Lorsque Gilles Deleuze inventa le concept de « pop’philosophie », ce n’était pas pour désigner une nouvelle forme de philosophie, qui ferait de la « pop culture » son objet ou son but. La « pop’philosophie » que Deleuze avait en tête ne se voulait pas philosophie de tel ou tel objet, de tel ou tel moment, ou de tel ou tel phénomène puisé dans l’air du temps ou le flux de l’époque. Au contraire, il y avait quelque chose d’aristocratique, et en même temps d’un peu pervers, dans l’idée de « pop’philosophie » : une manière d’être encore plus philosophique qu’avant, encore plus abstrait, encore plus conceptuel. La « pop’philosophie », pour Deleuze, c’était, plutôt qu’un question d’objet, une question d’intensité : est « pop » une philosophie qui peut prétendre à l’intensité de la « pop », à son électricité, à sa puissance de fascination. Le fait que cette intensité, aujourd’hui, naît avec plus de facilité de la prise en considération de la musique électronique, du roman de science-fiction et du cinéma de blockbuster que des œuvres tirées de la haute culture n’est qu’un hasard. Mais, un tel hasard est aussi celui d’une rencontre – et, pour Deleuze, une rencontre est quelque chose à cultiver en vue d’en tirer les plus belles, les plus riches et, oui, les plus intenses conséquences. Telle est donc la « pop’philosophie » que nous défendons : l’art de tirer de la rencontre avec les objets les plus triviaux les conséquences les plus élevées – un art qui, s’il n’est pas excitant, n’est rien.
Laurent de Sutter
Laurent de Sutter
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Art et design