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Avec Nadège Vezinat - Professeure de sociologie à l’Université Paris VIII et auteure de l’article disponible en ligne « Le crépuscule des services publics » dans La revue des idées.

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##SUD_RADIO_VOUS_EXPLIQUE-2023-01-27##

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Transcription
00:00 Le Grand Matin Sud Radio, 7h09, Patrick Rocher.
00:05 7h46, pourquoi ça ne répond pas vraiment quand on appelle les services publics ?
00:11 Alors, il y a eu une enquête qui a été publiée par 60 millions de consommateurs.
00:15 Alors, 72%, il faut être très précis, des appels n'aboutissent pas à l'assurance maladie.
00:21 D'après cette enquête, 54% à la CAF.
00:23 Et lorsqu'un interlocuteur répond, comme c'est le cas par exemple à l'assurance retraite,
00:27 l'information recherchée reste inconnue pour, disons, grosso modo, 7 usagers sur 10.
00:33 Pourquoi ça coince ? Nadej Vezina est avec nous, professeur de sociologie à l'université de Paris 8,
00:39 et auteur de cet article qui est disponible en ligne, "Le crépuscule des services publics", c'est dans la revue des idées.
00:46 Bonjour Nadine Vezina.
00:48 Bonjour.
00:49 Bon, dans quel contexte, selon vous, ça s'inscrit, ce fait que les services publics ne répondent pas toujours aux appels des usagers ?
01:01 On est dans un contexte de dématérialisation qui se répand dans les différents services publics.
01:07 Alors, cette dématérialisation, c'est l'usage des outils informatiques.
01:10 Et l'outil informatique n'est pas bon ou mauvais en soi, c'est vraiment un instrument d'action public qui peut répondre à deux logiques.
01:17 On a soit une logique de complémentarité d'une offre au guichet, soit une logique de substitution.
01:23 Or, ce que montre bien le dossier de 60 millions de consommateurs, ce que montre bien le défenseur des droits,
01:31 ce que montrait l'ancien défenseur des droits dans le rapport Toubon de janvier 2019,
01:36 c'était que cette dématérialisation jouait davantage un rôle de substitution que de complémentarité.
01:44 Dans une logique de complémentarité, ça serait une digitalisation qui permettrait la fluidité, l'efficacité,
01:49 d'éviter les files d'attente et d'améliorer finalement la qualité, vous déposez vos pièces en ligne.
01:55 Alors que dans une logique de substitution, on est dans une logique de réduction des coûts,
02:01 qui va prendre le pas pour supprimer des guichets, des lieux d'accueil physique au public.
02:05 Et ce n'est pas logique en fait, selon que vous utilisez cette dématérialisation dans un sens ou dans l'autre.
02:11 Mais sur le papier, on se dit que ça peut marcher, c'est-à-dire s'il y a des gens qui nous répondent au téléphone
02:15 plutôt que de se déplacer, sachant que, en plus de ça, les services publics sont parfois assez loin de là où habitent les usagers.
02:26 Et puis qu'il y a eu, vous l'avez dit, au nom de l'efficacité peut-être une réduction.
02:31 Et pourquoi on ne nous répond pas en fait ? C'est ça la principale question.
02:36 Si on a mis tous ces numéros et tous ces services en ligne.
02:40 C'est ce que je vous dis, au lieu d'être sur une complémentarité d'offre du chez,
02:43 on maintient les mêmes personnes, mais on va les répartir différemment, les mettre à répondre aux gens qui seraient en distanciel,
02:50 à plus éloignés, mais on les maintient présents.
02:53 On va être dans une logique de, on coupe en fait, l'informatisation, la digitalisation et cette dématérialisation,
02:58 elles servent à ne pas remplacer des postes.
03:01 Donc finalement, vous n'avez plus personne au bout du fil.
03:04 Ça crée quoi ? Un éloignement des espaces physiques, vous ne pouvez plus finalement être en réalité devant quelqu'un.
03:10 Et l'enquête pointe bien que tout le monde n'a pas accès à Internet, tout le monde n'est pas équipé.
03:16 Mais il y a aussi d'autres difficultés, l'incompréhension de la procédure.
03:20 Donc finalement, face à un dossier informatique, vous ne saisissez pas correctement,
03:24 donc votre dossier va être bloqué, ça va traîner et une intervention d'un agent sera nécessaire.
03:29 Si cet agent n'est plus là, ces difficultés, elles demeurent.
03:32 - Mais est-ce que ce n'est pas aussi parce qu'il y a beaucoup plus d'appels ?
03:35 C'est plus facile d'appeler pour avoir un petit renseignement que de se déplacer.
03:39 Et donc une inflation d'appels et pas suffisamment de moyens de personnes pour répondre.
03:45 - Alors ça, les appels augmentent sans doute, mais ils augmentent aussi parce que les guichets en physique disparaissent.
03:52 Les CAF, les sous-préfectures, les bureaux de postes qui ferment.
03:55 Je pense que les relations digitales sont suffisamment dures pour que les personnes qui en ont la possibilité préfèrent avoir un contact physique.
04:07 On sent que le rapport à un agent qui va pouvoir prendre en compte votre situation individuelle,
04:13 parce qu'on n'a pas beaucoup de cas, qui n'entre pas complètement bien dans la boîte, si vous voulez.
04:18 C'est-à-dire qui nécessiterait d'avoir une prise en compte particulière, un cas un petit peu singulier,
04:23 qui n'entre pas complètement, qui fait une exception à la règle.
04:26 Et ce que je crains, avec ces pratiques de mise d'éloignement du public de plus en plus,
04:32 eh bien ça va être une augmentation des non-recours.
04:35 Les gens vont cesser d'appeler en fait.
04:38 - Oui, si vous appelez cinq fois et qu'on ne vous répond pas, vous dites stop, c'est ça ?
04:44 - Exactement.
04:46 Et alors, si vous me posez la question d'où ça vient finalement ce phénomène,
04:49 on voit bien qu'au départ, on est quand même aujourd'hui en France avec une logique de gestion des ressources.
04:57 Il n'y a pas d'argent magique, donc il faut, si ce n'est exiger de la rentabilité, en tout cas limiter les dépenses.
05:05 Ce qui va conduire à ne pas remettre de l'argent sur des choses non essentielles,
05:12 donc délaisser des infrastructures.
05:14 On voit bien finalement, on voit avec des problèmes de rails, de guichets qui ne sont pas remis au bout du jour.
05:21 Donc finalement, vous allez avoir un plancher ou un plafond qui ne va pas trop bien.
05:25 Donc ça crée une dégradation des services.
05:28 Cette dégradation des services fait que ça sera moins fréquenté par le public.
05:32 Donc comme il y a moins, on l'a vu sur les bureaux de poste,
05:35 en fermant un bureau de poste, vous allez mettre des horaires d'ouverture qui seront les horaires de 10h à midi.
05:40 10h à midi, les gens sont au travail.
05:44 De 8h à 10h ou de 10h à midi, ça change.
05:46 Comme c'est moins fréquenté, vous pouvez dire "Voyez, personne n'y va, donc on le ferme".
05:50 Les usagers se détournent donc du service et ça va créer un appel d'air pour d'autres services,
05:57 en général qui sont liés à la concurrence, qui vont être plus ou moins privés.
06:01 Et on va créer donc une sorte de dualisation.
06:04 Ceux qui ont la possibilité de faire ces services par eux-mêmes,
06:09 qui sont à l'aise avec l'outil électronique,
06:13 qui ont les ressources pour passer par un autre système,
06:18 vont pouvoir accéder à ces services.
06:21 Sinon, les autres vont être bloqués.
06:23 - Merci Nadej Vezina, le crépuscule des services publics dans la revue Des Idées.
06:28 Merci d'avoir été avec nous ce matin sur Sud Radio.

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