Loi sur l’Immigration : Emmanuel Macron piégé par son «en même temps»
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Chaque matin dans son édito, Alexis Brezet, directeur des rédactions du Figaro, revient sur l'actualité politique du jour. Ce jeudi, il s'intéresse aux difficultés qu'Emmanuel Macron va rencontrer concernant le projet de loi Immigration.
Retrouvez "L'édito politique" sur : http://www.europe1.fr/emissions/l-edito-eco
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NewsTranscription
00:00 L'édito politique sur Europe. Bonjour Alexis Brezé.
00:02 Bonjour Dimitri, bonjour à tous.
00:04 Du Figaro, Alexis, la bataille des retraites est loin d'être finie.
00:06 Voilà que le gouvernement ouvre déjà un autre front avec son projet de loi immigration.
00:11 Bon, la réforme des retraites, on l'a compris, va être difficile,
00:14 mais est-ce que celle de l'immigration vous semble mieux engagée ?
00:18 Je ne voudrais pas jouer les oiseaux de mauvaise augure,
00:20 mais il me semble que ça risque d'être pire et que l'affaire est loin d'être gagnée.
00:25 Parce que c'est bon, cette fois, il ne s'agit pas de la rue ni de l'opinion.
00:27 Les Français, grosso modo, sont d'accord.
00:29 Ils estiment à plus de 70% qu'il y a trop d'immigrés et qu'il faut urgentement serrer la vis.
00:34 Et ce n'est pas le récent bilan annuel publié par le ministère de l'Intérieur
00:37 qui les aura fait changer d'avis.
00:39 Que dit-il ce bilan ?
00:40 L'État n'a jamais accordé autant de titres de séjour légaux à des étrangers que cette année.
00:44 Il n'a jamais accueilli autant de demandeurs d'asile.
00:47 Quant aux mesures d'éloignement prononcées contre les clandestins,
00:50 il y en a eu moins en 2022 sous Gérald Darmanin qu'en 2019 sous Christophe Castaner.
00:55 C'est dire si c'est un succès.
00:57 Bref, la situation migratoire est à peu près hors de contrôle.
01:00 Tout le monde l'a compris.
01:01 Enfin, tout le monde.
01:02 Tout le monde, sauf le président de la République
01:04 qui s'obstine, sans doute parce que ça répond chez lui à quelque chose de profond,
01:08 qui s'obstine à vouloir présenter un texte mi-chèvre, mi-chou, mi-chair, mi-poisson,
01:13 composé à part égale, nous dit-on, de fermeté et d'humanité.
01:17 La fermanité, cette chimère macronienne.
01:20 Un texte qui, à la fin, ne satisfait évidemment personne.
01:23 Ni l'extrême droite, ni la droite, ni la gauche, ni l'extrême gauche
01:25 et qui suscite de grandes réticences au sein même de la majorité.
01:28 Bon, alors c'est vrai, on a un peu de temps.
01:30 Le projet qui arrive au Sénat ne sera à l'Assemblée qu'au mois de mai ou juin.
01:33 Mais enfin, on voit mal aujourd'hui comment il pourrait être adopté.
01:36 - Gérald Darmanin compte sur la droite LR.
01:38 Il est prêt, dit-il, à négocier avec elle un compromis.
01:41 - Certes, certes.
01:42 Mais il ne vous aura pas échappé qu'après le mot "compromis",
01:44 il ajoute aussitôt "sans dénaturer le texte".
01:47 Sans dénaturer le texte.
01:48 Or, c'est précisément ça qu'exige la droite.
01:50 Le dénaturer, ce texte.
01:51 Enfin, ou plutôt le ramener à sa nature originelle
01:54 avant qu'il ne passe à la moulinette du "en même temps".
01:56 Qu'est-ce que demande la droite ?
01:58 D'abord, que l'on retire le fameux titre de séjour pour les clandestins
02:01 recrutés dans les métiers en tension.
02:02 Ça, c'est le chiffon rouge. Personne LR ne peut l'accepter.
02:05 Et il est vrai que la création de cette nouvelle filière de régularisation
02:09 est incompréhensible alors que la France compte 6 millions de chômeurs.
02:12 Mais la droite, qui, après les retraites, ne se voit pas jouer une seconde fois
02:16 le rôle de bouée de sauvetage du gouvernement,
02:18 exige aussi autre chose.
02:20 Elle veut que l'on rajoute des dispositions indispensables à séjour
02:23 pour maîtriser l'immigration, en matière de regroupement familial,
02:26 d'asile, de naturalisation, de droits sociaux.
02:28 Par exemple, la fin d'aide médicale d'État.
02:30 Ou encore que l'on pose le principe qu'un étranger entré illégalement en France
02:35 ne pourra jamais être régularisé.
02:37 Et franchement, il est assez peu probable que le gouvernement ait jusque là.
02:40 - Et si malgré tout, Gérald Darmanin acceptait sinon tout,
02:42 du moins un grand nombre de ces conditions,
02:44 la droite devrait bien finir par voter son texte.
02:47 - Peut-être.
02:48 Mais alors ça serait la majorité présidentielle qui ne le suivrait pas.
02:51 Je ne sais pas si vous avez entendu Sacha Houllier,
02:53 le président macroniste de la Commission des lois.
02:55 Et pour lui, il n'est pas question de lui reçir un texte
02:57 qu'il juge déjà très dur.
02:59 Et pensez à tous ces députés qui sont souvent venus du PS, comme lui.
03:02 Ils ont dû avaler la réforme des retraites,
03:05 se couper du mouvement social,
03:07 se brouiller avec la CFDT.
03:08 Et il leur faudrait maintenant voter des mesures
03:10 inspirées par Bruno Retailleau ou Éric Ciotti.
03:12 Mais c'est au-dessus de leur force, ils ne voteront pas.
03:14 Donc, Emmanuel Macron est coincé.
03:16 Ça s'appelle un piège politique.
03:18 Et à la différence des retraites, il s'y est lui-même précipité.
03:21 Signature Alexis Brezet sur Europe 1. Merci Alexis.