Rencontre avec un ancien agent de la DGSE

  • l’année dernière
Imaginez que vous ayez eu l’occasion de rencontrer un ancien agent de la DGSE, le service de renseignement de la France, et que vous puissiez lui poser toutes vos questions sans tabou ni limite.
4 inconnus sont venus échanger à l'aveugle avec François. Séparés par un rideau, ils s'entendent mais ne se voient pas.

Merci à nos invités de s’être prêtés au jeu.

Voici le nom du livre de François : KGB-DGSE - 2 espions face à face", disponible aux éditions Mareuil

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Fun
Transcript
00:00 Ça vous dérange pas de, par exemple, exécuter quelqu'un ?
00:02 Est-ce que vous avez déjà eu peur pour vous, pour votre famille ?
00:05 On vous a jamais attrapé en mission ?
00:07 Quel type de secret vous ne pouvez pas partager ?
00:09 Quel est l'ennemi numéro un de la DGSE ?
00:11 Est-ce que vous voulez coucher avec une fille pour obtenir un renseignement ?
00:14 Imaginez que vous ayez l'occasion de rencontrer un ancien agent de la DGSE
00:18 et que vous puissiez lui poser toutes vos questions, sans tabou, sans limites.
00:21 Quatre inconnus sont venus échanger à l'aveugle avec notre invité.
00:24 Séparés par un rideau, ils s'entendent mais ne se voient pas.
00:28 Votre rôle à vous, il consiste en quoi exactement ?
00:31 Officier traitant, c'est le monsieur qui va manipuler une source
00:35 et c'est la source qu'on appelle agent secret en fait.
00:38 La source est la personne qui se trouve dans la structure utile
00:42 où il faut chercher le renseignement.
00:44 Et c'est quoi un excellent officier traitant ?
00:46 C'est celui qui sait manipuler les autres,
00:48 qui a réussi à ce que l'autre ait trahi son pays.
00:51 Ça, c'est une ex plus ultra et qui fait table rase de toute moralité.
00:54 Du coup, vous devez vous inventer une fausse vie ?
00:57 Oui, disons un faux...
00:59 Ça, ça rentre dans ce qu'on appelle la légende.
01:01 Il faut plusieurs mois pour préparer une légende.
01:03 C'est-à-dire se faire, se donner, s'approprier un faux métier,
01:07 s'approprier, bien sûr, un faux permis de conduire, faux passeport.
01:10 Alors, bien sûr, fausse date de naissance, faux lieu de naissance, tout est faux.
01:13 Du coup, les sources, vous les recrutez comment ?
01:15 Alors, je prends un exemple bateau.
01:17 Supposons que le gouvernement s'intéresse à la fabrication des hélicoptères.
01:21 Eh bien, le gouvernement, il a une base de données.
01:23 Il a une base de données qui est la fabrication des hélicoptères.
01:26 Eh bien, le gouvernement, donc, a pour objectif de voir ce que font les autres pays amis,
01:32 alliés, les autres ingénieurs étrangers en termes de fabrication d'hélicoptères.
01:37 Donc, on va choisir, on va envoyer un officier traitant dans le pays en question.
01:41 Et cet officier traitant, qui doit parler la langue du pays, bien sûr,
01:44 va chercher au mieux une personne qui travaille dans l'usine où on fabrique les hélicoptères.
01:49 Pour ce faire, il va environner d'abord la structure.
01:51 Il va chercher un ingénieur, en tout cas une personne qui travaille dans l'usine.
01:55 Se faire connaître dans l'environnement de cette personne pour qu'elle ne soit pas étonnée
01:58 le jour où vous allez lui poser une question.
02:00 Et au bout d'un mois, deux mois, on commence à bien la connaître.
02:03 Et petit à petit, vous l'amenez à faire en sorte qu'il vous apporte des documents,
02:07 j'irais intéressant, pas forcément sucrés et intéressants.
02:09 Ça, c'est long à faire, il faut des mois.
02:11 Est-ce que vous avez déjà eu peur pour vous, pour votre famille ?
02:14 Non, pas vraiment, non, parce qu'on est formé pour ça.
02:16 On est formé pour réagir à des situations imprévues ou dangereuses, non.
02:21 Je vais vous donner un exemple.
02:22 Est-ce que vous voulez un exemple ?
02:23 J'étais en Éthiopie à l'époque de la grande famille des années 80, du temps où c'était
02:27 Mengistu Ahiliye Mariam, qui était le dite acteur de l'Éthiopie à l'époque.
02:35 Et il y avait une famine terrible.
02:37 Pendant cette famine, un jour, des voisins sont venus avec deux ou trois salades.
02:43 Parce qu'une salade bien fraîche, bien ronde pendant une famine, c'est un trésor,
02:48 c'est quelque chose d'extraordinaire.
02:49 La formation que j'avais reçue pendant une année à Paris, à la DGSE, m'a conduit
02:55 à être prudent quand même.
02:56 Et j'avais des lapins parce que j'avais des petits-enfants, et j'ai donné ces salades
03:01 aux lapins.
03:02 Le lendemain, ils étaient morts quand même.
03:03 Ça veut dire que le métier est dangereux.
03:06 Et si je n'avais pas fait attention, si je n'avais pas pris cette précaution-là,
03:09 je ne serais pas en train de vous parler en ce moment.
03:11 Voilà, c'est clair ça.
03:12 D'autres questions ?
03:13 Comment vous l'avez vécu, cette situation ?
03:18 Je l'ai vécu en faisant très attention à moi-même et à ma famille.
03:22 Quand, par exemple, à la première guerre du Golfe, l'année 1990, j'étais au Pakistan,
03:27 nous étions considérés comme des mécréants par les Pakistanais qui adulaient Saddam
03:32 Hussein.
03:33 Donc on était très très mal vus.
03:34 Et à ce moment-là, j'avais un revolver avec moi.
03:37 Je circulais avec une fausse plaque d'immatriculation.
03:42 Les enfants, on avait changé d'école, on faisait quand même attention à sa peau.
03:47 On était dans un pays dangereux.
03:49 Est-ce que la famille était au courant ?
03:50 Elle ne savait pas ce que je faisais.
03:52 De la même façon, quand j'étais à l'étranger sous couverture, la couverture c'est un métier
03:58 que l'on s'approprie pour faire semblant.
04:00 Par exemple, quand j'étais en Ethiopie, j'étais sous couverture diplomatique.
04:04 Autrement dit, j'épousais le métier d'un secrétaire d'ambassade et mon travail d'officier
04:09 traitant.
04:10 En revanche, quand j'étais sous légende, et là on rejoint le bureau de légende, si
04:16 vous voulez, j'avais un faux métier.
04:18 Tout était faux.
04:20 Le permis de conduire, la sécurité sociale, ma date de naissance, le lieu de naissance,
04:26 tout ça c'était faux.
04:27 La méthode qu'on vous a fait apprendre pour réussir à faire trahir le contact que vous
04:33 devez approcher ?
04:35 Il y a plusieurs méthodes.
04:37 En fait, c'est un ensemble.
04:38 Il y a de tout.
04:39 Il y a le combat rapproché, de l'ouverture de coffres forts ou de serrure de voiture.
04:44 On a appris à ouvrir des lettres sans que personne ne s'en aperçoive.
04:46 Ça fait partie de la formation.
04:48 J'ai beaucoup de courriers en ce moment et je voudrais bien ouvrir mes lettres.
04:52 Autrefois, je dis autrefois, parce que maintenant les cols ne sont peut-être plus les mêmes.
04:57 Attention.
04:58 Eh bien, par la vapeur d'eau, tout simplement.
05:00 On passe.
05:01 Mais attention, il ne faut pas que ce soit une vapeur trop forcée, trop humide, sinon
05:05 le papier va gondoler.
05:06 On a des instruments pour faire de la vapeur sèche.
05:09 De façon à ce qu'on puisse recoller facilement avec tous les éléments, il ne faut pas que
05:13 la colle coule.
05:14 Est-ce que vous avez des petits conseils de manipulation à nous transmettre pour pouvoir
05:20 manipuler les humains ?
05:21 Très bonne question.
05:23 Eh bien, il faut du temps.
05:24 D'abord, beaucoup de temps.
05:25 Ça peut durer plusieurs mois.
05:26 C'est pour ça que notre métier coûte cher.
05:29 Comment faire ? Eh bien, d'abord, il faut faire ce qu'on appelle l'environnement
05:33 de la personne.
05:34 C'est connaître ses habitudes.
05:35 Quel véhicule il prend pour aller au boulot, au travail ? Quels sont ses loisirs ? Est-ce
05:39 qu'il fait du sport ? Quel sport ? Comment on le fait ça ? Dans quels circonstances ?
05:43 Eh bien, il faut s'introduire auprès de la personne.
05:47 Pas brusquement, mais lentement.
05:49 S'il prend le train, par exemple, ou le bus.
05:51 Autrefois, on fumait dans les trains.
05:53 Eh bien, vous allez lui demander du feu, par exemple.
05:55 Vous allez me dire que c'est facile.
05:56 Mais ce n'est pas vrai.
05:57 Il faut trouver le sujet.
05:59 Et petit à petit, vous allez vous mettre à côté de lui, le matin.
06:03 S'il fait du tennis, eh bien, faites du tennis comme lui, au même endroit.
06:07 Payez un abonnement.
06:08 Même si ça doit vous coûter.
06:11 Même si vous ne savez pas faire du tennis, vous le faites.
06:13 Montrez que vous savez faire, alors que normalement, vous ne saviez pas faire.
06:17 Il faut apprendre avant.
06:18 C'est tout un art.
06:19 Vous savez, je dis toujours, on est des salopards habillés en habits de gentlemen.
06:24 Quelquefois, je me suis dit, merde, je fais un métier, quand même, qui n'est pas commun.
06:28 Je ne sais pas si vous connaissez les Total Spies.
06:31 Leur patron, c'est Jerry.
06:32 Et il leur filait tout le temps, en fait, des accessoires pour agents secrets.
06:36 Et parmi ces accessoires, il y avait du mascara qui se transformait en je ne sais plus quoi,
06:40 une larme fatale.
06:41 C'est à dire, est-ce qu'il y a des objets de la vie de tous les jours qui peuvent être
06:45 contournés en armes ?
06:48 Peut-être, oui.
06:49 Moi, j'ai fait du close combat, du combat rapproché avec, par exemple, une attache
06:53 équise.
06:54 On peut tuer.
06:55 Ah oui ? C'est vrai que je me suis déjà coupée avec une feuille.
06:58 Ah bon ?
06:59 Oui.
07:00 Qu'est-ce qui tue dans une attache équise ?
07:01 Quand on va vite, vous faites jaillir rapidement le tranchant entre les jambes.
07:06 Eh bien, je vous assure que ça peut faire mal.
07:08 Ah oui.
07:09 Quelle est la chose la plus folle ou la plus difficile que vous ayez dû faire pour construire
07:14 vos jambes ?
07:15 Ah voilà, très bien, très bien.
07:16 C'est une question que j'allais me poser à moi-même.
07:18 Est-ce que vous voulez coucher avec une fille pour obtenir un renseignement ?
07:20 Ah, ça dépend.
07:21 C'est tentant quand même, non ? Vous qui êtes homme.
07:24 Ça dépend de la fille, ça dépend de la fille, attention.
07:26 Exactement, oui, mais vous ne la connaissez pas la fille, à priori.
07:29 Eh bien, j'ai dit non.
07:30 Bravo.
07:31 J'ai dit non, d'abord par éthique personnelle.
07:35 Donc, on a choisi notre personne qui, elle, a accepté.
07:38 D'accord, donc ça, par exemple, c'est l'une de vos limites.
07:42 De mes limites, oui.
07:43 C'est la seule d'ailleurs.
07:44 Pour le reste, je peux faire tout ce qu'on veut.
07:47 Donc, ça ne vous dérange pas de, par exemple, exécuter quelqu'un par accident ou non ?
07:53 Je n'étais pas dans ce service-là.
07:54 Il y a le service Action.
07:56 Le service Action, il est là pour ça.
07:58 Mais comment est-ce que ça se fait que ça vous pose plus problème de coucher avec une
08:03 femme que de tuer une femme ou un homme ou quelqu'un ?
08:07 Parce que la liaison entre un mari et une femme, c'est une liaison sacrée, on va dire.
08:12 C'est pour ça, c'est tout.
08:13 Et la vie, ce n'est pas sacré ?
08:14 En soi, bien sûr.
08:15 Mais quand il s'agit de sauver sa peau pour des raisons que l'État juge utiles,
08:20 à ce moment-là, oui, la vie est peut-être sacrée, mais on peut la supprimer.
08:24 C'est peut-être idiot ce que je dis, mais c'est comme ça.
08:27 Est-ce que vous êtes responsable pénalement de vos actes lorsque vous êtes en mission ?
08:32 Non, pas du tout.
08:33 La responsabilité pénale, elle est obérée, si on peut dire, par le fait qu'on travaille
08:38 sous la caution de l'État.
08:39 D'ailleurs, je crois que la devise, s'il y en a une, de la DGSE, des services spéciaux
08:44 français, ça serait "la faim justifie les moyens".
08:47 Il n'y a pas de limite, ça veut dire au final ?
08:49 Il n'y a pas de limite, oui, c'est ça.
08:50 Donc ça veut dire qu'il n'y a pas de limite pour tromper l'autre ?
08:52 Absolument.
08:53 Mais du coup, ce n'est pas légal ?
08:54 Ah mais ça, alors, ça met complètement l'égal pour le coup.
08:57 Tout ce que je vous dirais, c'est avec un filigrane derrière moi, le fait que tout
09:02 est illégal.
09:03 Vous croyez que faire trahir quelqu'un, essayer de trahir quelqu'un, c'est légal ?
09:08 Mais c'est horrible.
09:09 Non, vous avez raison, c'est horrible.
09:10 Bon, voilà.
09:11 Mais c'est ça qui est passionnant, vous voyez, avoir la caution d'État pour faire
09:16 des choses illégales, moi je trouve que ça m'impassionne.
09:18 Pourquoi dans l'illégalité ?
09:19 Écoutez, je vais vous dire une chose qui est triviale.
09:24 Quand vous amenez quelqu'un à trahir, est-ce que c'est bien ou pas bien pour vous ?
09:29 Non.
09:30 Bon, voilà.
09:31 Donc, ce n'est pas bien.
09:32 C'est illégal de faire ça.
09:33 Et bien, ça devient légal parce qu'on le fait sous la permission de l'État.
09:39 Oui, vous avez des prérogatives, donc du coup, ça devient illicite automatiquement.
09:44 Mais si je faisais ça de mon propre chef, et bien ça, ça serait illicite.
09:48 Ce qui est illicite pour le bien de l'État, c'est possible, voilà.
09:53 Vous savez, je n'ai aucun problème de moralité ou de morale par rapport à ça.
09:56 Vous savez, on est en guerre permanente.
09:58 Moi, c'est ce que je dis toujours, et c'est Clausewitz qui a dit ça.
10:01 Ce n'est pas parce qu'on est en paix, en termes de paix, qu'on ne va pas aller chez
10:04 même les alliés pour aller pomper des documents chez eux.
10:07 Oui, pourtant, ce sont des alliés.
10:09 Je vous choque peut-être, mais c'est comme ça.
10:12 Aujourd'hui, avec la vision que j'ai des choses, je me dis que c'est quelqu'un à
10:14 qui on ne peut pas faire confiance.
10:16 Enfin, je ne dis pas que vous êtes quelqu'un.
10:17 Ça se trouve, vous êtes quelqu'un de tout à fait charmant.
10:20 Mais je me méfierais toujours si je vous avais dans mon entourage.
10:25 J'aurais une espèce de paranoïa constante.
10:28 Même si j'étais votre femme ou votre fille, je me dirais, est-ce qu'il a fait des choses
10:34 mal ? Est-ce qu'il est si gentil qu'il n'y paraît ? Est-ce que c'est quelqu'un
10:39 de bien ? Est-ce qu'il peut bafouer ses principes pour respecter les ordres qu'on
10:45 lui a donnés ?
10:46 Pour le côté charmant, je suis d'accord.
10:47 Pour le reste, j'allais dire que je ne suis pas du tout d'accord, bien qu'il y ait
10:51 des points, des traits tout à fait vrais.
10:53 Pour le mensonge, tout ça.
10:54 Le mensonge, le vol, la compromission, tout ça, ça fait partie du métier.
10:59 Ça ne fait pas partie de la vie du tout les jours.
11:01 Chose vraie que vous avez dite, que c'est un métier passionnant.
11:04 Ça, c'est vrai.
11:05 Qui vous fait peur maintenant, oui, parce que vous vous êtes dit, vous l'avez dit,
11:09 le mensonge, il est facile de mentir peut-être, oui.
11:12 Est-ce que vous avez déjà reconnu votre métier dans tout ce qui est cinématographique,
11:16 les films ou les séries qui sont sortis ? Le Bureau des légendes.
11:19 Le Bureau des légendes, c'est une très bonne série.
11:21 On s'y croirait presque, si ce n'est que travailler sous les jantes pendant une année
11:24 ou deux ans, pour moi, c'est impossible.
11:26 Quand on tient un mois dans un pays, même un pays allié, c'est difficile parce qu'on
11:30 peut commettre des erreurs.
11:31 Un jour, j'étais donc dans un pays, je suis allé dans une boîte de nuit pour me détendre.
11:34 C'était le soir, j'ai bu pas mal de bière, tout ça.
11:36 Et le lendemain matin, je ne sais pas si ça existe encore, les travelleurs tchèques,
11:40 les tchèques de voyage, au verso, vous apposez votre signature et je me suis trompé de signature
11:45 parce que quand on est sous les jantes, tout est faux.
11:47 La signature, la femme, l'épouse, enfin bref.
11:49 Heureusement, je m'en suis aperçu.
11:51 Alors j'ai fait une rature.
11:52 Vous aviez des avantages, tout ce qui est, par exemple, voiture de fonction, logement,
11:58 chauffeur ?
11:59 Oui, allez-y, pardon.
12:00 Garde du corps ?
12:01 Il n'y a que l'argent qui vous intéresse, vous ?
12:02 Oui, c'est ça.
12:03 C'est incroyable.
12:04 J'aimerais bien savoir si je dois me mettre avec un agent de la DGSC ou pas.
12:10 Faire ce métier, peut-être ?
12:12 Non.
12:13 Ah oui ?
12:14 Par voiture de fonction, par contre, nous avions des...
12:16 Le logement était payé aussi, mais nous avions un salaire correspondant, je l'ai dit
12:20 tout à l'heure, qui était triplé, voire quadruplé.
12:22 Est-ce que vous avez déjà eu des difficultés à sortir d'une légende, d'un rôle que
12:29 vous vous êtes attribué pour une mission ?
12:31 Non, je n'ai jamais eu de difficulté parce qu'on apprend à dissocier les deux, c'est-à-dire
12:36 la vie, sa vie, sa propre vie, et puis l'autre vie qu'on demande de jouer.
12:40 Mais on la demande de jouer pendant un instant assez court, pas plus d'un mois, je dirais.
12:44 Dans toutes nos formations, on est surveillé, on est contrôlé par des psychiatres.
12:48 Si on voit qu'on est instable, s'il y a des problèmes de morale, si on a des problèmes
12:54 même dans les réponses ou dans les attitudes qu'on a, eh bien non, on ne peut pas être
12:59 officier traitant, ce n'est pas possible.
13:00 C'est un métier difficile qu'on ne trouve pas, je l'ai dit, je le redis, à Pôle
13:04 Emploi ou en traversant la route.
13:06 Quand Macron a dit ça un jour, ça m'a fait bondir.
13:08 Voilà.
13:09 François, j'ai une question un peu plus large, c'est sur les différents services de renseignement
13:13 dans le monde.
13:14 Selon vous, quels sont les meilleurs services de renseignement ?
13:16 Dans l'ordre, je mettrais peut-être le Moussa de l'Astasie, on avait peur de l'Astasie.
13:21 Je veux dire, l'Astasie, c'est le service de renseignement de l'Allemagne de l'Est,
13:25 autrefois.
13:26 Il y a un service de renseignement qui ne s'appelle pas comme ça, qui est excellent,
13:30 je trouve, ce sont les Mormons.
13:31 Ils connaissent tous les Mormons.
13:32 Il y a un autre service de renseignement qui ne donne pas son nom, c'est le Vatican.
13:35 Ils vont dans le monde entier, non ? On les invite chez nous.
13:38 Une invitation chez soi, c'est une des façons de faire une manipulation cachée, vous voyez.
13:44 Donc en gros, ce serait des partenaires des services de renseignement.
13:48 Ah, oui, complètement.
13:49 Mais il n'y a pas qu'eux, il y a aussi les ONG.
13:51 Les ONG qui, eux aussi, vont partout.
13:54 Ils vont dans des structures dans lesquelles nous, on ne peut pas aller, sinon on se fait
13:58 remarquer.
13:59 Alors, est-ce que lorsque la DGSE ordonne un meurtre, il peut s'agir parfois de personnes
14:06 très importantes, type ministre, président, chef de grande entreprise ?
14:13 Mais oui, bien sûr.
14:14 Je vais donner un exemple un peu à côté, à parallèle.
14:18 Le pape Jean-Paul II, on a bien donné l'ordre à quelqu'un de le tuer, quand même.
14:23 Et le pape Jean-Paul II, c'est bien président de milliards d'hommes.
14:27 Bon, oui, je vais très loin dans la réponse.
14:29 Et puis d'autres.
14:31 Kennedy, il a bien été tué par quelqu'un à qui on a dit de le tuer.
14:36 Ah, donc ce n'était pas des fanatiques ?
14:37 Non, ce n'est pas forcément des fanatiques.
14:39 Non.
14:40 Et du coup, c'est quoi les affaires majeures de la DGSE ?
14:42 Mais je ne vous dirai pas.
14:43 Ah, vous ne vous le direz pas.
14:44 Je ne vous dirai pas précisément quel sujet.
14:48 Pourquoi vous ne pouvez pas être précis ?
14:50 D'abord, je n'ai pas le droit.
14:51 Je suis indisciplinaire.
14:52 Et puis, je peux être condamné aussi.
14:55 Ah, il y a une condamnation, carrément ?
14:56 Mais la belle affaire, bien sûr.
14:58 Mais pas le peloton d'exécution.
14:59 En France, la peine de mort n'existe plus.
15:01 Mais autrefois, oui, ça existait.
15:03 Pour ce genre de choses.
15:04 Vous auriez pu aller jusqu'à la peine de mort avant ?
15:06 Trahir son pays, c'est la peine de mort d'habitude.
15:08 D'habitude.
15:09 Êtes-vous au courant des raisons de votre mission ?
15:11 Des missions qui lui ont été confiées ?
15:13 Est-ce qu'on vous dit pourquoi ?
15:15 Non, non, non, on ne s'en rend pas compte.
15:18 Je vais répondre par un exemple.
15:19 Bon, j'ai fait des études, tout à l'heure, je l'ai dit, chez les Pères Jésuites.
15:22 Donc, j'ai fait du latin pendant, je ne sais plus, 5-6 ans.
15:25 Mais je ne me suis jamais posé la question de savoir pourquoi on faisait du latin.
15:28 En fait, le latin développe l'esprit d'analyse, énormément.
15:31 Et aussi de synthèse.
15:32 Là, c'est pareil.
15:33 Quand on m'a donné ces missions, ça fait partie de la formation que j'avais intégrée.
15:38 J'avais intégré ce système de formation dès le début.
15:41 Vous voyez, je ne me suis jamais posé cette question-là.
15:43 Vous savez, le premier jour où je suis rentré en formation, on m'a fait faire une dictée.
15:47 J'ai dit quand même, une dictée.
15:49 J'ai fait des études supérieures, pour faire sentir.
15:52 C'est quand même un peu drôle, quand même.
15:54 Moi, j'ai fait ma dictée.
15:55 Je ne me pose pas de questions.
15:56 Si je m'étais posé des questions, ou si nous nous étions tous posé la même question,
16:00 ça aurait été bizarre, quand même.
16:01 Non, on était déjà préformés.
16:03 D'ailleurs, comment ça se fait que vous pouvez témoigner à visage découvert aujourd'hui ?
16:10 Et du coup, qu'est-ce qui nous dit que vous êtes vraiment un agent de la DGS ?
16:14 Il y a deux questions.
16:16 La première, est-ce que vous avez demandé l'autorisation pour faire ce que je fais, là, tout de suite ?
16:20 Alors, je n'ai pas demandé l'autorisation.
16:23 D'abord, d'écrire les deux bouquins que j'ai écrits.
16:24 Parce que si j'avais demandé, je crois qu'on me l'aurait refusé.
16:27 Cela dit, les directeurs de la DGSE, j'en connais peu qui n'ont rien dit à leur sortie.
16:32 Pratiquement tous ont écrit Hollande.
16:35 Hollande, il n'a pas été agent, il n'a pas été officier traitant,
16:40 mais il a dit des choses qu'il n'aurait dû jamais dire, François Hollande,
16:42 quand il a quitté la présidence.
16:44 Si le président se permet de faire ça, pourquoi moi, petit bonhomme de rien du tout,
16:48 pourquoi je n'irais pas écrire ce que j'ai envie d'écrire ?
16:50 Cela dit, j'ai quelques réserves, j'ai fait quelques réserves, c'est évident.
16:53 Mais vous ne signez pas une clause de confidentialité quand on vous embauche ?
16:57 Si, en sortant, si. Mais je vais passer au-dessus.
17:00 Est-ce qu'aujourd'hui, il y a beaucoup de femmes agents ?
17:01 Eh bien, agent de renseignement, il y en a eu.
17:04 Joséphine Backer, puisqu'on en parle actuellement, je pense qu'elle l'a été.
17:08 Elle a fourni du renseignement à l'État français, mais il n'y a pas beaucoup de femmes.
17:12 Quel est l'ennemi numéro un de la DGSE ?
17:15 Tous les pays.
17:16 Quand il s'agit de récupérer du renseignement technique et même politique,
17:20 d'ailleurs, parce qu'il en va peut-être pas de la vie de l'État,
17:24 mais en tout cas de la vie économique d'un État.
17:26 Est-ce que parfois, vous avez failli peut-être perdre votre identité
17:31 et vous faire identifier par un ennemi, je ne sais pas moi, durant une mission ?
17:35 Non, mais je peux répondre en biaisant un peu.
17:39 C'était en Éthiopie et j'étais prêt à recruter un officier traitant de l'Allemagne de l'Est.
17:46 C'est quand même formidable ça, parce que si j'avais fait ça, j'aurais bien réussi mon coup.
17:51 Eh bien, quand j'ai rendu compte, parce qu'à chaque rencontre avec une source,
17:54 on rencontre par message, eh bien, quand j'ai rendu compte, on m'a dit
17:58 "Ouh là là, vous allez vous faire recruter vous-même, pourquoi ?"
18:01 Parce qu'on s'était livrés l'un et l'autre, et ce diplomate de la DDR,
18:06 donc de l'Allemagne de l'Est, m'avait offert un disque de BAC.
18:10 Et je l'avais dit ça à mon compte rendu.
18:12 On m'a dit "Oh là, on vous a offert un cadeau, c'est pour vous recruter,
18:15 vous manipuler, alors arrêtez tout."
18:17 Eh bien, j'ai arrêté. On m'a dit "Arrêtez", j'ai arrêté.
18:20 C'est tout, c'est dommage.
18:21 - Quel type de secret vous ne pouvez pas partager ?
18:23 - Eh bien, je ne m'en souviens plus vraiment.
18:25 Quels sont les secrets que je cacherai éventuellement ?
18:28 Eh bien, ça serait ce qu'on appelle des secrets, par exemple, de fabrication d'un matériau.
18:32 Pourquoi ? Parce que ça fait écourter.
18:34 Un procédé de fabrication demande des années peut-être,
18:37 pour être élaboré, pour devenir rentable, au point de vue commercial.
18:41 - Et aujourd'hui, c'est quoi votre plus grande fierté ?
18:43 - C'est d'avoir été dans ces services spéciaux dits de reçonnement.
18:47 Je suis fier d'avoir réussi aussi.
18:49 Je ne dis pas que j'étais un excellent officier traitant.
18:52 Si j'étais officier traitant, c'était bon.
18:54 Parce que si on n'est pas bon, on ne reste pas officier traitant.
18:56 - Cher monsieur, comment vous me représentez ?
19:00 Vous avez des têtes, des lunettes.
19:01 - Moi, je vous imagine comme Pierce Brosman.
19:05 - Un monsieur en costard, cravate.
19:10 Avec des chaussures un peu en cuir, un peu bateau.
19:14 - Dans le 7e, 16e, des beaux quartiers.
19:16 Moi, j'ai cette image.
19:19 - C'est rigolo.
19:20 - Ou un cardigan. Vous voyez les cardigans ?
19:22 - Des lunettes noires.
19:23 - Avec un peu des cheveux poivres et sel.
19:25 Un très bel homme, un regard bleu perçant.
19:30 - Ça va vraiment.
19:30 - Non, je pense que vous êtes le monsieur tout le monde qu'on peut croiser dans un coin de rue
19:34 et avec qui on peut discuter longuement sans savoir que c'est un agent.
19:36 Et avec une petite Rolex, mais fine, pas peuve d'adil.
19:43 - Je me lève. Alors, c'est Alain Delon, je ne sais pas.
19:46 - Bonjour.
19:47 - Bonjour.
19:49 - C'est très mignon.
19:51 - Oui, enchanté.
19:52 - Alors, je n'ai pas de lunettes, mais je n'ai des lunettes.
19:54 Ah non, pas de chapeau non plus.
19:56 - Alors, monsieur.
19:57 - C'est pas mal.
19:58 - Enchanté pour ça.
20:00 Eh bien, j'avais vu juste.
20:02 - Quoi, qui c'est?
20:03 [Générique]

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