Aujourd'hui, Juliette Arnaud nous parle d'un roman d'Anita Brookner : "Hôtel du lac", publié en 1984.
Retrouvez toutes les chroniques de Juliette Arnaud dans « C'est encore nous ! » sur France Inter et sur https://www.franceinter.fr/emissions/la-chronique-de-juliette-arnaud
#Littérature
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AmusantTranscription
00:00 Le mercredi, c'est le moment où on retrouve Juliette Arnault.
00:02 Vous ouvrez un nouveau livre aujourd'hui, un nouveau classique que vous avez pioché
00:07 dans votre bibliothèque.
00:08 « Si je ne m'abuse », c'est un Booker Prize 1984.
00:12 Le roman s'intitule « Hôtel du Lac », ça se passe au bord du Léman.
00:17 L'autrice, Anita Bruckner.
00:19 Lorsque les journaux français annoncent la mort d'Anita Bruckner à l'âge de 88 ans,
00:24 le 10 mars 2016, quels que soient leurs bords politiques, les journaux français, ils semblent
00:29 tous tomber d'accord sur une chose.
00:31 Selon Télérama, c'est l'écrivaine de « La solitude », Libération, l'investigatrice
00:35 de « L'âme célibataire », Le Monde, glorieuse entomologiste des « Vies ratées ».
00:40 Bon, il n'y a pas forcément de lien entre célibataire et vie ratée, mais bon.
00:44 Quant au Figaro, il rappelle qu'Anita Bruckner n'était pas mariée et n'avait pas eu
00:48 d'enfant, mais insistait sur le fait que ses livres n'étaient pas ses enfants.
00:53 Après lecture d'Hôtel du Lac, j'acquiesce, mes consoeurs avaient vu juste.
00:57 Et comme j'avais du mal à quitter les brumes lacustres du roman, pour regagner la réalité,
01:02 parce que la réalité on ne va pas se tirer les cartes entre gitans, c'est franchement
01:05 surcoté, et bien j'ai révacé.
01:08 Tout ça me rappelait quelque chose vaguement, cette écrivaine qui aurait pu résumer son
01:11 œuvre par une phrase à la fois précise et modeste, genre « Je vous écris de chez
01:16 les gens seuls », ça faisait comme « Attendez, attendez, ça m'est revenu, ah oui, ça y
01:21 est, je l'avais, c'était Linky Pit de King Kong Théorie de dépente, j'écris
01:25 de chez les moches pour les moches, les vieilles, les camionneuses, les frigiles, les mal baisées,
01:29 les imbaisables, les hystériques, les tarés, toutes les exclus du grand marché à la bonne
01:33 meuf ». C'est toujours à la fois sain et excitant
01:36 quand les auteurs ou les autrices nous font savoir de quels endroits ils ou elles écrivent.
01:42 Pas ce qu'ils écrivent, d'où ils écrivent.
01:44 Ainsi, ce qu'écrit Anita Bruckner dans ce roman, ce sont les états d'âme d'une
01:48 femme célibataire.
01:49 Elle s'appelle Edith Hope, elle est elle-même autrice de romans, des bluettes, des romans
01:53 sentimentaux, alors qu'elle se retrouve pendant quelques semaines dans un hôtel
01:56 au bord du lac Clément.
01:57 Oui, on peut se dire qu'Anita Bruckner sait de quoi elle cause.
02:00 Sauf qu'Anita, l'ouvoie, hôtel du lac, n'est pas un livre à l'eau de rose,
02:03 dans le sens où Edith Hope, l'héroïne, ne manque ni de lucidité, ni d'ironie.
02:09 Et il va lui en falloir de la lucidité et de l'ironie, parce que là, tout de suite,
02:13 en Suisse, dans ce bel hôtel qui s'ennuie, qui se prépare à hiberner dans un hôtel
02:17 qui a chassé la foule des vacanciers, Edith Hope a du mal à oublier la raison de sa présence
02:22 ici.
02:23 Elle a du quitter l'Angleterre un peu vite pour se faire oublier.
02:26 Elle a suivi le conseil de ses amis.
02:28 C'est une fugue d'adulte.
02:30 Et on ne va pas en connaître la raison avant le milieu du roman.
02:33 Suspense.
02:34 Et on accepte avec le sourire latente, parce qu'on est bien avec Edith.
02:38 Qui ressemble un peu à Virginia Woolf, qui semble un peu transparente, vieillotte, alors
02:42 qu'elle a à peine 40 ans, qui face au spectacle de la débauche de féminité qu'elle observe
02:46 notamment chez une mère et sa fille, pensionnaire comme elle de l'hôtel du lac, elle y décèle
02:51 avidité, grossièreté et violence.
02:53 Edith Hope est bien élevée.
02:54 Edith Hope est polie.
02:56 Edith Hope semble effectivement un peu transparente.
02:58 Elle écoute les autres.
02:59 Personne ne lui pose de questions sur elle.
03:01 C'est souvent ainsi avec les gens qui ne la ramènent pas.
03:03 Et puis quand elle rentre dans sa chambre, épuisée par des conversations oiseuses et
03:07 à sens unique, elle écrit à un homme.
03:10 David.
03:11 Avec lequel elle semble partager la plus grande intimité.
03:13 Ah ? Mais alors ? Mais qu'elle est qui, chez Manteuse, cette Juliette ? Elle n'est pas seule, Edith Hope ?
03:19 Oh, mollo Pépito.
03:20 Je ne suis pas Zinzin.
03:21 J'ai dit célibataire.
03:23 J'ai pas dit seule.
03:24 Et puis on peut être infiniment seule, même en partageant son intimité.
03:27 Avant de vous...
03:28 *Rires*
03:29 Il y a eu un petit saut de Thomas Croisière.
03:32 Je dis parce qu'on m'en rigole.
03:33 Pour inclure tout le monde.
03:34 *Rires*
03:35 Avant de vous révéler la raison de cette contradiction apparente, je vais revenir à
03:40 l'inquipide de Dépente.
03:41 Après avoir dit "je vous écris pour les moches de chez les moches", elle disait "je ne m'excuse
03:45 de rien, je ne viens pas me plaindre, je n'échangerai ma place contre aucune autre parce qu'être
03:51 Virginie Dépente me semble être une affaire plus intéressante à mener que n'importe
03:55 quelle autre affaire".
03:56 Edith Hope se sent-elle être une affaire plus intéressante ? Edith Hope est-elle assez
04:02 armée pour ça ? C'est ce qu'on verra la prochaine fois.
04:04 Merci, bisous.
04:05 Merci.
04:06 Merci Juliette Arnaud.
04:07 Romand, lacustre donc.
04:09 *Rires*
04:10 Presque, on peut dire.
04:11 Mais bien sûr.
04:12 Ça faisait longtemps que je n'avais plus entendu ce mot qui est très joli.
04:15 Oui, je me suis dit je vais remettre un peu de lacustre.
04:17 Bien sûr, lacustre.
04:18 Réhabilité.
04:19 Personne n'a bronché mais lacustre, réhabilitons cet adjectif.
04:22 Il invente des instruments, vous pouvez inventer des mots.
04:24 Il y a le fameux lacustre de Zola, non ?
04:26 *Rires*
04:27 Je ne sais plus, je ne sais plus.
04:29 Attendez, Laurence Bibaud a une question.
04:31 Il y a un mot que je n'ai pas compris, mais je ne sais même plus le répéter.
04:34 Quand tu parles de Virginie Dépente, c'est la Virginie ?
04:37 Inquipite.
04:38 C'est la première phrase d'un livre.
04:39 Ah, inquipite.
04:40 Inquipite.
04:41 Oui.
04:42 *Rires*
04:43 Et là, fou rire de Laurence Bibaud.
04:45 Et là, elle file sur France Bleue.
04:46 Et c'est malchanceux.
04:47 Et là, avec Juliette Arnaud, on a eu droit à un inquipite lacustre.
04:51 Je peux vous dire que bam bam bam, toutes les cases.
04:54 Vous savez, depuis que c'est Adèle Van Reth qui dirige la chaîne, on sent le niveau rehausser.