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Cédric Mandin, secrétaire général de la Fédération nationale bovine, était le jeudi 26 janvier l'invité de la matinale de franceinfo.

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Transcription
00:00 - On bat donc vers une pénurie de boeufs français, c'est le cri d'alarme que vous poussez Cédric Mandin.
00:04 Bonjour Secrétaire Général de la Fédération Nationale Bovine,
00:08 vous-même éleveur de vaches charolaises en Vendée avec un cheptel de 230 bêtes.
00:13 Et ce chiffre que vous mettez en avant, la France a perdu 837 000 vaches en 6 ans,
00:19 c'est un point de non-retour qui est en train d'être atteint ?
00:22 - Je pense qu'on n'en est pas loin, on en a très peur,
00:24 c'est ce qu'on a lancé depuis au moins 5-6 ans au niveau de toute la filière,
00:30 de tout le monde de l'élevage en disant "faisons attention,
00:32 on n'a plus de renouvellement, on n'a plus de jeunes qui viennent dans nos métiers,
00:35 on a un métier qui malheureusement ne rémunère pas"
00:38 et on voit qu'on est en train de perdre des animaux au fur et à mesure,
00:40 ce qu'on appelle une décapitalisation,
00:42 ce qui fait qu'on commence à annoncer cette pénurie de viande.
00:46 - C'est quasiment 10% des vaches françaises qui ont disparu en 6 ans depuis 2016,
00:52 comment on explique justement cette forte diminution ?
00:55 C'est quoi les facteurs ?
00:57 - Les facteurs, ce que je vous disais, le non-renouvellement des générations,
00:59 c'est-à-dire que des gens arrivent à la retraite,
01:01 les "chaptels", les fermes sont pas reprises malheureusement,
01:04 les vaches s'en vont, des campagnes, elles s'en vont dans toutes les communes,
01:07 on voit partout, toutes les communes, une exploitation qui s'arrête,
01:10 les vaches sont pas reprises, les terres passent souvent l'engrandissement,
01:13 ça c'est très dommageable, il n'y a pas de jeunes, il y a peu de rémunération,
01:16 donc à partir de ça, n'ayant pas de rémunération,
01:19 on démotive les plus motivés pour pouvoir y aller,
01:22 et donc on se retrouve dans une situation où les gens préfèrent arrêter la production.
01:25 - C'est-à-dire que ce sont des métiers qui n'attirent plus,
01:28 les jeunes se disent finalement "on ne peut pas gagner sa vie en étant éleveur".
01:32 - C'est une des grosses crises, c'est pour ça qu'on est poussé sur les logiques des Gallim II,
01:36 cette logique de sécuriser la rémunération des producteurs,
01:40 pour qu'on ait des jeunes qui puissent s'installer,
01:42 qui puissent se lancer dans cette logique-là,
01:44 et qu'on ait capacité de dire "venez dans notre métier,
01:47 il y a capacité de vivre de son métier dignement,
01:50 et il faut absolument y arriver".
01:52 - Et Gallim II, c'est la loi qui régit les négociations avec notamment les distributeurs,
01:57 la grande distribution, c'est aussi un message que vous envoyez ce matin,
02:00 il faut mieux rémunérer l'élevage en France pour qu'il perdure.
02:04 - C'est ça, le message il est là, parce que la crainte c'est qu'on continue de perdre des animaux,
02:08 on se retrouve à importer davantage comme on l'a dit,
02:11 et pour nous c'est très dommageable, il nous faut avoir un modèle qui nous dise
02:14 précisément ce qu'on veut et quel élevage on veut à l'avenir,
02:17 pour les futurs agriculteurs et les futurs éleveurs français.
02:21 - Les conséquences dans nos assiettes justement,
02:23 c'est que la viande de bœuf qu'on consomme,
02:26 elle sera de plus en plus importée, c'est peut-être déjà le cas ?
02:28 - C'est le cas, malheureusement on l'a vu, +6% sur l'année 2022 d'augmentation d'importation,
02:34 pour nous ça nous fait très peur, on a un super produit en France,
02:37 on a un produit d'exception, on a tout le temps mis en avant notre production française,
02:40 avec nos territoires, nos races, toutes ces choses-là qu'on porte derrière,
02:44 il faut pour nous continuer à garder cette logique de mettre en avant la viande bovine française.
02:49 - On a beaucoup parlé de la souveraineté alimentaire au moment de la crise Covid,
02:53 notamment c'est un peu là qu'on l'a redécouvert finalement cet aspect,
02:57 est-ce que finalement c'est ça qui est en danger aujourd'hui avec ce phénomène-là ?
03:01 - Oui tout à fait, c'est le fait de dire on peut trouver à l'extérieur,
03:04 mais qu'est-ce qu'on trouvera dans quelques temps à l'extérieur,
03:06 on l'a vu, on a vu des pénuries, donc c'est pour ça qu'on est très attentifs,
03:09 et on relance ce mouvement d'alerte pour que tout le monde prenne bien conscience,
03:14 l'ensemble de la filière prenne conscience de la situation des éleveurs.
03:17 - Le gouvernement pourtant veut privilégier les productions françaises,
03:20 en tout cas le message officiel c'est ça ?
03:22 - Tout à fait, le message est bien de mettre en avant la production française,
03:25 la nouvelle loi d'orientation veut permettre tout ça, donc il faut qu'on garde cette logique,
03:30 mais il faut aussi que le gouvernement français dise exactement ce qu'il veut aux éleveurs français,
03:34 quel modèle il veut, pour qu'on protège notre modèle français, notre modèle familial,
03:38 plutôt que d'aller sur des gros modèles américains, type des fitlets,
03:42 ou des trucs qu'on ne veut pas en France, et qu'on n'a pas besoin en France avec notre modèle.
03:45 - Alors justement pour lutter contre le dérèglement climatique,
03:48 réduire les émissions de gaz à effet de serre, tous les scientifiques de la planète le disent,
03:52 l'un des moyens les plus efficaces c'est de réduire notre consommation de viande,
03:56 est-ce que finalement il ne faut pas se servir de ce fil directeur pour bâtir,
03:59 comme vous le dites, une filière française peut-être plus réduite en nombre,
04:02 mais encore plus forte en qualité ?
04:05 - C'est ça, continuer à travailler sur la qualité,
04:07 continuer à travailler sur toutes les vertus en biodiversité qui peuvent être portées derrière,
04:12 et puis peut-être, si on a moins de viande française,
04:15 peut-être associer la consommation avec notre production française,
04:19 ne pas vouloir à tout prix mettre de la viande pour mettre de la viande,
04:22 si on ne l'a plus, il faudra peut-être qu'on adapte aussi,
04:25 c'est peut-être tabou, mais notre consommation en fonction de notre production.
04:28 - Mais la ronde priorité peut-être dans certains marchés, les cantines par exemple ?
04:31 - Tout à fait, les diverses lois sont faites là-dessus,
04:34 sur les produits à haute valeur environnementale, biologique,
04:39 il y a plein de choses qui sont faites pour mettre en avant la viande de qualité,
04:42 c'est très important au niveau des enfants, vous l'avez dit, pour les écoles, tout ça,
04:45 il faut pouvoir donner plein de perspectives avec un super produit de qualité,
04:48 mais on l'a en France, il ne faut surtout pas perdre le risque,
04:51 c'est de perdre toute cette valeur ajoutée, tout ce savoir-faire qu'on a en France,
04:55 par un produit d'importation qui sera totalement banalisé,
04:58 et malheureusement avec beaucoup moins de sécurité que ce qu'on fait chez nous.
05:01 - D'où le cri d'alarme que vous lancez ce matin,
05:03 merci beaucoup Cédric Mandin, secrétaire général de la Fédération nationale bovine,
05:07 invité du 5/7 de France Info.

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