Louis Taillefer est l’une des personnalités scientifiques les plus en vue des dernières années. Un parcours professionnel exceptionnel et une manière de raconter la science qui tient plus du conte fantastique que de l’explication ardue ont fait du physicien le chouchou des médias. Avec lui, la physique quantique devient presque un jeu, une gigantesque course au trésor. L’histoire de Louis Taillefer est celle d’un scientifique obstiné qui s’est lancé sur la piste de la mystérieuse supraconductivité, avec comme objectif de mettre à jour et d’élucider le comportement des électrons dans la matière. En 1988, Louis Taillefer s’installe à Grenoble, ville européenne de grand renom dans le domaine de la physique, pour trois années d’études post-doctorales. Là, il découvre que l’UPt3 possède plusieurs phases supraconductrices. C’est une petite révolution pour la physique quantique. Les quatre publications scientifiques qu’il écrit durant cette période font figure de référence. Elles ont déjà été citées plus de 700 fois dans d’autres articles ! Au cours des dix ans qu’il passe en Europe, le physicien en profite pour voyager et se frotter à d’autres cultures. Cependant, le globe-trotter prend peu à peu conscience de ses racines québécoises et, en 1991, c’est à l’Université McGill qu’il choisit de commencer sa carrière de professeur. Il y restera six ans. Ses travaux sur les cuprates, d’autres matériaux supraconducteurs, lui valent déjà de nombreuses distinctions. Il reçoit notamment la bourse Steacie du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada, la médaille Herzberg de l’Association canadienne des physiciens et physiciennes et le prix Urgel-Archambault de l’Association francophone pour le savoir (Acfas).En 1998, le professeur déménage son laboratoire à l’Université de Toronto, qui lui déroule le tapis rouge en recrutant quatre autres chercheurs en supraconductivité. Louis Taillefer est le moteur de l’équipe. En juillet 1998, il prend la tête du programme de supraconductivité de l’Institut canadien de recherches avancées (ICRA), qui regroupe la crème des scientifiques du pays dans ce domaine. Sous sa tutelle, le programme prend une envergure sans précédent : le nombre de membres du réseau double, dix scientifiques étrangers sont aussi associés, dont deux Prix Nobel. Les échanges se multiplient, le modèle d’organisation de l’ICRA en supraconductivité fait bientôt l’envie des autres pays.Toutefois, Toronto ne peut offrir à Louis Taillefer et à sa femme, l’architecte Louise Brisson, ce qui leur tient le plus à cœur : une éducation pour leurs enfants, conforme à leurs idéaux. Le physicien est en effet persuadé que le système scolaire classique tue l’imagination, par une approche trop académique, déconnectée du rythme de développement des enfants. En 2002, la famille quitte donc Toronto pour Sherbrooke, où Raphaël, 8 ans, et Charlotte, 6 ans, fréquentent l’école Les-Enfants-de-la-Terre de Waterville. Cette école publique a un statut particulier car elle appartient aux parents, qui doivent par conséquent assumer la construction et l’aménagement des bâtiments. L’enseignement y est proche de la nature, des arts et de l’histoire, et la pédagogie suit les préceptes de l’Autrichien Rudolf Steiner. Aux côtés de sa femme, présidente de la corporation de l’école, Louis Taillefer s’est engagé à fond, comme responsable du comité d’investissement. C’est l’autre moitié de sa vie, dit-il en souriant. L’Université de Sherbrooke, quant à elle, a accueilli à bras ouverts le physicien qui vient d’obtenir la direction du nouveau programme de l’ICRA sur les matériaux quantiques pour les cinq prochaines années. L’histoire du physicien continue : au prochain épisode, l’annonce d’un nouvel état de la matière dans les cuprates supraconducteurs…
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