• l’année dernière
Face au recul du trait de côte : nous sommes partis à la rencontre des personnes qui œuvrent sur le terrain au quotidien pour faire s'adapter à une mer qui grignote le territoire un peu plus chaque jour.

• Chez nous aussi, le climat change

Vous pourrez retrouver : Virginie Duvat, professeure, chercheuse et co-autrice du 6e rapport du GIEC et une partie de son équipe : Inès Hatton en charge du projet « Adaptom » et Natacha Volto, chercheuse et pilote de drone. Egalement Pierre Cuchet, adjoint au maire d’Aytré et Alain Priol, directeur à la DDTM.

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Transcription
00:00 Les gens sont plus ou moins conscients, certains ont du mal à comprendre,
00:03 mais quand on leur dit qu'il y a eu deux morts pendant Xintia
00:07 et qu'il y a eu des maisons qui ont été rasées parce qu'elles étaient construites trop près de l'eau,
00:12 les gens comprennent maintenant.
00:13 Le trait de côte recule, qu'on perd du territoire,
00:15 on a déjà perdu 6 km² en charbon maritime depuis les années 50.
00:19 Chez nous aussi, le climat change.
00:25 Sur nos côtes, l'élévation du niveau de la mer a des conséquences déjà visibles.
00:30 Je suis partie en charante maritime voire Pierre Cuchet, maire adjoint d'Etré.
00:35 Etré est une commune qui a fait face, dès 2010, à la submersion marine suite à la tempête Xintia.
00:41 Je m'appelle Eva et je suis community manager au ministère de la transition écologique
00:46 et de la cohésion des territoires.
00:48 Un peu plus loin, c'est toute la plage principale d'Etré
00:53 qui a été submergée en 2010 au moment de Xintia.
00:59 Et là, vous avez plus de 72 maisons qui ont été déconstruites, indemnisées par l'État,
01:06 justement parce qu'elles ont été submergées et il y a eu des morts sur Etré.
01:10 Donc il était impératif de modifier les choses et de prendre conscience.
01:15 Et je pense que Xintia a été ce révélateur de cette prise de conscience
01:21 pour dire qu'on ne peut plus continuer comme ça.
01:23 Il faut qu'on arrête, il faut qu'on renature l'ensemble.
01:27 Les maisons, elles étaient là, et on n'en aura plus.
01:30 Il y avait un camping qui a été détruit,
01:32 il y a un autre restaurant qui venait juste d'être ouvert, qui a été rasé aussi.
01:37 Et donc il est hors de question de reconstruire cet endroit-là.
01:42 Face à ces risques, le dernier rapport du GIEC propose des solutions.
01:46 Virginie Duvas, auteure du GIEC et chercheuse au laboratoire Liens,
01:50 nous explique comment elle et son équipe travaillent sur le sujet.
01:54 Le laboratoire Liens travaille sur l'environnement littoral
02:00 avec un investissement interdisciplinaire qui est particulièrement important.
02:04 Un panel de disciplines qui permettent toutes ensemble
02:08 d'étudier l'évolution des littoraux,
02:11 l'évolution des conditions de vie sur les littoraux,
02:14 les risques littoraux et les possibilités de réduire les risques
02:17 et de s'adapter au changement climatique sur ces espaces.
02:20 Afin d'observer l'évolution du trait de côte et étudier certaines zones côtières,
02:27 le Liens cartographie les lieux concernés à l'aide de drones.
02:32 Je suis ingénieure d'études au CNRS,
02:34 je suis chargée de télédétection et photogrammétrie.
02:37 Je suis télépilote de drone, je vais régulièrement sur le terrain.
02:42 Je réalise des levées à partir de drones
02:46 et j'analyse les données acquises sur un logiciel de photogrammétrie.
02:51 En fait, la photogrammétrie, c'est la modélisation en 3D
02:54 à partir d'images en deux dimensions.
02:56 Le logiciel détecte les points communs entre les images
02:59 et retrouve la position exacte des caméras.
03:02 Et il est ainsi possible de générer une orthomosaïque
03:05 et un modèle numérique de surface.
03:08 L'orthomosaïque est une mosaïque d'images.
03:11 Par exemple, dans ce logiciel d'information géographique,
03:14 je peux afficher une orthomosaïque ou des images satellites à plusieurs dates.
03:19 Lorsque l'on trace le trait de côte à différentes dates,
03:22 par exemple ici en bleu avant cyclone,
03:25 en rouge après cyclone ou en vert à plus de 2 ans,
03:28 on peut regarder l'évolution du littoral,
03:32 vérifier s'il y a accrétion, érosion ou stabilité.
03:36 Le laboratoire LIEN participe au programme de recherche ADAPTOM.
03:43 Son but ? Anticiper et s'adapter aux conséquences du changement climatique
03:47 dans les îles habitées d'outre-mer.
03:49 Mais ces recherches pourraient bénéficier en réalité à toutes nos côtes.
03:54 L'intérêt du projet ADAPTOM, c'est de produire un retour d'expérience
03:58 sur les dites solutions fondées sur la nature
04:01 qui sont actuellement déployées sur les territoires.
04:04 C'est intéressant parce que la méthodologie qu'on a construite
04:09 nous permet une réplicabilité en termes d'analyse
04:13 qui aide aussi les acteurs entre eux à avoir une idée des leviers,
04:18 des barrières à la mise en place de ces solutions.
04:22 Et puis de faire du lien entre les acteurs à l'occasion d'ateliers de terrain
04:26 pour permettre une circulation des connaissances
04:30 et de savoir où on en est aujourd'hui concernant les solutions fondées sur la nature.
04:38 Parmi les grands types de solutions, d'une part,
04:42 tout ce qui va être la promotion d'un développement plus durable
04:46 et moins impactant pour les écosystèmes,
04:48 c'est le cas des récifs coralliens, des mangroves, des herbiers marins,
04:52 des systèmes côtiers végétalisés.
04:54 D'abord, ils atténuent la houle, notamment les houles de tempête,
04:57 par exemple les houles cycloniques.
04:59 Quand elles arrivent à la côte, la première barrière qui freine la houle,
05:03 c'est le récif corallien.
05:05 Si par exemple on est à Mayotte, on a des mangroves, on a des herbiers.
05:09 Donc il y a vraiment un effet de freinage de la houle
05:12 qui donc amortit son énergie
05:14 et fait qu'ensuite cette houle cyclonique est beaucoup moins dévastatrice
05:17 quand elle arrive à terre sur les aménagements humains.
05:20 Donc ça, c'est le premier rôle des écosystèmes.
05:22 Ce sont les plus beaux brise-lèmes naturels qu'on ait.
05:26 Et ensuite, leur deuxième rôle, c'est que mangroves, herbiers et végétation,
05:32 qui sont aussi du nez des plages,
05:34 fixent, finalement, interceptent tous les sédiments qui sont apportés par les vagues.
05:39 Les fixent.
05:40 Et en les fixant, ces écosystèmes font un truc qui est assez génial,
05:43 c'est qu'ils sont capables de se développer verticalement.
05:46 Et donc en s'exaussant, en se développant verticalement,
05:49 ils s'ajustent à l'élévation du niveau de la mer
05:52 et ils annulent ces effets sur les côtes.
05:54 Donc, sinon autrement, si la mer monte de 10 cm
05:57 et que la mangrove réussit par captation de sédiments
05:59 et par fixation de ces sédiments avec ses racines
06:02 à monter aussi de 10 cm,
06:04 on se retrouve en fait avec une annulation de l'effet élévation du niveau de la mer.
06:08 Si les scientifiques ont des solutions,
06:12 les adapter localement est une autre paire de manches.
06:15 Les collectivités doivent d'une part entreprendre la protection immédiate
06:18 de leurs administrés et des activités économiques,
06:21 souvent avec des ouvrages de protection
06:24 qui impactent les écosystèmes côtiers, les plages.
06:28 Et d'autre part, ils doivent envisager des solutions de long terme,
06:31 par exemple en renaturant les côtes
06:34 et en relocalisant plus loin les habitations et activités de bord de mer.
06:38 L'État, à travers la direction départementale des territoires et de la mer,
06:42 anticipe et accompagne cette transformation.
06:45 La loi Climat et Résilience a amené des outils tout à fait essentiels
06:50 pour limiter l'exposition des biens
06:54 au risque de l'érosion littorale.
06:57 À ce titre, une cartographie va être mise en place
07:01 pour les collectivités
07:04 qui vont être intégrées dans le dispositif,
07:07 avec un zonage particulier permettant d'identifier
07:11 là où le recul sera dans la période de 0 à 30 ans.
07:15 Et là, on ne pourra plus construire.
07:18 Et puis, il y a toute la bande entre 30 et 100 ans.
07:23 Donc, sur cette zone-là, où on sait que l'érosion du trait de côte va continuer,
07:28 il y a des mesures particulières qui vont pouvoir être prises par les collectivités.
07:32 Ce sont les collectivités qui sont au cœur de la manœuvre pour cela,
07:36 avec notamment la possibilité d'utiliser un droit de préemption urbain dédié,
07:41 avec la mise en place d'un bail réel immobilier particulier,
07:46 de manière justement à encadrer,
07:49 avec aussi à la clé une obligation de démolition et de remise à l'état naturel,
07:54 de manière aussi à ce que la nature puisse reprendre ses droits derrière.
07:58 Donc, tout un ensemble d'outils qui sont là à la fois pour favoriser
08:02 une gestion prudente de l'habitat tel qu'il est aujourd'hui,
08:06 mais également commencer à travailler sur les relocalisations d'habitats,
08:11 d'activités en dehors de ces secteurs les plus menacés.
08:17 Et pour terminer, au niveau des solutions concrètes,
08:21 il y a certes des solutions qui permettent par exemple de ne pas construire trop proche du littoral,
08:27 mais est-ce qu'il y a d'autres...
08:29 Pas le choix !
08:31 N'arrête pas les sportifs !
08:33 Du coup, au niveau des solutions, est-ce que vous avez des exemples concrets dont vous souhaitez nous parler ?
08:41 Vous avez ici, vous êtes assis sur le muret qui a été construit dans le cadre du papy.
08:46 Le papy, c'est un programme qui a été décidé après Xynthia justement,
08:50 pour tenter de limiter les risques de submersion.
08:54 Donc vous avez ça ici qui court tout le long du littoral.
08:58 Par ailleurs, Xynthia nous a fait prendre conscience encore plus
09:02 et on a maintenant ce qu'on appelle un PPRL, un plan de prévention des risques littoraux,
09:05 qui définit des zones inconstructibles parce qu'elles sont submersibles.
09:08 Donc on ne peut pas construire des murs de 10 mètres de haut partout,
09:12 ce n'est pas du tout l'idée, mais prendre des précautions,
09:16 être conscient du problème et je pense que les gens sont aussi conscients maintenant.
09:20 En tout cas, ils ont pris conscience.
09:22 Est-ce que tous sont aussi conscients que d'autres ? Peut-être pas,
09:25 mais ils ont pris conscience des problématiques et des solutions qu'on essaie d'être en oeuvre.
09:29 Merci beaucoup, monsieur !
09:31 De rien !
09:34 [Musique]

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