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Michaël Zemmour, maître de conférences à l'Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, et Anne-Sophie Alsif, cheffe économiste de BDO France (cabinet d'analyse économique) et professeure d'économie à la Sorbonne, sont les invités du Grand entretien de France Inter.

Retrouvez tous les entretiens de 8h20 sur https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-8h20-le-grand-entretien

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Transcription
00:00 Mais oui, les retraites, parlons-en, c'est une semaine spéciale sur France Inter, émission
00:04 reportage débat, large plage dans lesquelles vous avez la parole, amis auditeurs, amis
00:09 auditrices.
00:10 Et ce matin, le grand entretien avec deux économistes.
00:13 La première est chef économiste à BDO France, c'est un cabinet d'analyse économique.
00:18 Le second est maître de conférence à l'université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, son dernier livre
00:24 paru s'intitule « Le système français de protection sociale », c'est édité
00:29 aux éditions La Découverte.
00:30 Nous attendons avec Léa vos questions et vos réactions sur cette réforme des retraites
00:36 au 01-45-24-7000 et sur notre application.
00:40 Michael Zemmour, Anne-Sophie Alsif, bonjour.
00:43 Bonjour.
00:44 Et merci d'être là.
00:45 Michael Zemmour, vous avez une lecture critique de la réforme des retraites.
00:49 Anne-Sophie Alsif, vous y êtes plutôt favorable, vous nous direz pourquoi.
00:53 Car on va ce matin mettre à plat les arguments économiques qu'on entend depuis un mois,
00:57 matin, midi et soir, à la radio, à la télévision, dans la bouche du gouvernement et des oppositions.
01:02 Les mettre à plat pour essayer d'y voir clair sur le plan économique, en dehors des
01:07 éléments de langage et des phrases choc des uns et des autres.
01:10 Commençons par le commencement et cet argument qu'Emmanuel Macron et Elisabeth Borne répètent
01:15 à l'envie.
01:16 Sans réforme, le système de retraite par répartition est menacé.
01:19 L'exécutif s'appuie sur le rapport du CORE selon lequel le système de retraite serait
01:23 déficitaire en moyenne sur les 25 prochaines années.
01:25 12 milliards en 2027, 20 milliards en 2032.
01:28 Alors question simple, y a-t-il péril en la demeure ? Question que je pose à l'un
01:32 et à l'autre.
01:33 Est-ce, Michael Zemmour, la réforme ou la faillite comme l'a dit Gabriel Attal hier
01:37 à l'Assemblée nationale ?
01:38 Non, c'est complètement excessif de dire ça.
01:41 Le système n'est pas en danger et personne ne le pense sérieusement.
01:44 Il est aujourd'hui à l'équilibre.
01:45 Il y a un petit déficit qui est prévu pour les prochaines années.
01:48 Et face à ce déficit, il y a des décisions de gestion.
01:50 Donc le gouvernement a à sa disposition plusieurs leviers.
01:52 Soit il touche aux pensions des retraités, soit il augmente le financement des retraites
01:58 pour pas qu'il baisse en réalité, parce qu'il est plutôt en baisse.
02:00 Soit il prend une mesure d'âge.
02:02 Et le gouvernement a fait un choix politique, c'est d'avoir recours à une mesure d'âge.
02:06 Ce qui est à la fois le moyen le plus rapide de faire des économies, mais aussi le plus
02:09 brutal parce que ça concentre tous les efforts sur les personnes qui vont prendre leur retraite
02:14 dans les 10 prochaines années.
02:15 C'est-à-dire que dans les 10 prochaines années, il va faire 12 ou 17 milliards d'économies
02:19 sur les personnes de 55 ans et plus qui vont à elles seules porter toutes ces économies
02:23 par un décalage de l'âge.
02:25 Même question pour vous Anne-Sophie Alsif, est-ce qu'il y a péril dans la demeure ?
02:31 Quand on écoute Elisabeth Born, elle va même plus loin si on ne fait rien.
02:35 Nous aurons plus de 100 milliards d'euros de dettes supplémentaires dans les 10 prochaines
02:39 années.
02:40 Ça veut dire que le déficit est exponentiel.
02:42 Là encore, votre analyse après celle qu'on vient d'entendre de Michael Zemmour.
02:46 Oui, tout à fait.
02:47 Je ne dirais pas qu'il y a péril dans la demeure aujourd'hui au moment où on parle
02:50 et dans les prochaines années.
02:52 Mais il va y avoir un déficit, notamment à partir de 2027.
02:55 Normalement, le travail d'un gouvernement, c'est d'anticiper ces déficits et de mettre
02:58 en œuvre des réformes pour justement éviter qu'il y en ait.
03:02 Donc, on peut dire quand même que le Conseil d'orientation des retraites ou le gouvernement,
03:05 c'est dans son rôle de s'interroger avec un déficit qui va arriver et qui, bien sûr,
03:09 va être exponentiel.
03:10 L'idée, ce n'est pas de trouver 13 milliards et c'est fini.
03:12 Non, vous allez vraiment avoir une augmentation.
03:15 Parce que dans les prochaines années, le nombre d'actifs par rapport au nombre de
03:18 retraités va baisser.
03:19 Donc, il y a une vraie question de financement.
03:22 Et là, en effet, le débat est ouvert de comment on trouve du financement.
03:25 Donc, on veut faire de la dette supplémentaire.
03:27 C'est vrai qu'à mon sens, le gouvernement paie aussi la conjoncture.
03:30 Inflation, après-guerre en nucléaire, quoi qu'il en coûte, c'est des centaines de
03:34 milliards qui ont été déversés.
03:35 Donc, on se dit 13, 30, même 45 milliards, ce n'est pas beaucoup finalement.
03:40 Mais voilà, c'est une piste.
03:41 Faire de la dette supplémentaire qui pose des questions aussi pour nos enfants et les
03:44 générations à venir.
03:45 En effet, déporter l'âge de départ à la retraite, c'est ce qu'ont fait beaucoup
03:49 de nos partenaires européens, pour augmenter le taux d'emploi des seniors et créer plus
03:53 de richesses.
03:54 Donc, en effet, c'est la piste adoptée par le gouvernement qui était d'ailleurs dans
03:57 le programme d'Emmanuel Macron lorsqu'il a été élu.
04:00 Donc, de faire cette réforme.
04:01 Et vous avez également d'autres solutions qu'utilisent d'autres pays, comme par exemple
04:05 le Canada, les Etats-Unis ou encore l'Allemagne à côté de nous, qui est l'immigration,
04:10 notamment de travail.
04:11 Ou par exemple, après la crise syrienne, les Allemands ont accueilli 1,2 million de
04:15 Syriens qu'ils ont formés, qu'ils ont pu taxer dès l'année d'après pour justement
04:19 payer leur système de retraite.
04:20 Donc, il y a plusieurs solutions.
04:21 Voilà, là, vous donnez plein d'informations en une réponse.
04:24 Mais, M. Zemmour, je voyais réagir à ce que disait Anne-Sophie Alcif sur l'argument
04:28 qui est de dire "on ne va pas endetter la France, elle est déjà ultra endettée, donc
04:32 il faut faire des efforts".
04:33 Et l'autre argument, qui est l'argument qu'Emmanuel Macron répète également, qui est celui
04:36 du comparatif.
04:37 Est-ce que c'est pertinent de regarder et de dire que oui, en Allemagne, en Espagne,
04:41 au Portugal ou aux Pays-Bas, c'est 65-67 et même on parle de 70 ans pour les autres ?
04:46 Bon, alors, sur les autres pays, en fait, on ne compare pas toujours ce qui est comparable.
04:50 Quand on compare 67 ans en Allemagne, il faudrait le comparer à notre 67 ans à nous.
04:54 C'est-à-dire l'âge auquel on peut partir sans décote.
04:56 En Allemagne aussi, on peut partir plus tôt, à des conditions moins favorables.
04:59 Donc, on exagère les comparaisons internationales et puis il y aurait d'autres choses à voir.
05:03 Mais je voudrais revenir sur un point, sur la dramatisation par le gouvernement.
05:06 Les 100 milliards ?
05:07 Pourquoi est-ce que le gouvernement dramatise, parle de faillite et veut absolument faire
05:12 cette réforme tout de suite ?
05:13 Et en fait, quand on regarde le système de retraite, on ne peut pas comprendre pourquoi
05:17 le gouvernement dramatise.
05:18 La vraie raison, elle est externe au système de retraite.
05:21 Le gouvernement veut absolument réduire son déficit à moins de 3% pour 2027.
05:26 C'est ses engagements européens.
05:27 Et en fait, il s'est lui-même compliqué énormément la tâche par des baisses d'impôts
05:31 très importantes, des baisses d'impôts sur les entreprises, sur les ménages aisés,
05:35 la taxe d'habitation par exemple, des décisions qu'il a prises en fin de quinquennat dernier
05:38 et puis au début de ce quinquennat.
05:40 Donc, il a lui-même creusé son déficit.
05:42 Et pour passer sous la barre des 3% avant 2027, il cherche des baisses de dépense,
05:47 que dit souvent Bruno Le Maire à votre antenne.
05:49 Et les baisses de dépense, il les cherche du côté des retraites.
05:52 Donc, en fait, la vraie motivation à la fois de la réforme, mais aussi du calendrier,
05:56 pourquoi commencer tout de suite de la réforme des retraites, ça ne vient pas du système
05:59 de retraite en lui-même, qui pourrait appeler d'autres réponses ou un autre calendrier.
06:02 Ça vient d'une stratégie, baisse des impôts d'un côté, notamment sur les entreprises,
06:06 et baisse des retraites de l'autre pour équilibrer.
06:08 Oui, vous n'êtes pas d'accord ?
06:10 Oui, par rapport à cela, quand on regarde justement les engagements européens, il faut
06:13 voir que la réforme des retraites, ça fait des années qu'elle est dans les programmes
06:17 et qu'elle est donnée par la France comme gage à Bruxelles d'assistance et finances
06:21 publiques sous ce gouvernement, mais également ceux d'avant.
06:24 Et ce n'est pas toujours pour ça que des réformes sont faites, notamment Bruxelles
06:28 aussi pour qu'on baisse massivement les dépenses publiques, qui ont un taux un des
06:32 plus élevés d'Europe, et on ne le fait pas forcément.
06:34 Et par rapport aux impôts, et donc vous parlez des impôts de production pour ne pas les
06:39 nommer, il faut savoir que c'est une politique de compétitivité qui a été engagée bien
06:43 avant Emmanuel Macron pour essayer de conserver l'emploi, notamment des personnes qui sont
06:47 à un SMIC viré ou deux, parce qu'on a perdu beaucoup de compétitivité par exemple, par
06:53 rapport à l'Allemagne.
06:54 Donc l'idée, c'était vraiment d'avoir des réformes aussi, qui, c'est pas protéger
06:58 uniquement les entreprises, mais aussi de garder de la compétitivité en Europe, parce
07:02 que les impôts de production sont plus faibles chez nos partenaires européens.
07:05 On est d'accord ou pas, mais c'est un fait.
07:07 - Michael Zemmour ?
07:08 - Il y a les impôts de production qui coûtent très cher et dont on ne connaît pas les
07:11 effets sur l'emploi.
07:12 Il n'y a pas d'évaluation, c'est un coup de poker.
07:14 Donc on a déjà perdu 15 milliards dans le quinquennat précédent et on va perdre
07:19 8 milliards par an à partir de 2024.
07:20 Il y a la baisse d'autres impôts.
07:23 - Le chômage baisse, on ne connaît pas les effets, je ne sais pas si c'est lié à la
07:26 baisse des impôts de production, mais le chômage baisse.
07:27 - Non, c'est très certainement pas lié, parce que la dernière tranche n'a pas encore
07:29 eu lieu.
07:30 Donc c'est très certainement pas lié.
07:32 Et donc en fait, on a fait des choix politiques, le choix de se priver de recettes énormément.
07:37 Donc la stratégie économique du gouvernement, c'est baisse des prélèvements obligatoires
07:41 et baisse des retraites de l'autre côté.
07:43 Donc ce n'est pas un diagnostic du système des retraites.
07:45 Et c'est un peu dérangeant du coup de dramatiser, de dire c'est ça ou la faillite.
07:49 Ce n'est pas ça du tout.
07:50 Et à la limite, si on creuse le déficit public, c'est plutôt une stratégie de baisse
07:54 d'impôts inconsidérés.
07:55 Quand vous écoutez le gouvernement, par exemple, il dit "nous on a une ligne rouge,
07:58 c'est de ne jamais augmenter les impôts".
08:00 Ça se discute.
08:01 Mais une première chose, ça aurait pu être de commencer par ne pas les baisser de manière
08:05 inconsidérée.
08:06 Ça coûte très cher ces baisses d'impôts.
08:07 - Juste pour réagir par rapport à ça, au niveau des chiffres, avant la crise du Covid
08:12 et la crise ukrainienne en 2019, on avait justement l'objectif, le gouvernement avait
08:16 l'objectif des 3% qui étaient atteints parce qu'on avait plutôt une bonne situation économique.
08:21 Le creusement de la dette dont vous parlez et des déficits, c'est dû en effet au quoi
08:26 qu'il en coûte, qui a aidé les entreprises mais aussi massivement les ménages.
08:29 Et ensuite, avec les aides pouvoir d'achat qui, il faut le regarder au niveau européen,
08:34 là aussi ce sont des aides qui ont été massivement données aux ménages pour essayer
08:37 de conserver un minimum de pouvoir d'achat, même s'il a été baissé.
08:41 Donc la majorité de la dette qui a été enregistrée depuis 2019, ce n'est pas en
08:45 baisse d'impôts en proportion pour les entreprises, mais ça a surtout été pour aider et les
08:49 ménages et les entreprises pour répondre à la crise Covid et pouvoir d'achat.
08:54 Et c'est pour ça que même au niveau européen, Emmanuel Macron est très attaqué, on l'appelle
08:59 le président dépensier parce que justement on considère qu'on a été trop généreux
09:02 notamment avec les ménages depuis le début de la crise pour garder le pouvoir d'achat
09:07 en banque.
09:08 Et donc la réforme des retraites pour corriger cela ? C'est ce que dit Michael Zemmour.
09:11 Ce que dit Michael Zemmour, c'est qu'en gros, ce n'est pas du tout pour résoudre
09:14 le déficit, c'est pour donner des gages à l'Europe qu'il n'est pas un président
09:19 dépensier mais un président réformateur.
09:20 Alors tout à fait, mais c'est depuis le début de son premier quinquennat et de ce
09:23 second de dire voilà, je suis le président des finances publiques.
09:27 En effet, il a énormément dépensé et donc en effet la réforme de l'assurance chômage
09:31 et des retraites s'inscrit aussi dans ce cadre.
09:33 Alors du côté des opposants à la réforme, si l'on prend par exemple Laurent Berger
09:37 de la CFDT ou Marisol Touraine qui fut la dernière à porter une réforme des retraites
09:42 dans le pays sous le quinquennat de François Hollande, l'argument est que la mesure d'âge,
09:46 le recul de l'âge de départ est la mesure la plus injuste qui soit car elle touche les
09:51 plus faibles et les plus modestes.
09:53 Ce point est-il juste, est-il faux, Michael Zemmour ?
09:55 On peut regarder qui va être le plus touché par ce décalage de l'âge, en gros de 62
10:00 à 64 ans et les profils qui vont être les plus touchés, ça va être les carrières
10:04 longues qui vont se décaler de 6 mois à un an et demi, les personnes en pénibilité
10:08 qui vont se décaler jusqu'à 2 ans, de 60 à 62 ans, les profils qui ont commencé
10:12 plutôt, notamment ouvriers, employés, et donc effectivement des profils plutôt de
10:17 classe moyenne et modeste, et puis les femmes qui ont eu une carrière et des enfants qui
10:21 auraient pu partir à 62 ans à taux plein et qui vont devoir partir à 64 ans.
10:25 Donc effectivement, du côté des gens qui ont commencé plus tard, des cadres, etc.,
10:29 ils vont être touchés aussi mais moins, donc on ne peut pas dire que c'est une réforme
10:33 de justice.
10:34 Qu'est-ce que vous en pensez sur ce point-là ? Est-ce que c'est une réforme juste ou pas ?
10:37 Alors l'argument de la justice, il n'est plus employé par le gouvernement, maintenant
10:41 c'est l'effort, il faut faire des efforts, là c'est une réforme juste.
10:45 Qu'est-ce que vous répondez à ça ? Est-ce que c'est vraiment les gens qui souffrent
10:49 le plus et qui travaillent le plus durément qui vont être touchés par cette réforme
10:52 ou ce n'est pas le cas ? Et répondez sur les femmes également.
10:55 Alors en effet, comme vous avez une augmentation de l'âge de départ, en effet tout le monde
10:59 est touché et on va dire que les personnes qui étaient le plus en difficulté ou qui
11:02 avaient déjà le plus de difficulté pour aller à 62 ans, eh bien en effet vont être
11:06 encore plus touchées pour aller à 64 ans puisque c'est la même situation.
11:09 Donc en effet, et donc c'est pour ça que le gouvernement a essayé dans sa réforme
11:13 d'avoir des mesures comme par exemple les 1200 euros minimum si vous avez fait en effet
11:17 tous vos trimestres.
11:18 Mais là encore, malheureusement pour beaucoup de publics, on en a parlé notamment, les
11:22 femmes ce n'est souvent pas le cas, que ce soit en métropole ou en outre-mer, c'est
11:25 plutôt les catégories qui ont le plus de difficultés.
11:28 Et puis ce qui est assez intéressant c'est de regarder aussi dans son enfant par rapport
11:30 au patrimoine.
11:31 Qu'est-ce qui fait à la retraite que vous êtes pauvre ou que vous n'êtes pas ? C'est
11:34 si vous êtes propriétaire de vos logements principaux et que si vous n'avez plus de
11:37 traître à rembourser.
11:38 Et on voit que là encore ce sont souvent les femmes qui ne sont pas propriétaires
11:42 de logements donc ont plus de charges.
11:44 Donc c'est vrai que d'augmenter de deux ans…
11:45 - Mais elle est injuste pour les femmes cette réforme ou pas ? Parce que Elisabeth Borne
11:49 a dit "je m'inscris en faux, je ne laisserai pas dire ça" etc. à la télévision.
11:53 L'argument était "comprenez pas tout à fait comment…".
11:57 Et est-ce qu'elle est injuste ? Est-ce que cette phrase qu'on répète nous journalistes
12:01 depuis qu'on a le projet de réforme, c'est-à-dire que les femmes travaillent neuf mois de plus
12:07 alors que les hommes vont travailler cinq mois de plus avec cette réforme, est-ce injuste
12:10 ou pas ?
12:11 - Alors on peut dire que c'est injuste par rapport au temps de cotisation, tout à fait,
12:15 mais c'est surtout que ça reproduit une situation où les femmes économiquement sont
12:18 dans une situation souvent plus défavorable.
12:20 Donc ça vient accentuer et reproduire.
12:22 Et donc c'est pour ça qu'il y a eu ces mesures, notamment de retraite à 1200 euros,
12:26 si vous avez cotisé en effet votre logement.
12:28 - Michael Zemmour à la fois sur les femmes et sur les 1200 euros.
12:32 - Alors sur les femmes clairement quand on cherche où se font les économies de la réforme,
12:36 c'est une réforme qui est faite pour faire des économies.
12:38 Les économies se font le plus sur les personnes qui vont le plus devoir décaler leur départ
12:43 sans gagner plus d'argent ou alors très peu.
12:45 Et le profil type de ça, c'est les femmes qui pouvaient partir à taux plein à 62 ans
12:50 parce qu'elles avaient à la fois une carrière et qu'on leur validait des trimestres pour
12:53 enfant et elles pouvaient partir à 62 ans.
12:55 Donc en gros vous avez 60% des économies de la réforme qui se font sur des femmes.
13:00 On peut envisager qu'il y a à peu près une femme sur quatre.
13:03 - Vous êtes d'accord avec ce chiffre-là ? 60% de la réforme se fait sur les femmes ?
13:06 - Alors je ne sais pas comment vous l'avez vraiment eu calculé parce que c'est vrai
13:10 que dans les rapports en tout cas gouvernementaux publics, il n'y a pas ce chiffre, cette statistique
13:15 précise.
13:16 Donc voilà, moi je ne l'ai pas validé.
13:17 - Je peux vous l'expliquer.
13:18 - Mais pas de problème.
13:19 Mais en tout cas ce que je disais, c'est que vous avez des femmes qui sont dans une situation
13:23 d'emploi qui est plus difficile.
13:25 Donc forcément deux ans en plus, ça vient contrebalancer.
13:29 Alors après la première ministre a expliqué que justement l'idée c'est de prendre en
13:31 compte tout ce qui était rupture parentale, situation économique plus défavorable pour
13:35 essayer d'avoir des systèmes de compensation.
13:37 Mais c'est vrai qu'aujourd'hui c'est assez flou encore.
13:39 - Michael Zemmour ?
13:40 - Bon, les systèmes de compensation ne sont pas du tout à l'échelle.
13:43 La prise en compte du congé parental pour les carrières longues, ça va concerner 2000
13:46 personnes par an.
13:47 Les départs des femmes, c'est plus de 400 000 personnes par génération.
13:50 Comment j'ai calculé ce chiffre ? C'est simple.
13:53 Le dossier du gouvernement nous donne à la fois la pension moyenne des femmes par génération
13:58 et nous dit de combien les gens vont se décaler.
14:00 Et quand vous combinez les deux, vous pouvez voir quelles économies sont faites.
14:03 Les économies qui sont faites, c'est les deux années de retraite qu'on ne vous donne
14:06 pas.
14:07 Et quand on dit 9 mois pour les femmes, en fait c'est une moyenne.
14:09 Parmi ces personnes, il y a des personnes qui ne vont pas devoir décaler, celles qui
14:12 partent déjà à 67 ans ou qui sont en invalidité.
14:15 Et en fait, ce qui est aussi intéressant, c'est de voir qui supporte les gros chocs.
14:18 Et les gros chocs de deux ans, c'est à peu près une femme sur quatre.
14:21 Et donc c'est là-dessus aussi que le choc est particulièrement important.
14:25 - Et sur les 1200 euros, parce que je sais que vous vous êtes rentré en disant, la
14:28 phrase la plus importante pour moi, Michael Zemmour, c'est de m'inscrire en faux sur
14:32 les 1200 euros par retraité.
14:35 - Oui, parce qu'hier, je vous écoutais, et donc j'ai entendu le ministre de l'Économie,
14:39 Bruno Le Maire, dire à plusieurs reprises la pension minimale à 1200 euros.
14:42 C'est une phrase qu'on entend.
14:43 Il n'y a pas de pension minimale à 1200 euros dans la réforme.
14:46 La seule mesure qu'il y a dans la réforme, c'est une revalorisation de certaines petites
14:51 pensions si vous n'avez pas de décote.
14:54 Et cette revalorisation, elle est comprise entre 0 et 100 euros.
14:57 Et c'est plutôt 33 euros en moyenne pour les nouveaux retraités, 50 pour les retraités
15:01 actuels.
15:02 Et donc en fait, aujourd'hui, vous avez 5 millions de retraités qui sont sous les 1200
15:06 euros.
15:07 Les seuls qui vont passer la barre, c'est ceux qui sont à 1100 euros ou plus.
15:10 Et vous aurez toujours, au terme de la réforme, 4 millions 2, 4 millions 3 qui seront toujours
15:14 sous les 1200 euros.
15:15 - C'est vrai ça ?
15:16 - Alors, euh…
15:17 - Parce que ça, c'est un des arguments les plus forts du gouvernement, de dire 1200
15:20 euros pour dire qu'on travaille plus longtemps, mais on augmente à court terme le pouvoir
15:23 d'achat, notamment des personnes qui vont subir la réforme.
15:26 - T'as raison, Michael Zemlou.
15:27 - Lorsque vous regardez le document, il s'est écrit que si vous avez cotisé tout vos trimestres,
15:34 vous aurez normalement cette retraite à 1200 euros.
15:36 Il y avait eu un débat entre le net et le brut, et si on prenait en compte le ménage
15:40 ou pas, pour savoir si ça allait être effectivement 1200 euros.
15:43 Là, en effet, le gouvernement devait revenir avec ses pistes et avec le débat au niveau
15:47 de l'Assemblée.
15:48 Mais l'idée, c'était quand même que pour les personnes qui ont cotisé entièrement,
15:51 et c'est pour ça que les femmes étaient plus discriminées parce qu'elles avaient
15:53 plus de carrières courtes.
15:54 Eh bien, vous avez quand même une augmentation qui pouvait être significative dès le 1er
15:57 septembre de cette année pour des gens qui sont à 700 ou 800 euros de retraite mensuelle.
16:02 - Michael Zemlou.
16:03 - C'est sûr et certain.
16:04 La seule chose qu'il y a dans la réforme, c'est une revalorisation de ce qu'on appelle
16:08 le minimum contributif, c'est-à-dire la pension de base sans la gercarco des salariés
16:13 du privé.
16:14 Cette revalorisation, elle est au maximum de 100 euros, brut.
16:17 Et donc, au mieux du mieux, dans la meilleure situation, ça vous décale de 100 euros,
16:22 mais en moyenne, c'est plutôt une cinquantaine d'euros.
16:24 Donc si vous n'êtes pas à 1 100 euros, vous n'atteignez pas les 1 200 euros, c'est sûr.
16:27 Même des personnes qui ont une carrière complète ne seront pas garanties d'avoir 1 200 euros.
16:32 - Saskia de Ville : Vous êtes sûre de ça ?
16:34 - C'est vraiment parce que le gouvernement a les papiers et les documents.
16:37 - Saskia de Ville.
16:38 Le gouvernement dit, si vous avez une carrière complète, eh bien ce sera 1 200 brut pour
16:41 tout le monde.
16:42 - Michael Zemlou.
16:43 Le gouvernement dit, on a une revalorisation.
16:44 Tout le monde comprend comme vous.
16:46 C'est pour ça qu'il y a un problème démocratique.
16:47 Et même, il y a des gens qui ont compris que tout le monde aurait 1 200 euros minimum,
16:51 notamment pendant les élections.
16:52 C'est complètement faux.
16:54 On aura toujours au moins une personne sur quatre qui sera sous les 1 200 euros très
16:59 nettement.
17:00 Et c'est quoi ce chiffre de 1 200 euros ?
17:02 D'où il sort ?
17:03 C'est un objectif.
17:04 C'est-à-dire, compte tenu de la revalorisation de quelques dizaines d'euros par mois, une
17:08 personne fictive qui aurait passé toute sa vie au SMIC à temps plein, on espère qu'elle
17:15 se rapprocherait de 1 200 euros qu'un objectif.
17:17 Mais par exemple, une personne qui aurait une carrière complète, comme vous dites,
17:22 mais qui aurait eu une partie de sa vie à temps partiel, n'atteindrait pas les 1 200
17:25 euros.
17:26 Et par ailleurs, parmi les gens qui réunissent vraiment ces critères, déjà aujourd'hui,
17:29 l'immense majorité est au-dessus.
17:31 Donc en fait, le problème des petites pensions, c'est rarement les gens qui ont des carrières
17:35 complètes.
17:36 C'est très souvent des carrières hachées, qui seront toujours en dessous et qui ne sont
17:39 même parfois pas concernées par la revalorisation.
17:42 Mais s'il y a une carrière complète, vous êtes d'accord de dire que c'est 1 200 euros
17:46 si vous avez votre carrière complète ?
17:47 Non, non, je vous assure que non.
17:49 Il y aurait une mesure qui aurait permis de faire ça, ça aurait été de dire on garantit
17:52 un minimum de 1 200 euros quand vous avez une carrière complète.
17:55 Ce n'est pas la mesure qui a été choisie par le gouvernement.
17:57 Le gouvernement revalorise la pension de base jusqu'à 100 euros et on verra combien ça
18:02 vous fait.
18:03 Si vous aviez 1 100 euros, ça vous fera peut-être 1 200.
18:05 Si vous aviez 1 000, ça vous fera 1 100 maximum.
18:08 On va vérifier dans le texte du gouvernement parce qu'effectivement, ça change la donne.
18:12 Vous avez un confrère, Luc Péillon, qui a fait plusieurs papiers et qui démontent
18:18 ça.
18:19 Ça s'appelle les « grosses approximations et petits mensonges du gouvernement ». C'est
18:22 très bien expliqué.
18:23 Journaliste à Libération.
18:24 Angelo, au Standard de France Inter.
18:27 Bonjour, bienvenue.
18:28 Oui, bonjour.
18:29 Alors je comprends qu'il faille découper tout ce qui est technique, économique, etc.
18:37 Mais moi, la sensation que j'ai, c'est que les gens subissent une injustice de plus,
18:44 puisque de toute façon, le gouvernement est en train de s'empêtrer.
18:46 Plus il explique et plus les gens sont contre.
18:48 Mais quand même, ne pas regarder la société dans son ensemble et dire « on va prendre
18:53 les retraites, on va traiter ce sujet-là et tous les sujets à part ». Je veux dire,
18:57 sur fond de crise climatique, on demande encore aux plus pauvres de faire des efforts alors
19:02 qu'on dit que les jets privés, ça ne va rien changer.
19:04 Je veux dire, on sent quand même les gens qui n'ont pas de grands moyens, on se sent
19:08 quand même particulièrement visés.
19:11 Et moi, j'espère que Macron, il va passer de condescendant en un mot à condescendant
19:17 en deux mots.
19:18 Macron, on va l'avoir dans le baba parce qu'on est tous très fatigués.
19:21 Mais on ne peut pas découper la retraite et ne pas traiter les autres sujets.
19:25 C'est un ensemble.
19:26 Et alors que dire de la réforme du chômage qui est un assassinat pur et simple, avec
19:32 des arguments incroyables qui ne prennent pas en compte le contexte.
19:35 Oui, oui.
19:36 Merci Angelo.
19:37 Vous nous dites effectivement qu'il y a une approche technique des sujets, et c'est
19:41 celle qu'on a ce matin, qu'il y a une approche politique aussi de ces mêmes sujets,
19:46 et puis qu'il y a la manière dont on les reçoit, et vous l'avez décrit dans vos
19:50 mots Angelo ce matin.
19:52 Anne-Sophie Alsif.
19:53 Alors oui, il y a vraiment un timing qui est très mauvais pour le gouvernement, puisque
19:57 faire cette réforme, après le quoiqu'il en coûte, où en effet l'argument budgétaire
20:01 marche beaucoup moins, puisque pendant deux ans on a eu des milliards annoncés chaque
20:05 semaine, et puis bien sûr dans un contexte inflationniste et de guerre géopolitique,
20:10 c'est vrai qu'on se dit "encore une réforme de plus, est-ce que c'était vraiment nécessaire
20:14 vu le contexte ?" Donc ça en effet, tout à fait, le timing et le contexte est très
20:19 difficile.
20:20 Ce qui se passe, et c'est vrai que c'est vraiment à mon sens l'éperdant aussi de
20:23 cette réforme, c'est vraiment les seniors, on en a parlé un petit peu, l'emploi des
20:27 seniors, avec déjà la réforme de l'assurance chômage qui a fait qu'une partie a été
20:32 moins indemnisée, et vraiment il y a une problématique, une réflexion justement à
20:36 voir sur comment garder les seniors en emploi.
20:40 Alors c'est vrai que quand vous faites cette réforme, vous regardez dans les autres pays
20:42 européens, vous avez en général un décalage, donc une augmentation du taux d'emploi des
20:47 seniors, c'était aussi un des buts du gouvernement, donc ça c'est assez mécanique et on va
20:50 le voir, mais c'est dans quelles conditions ? Vous avez énormément de personnes de plus
20:53 de 55 ans qui veulent travailler et qui sont très actives sur le marché du travail et
20:57 qui ne trouvent pas.
20:58 Et qui ne trouvent pas.
20:59 Donc c'est vraiment ça la question.
21:00 Mais ça, est-ce que cette réforme va corriger ? Est-ce que l'intax senior, est-ce que éventuellement
21:04 les sanctions financières peuvent corriger ce chiffre qui est…
21:07 C'est du mouvement.
21:08 On le répète je pense tous les matins, Nicolas et moi, qui est catastrophique en France,
21:12 comparé aux autres pays de l'OCDE, on est catastrophique sur l'emploi de plus de 55
21:16 ans.
21:17 Alors normalement oui, puisqu'on voit que mécaniquement dès que vous décalez l'âge,
21:19 vous avez en tout cas entre 2 et 3 ans de taux d'emploi qui augmente parce que même
21:23 les plans de départ etc, tout est décalé par rapport à l'âge légal de la retraite.
21:26 Donc au lieu de 62, ce soit 64.
21:28 Après le problème en France, juste pour aller sur ce point parce que c'est vraiment
21:32 très important, c'est une autre manière de structurer le marché de l'emploi.
21:38 En France, vous travaillez beaucoup entre 25 ans et 55 ans, vous avez une des productivités
21:43 horaires les plus fortes des pays européens.
21:45 Et donc, on va dire la récompense un peu, c'est de partir plus tôt parce que vous
21:48 êtes souvent usé quand vous arrivez à la retraite.
21:50 Dans nos parchers, nos partenaires européens, notamment les pays du Nord, ce n'est pas
21:53 du tout la même.
21:54 Ils travaillent moins entre 25 et 55 ans.
21:55 Et surtout, ils ont plus envie de travailler après.
21:58 Des aménagements de carrière selon votre âge.
22:00 Michael Zemmour.
22:01 Ce maintien en l'emploi des personnes, ça se fait au prix d'un développement de la
22:05 précarité.
22:06 En fait, vous avez à peu près une personne sur trois qui n'est pas en emploi à 59,
22:09 60, 61 ans.
22:10 Et quand vous décalez l'âge de la retraite, vous allongez la période de précarité au
22:14 chômage, au RSA, de ces personnes qui ne vont pas retrouver un emploi à 61 ans.
22:18 Donc là, il y a une combinaison sur la précarité, entre la réforme de l'assurance chômage
22:22 qui diminue le temps d'indemnisation et la réforme des retraites qui va allonger
22:26 la réforme du chômage.
22:27 Et comme on le sait, ça, on l'a observé avec la dernière réforme des retraites.
22:31 Quand on est passé de 60 à 62 ans, la durée sans emploi ni retraite s'est allongée.
22:35 Et donc, on se prépare une poche de précarité avant la retraite, notamment pour les ouvriers
22:40 et les employés.
22:41 Merci à tous les deux.
22:42 C'était passionnant, technique, précis.
22:45 Merci vraiment d'avoir été à notre micro ce matin, Anne-Sophie Alsif et Michael Zemmour.

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