Endométriose : « Mes collègues m'ont vu m'évanouir »
Camille est Française, Lucía Arnaiz est Espagnole, et toutes les deux souffrent d'endométriose. Cette maladie inflammatoire touche environ 10% des femmes dans le monde et se manifeste par de fortes douleurs notamment pendant les périodes de règles. Alors que l'Espagne étudie un projet de loi sur le congés menstruel qui permettrait de poser un arrêt maladie en cas de règles douloureuses, Camille et Lucía nous racontent l'impact de leur endométriose sur leur vie professionnelle.
Cette vidéo a été réalisée conjointement avec le média espagnol El Salto Diario dans le cadre de Sphera Network, un réseau auquel appartient StreetPress qui rassemble des médias européens !
Cette vidéo a été réalisée conjointement avec le média espagnol El Salto Diario dans le cadre de Sphera Network, un réseau auquel appartient StreetPress qui rassemble des médias européens !
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00:00 Par exemple, moi, quand je dis que j'ai un arrêt de triose,
00:01 soit certains hommes me disent "ah bon, c'est quoi ?"
00:04 Ils m'ont vu me faire mal,
00:06 ils m'ont vu blanche,
00:07 qui ne pouvait pas m'y mourir.
00:08 En fait, c'est une douleur qui est tellement forte
00:10 que parfois ça me donne limite envie de vomir ou de m'évanouir.
00:14 Mais bien sûr, on partage aussi
00:16 que la règle en elle-même est un tabou pour la société.
00:28 Moi, je m'appelle Camille, j'ai 35 ans,
00:32 j'ai de l'endométriose qui a été diagnostiquée
00:35 assez tard, en fait, quand j'avais une petite trentaine d'années.
00:39 Je suis Lucie Arnaiz, j'ai 26 ans
00:41 et depuis 6 ans, je suis endométriose.
00:43 L'endométriose, c'est une maladie inflammatoire
00:45 qui se manifeste souvent pendant les règles,
00:47 mais aussi parfois en dehors.
00:49 Il y a des cellules au niveau de l'utérus
00:51 ou d'autres organes du corps qui s'inflamment
00:54 et donc ça crée des très très grosses douleurs
00:57 et parfois des problèmes plus graves,
00:59 des problèmes de fertilité, etc.
01:00 Ça m'a affectée surtout par un mal incapacitant
01:03 dans les états de règle,
01:05 avec des sanglots assez abondants,
01:08 aussi une distension abdominale
01:10 avec des gaz, au niveau de l'endométriose,
01:13 et même de l'arrea,
01:14 mais j'ai aussi eu ce mal
01:16 que j'avais pendant la règle,
01:18 hors de la règle, c'est-à-dire que j'ai commencé à vivre
01:20 avec le même mal, pratiquement tout le mois.
01:23 Les douleurs endométrioses ne sont pas forcément
01:25 exactement similaires pour toutes les femmes,
01:27 mais c'est une douleur qui est tellement forte
01:29 que parfois ça me donne limite
01:31 envie de vomir ou de m'évanouir.
01:33 Je me retrouve libide et complètement épuisée
01:35 parce que mon corps gère une douleur qui est énorme.
01:38 D'une part, ça m'a affectée
01:39 dans le travail de l'office
01:41 et puis je me souviens d'un autre moment,
01:43 en travaillant dans un festival,
01:44 parce que je travaille aussi dans des festivals,
01:46 où il y a surtout une personne pour chaque poste
01:49 et c'est un moment très intense,
01:52 j'avais baissé la règle et je n'arrivais pas,
01:54 mais je n'arrivais pas à me lever des douleurs.
01:57 J'avais d'abord à être stage manager d'un scénario
01:59 et je n'arrivais pas.
02:01 Il a fallu venir une amie qui était infirmière
02:03 pour me pincer et m'endurer.
02:05 Il y a eu un moment où je me souviens,
02:07 où ça a été particulièrement pas très agréable pour moi
02:10 et assez dur,
02:11 c'est que j'étais dans une mission
02:13 qui était hyper importante dans mon groupe,
02:15 parce que je couvrais les Jeux Olympiques d'hiver
02:16 à Pyeongchang, en Corée.
02:18 Hasard du calendrier, j'ai eu ma règle à ce moment-là.
02:21 Je me suis retrouvée vraiment un jour
02:22 où je ne pouvais strictement rien faire,
02:25 c'est-à-dire que j'étais prise de douleurs et de crampes
02:27 qui étaient terribles.
02:28 Et donc, on avait une petite salle
02:29 avec un petit escalier qui montait sur une petite mézanine.
02:32 Je suis montée et je suis allée m'allonger là-haut,
02:35 un peu m'isoler parce que j'ai fallu attendre
02:38 que les cachets fassent effet
02:39 et j'avais vraiment trop, trop, trop mal.
02:41 Et je voyais, j'ai vu un de mes rédac' chefs
02:43 qui est monté et qui était, pour le coup,
02:44 pas du tout méchant ou quoi,
02:47 mais un peu interloqué par la situation.
02:49 Ils m'ont vue démailler,
02:50 ils m'ont vue blanche, je ne pouvais même pas me mouvoir.
02:52 Mais ensuite, d'autre part,
02:54 actuellement, j'ai une situation
02:56 dans l'office où,
02:57 dès un premier moment, ils m'ont respectée,
02:59 ils m'ont compris.
03:00 Je suis très heureuse qu'ils te comprennent
03:02 et qu'ils ne te jugent pas
03:04 si tu es un simple douleur de règles
03:06 ou qu'ils te disent quelque chose.
03:07 Mais bon, nous savons que tu es mal et...
03:10 et que rien ne se passe.
03:10 Par exemple, moi, quand je dis que j'ai un endométriose,
03:12 soit certains hommes me disent
03:14 « Ah bon, c'est quoi ? »
03:15 soit c'est « Oh, ma pauvre, je suis désolée. »
03:18 Ils s'imaginent que je ne peux pas avoir d'enfant,
03:20 que je n'ai pas du virus,
03:21 enfin bon, bref.
03:22 Des trucs désastreux, quoi.
03:23 Donc du coup, à chaque fois,
03:25 j'essaie d'être pédagogique
03:26 et d'expliquer ce que c'est et tout ça.
03:28 Mais c'est vrai que même moi,
03:29 jusqu'à tard, je ne savais pas ce que c'était,
03:31 alors que je suis quand même plutôt une femme
03:33 qui est informée dans des milieux féministes, etc.
03:36 Et en fait, jusqu'à quasiment mes 30 ans,
03:38 je ne savais pas ce que c'était l'endométriose,
03:39 alors que c'est ce dont je souffrais
03:40 et j'avais super mal au ventre depuis des années
03:42 sans savoir pourquoi.
03:43 On me disait juste « prends un Doliprane et ça va aller ».
03:46 Je pense qu'on commence à prendre un peu plus en série
03:49 maintenant que les figures représentatives
03:51 qui sont déjà des artistes
03:52 ou des gens d'influence
03:55 de cette identité
03:56 montrent qu'ils ont de l'endométriose
03:58 et qu'ils se font des opérations.
03:59 Au final, comme tout,
04:00 ce qui ne sort pas de la télé,
04:01 on ne voit pas que ce soit réel.
04:03 Au moins, c'est mon perception.
04:04 Tu le racontes et tu peux dire
04:06 « Regarde, moi aussi, j'ai mal à la règle
04:08 parce que ça m'est passé.
04:08 Moi aussi, j'ai mal à la règle
04:09 et je ne me suis pas tellement déçue
04:11 ou ce n'est pas pour autant
04:12 ou je n'ai pas fait autant de bruit,
04:13 pour dire la vérité. »
04:14 Mais, bien sûr, on partait aussi
04:16 que la règle en elle-même
04:17 est un tabou pour la société.
04:19 On avait longtemps considéré
04:20 qu'avoir mal quand on s'est réglé,
04:21 c'est normal.
04:22 La femme a péché, la femme doit souffrir.
04:25 Il y a vraiment cette idée.
04:26 Plein de femmes me l'ont dit aussi,
04:28 des femmes un peu plus âgées
04:29 qui me disaient « Oui, tu as fait règle,
04:31 donne-lui de la règle ».
04:31 Et en fait,
04:32 c'est aussi peut-être des femmes
04:33 qui, elles, n'ont pas ça,
04:35 donc ne comprennent pas
04:37 la violence et la douleur que j'ai.
04:38 ♪ ♪ ♪
05:08 Je crois que cette mesure de donner des baisses
05:10 quand on a une règle,
05:11 c'est quelque chose de nécessaire,
05:12 mais aussi, il va se créer cette peur
05:14 de si tu dois les demander
05:15 périodiquement,
05:16 parce que tu as une règle
05:17 une fois par mois,
05:17 si tu as ces douleurs
05:19 ou ce mal-être une fois par mois,
05:21 ça peut créer cette peur
05:23 qu'on te fasse la baisse.
05:23 C'est ça, c'est en gros,
05:25 les femmes, déjà,
05:26 elles ont le projet maternité,
05:27 elles ne sont pas là,
05:28 et blablabli, et blablabla.
05:29 Elles sont compliquées.
05:31 Il y a tout ce climat ambiant
05:32 qui est évidemment faux,
05:34 mais qui nous imprègne.
05:37 Et donc, du coup, de, en plus,
05:38 demander un congé
05:40 parce qu'on a mal au ventre,
05:41 alors que les mecs,
05:42 plein de mecs ne réalisent même pas
05:43 ce que c'est, ces douleurs,
05:44 on tombe un peu dans le cage de se dire
05:46 mais ça va encore nous tomber dessus,
05:47 comme quoi on est faibles et tout,
05:49 ce qui est évidemment faux.
05:50 Le fait de parler de cette idée
05:52 de congé menstruel en Espagne,
05:54 de toute façon, c'est positif
05:55 d'essayer de trouver des solutions
05:56 et de mettre le sujet sur la table
05:57 et d'en parler
05:58 et d'écouter, en fait, les femmes.
06:00 ♪ ♪ ♪
06:02 [SILENCE]