Notre journaliste Plana Radenovic entretient une correspondance avec Rédoine Faïd depuis plus de trois ans parue dans «Depuis l’enfer gris».
Dans ces courriers, le braqueur met en avant une éthique du « grand banditisme ». Où le vol serait finalement assez bas sur l’échelle de la gravité. Ce qui importe à ses yeux, c’est surtout qu’il n’y ait pas de sang versé.
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Dans ces courriers, le braqueur met en avant une éthique du « grand banditisme ». Où le vol serait finalement assez bas sur l’échelle de la gravité. Ce qui importe à ses yeux, c’est surtout qu’il n’y ait pas de sang versé.
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NewsTranscription
00:00 J'avais envie de regarder derrière cette façade de caïd, de beau-parleur, de séducteur,
00:05 de manipulateur, de voir l'homme derrière.
00:07 Redouane Faïd, c'est un braqueur qui a commencé à voler depuis l'âge de 6 ans.
00:16 Il a commis plusieurs braquages, notamment de fourgon blindé, mais il est surtout connu
00:20 pour ses deux évasions retentissantes en 2013 de la prison de Seuquesdins, dans le
00:25 nord, à côté de Lille, et en 2018 de Réau en Seine-et-Marne, où là il s'est évadé en hélicoptère.
00:30 Aujourd'hui, il est incarcéré à Fleury-Mérogis.
00:33 Sa date de sortie théorique est 2046, donc il aura 75 ans.
00:38 Là, en fait, il attend son dernier procès pour l'évasion de Réau, qui doit se tenir à l'automne 2023.
00:43 C'est quand je l'ai rencontré en octobre 2019 au parloir, à Vendin-le-Vieil,
00:53 qui est une prison dans le Pas-de-Calais.
00:55 L'objet de la rencontre, c'était de parler de ses conditions de détention.
00:58 Mais après, plus tard, je voulais passer derrière ça pour vraiment accéder à l'humain et le connaître.
01:02 Et j'ai l'impression que j'ai réussi à le faire.
01:05 Il faut dire que Redouane Faïd, c'est aussi un personnage.
01:11 Donc, c'est quelqu'un qui a déjà une image publique et c'est quelqu'un qui a un QI de 122.
01:16 C'est quelqu'un qui a des capacités assez hors normes, malheureusement, qui met au service du fait criminel.
01:23 Et donc, j'avais envie un petit peu de regarder derrière cette façade, en fait,
01:28 qui donne à voir un petit peu de caïd, de beau-parleur, de séducteur, de manipulateur, de voir l'homme derrière.
01:35 Et je pense que j'ai réussi à le voir parce que j'ai correspondu avec lui pendant plus de trois ans.
01:39 À la longue, il ne peut plus rester dans son rôle de personnage.
01:43 Ce risque que Redouane Faïd puisse m'utiliser, bien sûr, j'y pense depuis le début,
01:53 depuis avant notre première rencontre.
01:54 Ma première rencontre avec lui, je l'ai abordé comme quand je vais rencontrer un politique.
01:59 Je sais, c'est une personne qui a une image médiatique, qui a une image publique.
02:02 Ce n'est pas un détenu lambda.
02:03 Donc, je sais très bien qu'il a un message à faire passer.
02:06 Et évidemment que sa manière à lui de le faire passer, c'est d'avoir des relais médiatiques.
02:12 Il a une personnalité qui a été expertisée plusieurs fois puisqu'il est passé en procès.
02:16 Donc, à chaque fois, il y a des expertises psychologiques et psychiatriques.
02:19 Il est décrit par les experts comme manipulateur et séducteur.
02:22 Donc, manipulateur, ça, c'est clair.
02:24 Séducteur, pour le coup, c'est de la séduction qui n'est pas homme-femme.
02:27 Enfin, avec moi, je n'ai jamais senti ça.
02:29 Je préfère évacuer le sujet.
02:31 Moi, je mets ça sur le plan de l'intelligence humaine.
02:34 Et puis, tant que moi, je suis consciente de ça et que j'y fais attention,
02:38 j'estime ne pas tomber dedans.
02:40 Et j'espère que les lecteurs le penseront aussi.
02:42 Cette image d'ennemi public numéro un, Redouane Faïd,
02:49 il la traîne pour moi surtout depuis 2010.
02:53 Parce que 2010, c'est la sortie de son premier livre coécrit avec Jérôme Piera
02:56 qui s'appelle "Le braqueur des cités au grand banditisme".
02:59 Et en fait, à ce moment-là, il a couru les plateaux télé
03:02 pour parler de sa rédemption, du fait que c'était derrière lui,
03:06 cette vie de braqueur et qu'il essayait de se réinsérer dans la société.
03:08 En fait, les journalistes qui l'ont rencontré à ce moment-là
03:12 ont l'impression d'avoir été floués.
03:14 Ils se sentent personnellement atteints par ça,
03:17 par le fait qu'il ait replongé.
03:18 Et puis, du côté de l'administration pénitentiaire,
03:20 j'ai suivi les suites des deux évasions.
03:22 Les surveillants pris en otage en 2013,
03:24 je les ai rencontrés, ils sont traumatisés à vie.
03:26 Les surveillants aussi de Réau, en Seine-et-Marne,
03:29 où il s'est évadé en hélicoptère, se sont sentis vraiment honteux.
03:32 En fait, c'est le mot de honte qui est ressorti de nos échanges.
03:35 Ils ont l'impression que ce détenu-là se moque d'eux,
03:38 pour rester poli, et ils se sentent vraiment floués.
03:42 Je pense aux personnes qui ont été braquées par lui,
03:48 parce que Redouane Faïd minimise le côté de voler,
03:52 mais lui, ce sont des vols à main armée.
03:54 Donc déjà, ça veut dire qu'il y a des gens
03:55 qui ont vu leur vie défiler sous leurs yeux,
03:58 parce que lui sait qu'il ne va pas tirer.
03:59 Les gens qui ont le revolver pointé sur eux,
04:03 ils ne peuvent pas le savoir.
04:04 Il avait dit qu'il avait pris conscience de ça
04:06 en voyant les surveillants pris en otage défiler à la barre.
04:08 En fait, pour lui, à la base, le fait qu'il n'y ait pas de sang versé,
04:12 ça voulait dire que ce n'était pas si grave, finalement,
04:14 que c'était propre.
04:15 En fait, non, ce n'est pas propre.
04:16 Il y a des gens qui ont pensé qu'ils allaient mourir,
04:18 des gens qui sont traumatisés à vie,
04:20 qui ne pourront plus jamais reprendre leur travail comme avant.
04:22 Par ailleurs, en ce qui concerne la mort d'Aurélie Fouquet,
04:25 cette jeune policière municipale tuée lors d'un braquage avorté en 2010,
04:29 Redouane Faïd, il est condamné pour avoir organisé ce braquage.
04:33 Lui, il continue à clamer son innocence.
04:34 Redouane Faïd, il ne conteste pas le fait d'être en détention.
04:40 Ça, évidemment, il le comprend.
04:42 Il ne conteste pas non plus d'avoir des mesures sécuritaires
04:45 supérieures à celles d'un détenu lambda.
04:47 Mais ce qu'il dénonce, c'est l'accumulation de mesures coercitives
04:50 en plus de l'isolement, ce qui est quasi inédit.
04:53 C'est-à-dire que lui, quand il voit ses proches,
04:55 là, depuis quatre ans,
04:57 depuis qu'il a été repris de réau en 2018,
04:59 c'est dans un parloir où ils sont séparés par une vitre en plexiglas.
05:02 Ça s'appelle un parloir hygiaphone.
05:04 Donc, par exemple, sa grande sœur, elle est décédée
05:06 pendant notre correspondance.
05:08 Il n'a pas pu lui prendre la main, en fait, pendant quatre ans.
05:10 Il estime qu'il est victime d'une injustice
05:12 par rapport au côté inédit de ses conditions de détention.
05:16 S'il les compare, par exemple, à celles de Salah Abdeslam,
05:19 Salah Abdeslam, il a eu un parloir hygiaphone,
05:21 mais on lui a retiré pour des raisons d'humanité.
05:24 Le fait d'être fouillé à nu de manière répétitive,
05:26 mais vraiment plusieurs fois par jour,
05:28 c'est quand même humainement très difficile.
05:30 Par ailleurs, à chacun de ses déplacements,
05:32 il est encadré par des surveillants tenus anti-émeutes, menottés, etc.
05:36 Tout ça vient ajouter, en fait, à un traitement indigne et inhumain.
05:41 Ce sont ses mots à lui.
05:42 Plus objectivement, c'est dénoncé aussi par la contrôleure générale
05:45 des lieux de prohibition de liberté, qui parle de torture blanche
05:49 pour l'isolement auquel, par exemple, Edouard Nfaïd est soumis,
05:52 mais aussi d'autres détenus.
05:54 Il y a aussi l'OIP, la CEDH.
05:56 J'ai pu avoir accès, dans le cadre de mon travail pour le JDD,
06:00 à un certificat médical d'un médecin qui a examiné Faïd,
06:03 où il dit qu'il aura des séquelles irréversibles,
06:07 liées à ses conditions de détention.
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