50La rédition, elle a eu lieu hier, le 7 mai, la capitulation allemande.
00:54En fait, elle se fait en deux temps. Elle se fait d'abord à Reims avec l'ensemble des alliés et puis pour des raisons assez compliquées,
01:01notamment juridiques et pour bien montrer que c'est l'Allemagne en entier qui capitule, elle va avoir lieu ensuite à Berlin le 8 mai.
01:07Et d'ailleurs, pour les soviétiques, à l'époque, c'est le 9 mai parce qu'il y a une question de décalage horaire.
01:13Donc effectivement, il y a deux capitulations, mais c'est bien des capitulations entières à chaque fois à Reims et à Berlin.
01:18À Reims, ça se passe dans la salle d'un collège, c'est ça ? On a les images. La plupart des gens, d'ailleurs, n'apprendront la signature du document que le lendemain.
01:26Oui, tout à fait. Et d'ailleurs, ce document prendra un petit peu de temps, notamment la traduction en russe va être compliquée.
01:32Et donc, il faudra qu'il soit signé à nouveau. Il y a déjà une première capitulation, mais c'est confirmé à Berlin parce qu'il faut qu'il y ait toutes les autorités militaires du Reich
01:41pour bien montrer que cette fois, c'est terminé, que l'ensemble de l'Allemagne nazie capitule.
01:45Pourquoi ? Parce qu'après la Première Guerre mondiale, l'armée allemande avait contesté sa défaite en disant que c'était les civils qui avaient signé
01:53et que dans le fond, l'armée aurait pu gagner. Et pour éviter toute contestation, pour que la capitulation soit bien claire,
01:59il fallait qu'il y ait vraiment toutes les autorités militaires de toutes les armées allemandes qui signent la capitulation,
02:04comme ça a été fait à Berlin, d'ailleurs dans un ancien bâtiment qui avait servi à l'armée nazie.
02:08– Dans cette école de Reims où se sont réunis, je crois, 13 hommes, le jour de la signature de ce document que nous venons de voir,
02:15il y a donc les Allemands, il y a les Américains évidemment, il y a aussi des Français.
02:19– Oui, tout à fait, il y a aussi un représentant de la France qui est là en observateur, et puis surtout, et c'est très important d'y insister,
02:25il y a tous les alliés. Donc il ne faut pas imaginer, parce qu'ils étaient fondamentaux, ce qu'avaient essayé les Allemands à la fin de la guerre,
02:30ils ont tenté un dernier coup en quelque sorte, qui était d'avoir une capitulation séparée avec les Anglais et les Américains,
02:37dans le fond, pour essayer de diviser les Alliés et de profiter de la situation. Et les Alliés l'ont refusé, donc à Reims c'est l'ensemble des Alliés.
02:43Il y a aussi un représentant soviétique qui est là pour bien montrer que c'est l'ensemble des Alliés qui ont vaincu les Allemands,
02:48et c'est ensemble qui vont obliger l'Allemagne à capituler.
02:52– Alors évidemment, le devoir de mémoire est très important vu les circonstances, vu ce monde tourmenté,
02:58et il y a beaucoup, beaucoup de cérémonies, d'écoles qui organisent effectivement des rencontres avec les anciens combattants
03:04pour que ce devoir de mémoire perdure. Est-ce qu'on y attache aujourd'hui beaucoup plus d'importance qu'il y a quelques années ?
03:11– C'est compliqué comme question, parce que c'est aussi de plus en plus difficile de tenir un discours sur l'Histoire,
03:17avec la multiplication des réseaux sociaux, avec tous les discours concurrents.
03:20Donc on a un vrai problème à montrer quand même ce qui est important dans l'Histoire et ce qui est anecdotique,
03:24ce qui sont des fake news, ce qui sont des récits, et donc il y a un vrai problème en quelque sorte de raison et de vérité
03:30de montrer ce qui est important dans la Seconde Guerre mondiale.
03:32Donc je pense qu'aujourd'hui, à l'ère des réseaux sociaux, à l'ère des discours multiples, des discours complotistes,
03:37des discours parfois tout simplement très triviaux qui partent de la Seconde Guerre mondiale comme de n'importe quoi,
03:42c'est particulièrement important de relancer justement ce travail de mémoire avec les élèves, encore plus qu'avant je dirais.
03:49Qui doit porter ce devoir de mémoire ?
03:52Alors je pense que ça doit être évidemment, étant donné l'ensemble de la barbarie qu'a été la Seconde Guerre mondiale,
03:57des dizaines de millions de morts, la Shoah, l'extermination de tout un ensemble de populations, des massacres sans nom,
04:03je pense que ça doit dépasser évidemment le rôle des historiens.
04:06C'est-à-dire que ça ne peut être qu'une conception civique dans son ensemble.
04:10Moi j'ai toujours plaidé pour que l'Histoire soit dans l'espace public, soit une histoire de plein air,
04:15donc il faut que ça implique des associations, il faut que ça implique les autorités politiques,
04:18il faut que ça applique beaucoup de gens bien au-delà de l'école et bien au-delà des historiens,
04:22parce que véritablement c'est une affaire sociale.
04:24Ça a concerné absolument tout le monde, en particulier ceux qui ont été victimes, donc c'est un enjeu global.
04:30D'autant que nos grilles de lecture aujourd'hui de l'Histoire,
04:34elles sont brouillées par la Russie par exemple et les États-Unis,
04:38si on fait une référence à l'actualité récente.
04:41– Absolument, et c'est très compliqué à comprendre parce que la Russie joue sur la mémoire de la Seconde Guerre mondiale,
04:47tout en menant évidemment aussi une guerre.
04:49Elle joue aussi comme une forme…
04:51Poutine joue un peu l'héritier de Staline, paradoxalement,
04:54tout en étant évidemment très anticommuniste dans beaucoup de ses politiques.
04:57Donc effectivement un certain nombre de dirigeants jouent avec la mémoire,
05:00l'acteur d'ailleurs, comme c'est le cas de Poutine,
05:02qui mélange des références tout à fait différentes.
05:05Comment être l'héritier du communisme en menant une politique comme celle qui mène,
05:08tout en mettant en même temps en avant la gloire de Staline ?
05:11Parce que ce que Poutine va retenir de la Seconde Guerre mondiale,
05:14c'est en partie la victoire, la grandeur de l'URSS.
05:17Donc effectivement c'est d'autant plus important qu'il y a tout un ensemble de brouillages.
05:20Et il y a aussi évidemment un brouillage très important qu'on peut rajouter,
05:23c'est ce qui se passe en Israël évidemment,
05:25où on mélange ce qui se passe aujourd'hui avec ce qui se passe dans la Seconde Guerre mondiale.
05:30Donc on le voit, les défis contemporains,
05:32les structures aussi de l'information avec les réseaux sociaux,
05:35obligent encore plus peut-être qu'auparavant à être extrêmement clair,
05:39à être extrêmement vigilant sur ce qui s'est passé
05:40et sur la barbarie nazie dans son ensemble.
05:42Qu'est-ce que l'historien que vous êtes redoute
05:44quand il voit que la situation entre l'Ukraine et la Russie
05:48est arbitrée par Trump ?
05:51Alors évidemment, ce qu'on redoute, c'est dans le fond,
05:54et vous l'avez dit tout à l'heure,
05:55c'est des discours qui ne sont pas la vérité.
05:57C'est-à-dire que le problème de Trump,
05:59et d'ailleurs de Poutine dans d'autres,
06:01c'est que dans le fond, les mots ne sont pas référés à des réalités.
06:04Donc quand on est peu vigilant, on peut se laisser tromper.
06:07Or ce qui est important, c'est de rappeler les faits.
06:09Et l'historien, évidemment, il y a des interprétations,
06:11il y a des manières de voir les choses,
06:13mais il est évidemment attaché à la vérité.
06:14Alors la vérité, évidemment, là,
06:15c'est que l'Ukraine n'est pas responsable de la guerre qu'elle a menée.
06:18Les deux parties ne sont pas sur le même plan.
06:21Il y a un agresseur.
06:22Et donc du coup, si vous voulez cette idée de brouiller les repères,
06:25c'est quelque chose que l'historien en général craint.
06:27C'est-à-dire l'idée...
06:28Bien sûr que la vérité, ce n'est pas un absolu.
06:30On discute toujours d'un certain point, tout ne devient pas très clair,
06:33mais la quête de vérité, c'est central.
06:35Alors on a retrouvé la liaison avec Saint-Raphaël,
06:37parce que vous vous demandiez sans doute
06:38pourquoi nous tardions tant à aller vers Saint-Raphaël.
06:41Nous sommes avec Jean-Claude.
06:42Jean-Claude, il est le chef des drapeaux de Saint-Raphaël et de Fréjus d'ailleurs.
06:46Et à ses côtés, il y a Lina.
06:47Lina, elle a 14 ans.
06:48Elle a été formée cette année pour être porte-drapeau.
06:52Et ce duo incarne finalement ce devoir de mémoire.
06:56Qu'est-ce qui t'a poussé, Lina, à choisir d'être formée pour être porte-drapeau ?
07:07Vraiment, c'est que j'aime beaucoup la culture.
07:10J'adore ce genre de choses.
07:12Donc je me suis dit que c'était bien.
07:14Donc voilà.
07:14Qu'est-ce que ça représente pour toi d'être là,
07:18à quelques minutes peut-être de la cérémonie,
07:20et de tenir dans ta main ce drapeau français ?
07:25C'est l'honneur.
07:27C'est incroyable de pouvoir porter un drapeau.
07:29Et je pense que plein de gens devraient essayer.
07:32Parce que c'est vraiment génial.
07:35Jean-Claude, qu'est-ce que vous dites de l'attitude de Lina ?
07:40Moi, j'ai formé Lina il y a quelques semaines.
07:43– Alors, on a un petit peu décidément.
07:46– Il faudrait que Lina tende son micro à Jean-Claude.
07:49– Lina, tendez votre micro à Jean-Claude.
07:51– On va se transmettre le micro.
07:54– La transmission de la mémoire à l'envers.
07:56– Allez-y Jean-Claude, allez-y Jean-Claude.
07:58– Oui, alors, j'ai formé Lina il y a une quinzaine de jours
08:03comme porte-drapeau.
08:04J'étais très content de voir ces jeunes
08:06qui s'investissent dans cette mission,
08:10tant les cadets de la défense,
08:12tant ces gens qui viennent porter des drapeaux
08:15et qui prennent notre lèvre.
08:17Voilà.
08:18Il n'y a pas beaucoup de gens qui veulent reprendre des drapeaux
08:21et nous seconder.
08:24Voilà.
08:25– Encourageant ça, non ?
08:26– Oui, bien sûr, avec toujours cette petite réserve
08:28qu'il faut que ce soit incarné dans une compréhension des enjeux.
08:32Parce que, évidemment, les rituels, c'est important,
08:35mais ce qu'il faut, c'est qu'il y ait en amont.
08:36Sans doute, ça a été fait.
08:37C'est-à-dire que, dans le fond, pourquoi le 8 mai ?
08:40Qu'est-ce que ça veut dire ?
08:41– Oui, ça ne veut pas dire armistice,
08:42comme le disent encore les ananas de la Poste.
08:44– Voilà, c'est ça.
08:45Donc, c'est une capitulation sans condition des Allemands,
08:47effectivement, le 8 mai.
08:49Mais qu'est-ce que ça veut dire ?
08:50Et vous savez, il faut rappeler aussi
08:51que l'histoire n'est pas simple, et la mémoire non plus.
08:54Le 8 mai n'a pas été férié pendant tout un ensemble d'années.
08:56Il y a eu beaucoup de débats.
08:57Est-ce que le 8 mai doit être férié ou pas ?
08:59De Gaulle n'était pas très favorable à cette date,
09:01parce que, pour lui, ça ne incarnait pas tellement
09:02les combats de la France dans la Seconde Guerre mondiale.
09:05Il préférait le 18 juin,
09:06qui était évidemment qu'il mettait plus en avant.
09:08Et donc, il a fallu entendre les années 80,
09:10donc François Mitterrand,
09:12pour que le 8 mai soit définitivement férié en France.
09:15Donc, vous voyez, la mémoire, c'est compliqué.
09:16Il y a des débats, il y a des enjeux.
09:18Et je pense que c'est important,
09:19quand les jeunes participent à ces rituels,
09:20qu'il y ait une formation au préalable
09:22pour qu'ils comprennent qu'il y a des débats,
09:24il y a des enjeux, il y a plusieurs manières
09:25de lire la Seconde Guerre mondiale,
09:26selon les points de vue, selon les pays.
09:28D'ailleurs, ça a été le même cas en URSS.
09:30Staline ne valorisait pas beaucoup le 8 mai.
09:32Merci beaucoup, Nicolas.
09:33Et désolé pour les problèmes techniques, évidemment,
09:36que nous avons subis ce matin.
09:37Merci d'avoir été avec nous ce matin
09:38sur le plateau de première édition.
09:39Nicolas Afenstead.

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