Cours de philosophie diffusé le 05/12/ 2024 sur la plateforme du Projet Europe, Éducation, École :
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ÉducationTranscription
00:00Bonjour à tous, soyez les bienvenus sur la plateforme de visioconférence du projet Europe
00:19Éducation École, qui ce matin, le plaisir et vraiment une grande joie d'accueillir Guillaume
00:26Jarre de Gurbert, professeur de philosophie en classe préparatoire aux grandes écoles,
00:31au lycée Guélu-Sac à Limoges. Je le remercie d'avoir accepté notre invitation pour nous parler
00:38d'un ouvrage très difficile mais ô combien important de Gilles Deleuze sur différence et
00:44répétition et en faire réfléchir un peu sur l'authentique définition de la temporalité.
00:51Je me permets de signaler également la présence de nos fidèles élèves de l'école française de
00:59Saint-Pétersbourg, très philosophes, très attentifs. Merci à monsieur Grégory Gellmann
01:05d'avoir mobilisé leur participation, c'est important. Nous sommes ouverts à l'Europe,
01:15cher Guillaume, au nom d'Antoine Châtelet et Jean-Luc Caffard qui sont à la régie,
01:21je te donne la parole et je te remercie de nous éclairer ce matin sur Gilles Deleuze.
01:26Merci, donc je reprends là où on s'est arrêté dans la première partie. Du coup,
01:35je disais que la première occurrence du terme d'événement dans différence et répétition
01:40apparaît dans une occurrence musicale, en fait, c'est emprunté à la musique. Alors,
01:46bizarrement, il n'y a pas d'exemple musical dans différence et répétition, de même que le cinéma
01:53est absent, que Jacques Tati est absent. La musique sérielle, alors le concept de séries est très
01:58présent, il en parle, mais c'est plutôt à propos d'Andy Warhol et des séries d'Andy Warhol,
02:02mais pas de la musique sérielle, il n'y a pas d'exemple. C'est étrange, mais ça ne nous empêche
02:08pas, nous, de prendre nos exemples. Et du coup, d'où aussi le titre de cette intervention que je
02:15trouve qui résume assez bien différence et répétition, l'idée d'un temps artiste. C'est
02:18vraiment un livre sur le temps et d'un temps artiste, c'est-à-dire un temps qui ne fait pas
02:21revenir le même, mais qui fait revenir le différent, le nouveau. En fait, c'est le retour
02:27du nouveau. Alors, comment on peut faire ça ? Justement, la musique, comme le suggérait Antoine
02:32Châtelet, l'a magnifiquement fait avec la musique sérielle. Alors, j'aurais pu prendre la valse de
02:39Schönberg, d'ailleurs on en trouve une interprétation par Glenn Gould, je le dis au passage, ou Reich,
02:47ou comme tu disais Antoine, mais là, j'ai pris l'exemple d'une sorte de sérialisme intégral,
02:55de comble de la musique sérielle, puisque c'est les trois compositions pour piano de Milton
03:02Babbitt, puisque en fait, c'est trois compositions qui se suivent et qui font des
03:10différences à chaque fois en jouant, donc c'est comme la même musique, sauf que c'est
03:15jamais la même, puisqu'ils jouent selon les hauteurs, selon les durées, selon les nuances,
03:19selon les timbres et les registres de chaque note. Donc, c'est vraiment ce que Deleuze appelle la
03:25différence de la différence, la différenciation de la différenciation. Donc, la série qui répète
03:29les notes, en fait, ne répète jamais autre chose que de la différence, c'est une répétition à
03:36chaque fois différenciante, et du coup, on est tout à fait dans un art des intensités, et qui,
03:43encore une fois, là où Deleuze se démarque explicitement de Bergson, et notamment du
03:51chapitre 2 de l'essai sur les données médias de la conscience, où Bergson a distingué deux
03:55types de multiplicité, donc deux types de différences, le multiple qui serait finalement le
04:03multiple, c'est-à-dire la différence qui dépend de l'identité, le multiple c'est les triangles,
04:10c'est les chiens, enfin les exemples qu'on voyait dans la première partie, et la multiplicité qui,
04:14elle, serait la multiplicité qualitative qui, elle, n'est pas tributaire d'une identité, n'est pas la
04:20déclinisation d'une identité, mais entre cette différence, entre deux types de multiplicité
04:24quantitative et qualitative, et bien, Deleuze introduit l'intensité, et donc, il faut faire
04:30attention de ne pas disqualifier le quantitatif comme étant, comment dire, assigné à l'identité,
04:36puisqu'au contraire, l'intensité, ben, joue, vous voyez, les durées, les hauteurs en musique, tout ça,
04:41on pourrait penser que c'est de la quantité, ben, c'est pas exactement de la quantité, si la quantité
04:46c'est la catégorie de l'identité, pourquoi ? parce que c'est des intensités, et que chaque intensité
04:51est une différence, donc, ça joue à ça. Alors, on peut prendre un exemple précoce, en fait,
04:59c'est le boléro de Ravel, c'est-à-dire que, finalement, il est quand même un peu comme le
05:03père de la musique sérielle, si on peut dire, et regardez cette déclaration qu'on trouve dans la
05:09revue musicale en 38, donc Ravel venait de mourir, et voilà ce que dit Ravel du boléro,
05:15« ne trouvez-vous pas que ce thème a de l'insistance », l'insistance, ça répète et ça répète,
05:20« je m'en vais essayer de le redire un bon nombre de fois, sans aucun développement, en graduant de
05:27mon mieux l'orchestre ». D'accord ? Donc, le boléro, c'est un rythme à la caisse claire qui se répète
05:34indéfiniment, 1, 2, 3, 4, 1, 2, 3, 4, 1, 2, 1, 2, 3, 4, 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, et ça répète,
05:41et il y a un thème, et puis ce qui va introduire la différence, c'est l'orchestration, donc les
05:49instruments avant vont se suivre les uns les autres, ça va créer un crescendo, mais il y a
05:52vraiment, c'est vraiment différence et répétition, c'est répétition de la différence, on a vraiment
05:57un exemple magistral. Alors d'ailleurs, je me demande s'il n'y a pas une dette inavouée de
06:04Deleuze envers Jean Kerevitch, très bon connaisseur de la musique et qui a écrit un Ravel en 1956,
06:11donc quand même au moment où Deleuze est en train de méditer son livre, sa thèse, et parce que
06:18que dit Jean Kerevitch dans son Ravel à propos du boléro ? Il dit « comme eut dit Nietzsche, c'est
06:23danser dans les chaînes ». Pourquoi danser dans les chaînes ? Puisque Ravel, c'est imposer une
06:27contrainte, il y a ce rythme fixe, contraignant, un peu comme les Alexandrins sont une contrainte,
06:32sont une chaîne pour le poète, mais c'est danser dans les chaînes, c'est-à-dire c'est introduire
06:37de la différence dans un cadre qui a l'air d'être d'être assigné à l'identique. Et comment en parle
06:43Jean Kerevitch ? Il dit « c'est la richesse de la pauvreté ». Et la richesse de la pauvreté, c'est
06:47tout à fait la différence qui accouche du nouveau et la répétition qui accouche du nouveau et non
06:55pas de l'identique, d'où richesse de la prétendue pauvreté, donc le boléro. Alors du coup, le
07:02comble du boléro, on le trouve beaucoup plus proche de nous dans un ballet chorégraphique
07:08d'Odile Duboc, où elle avait fait en 1996 trois boléros. Vous pouvez le trouver, c'est pour ça
07:13je vous ai mis, il existe en DVD, donc vous pouvez vous procurer le DVD et on trouve sinon des vidéos
07:18dues à la chaîne de télé Mezzo, vous avez les trois boléros, alors vous n'avez pas les trois en un,
07:24mais vous pouvez avoir le premier, le deuxième et le troisième, donc on trouve ça très facilement,
07:27je vous en recommande le visionnage. Bon, même si ce n'est pas le spectacle réel puisque la
07:32caméra cadre et limite ce qu'on voit. Et alors là, Odile Duboc réalise vraiment quelque chose de
07:37très fort, c'est-à-dire qu'elle répète la répétition du boléro de Ravel et donc on est
07:43tout à fait dans un simulacre au sens de Deleuze, pourquoi ? Parce que ce n'est pas une copie du
07:47boléro de Ravel, pourquoi ? Parce qu'elle en fait trois et que pour les trois boléros,
07:53il y a trois chorégraphies différentes, donc le premier ballet est à dix danseurs,
08:00le deuxième ballet est à deux danseurs et le dernier est à 21 danseurs. Première différence,
08:06les éclairages évidemment sont différents, la chorégraphie est différente et elle a utilisé
08:11trois interprétations différentes du boléro, le premier c'est Monteux, le deuxième pour le couple
08:16c'est Libidache et le troisième c'est suite Boulez, donc on a, vous voyez, différences et répétitions
08:24dans ces trois interprétations musicales du boléro et celui de c'est Libidache qui est
08:31celui du milieu, le second qui est la danse du couple, du duo, il est très particulier par le
08:39fait qu'il est beaucoup plus lent que les autres, il dure deux presque trois minutes de plus que
08:43les autres et la caisse claire qui fait le rythme,
08:49et bien dans celui de c'est Libidache, la caisse claire est presque inaudible en fait,
08:57elle est vraiment très très très discrète, donc ça fait vraiment une version différente pour le
09:01coup, donc on a un exemple magnifique et elle dit, quand on demandait à Odile Duboc pourquoi
09:07elle en avait fait trois, parce que si elle n'en avait fait qu'un, ça aurait été une copie des
09:12précédents, notamment par exemple celui de Béjart qui était le plus proche d'elle et donc elle
09:16voulait pas faire une copie, elle voulait faire ce que Deleuze appelle un simulacre, donc une
09:19copie de copie, quelque chose qui n'a plus de rapport avec un modèle, qui n'est pas l'imitation
09:24d'un modèle mais la répétition d'une singularité et c'est ce qu'elle réalise et ce qu'elle réalise
09:30trois fois, d'accord ? Du coup, on peut arriver à cette idée donc de qu'est ce que c'est que la
09:38différence, la différence comme jeu des intensités, donc quand nous disons, écrit Deleuze, que
09:44l'éternel retour n'est pas le retour du même, du semblable ou de l'égal, nous voulons dire qu'il
09:49ne présuppose aucune identité, au contraire, il se dit d'un monde sans identité, sans ressemblance
09:55comme sans égalité, il se dit d'un monde où tout repose sur des disparités, des différences de
10:01différence qui se répercutent à l'infini, le monde de l'intensité, il résume ça par le monde de
10:07l'intensité, donc c'est un bon résumé de tout ce qu'on a vu jusqu'à présent. Donc j'en
10:14viens au chapitre 3 sur l'image de la pensée qui est en fait une image morale de la pensée et dans
10:22ce chapitre très important, on a tous les postulats d'une pensée allergique à la différence et qui nous
10:29fait rater la différence donc, et ce qu'il appelle une image dogmatique de la pensée, donc ça c'est
10:35vraiment un chapitre important et je vous recommande pour bien comprendre ce chapitre de lire, je l'ai
10:41mis dans la bibliographie à la fin vous verrez, le petit texte de Descartes qui s'appelle « La
10:47recherche de la vérité par la lumière naturelle » que vous trouvez en poche dans l'édition Babel,
10:50dans une très bonne édition par Joseph Bode qui est quand même l'éditeur des œuvres complètes de
10:58Descartes, l'édition à dentinerie des années 60, donc il a fait une petite édition très
11:04accessible mais de très grande qualité, pourquoi ? Parce que Deleuze en fait se réfère à ce texte
11:09de Descartes, c'est vraiment un texte de référence d'ailleurs qu'il retrouvera, qu'il garde dans son
11:14œuvre y compris dans « Qu'est-ce que la philosophie ? », donc ça c'est une référence clé pour Deleuze
11:18parce qu'on y trouve selon Deleuze l'essentiel des postulats d'une pensée dogmatique, d'une pensée
11:27allergique à la différence. Alors c'est quoi ces postulats ? Eh bien la première chose c'est l'idée
11:31du bon sens de Descartes, l'idée de la lumière naturelle, l'idée que la pensée naturellement est
11:37droite, qu'il y a une lumière naturelle et que si cette lumière est obscurcie, c'est par des facteurs
11:43extérieurs, c'est-à-dire que la pensée n'est menacée d'erreur que par des facteurs extérieurs,
11:50la sensibilité, l'imagination, mais la raison, l'entendement, eux, si on les laisse aller selon
11:56leur fonctionnement naturel, n'ont d'autre façon de fonctionner que de fonctionner de manière droite
12:02et d'aller vers la vérité. Donc ça c'est le postulat, le premier postulat majeur qui empêche
12:08de penser philosophiquement pour Deleuze et le second postulat c'est celui qu'on a cette fois
12:16chez Platon dans le concept grec de philo, de philosophie, donc là il y a vraiment, il se joue
12:23vraiment quelque chose comme un qu'est-ce que la philosophie dans ce chapitre 3, alors à ce
12:28propos je voudrais indiquer quelque chose de très important, en fait le texte où Deleuze a
12:34vraiment posé la question qu'est-ce que la philosophie et qu'est-ce que signifie philo
12:38dans philosophie, c'est dans ce chapitre 3 de différence et répétition, mais on l'avait avant
12:44dans son petit livre sur Proust, Proust et les signes, et notamment il y a deux parties dans ce
12:50livre et à la fin de la première partie, une conclusion de la première partie, c'est un petit
12:54texte de 20 pages dans lequel on a le texte Deleuze où il explique qu'est-ce que la philosophie et ça
12:59ça aide énormément à comprendre ce chapitre 3 de différence et répétition. Alors quelle est la
13:05critique que Deleuze fait de Platon ? C'est que chez Platon, le philosophe c'est celui qui est
13:12l'ami du vrai, philo, philo il est l'ami du vrai, comme si le vrai était amical et donc il y a,
13:19vous voyez il y a un néologisme, c'est pour ça que je l'ai mis en gras, il y aurait une filiation,
13:25donc ça ne s'écrit pas en français comme ça, mais là c'est pour avoir le préfixe philo du
13:29grec, il y aurait une filiation de la pensée et du vrai, comme si la pensée était dans un
13:34rapport d'amitié avec le vrai et donc que le vrai était tout à fait amical, et du coup Deleuze
13:40renverse ce postulat dogmatique, d'une image dogmatique de la pensée qui nous fait rater à
13:46coup sûr la différence, et il va chercher son image du philosophe véritable chez Proust en fait,
13:54et notamment chez le jaloux chez Proust, parce que le jaloux chez Proust il veut savoir, il faut
13:59que je sache, est-ce qu'elle me trompe, est-ce qu'elle me trompe pas, il faut que je sache
14:03absolument, d'abord c'est pas je veux savoir, c'est il faut que je sache, donc c'est une nécessité,
14:08c'est plus fort que moi, or la vérité que cherche le jaloux, c'est une vérité qui le ravage, qui le
14:14terrasse, qui le mine, c'est une vérité qui n'a rien d'aimable, qui n'a rien d'amical, donc il
14:19n'est pas l'ami de cette vérité, donc il va à la recherche d'une vérité qui le ravage, qui le mine,
14:26qui n'a rien d'amical, donc là Deleuze introduit comme ça une autre image, une toute autre image
14:32de la pensée, la pensée comme ça, comme aventure de l'involontaire, c'est pas que je veux la vérité,
14:40c'est pas qu'il n'y a pas une volonté de savoir, je voudrais savoir, je voudrais la vérité,
14:45pas du tout, c'est involontaire et c'est d'autant plus involontaire que la vérité en question est
14:50une vérité atroce en fait, donc une vérité atroce, pourquoi ? Parce qu'on ne peut pas la penser,
14:56alors pourquoi une vérité atroce et pourquoi on ne peut pas la penser ? Parce que justement ça,
15:01c'est l'autre postulat, c'est le postulat qui rend aveugle à la différence, c'est le postulat de la
15:07reconnaissance, qui va avec la représentation, c'est-à-dire connaître, ce serait reconnaître,
15:12et là à nouveau, on a la réminiscence platonicienne, savoir c'est retrouver ce qu'on
15:17savait déjà en fait, donc il n'y a pas d'inconnu, il n'y a pas de nouveau, on ne fait que reconnaître
15:22ce que l'on avait simplement oublié et dès lors, connaître c'est tout simplement retrouver de
15:28l'identique, du déjà connu, du déjà su et ça c'est le modèle, c'est ça qu'il appelle la
15:33récognition ou la reconnaissance et c'est ça qui fait rater la différence et il oppose à la
15:38reconnaissance la rencontre, tout d'un coup je me heurte sur quelque chose, je fais la rencontre
15:42de quelque chose d'inconnu, là où à nouveau, on peut se référer aux pages de Proust, où tout
15:47d'un coup on se heurte contre quelque chose qui nous arrive, la mémoire involontaire chez Proust,
15:51tout d'un coup ça me revient, c'est pas je m'en souviens ou je veux m'en souvenir, mais ça me
15:56revient et ça me fait violence, donc rencontre versus reconnaissance et du coup, l'autre postulat
16:07c'est de croire que le grand danger qu'affronterait la pensée, ce serait l'erreur, de faire une
16:15erreur tout d'un coup, donc il y aurait le vrai et le faux et toute la philosophie se jouerait
16:19dans comment éviter le faux et comment garantir la vérité, ce serait le drame de l'erreur,
16:26or Deleuze dit que la pensée est menacée par un danger intime, d'abord qui n'est pas un danger
16:31externe, c'est à dire que c'est pas une erreur qui arrive parce que tout d'un coup, ma pensée
16:36est sous influence de l'imagination ou de la sensibilité, non c'est un danger intime, la pensée
16:42par elle-même et par nature, habitée par de l'étrange et par des failles, des failles qui
16:49la minent et son grand risque, c'est pas l'erreur, c'est la bêtise, c'est un danger autrement puissant,
16:57autrement dangereux et du coup, la pensée philosophique, ce contre quoi elle a à lutter,
17:02c'est pas contre l'erreur, de maintenir la vérité contre l'erreur, mais c'est de maintenir
17:06quelque chose comme la pensée, la pensée d'une différence, la pensée de ce qui ne se laisse pas
17:12reconnaître face à la bêtise. Alors ça, je fais une remarque contre parenthèse, je trouve que là,
17:17pour le coup, il y a une vraie modernité, une vraie actualité de Deleuze, puisqu'on entend
17:22beaucoup parler du danger des fake news, etc., comme si le gros problème, c'était l'erreur,
17:27que par exemple, certains personnages politiques, il n'est pas besoin de nommer,
17:30dirigent des choses fausses, est-ce que le problème politique qu'on a aujourd'hui,
17:34c'est que des responsables politiques du plus haut niveau et à échelle mondiale disent des choses
17:39fausses ou est-ce que c'est pas plutôt qu'ils font triompher la bêtise ? Est-ce que c'est pas
17:44plutôt un problème de bêtise ? Je pense que l'actualité donne là, sur ce point, amplement
17:48raison à Deleuze, je n'ai pas besoin d'illustrer, chacun trouvera ses exemples tout seul. Donc,
17:54ce danger de la bêtise, donc comment échapper à la bêtise, non pas comment remédier à l'erreur,
18:00c'est ça le grand défi philosophique. Et dernière chose, du coup, Deleuze propose un nouveau ménon,
18:07donc il critique Platon, mais il le réinvente. Comment faire un nouveau Platon ? Donc,
18:12répéter Platon, mais répéter, c'est le différencier, c'est pas faire un Platon identique,
18:17mais un nouveau Platon, donc un nouveau ménon, dit-il. Et pourquoi un nouveau ménon ? Parce
18:22qu'on sait bien que chez ménon, on n'apprend jamais rien de nouveau, on ne fait que retrouver
18:27ce qu'on savait déjà et qu'on avait tout simplement oublié. Or, il s'agit d'opposer
18:31pour Deleuze ce savoir qui est le savoir du déjà connu, de la reconnaissance, avec apprendre.
18:37Apprendre du neuf, apprendre du nouveau, être ébranlé par du différent, par ce dont on n'avait
18:43pas l'idée. Être surpris, tout simplement, la surprise qui est le chef-d'œuvre du temps,
18:51d'où le temps artiste, d'où le temps créateur, qui fait surgir du différent et qui nous fait
18:55apprendre quelque chose de radicalement nouveau qu'on ne pouvait pas anticiper. Voilà. Du coup,
19:01alors, juste un exemple, c'est dans les exemples d'images dogmatiques de la pensée actuelle,
19:07contemporaine de Deleuze, il cite Carnap et Russell. Alors, l'exemple-là, il le cite pas,
19:13mais on le trouve chez Russell, Russell qui écrit tout un livre pour savoir si ça a un sens,
19:17si la proposition l'actuel roi de France échauve à un sens, donc est-ce qu'il y a un actuel roi
19:21de France, etc. Tout ça, Deleuze trouve que ce sont des exemples qui sont psychologiquement
19:25puérils et socialement réactionnaires. Il mettrait ça volontiers dans la bêtise. Si la philosophie
19:30doit passer sa vie à savoir si la phrase l'actuel roi de France échauve, bon, c'est plus de la
19:35philosophie, en fait, tout simplement. Voilà, donc je voulais juste le signaler au passage. Il y a
19:40vraiment un vrai divorce entre Deleuze et cette prétendue philosophie. Du coup, il propose une
19:48autre image de la pensée. Alors, attention, il oscille dans les expressions entre une pensée
19:54sans image, pour rompre avec ces images dogmatiques de la pensée, ou une autre image de la pensée.
20:01Alors, c'est quoi cette autre image de la pensée ? Eh bien, voilà la phrase de différence et
20:05répétition qui le fixe. La théorie de la pensée est comme la peinture. Alors, vous voyez, le
20:10modèle de l'art, pour le coup, la référence à l'art, la théorie de la pensée, donc la philosophie,
20:14la théorie de la pensée est comme la peinture. Elle a besoin de cette révolution qui la fait
20:18passer de la représentation à l'art abstrait, puisque l'art abstrait ne dépend plus d'un
20:22modèle, il casse le modèle, donc il casse l'identité préalable, le primat de l'identique.
20:26Tel est l'objet d'une théorie de la pensée sans image. Donc, c'est ça qu'il s'agit de faire,
20:30une pensée sans image, c'est-à-dire affranchie du primat de l'identité. J'en viens à ma conclusion.
20:39Je me permets, dans ma conclusion, de prendre un recul un peu critique sur le projet de Deleuze.
20:46Donc, Deleuze dit que son projet dans Différence et répétition, c'est au fond de compléter,
20:52ainsi par les Zaratoustras de Nietzsche, puisqu'il dit que c'est un livre qui n'est pas achevé.
20:56Effectivement, pour différentes raisons, biographiques ou quoi, d'accidents de vie,
21:02mais pour des raisons, pour Deleuze, beaucoup plus philosophiques importantes,
21:05Nietzsche a laissé son Zaratoustra en partie. Il manque la cinquième partie, il n'y a qu'une
21:14quatrième partie. Et du coup, l'éternel retour n'a pas été théorisé pleinement. Donc, la théorie
21:21de l'éternel retour comme affirmation de la différence qui revient manquerait chez Nietzsche.
21:28Donc, il s'agit de compléter, vous voyez, il dit le Zaratoustra n'est pas fini. Donc,
21:37il s'agit de finir Zaratoustra. En fait, c'est quand même assez ambitieux, il ne faut pas le
21:42cacher. L'ambition de Deleuze, c'est de finir Zaratoustra, de lui donner sa fin qui manque.
21:48Voilà. Et donc, ce serait ce livre Différence et répétition, ce serait un peu, si vous voulez,
21:55la cinquième partie d'Ainsi parlait Zaratoustra. C'est tout à fait comme ça que Deleuze le dit.
21:59Alors, pourquoi on peut prendre une distance critique d'un point de vue d'histoire de la
22:05philosophie pour le coup ? D'abord, parce qu'on a vu que dans la quatrième partie, il y a quand
22:10même le champ d'ivresse qui est l'avant-dernier chapitre où il y a cette formulation du nouveau
22:16et de l'éternel. Ce qui revient de nouveau revient éternellement. Et qu'est-ce qui revient
22:21éternellement ? C'est le nouveau. Donc, on a quand même, et c'est le champ de l'ivresse qui est tout
22:26à fait l'élévation au niveau de l'affirmation, du statut affirmatif de l'éternel retour. Donc,
22:33ça, c'est déjà une première chose. La deuxième chose, beaucoup plus importante, et c'est pour ça
22:39que je voulais y insister, c'est que ce que Deleuze retient de la mort de Dieu, la fameuse phrase
22:47répétée dans le Gay Savoir et qu'on a dans Ainsi parlez-en tout ça, que Dieu est mort, c'est que
22:53la conséquence de la mort de Dieu pour Deleuze, c'est celle qu'a tirée Pierre Klosowski dans
23:00le colloque sur Nietzsche de Royaumont qui s'est tenu en 64. Donc, c'est ce livre-là,
23:10je vous le montre, voilà, c'est les actes du colloque de Royaumont sur Nietzsche où il y a
23:18un texte de Klosowski et un texte de Deleuze, et c'est Deleuze qui est chargé d'écrire
23:27la conclusion. Et donc, qu'est-ce qu'il retient de Klosowski ? Ça, c'est que Klosowski a montré que
23:32la conséquence majeure de la mort de Dieu, c'est la fin du sujet, de l'identité du sujet. Il n'y a
23:39plus de moi, il n'y a plus d'identité du moi, il ne reste plus que, comme dit Deleuze, un je fêlé,
23:44un moi fêlé. Donc, ça aurait fait fracasser l'identité, mais cette fois sous la forme du
23:51jeu, du jeu et du jeu du je pense, du je pense cartésien. Il n'y a plus de substance pensante,
23:56il n'y a plus… et d'où les plongées dans l'inconscient qu'on trouve dans différences
24:01et répétitions d'une différence d'avant le jeu constitué, d'avant l'identité du sujet. Je
24:07serais ça la conséquence majeure de la mort de Dieu. Et c'est pour ça que je vous ai mis ce
24:11petit extrait d'Alice au pays des merveilles, qui est une référence clé chez Deleuze. Et notamment,
24:18il fait référence au Snark, la chasse au Snark, qui est de l'autre côté du miroir. Alors là,
24:23c'est la version Disney, mais qui pour le coup est excellente. Pourquoi ? Parce que c'est l'épisode
24:26où Alice rencontre la chenille, la grosse chenille qui fume son hookah. Or, comme elle était précédemment
24:34petite, petite, grande, grande, grande, etc., elle ne sait plus trop qui elle est. Elle a perdu le
24:39jeu. Et d'ailleurs, dans le texte anglais, si vous regardez, c'est assez extraordinaire. La chenille
24:43lui dit « qui êtes-vous ? » « Who are you ? » Et Alice dit « je, je ». Et donc, le « I » du jeu en
24:51anglais est répété deux fois, comme si le jeu se mettait à trembler parce qu'il avait été fissuré.
24:57Alice n'est plus certaine de son jeu, de qui elle est, etc. Donc, ça illustre tout à fait ce que veut
25:03dire Deleuze. Et là, Walt Disney l'illustre magnifiquement. Pourquoi ? Parce que vous
25:07regardez que, et ça, ce n'est pas dans le roman d'Alice Carole, évidemment, c'est une invention
25:12de Disney, c'est-à-dire que les ronds que fume la chenille forment la question en anglais « who are
25:18you ? ». Vous voyez, le « are », le « are » se dit « are », le « you » se dit « you », et donc ça donne « who are you ? ».
25:25« Qui êtes-vous ? » « Qui es-tu ? » Eh bien, justement, « qui es-tu ? », ça reste à l'état
25:29d'interrogation. Il n'y a plus de réponse à la question « qui es-tu ? ». Il n'y a plus de « tu ? ». Il n'y a
25:32plus de « je ? ». Voilà. Donc, ce serait ça la conséquence de la mort de Dieu. Or, il y a quand même
25:43des choses à dire là-dessus. La première chose, c'est que la première expression de l'Éternel
25:49Retour, on la trouve dans le paragraphe 341 du Guet-Savoir à la fin du livre 4, puisque le
25:54Guet-Savoir, au départ, ne faisait que quatre livres, et finissait, il faut le savoir, c'est
25:58très important, par le début d'Ainsi par les Aratoustras. C'est-à-dire que ça, c'était aussi
26:04le génie littéraire de Nietzsche. C'est qu'en fait, la première page d'Ainsi par les Aratoustras
26:09se trouve déjà dans la dernière page du livre 4 du Guet-Savoir. Donc, on a une sorte de répétition
26:15à l'identique. Là, c'est assez étrange, mais donc c'est bien que ce n'est pas de l'identique
26:19qui se répète, puisque répéter, c'est toujours le fait même de répéter fait du différent.
26:25On ne peut jamais répéter à l'identique, finalement. Répéter, c'est toujours faire
26:28advenir autre chose, faire du nouveau, puisqu'on croit que l'identique se répète quand on pense
26:32que le temps n'existe pas, finalement. Et si on prend le temps au sérieux pour Deleuze,
26:36ben du coup, ça fait advenir de l'autre. Or, le Aratoustra s'arrête en 1885, d'accord,
26:48la quatrième partie, c'est 1885, et la troisième partie, 1884, troisième partie dans laquelle il
26:55y aurait seulement là l'éternel retour selon Deleuze. Mais en 1886, donc après les Aratoustras,
27:04Nietzsche ajoute le livre 5 au Guet-Savoir. Et là, le livre 5 commence par Dieu est mort,
27:10il répète la mort de Dieu. Or, quelle est la conséquence que Nietzsche tire de la mort de Dieu
27:16lui-même, que Nietzsche tire, pas celle que dit Deleuze à la suite de Klosowski ? Eh bien,
27:22c'est que dans ce livre 5, on a un texte très important sur Saint Paul, et Saint Paul,
27:28c'est le vrai fondateur du christianisme pour Nietzsche. Pourquoi ? Parce qu'il est, dit-il,
27:33l'introducteur de cette croyance, je lis bien, qui promet d'éviter le retour des peines. C'est
27:40le contraire de l'éternel retour. Donc, tant que Dieu n'est pas mort, grâce à Saint Paul,
27:46on est sûr que le christianisme nous évite le retour des peines. Les peines ne reviendront pas,
27:54d'accord ? Et c'est ça la promesse du christianisme. Et c'est quoi cette promesse ? C'est
27:59tout simplement l'apocalypse, la fin des temps, et le fait qu'on va vers Dieu. Et on l'a même dans
28:08Zaratoustra. Mais si on ne lit pas la conséquence de la mort de Dieu, si on reste comme Klosowski et
28:14Deleuze sur l'idée que la mort de Dieu, c'est ce qui fait disparaître le sujet, on rate cette
28:19conséquence, à mon avis beaucoup plus centrale et incontournable, tout simplement qu'une fois
28:23que Dieu est mort, il n'y a plus de paradis, il n'y a plus d'enfer. Et donc, on l'a déjà dans
28:28Zaratoustra. Regardez ce qu'il dit dans Zaratoustra. « Métamorphoser tout ». Métamorphoser,
28:34c'est faire devenir différent, c'est répéter en différenciant. Métamorphoser tout, c'était,
28:39métamorphoser tout, c'était en un « je le voulais ainsi ». Donc, ce qui s'est passé,
28:45ce n'est pas une fatalité qui m'arrive malgré moi, c'est en faire l'objet de la volonté. C'est
28:50vouloir ce qui se passe, vouloir ce qui est arrivé au lieu de le subir, ce qui est au fond la tragédie
28:57de l'éternel retour, mais une tragédie joyeuse. Voilà seulement ce qui pour moi pourrait s'appeler
29:02rédemption. On voit bien comment l'éternel retour vient prendre la place de la rédemption
29:09chrétienne. Or, la rédemption, elle n'arrive qu'avec la mort du Christ et avec le jugement
29:14dernier. De même, toutes les choses qui arrivent, je les ai libérées de la servitude du but. Or,
29:21le but ultime, le but dernier, c'est quoi ? C'est que nous arrivons tous dans le jugement dernier.
29:27Je lis à nouveau Zarathoustra, « Débarrassons-nous d'un tel Dieu. Mieux vaut pas Dieu du tout,
29:33mieux vaut faire son propre destin soi-même. » Donc, la conséquence de la mort de Dieu,
29:38c'est justement que Nietzsche arrache la flèche du temps des mains de Dieu. La flèche du temps
29:51n'est plus dans les mains de Dieu. Or, le Dieu chrétien, le Dieu de saint Paul qui nous promet
29:56que les peines ne reviendront pas, pourquoi il nous promet que les peines ne reviendront pas ? Parce
30:00que c'est un temps à sens unique qui va en flèche droite et qui nous conduit droit au jugement
30:06dernier. Et donc, en vivant dans une vie maladive, une vie qui ne vaut rien, qui ne jouit pas,
30:14qui ne danse pas, qui ne chante pas, nous avons une vie bonne au sens chrétien et nous sommes
30:18promis comme ça de nous asseoir aux côtés de Dieu. Mais ça veut surtout dire donc que Dieu a le
30:25monopole sur l'avenir, que le Dieu vivant a un monopole sur l'avenir et sur un avenir moral.
30:33Donc, la mort de Dieu, c'est quoi ? C'est tout simplement que ça rend le devenir innocent,
30:39c'est-à-dire que le temps ne va plus vers le jugement dernier, vers son but ultime,
30:45mais le temps, en fait, en revenant, revenir pour le temps, c'est quoi ? C'est comme si le temps,
30:54le devenir, faisait un pied donné en boucle au Dieu mort et au Dieu privé, justement,
31:01de la flèche du temps. C'est ça fondamentalement qui se passe, c'est un temps libéré de la flèche
31:06du temps et du jugement dernier. À mon avis, c'est ça la conséquence de la mort de Dieu et c'est ça
31:11le sens fondamental de l'éternel retour. Alors, pour finir sur différences et répétitions et
31:17sur l'éternel retour, un petit mot aussi. L'autre remarque et critique qu'on peut adresser à
31:24Deleuze, c'est qu'il oublie un autre texte encore plus tardif, qui est un des derniers textes de
31:29Nietzsche, de 1888, celui-ci, et qui manque l'humour de Nietzsche, parce qu'il y a un grand
31:34humour et il n'y a pas de philosophe moins dogmatique que Nietzsche. Et donc, regardez
31:39ce qu'il dit, c'est magnifique. « J'avoue que mon objection la plus profonde contre le retour
31:45éternel, ma pensée proprement à Bismarck, c'est toujours ma mère et ma sœur. » C'est à la fois
31:51tragique et hilarant, c'est-à-dire qu'il dit lui-même qu'il n'est pas certain de vouloir tenir
31:56coûte que coûte à la théorie de l'éternel retour. Pourquoi ? Parce que ça voudrait dire qu'il faut
32:01tout vouloir le retour de chaque chose, et y compris de sa mère et de sa sœur, qui lui font vivre
32:05l'enfer. Donc, c'est assez quand même burlesque et ça montre tout le recul de Nietzsche vis-à-vis
32:14de sa propre philosophie, qui n'a jamais de rapport dogmatique. Et ça, évidemment, Deleuze le passe
32:20sous silence, et c'est quand même, je trouve, bien dommage. Alors, pour finir, j'indique les ruptures
32:29et les continuités entre « Différences et répétitions » et puis le reste de l'œuvre de
32:33Deleuze. Alors, sur les continuités, alors d'abord, dans la conclusion du colloque de Royaume-Homme,
32:43je disais, vous verrez, les conclusions d'ailleurs sont dues à Deleuze, et il parle d'un monde en
32:49intensité. Il dit « le monde de l'éternel retour est un monde en intensité ». Ça, c'est tout l'objet
32:54du chapitre 5 de « Différences et répétitions », ce qu'on a vu, la différence comme intensité.
32:58Ensuite, la question de l'involontaire dans le chapitre 3 sur l'aventure de l'involontaire,
33:05et non pas philo, non pas le vrai qui serait amical, un rapport d'amitié, de filiation vrai,
33:10mais au contraire, un rapport d'aventure de l'involontaire. Ça, comme je vous l'ai dit,
33:13vous l'avez dans la conclusion de la première partie de Proust et Lessigny. Ensuite, la critique
33:20hégélienne de la différence devenue négation, la rengaine, tous ces thèmes-là, vous les avez
33:27dans « Nietzsche et la philosophie », bien sûr, le livre de Deleuze sur Nietzsche qui précède
33:33« Différences et répétitions » et qui en est un peu, à ce titre, la préparation. Ensuite,
33:40sur la suite de l'œuvre, le concept de paradoxe qui est présent dans « Différences et répétitions »
33:46et l'exemple du snark, qui est dans « La chasse au snark » dans « De l'autre côté du miroir »
33:51chez Lewis Carroll, vous le retrouverez dans « Logique du sens », par exemple, de Deleuze,
33:55qui est le livre qui suit immédiatement « Différences et répétitions ». Et j'ai mis
34:02Cheshire Cat, le chat du chécheur, parce que ça aussi, c'est un exemple important pour Deleuze,
34:07dans « Alice au pays des merveilles ». C'est ce chat, vous savez, qui tout d'un coup disparaît,
34:11d'un coup, et Alice lui dit « quand même, ça ne se fait pas, vous êtes mal élevée,
34:14ça ne se fait pas de disparaître d'un coup sans prévenir qu'on s'en va ». Et donc,
34:19le chat prend au mot Alice et lui dit « ah bon, ça ne se fait pas, bon, très bien ». Et donc,
34:23il pense que ce qui ne se fait pas, c'est de s'en aller d'un coup, donc il s'en va petit à petit.
34:28Et voilà le chat qui s'efface petit à petit, une patte, une jambe, l'autre patte, la queue,
34:33les oreilles, etc., jusqu'à ce qu'il ne reste plus que le chat, plus que le sourire. Et ça,
34:39c'est un exemple que travaille beaucoup Deleuze, notamment dans « Logique du sens », sur le
34:43sourire sans chat. Et qu'est-ce que c'est que le sourire sans chat ? Il faut quand même savoir
34:46que Lewis Carroll, l'auteur d'« Alice au pays des merveilles », était prof de logique,
34:49c'était un professeur de logique, et que tout le fondement de la logique, la logique des prédicats
34:55comme la logique des propositions, mais la logique des prédicats, c'est quoi ? C'est qu'il y a un
34:59sujet qui reste le même, et on peut attribuer différents prédicats à ce sujet. Le chat est
35:04gris, le chat est noir, le chat dort, le chat joue, etc. Mais il faut bien qu'il y ait le chat.
35:09Et voilà que tout d'un coup, on a un prédicat, le sourire et pas de chat. Donc on a un accident sans
35:14substance, si vous voulez. On a de l'événement, mais on n'a plus d'essence, donc on a du temps,
35:19mais on n'a plus d'être. C'est du temps sans l'être. C'est ça le sourire sans chat d'Alice
35:26au pays des merveilles, et qu'on retrouvera dans Logique du sens. L'autre chose très présente dans
35:31Différences et répétitions, c'est un petit article de Deleuze dans l'Histoire de la philosophie dirigée
35:35par François Châtelet, où Deleuze a fait l'article sur le structuralisme, et où il parle notamment
35:40de Lacan. Et là, vous retrouverez toutes les analyses qu'il fait sur la case vide, et c'est
35:44quoi ? C'est tout simplement l'idée d'une chose qui manque à sa place, et donc qui n'est pas
35:49reconnaissable. C'est le surgissement de la différence comme ce qu'on n'arrive pas à
35:52reconnaître, comme ce qui met en échec la reconnaissance. Le concept de nomade est présent
35:58aussi dans Différences et répétitions, on le retrouve dans Mille Plateaux. Sur l'être du sensible,
36:04sur l'esthétique, il y a le livre de Deleuze sur Bacon, Logique du sensible. Et sur le concept de
36:09vice-édiction, dont je n'ai pas parlé, je ne peux pas tout dire, que Deleuze introduit dans
36:14Différences et répétitions, on le retrouve dans un de ses derniers livres, dans le pli, dans lequel il
36:19dit « nous restons lemniciens ». Je n'ai pas eu l'occasion de parler de Lemnitz, mais Lemnitz est
36:23très important dans Différences et répétitions, sur l'idée des différences virtuelles qui font la
36:30singularité des choses. Tout simplement, je prends juste un exemple pour l'expliquer en une seconde,
36:33c'est-à-dire que César, le César historique, et César, si, est un individu singulier aucune autre,
36:41c'est justement tous les préducats virtuels inclus dans la notion de César, qui fait qu'il
36:48est un César différent de tout autre. Voilà, et ça va s'actualiser petit à petit. Alors,
36:54sur les ruptures, ruptures majeures, parce que Spinoza est ici l'image du dogmatique, il dit
37:00par exemple « chez Spinoza, aucun problème », donc c'est l'exemple type de la pensée dogmatique.
37:04Donc là, il y a quand même une originalité de Deleuze vis-à-vis de lui-même, puisqu'il va faire
37:09sa thèse complémentaire sur Spinoza et qu'ensuite Spinoza devient quand même une référence positive
37:13pour Deleuze. Faites très attention au concept de mouvement, parce que quand il emploie le
37:19mouvement, ce n'est pas du tout au sens de l'image mouvement dans un de ses derniers livres sur le
37:22cinéma, mais le mouvement prend le sens au fond de l'irruption, de l'événement, du temps créateur.
37:28Donc ça, attention, ce n'est pas du tout le mouvement comme au sens même de la critique
37:34qu'on trouve chez Bergson, c'est un synonyme d'un événement temporel. Autre différence majeure et
37:42rupture, le concept de théâtre. Et là, on voit l'influence qu'aura eu le virage même que va
37:49provoquer la rencontre avec Guattari, parce que dans l'Anti-Oedipe, le théâtre, c'est le théâtre
37:53de la représentation pour Deleuze et Guattari dans l'Anti-Oedipe, alors que dans « Différences et
37:57répétitions », le théâtre, c'est la philosophie. C'est le théâtre, c'est ce qui s'oppose, c'est le
38:03théâtre de la répétition qui l'oppose au théâtre de la représentation. Et l'autre chose aussi, c'est
38:08le rôle de Freud. Freud est tout à fait utilisé positivement par Deleuze, y compris la castration,
38:13y compris Mélanie Klein, qui va subir un drôle de traitement dans l'Anti-Oedipe. Donc là, il y a
38:18vraiment une rupture majeure entre « Différences et répétitions » et l'Anti-Oedipe. Il faut faire
38:23vraiment très attention. Autre chose que j'ai déjà signalé, c'est le cinéma, grand absent,
38:28une seule occurrence entre parenthèses, c'est bizarre. Et dernière remarque, le concept de
38:33possibilité, le concept de concept, pardon, ce n'est pas du tout philosophique créer des concepts,
38:38puisque le concept, c'est la possibilité, c'est la généralité, bref, c'est ce qui fait rater la
38:42différence et la répétition. Et pour finir, une petite bibliographie que je laisse comme ça,
38:49et puis pendant qu'on fait une séance de questions, si vous voulez bien, vous avez quelques éléments
38:56d'ouvrages dont j'ai parlé et qui peuvent vous servir. Voilà. Merci beaucoup Guillaume. Merci.
39:05Je me tourne vers Antoine pour savoir s'il veut bien présenter la question qui a été posée sur
39:11Twitch, sinon je la présente moi-même. Le micro, cher Antoine. Non, je t'en prie, tu l'as sous les
39:21yeux. La question, elle est toute simple, si j'ai bien compris, posée par un anonyme. Que penser
39:28de l'idée de système de simulacres ? Que vaut cette expression que l'on retrouve dans la conclusion de
39:37différence et répétition ? La chose, c'est qu'il est étrange de vouloir faire un système de choses
39:49qui sont sans modèle. Est-ce que la notion de système convient pour parler de système de simulacres ?
40:00Je ne me souviens pas de l'expression, mais elle ne me choque pas. Deleuze, évidemment,
40:10n'est pas du tout naïf sur le mot système. Il y a Hegel, donc il ne l'emploie évidemment pas
40:15dans ce sens-là. Je pense qu'on peut le comprendre par une thèse forte de différence et répétition,
40:20qui est que l'être se dit en un seul sens. La thèse de l'univocité de l'être. L'être, ça, c'est une
40:27thèse ontologique forte. L'être se dit en un seul sens. Seulement, en quel sens ? C'est-à-dire de la
40:32différence. C'est la différence qui est l'être. Et donc là, ça fait système. On peut dire système
40:37de ce point de vue-là, parce que tout ce qui est de l'ordre de l'être est toujours de la différence.
40:43Donc, je pense qu'on peut le comprendre comme ça, par le sens que l'être se dit en un seul sens,
40:48seulement pas de l'identité, mais de la différence. Donc, c'est un petit peu en rupture avec l'idée
40:54de système que l'on retrouve par exemple chez Kant. Ah oui, non, ça n'a rien à voir. Surtout que chez
41:01Kant, le système, c'est l'horizon régulateur, c'est l'unité du savoir. Et puis chez Kant,
41:08le système, c'est ce qui garantit l'identité du savoir. Donc, c'est une identité régulatrice à
41:13l'horizon, mais ça garantit l'identité. C'est les différentes branches du savoir en idée,
41:18participent d'une identité de la science. Donc, ce n'est pas du tout cette idée-là. Non, je pense
41:24que c'est l'idée que l'être se dit en un seul sens, c'est-à-dire de la différence.
41:27Parfait. Merci beaucoup. Merci également pour la question à M. Galiax. Peut-être pour une
41:35autre question plus tard. Cher Antoine. Oui, et puis je peux me permettre aussi,
41:39peut-être, et j'emprunterai ça à François Châtelet que tu as cité aussi, peut-être l'idée que le
41:48temps artiste est un temps intensif d'une sorte de révolution sans modèle, c'est-à-dire où
41:56tous les modèles et les paradigmes sont dissous à la fois dans la différence et dans la répétition.
42:04C'est ça qui est intéressant. Et une révolution sans modèle, ça voudrait dire que toutes les
42:11possibilités précisément de répétition sans différence ou de différence sans répétition. Et
42:16donc, on serait à la fois dans un pléonasme et un oxymore à chaque fois. C'est ça qui est
42:24intéressant. Mais le sans modèle me paraît intéressant puisqu'il suppose qu'il n'y a pas
42:29d'identité, sans identité, sans le retour du même. Je ne sais pas ce que vous en pensez.
42:35Je veux bien dire un mot là-dessus parce que tu le dis très bien, c'est très fort. Et puis,
42:41du coup, il y a quelque chose à dire, c'est que c'est quand même un livre de 1968. Et donc,
42:46la grande question de 68 pour Deleuze, c'est comment penser la révolution 68 comme une
42:51révolution sans modèle. C'est très fort ce que tu dis Antoine. Parce que là, pour le coup,
42:55on a vraiment la rencontre du contexte historique et de la radicalité philosophique,
43:03les deux qui sont indissociables. Et justement, tout le recul que Deleuze a eu envers les Mao,
43:09envers les marxistes, etc. Et envers les marxistes. Et Echâtelet et Deleuze étaient
43:17très amis. Et moi, dans mes souvenirs, il parlait énormément de ça. C'est-à-dire qu'il y avait
43:24quand même une véritable révolution sans modèle. Et c'était un acte politique aussi.
43:30Tout à fait. Quand on relie différence et répétition, ce que j'ai fait pour préparer
43:37ça, puis ça me faisait plaisir, c'était une manière pour moi de souffler les bougies du
43:41centenaire de Deleuze. Quand on relie différence et répétition, c'est vrai que c'est vraiment un
43:45livre de 68. Même s'il n'y fait pas référence, on ne peut pas s'empêcher d'y penser. Et du coup,
43:52je trouve que le sens politique… D'ailleurs, vous avez bien vu comment il dit que la philosophie
43:57analytique, avec ses problèmes scolaires puérils, est réactionnaire. Donc, il y a vraiment une idée,
44:02et tu le dis très bien Antoine, c'est tout à fait ça, comment penser une révolution sans modèle,
44:06qu'il ne soit pas la répétition, le retour d'un modèle de la révolution bolchévique ou Mao,
44:13ou ce qu'on veut, mais penser une révolution qui est irruption de la différence. D'ailleurs,
44:19il le dit, il le dit souvent, mais 68, c'est l'irruption de la différence.
44:23Et j'avais une autre question aussi. Je me souviens, dans mes jeunes années de prof de
44:34philosophie, j'étais revenu de l'AE, et en particulier de cette salle absolument extraordinaire
44:38où il y a tous les autoportraits de Rembrandt. Et on voit Rembrandt à 17 ans, puis à 30, à 40,
44:47à 50 et à 80. Je crois qu'il est mort très vieux. Et j'avais été pris d'un vertige. Est-ce
44:54qu'on ne peut pas dire que les autoportraits de Rembrandt sont l'incarnation picturale de,
45:02précisément, on ne voit pas le même, mais le temps qui passe sur un visage. Et que ça
45:10serait peut-être ça, différence et répétition, les autoportraits de Rembrandt. Je ne sais pas
45:15ce que tu en penses. Tout à fait, je trouve que c'est très pertinent. Oui, oui, c'est très bien.
45:20D'ailleurs, quand tu lis ces répétitions, t'es un peu étonné qu'ils prennent la série en art,
45:28le pop art, Warhol, et qu'il n'y ait pas les autoportraits de Rembrandt, qu'il n'y ait pas
45:33les cathédrales de Rouen de Monet, par exemple. Bien sûr, bien sûr. Ou le Mont Fouji d'Opusailles,
45:39enfin, tu vois, c'est assez étonnant. Il prend des exemples modernes, tu vois,
45:43il se met dans son époque, quoi. Et est-ce qu'il parle de Rodko ou pas du tout? Non, absolument pas.
45:49Non, non, non, non, non, pas du tout. Donc, c'est étonnant. Alors, l'autre chose que je voudrais
45:57dire là-dessus, c'est que, alors là, je parle personnellement, mais j'ai quand même le droit
46:02de dire un petit mot. La critique qu'on peut faire de différence et répétition, qui est pour moi une
46:07objection majeure. Là, c'est un peu, comment dire, c'est... Vous voyez, j'aime beaucoup Deleuze parce
46:14que pour en parler comme j'en parle, il faut que je l'ai un peu lu sur les bords. Donc, ça me
46:19donne le droit de m'expliquer un peu avec lui, si vous voulez. C'est-à-dire qu'au fond, il dit
46:24la différence, c'est le nouveau. Parce que tu dis des portraits de Rembrandt, tout d'un coup, à chaque fois,
46:28il est nouveau, tu vois. Donc, la différence, c'est le nouveau. Le problème qu'a Deleuze, c'est qu'il
46:33prend des exemples dont il n'est pas capable de rendre compte. Parce que si la différence, c'est
46:38le nouveau, et il le dit plusieurs fois comme ça, comment il explique les exemples, par exemple, qu'il
46:41prend chez Leibniz, des gouttes d'eau de la vague, etc., du multiple, c'est-à-dire les deux
46:46brins d'herbe, les... Il prend des exemples. Or, ça, c'est pas nouveau. Deux brins d'herbe, l'un à côté de
46:51l'autre, ce ne sont pas l'un nouveau par rapport à l'autre. Et là, à mon avis, il rate, c'est pour ça que
46:56moi, je travaille là-dessus, il rate la simultanéité. Et là, il y a Kant, parce que ça, on l'a chez Kant.
47:00Il a lu beaucoup trop vite Kant. Et Kant te dit, il y a deux différences. Il y a la nouveauté,
47:07ça, c'est la succession, mais il y a la diversité. Donc, le multiple, ça peut être la différence par
47:12la nouveauté, mais tu as la différence par la diversité, c'est-à-dire deux choses, l'une à
47:17côté de l'autre, qui sont multiples. Et ça, il en parle, mais il fait comme si c'était de l'espace.
47:20Et d'ailleurs, il ne le théorise pas, en fait. Il ne l'explique pas bien. À la fin de Différences et
47:23Répétitions, tu ne sais pas comment il pense la différence du multiple au sens, non pas du nouveau,
47:29mais de deux choses différentes. Et là, je pense que la condition fondamentale, c'est la
47:35simultanéité. Or, ça faisait tomber toute sa philosophie, parce que du coup, c'est subjectif.
47:41Mais en même temps, il est en nous. Bien sûr, bien sûr, bien sûr. Il n'y avait plus d'ontologie
47:46de la différence. Merci beaucoup, cher Guillaume. Un petit mot à l'École française de Saint-Pétersbourg.
47:54Si vous voulez bien, prenez l'antenne, activez le micro. Peut-être que M. Grégory Gallemann est avec vous.
48:02Bonjour. Je suis un peu hors cadre. Merci encore pour cette présentation extrêmement riche,
48:13extrêmement intéressante. Les élèves ont pris beaucoup de notes. Je ne sais pas s'ils ont des
48:18questions. Mais comme toujours, c'est formidable de pouvoir échanger et prendre le temps de
48:27réfléchir sur la philosophie. Donc, merci pour les élèves et à titre personnel aussi. Merci à vous.
48:36Il y a une question. Oui, bien sûr, bien sûr. On vous écoute. Est-ce qu'on peut supposer que la critique
48:47de l'encyclopédie soit plus ou moins liée à ça puisque le savoir de recherche, c'est justement
49:02une sorte de savoir sans temps, simultané, qui ne soit pas s'inquiéter par un rythme donné par
49:16la structure de l'encyclopédie. Et supposer que la différence de Zehra et de Strapp par rapport aux autres,
49:30c'est justement qu'il soit la répétition de tout le monde et qu'en étant l'ensemble de la
49:41population en lui-même, c'est ça qui a amené vraiment à la compréhension et au savoir.
49:48Merci. Pierre Guillaume. Là, c'est une question sur Kant en fait que vous posez, c'est ça ? Et
50:03donc sur l'encyclopédie, vous voulez dire l'encyclopédie d'Hydro et d'Alembert ? Donc
50:08là, vous faites référence à une chose que j'avais dite dans un autre cours, c'est ça ? Ah oui,
50:12d'accord, parce que je me disais… Oui, donc là, c'est plus sur Kant. Par contre, ce que je n'ai
50:17pas compris, c'est quel rapport vous faites avec la différence ? C'est ça que je n'ai pas bien
50:20compris. Vous pouvez me réexpliquer ? Le rapport que je veux dire, enfin que je veux exprimer,
50:29c'est le fait que l'encyclopédie n'est pas vraiment cet ensemble puisqu'il est
50:40saccadé par une structure et que justement, Zaratustra, comme il est la répétition de tout
50:50le monde, c'est de cette façon qu'il est comme une personnification du savoir,
51:04car c'est un ensemble qui est dirigé vers la compréhension. Est-ce que ce que vous voulez
51:15dire, c'est que le système kantien, au fond, a voulu en finir avec l'encyclopédie, mais qu'avec
51:25Nietzsche, on reviendrait à l'encyclopédie ? C'est ça que vous voulez dire ? Je ne comprends
51:31pas ce que vous voulez dire. Non, c'est juste que justement, Zaratustra, il présente en lui
51:38une homogénéité qui n'est pas dans l'encyclopédie puisqu'il est saccadé par une structure. Mais
51:49elle est où l'homogénéité dans Zaratustra ? C'est ça que je ne comprends pas. C'est par
51:57le fait qu'il soit l'ensemble de la population et qu'il ne soit en même temps qu'une personne.
52:05C'est peut-être pas le mot homogène, mais le mot est singulier, et ensemble, c'est ça ? Oui,
52:18c'est ça. Oui, je comprends. Oui, surtout qu'il y a une métaphore qu'emploie beaucoup Nietzsche,
52:25la métaphore de l'arc-en-ciel. Et l'arc-en-ciel, c'est la simultanéité du divers. Donc oui,
52:32dans ce point de vue-là, oui, tout à fait. J'avais une remarque aussi à propos du « Je
52:46fais les » de Klossowski, à l'issue de cette belle formule de Deleuze. Est-ce qu'on ne peut
52:53pas la rapprocher de ce poème de Michaud « Je suis nétroué ». Est-ce que ce n'est pas du tout
52:58du même ordre ? Être nétroué, c'est être un « Je fais les », mais à l'origine. « Je suis
53:09nétroué », ça veut dire que à l'origine, je suis nétroué et que le « Je fais les », il n'a
53:14plus d'origine, il est simplement original, ou originel même, pour jouer sur les mots. Est-ce
53:20que ça peut pas se rapprocher du poème de Michaud ? Oui, tout à fait. C'est beau,
53:24une belle formule d'ailleurs. Oui, tout à fait. C'est exactement la même idée.
53:28C'est la même idée, d'accord. C'est l'idée chez Deleuze. C'est là où il faut lire le petit
53:33texte de Descartes, parce que c'est ce que Deleuze appelle l'idiotie, c'est-à-dire le « je pense »,
53:39il y a un jeu comme ça sur de son identité, etc. Ça, c'est la bêtise. C'est ça la bêtise pour
53:44Deleuze. C'est tout d'un coup, il n'y a plus de problème, je suis assuré de mon identité. Donc,
53:50au contraire, il faut retrouver sous ce jeu superficiel et en fait illusoire, les trous.
53:57Oui, c'est le jeu de la vanité, c'est ça. Merci beaucoup. Nous arrivons au terme de cette
54:08matinée philosophique « ô combien riche et originale ». Je remercie vivement Guillaume
54:15Pujard du Burber ainsi que les élèves de l'école française de Saint-Pétersbourg et Antoine
54:21Châtelet, y compris Jean-Luc Gaffard. Nous avons donc un document désormais à la disposition de
54:31ceux qui voudraient travailler encore davantage sur les questions soulevées ici. Il sera bientôt
54:38disponible en vidéo et en podcast grâce à Patrice Blondet. Merci à vous tous et la semaine prochaine,
54:46si vous voulez bien nous retrouver, nous prendrons le temps de réfléchir avec une collègue du lycée
54:52Châteaubriand de Rome qui proposera un sujet sur la fraternité politique. Peut-elle constituer un
55:01principe ? Quel sens peut-on lui donner ? Soyez bienvenus pour cette suite de nos programmes
55:09et merci encore une fois à M. Guillaume Pujard du Burber ainsi qu'à toute l'équipe pour la
55:17matinée que nous avons passée ensemble. Bonne journée à tous.
55:31– Sous-titrage Société Radio-Canada