Aujourd'hui, Juliette Arnaud nous parle du livre Le sexocide des Sorcières de Françoise d’Eaubonne
Retrouvez toutes les chroniques de Juliette Arnaud dans « C'est encore nous ! » sur France Inter et sur https://www.franceinter.fr/emissions/la-chronique-de-juliette-arnaud
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00:00 C'est un pamphlet qui s'appelle "Le sexocide des sorcières" de Françoise Daubonne.
00:05 Superbe allitération en S, non ? Le sexocide des sorcières.
00:09 C'est beau, les allitérations en S, mais c'est flippant, c'est menaçant.
00:12 Les plus grands littérateurs sont bien au courant.
00:14 Ainsi, Racine en 1667, autre allitération que j'ai parfaitement réussie, dans Andromaque
00:20 pour qui sont ces serpents qui sifflent sur vos têtes, ou en 1998, NTN, dans "Laisse
00:26 pas traîner ton fils", et les jeunes sont saoulés, salis sous le silence, seule issue,
00:31 la rue, même quand elle est en sang.
00:33 Oui, j'ai bien dit 98.
00:35 Je ferme la parenthèse.
00:36 La figure de style, donc, cette allitération en S, qui avertit d'un danger tout proche.
00:42 Sexocide, c'est un des termes inventés par la penseuse et écrivaine et activiste
00:46 Françoise Daubonne.
00:47 Un des termes parce qu'elle a aussi inventé ceux de décroissance et d'écoféminisme.
00:51 Oui, on peut dire que Françoise Daubonne a bien occupé sa vie, à penser et à faire.
00:56 Elle fut également résistante pendant la Deuxième Guerre mondiale et activiste, féministe
01:00 et écologiste.
01:01 Ce terme de sexocide, elle le fabrique pour nous présenter, pour nous raconter la vague
01:06 d'assassinats systématiques des sorcières, puis des femmes, plus généralement, pendant
01:10 deux, trois siècles en France, de la Renaissance à l'âge classique.
01:14 Le danger semble ici derrière nous, des siècles derrière nous.
01:18 Il suffit de songer deux secondes à l'Iran et à l'Afghanistan, on se dit que c'est
01:21 derrière, mais c'est pas loin.
01:22 Dans une première partie de l'essai du sexocide des sorcières, Françoise Daubonne revient
01:26 sur les origines de la civilisation occidentale.
01:29 Les Grecs, où régulièrement on caresse une sombre vision, un genre de rêve, celui
01:34 de voir les femmes disparaître, tout en acceptant qu'elles existent, vu qu'on ne sait pas
01:37 comment faire des enfants sans elles.
01:39 Et les débuts du christianisme, qui est devenu une religion de mâle, en écartant le message
01:45 de Jésus, le message originel de Jésus, d'après Françoise Daubonne, qui aurait été essentiellement
01:50 un message de réconciliation des deux polarités de l'humain.
01:54 Bon, ce message-là, objectivement, on ne l'a pas trop trop reçu.
01:56 C'est sans doute pour ça que Françoise Daubonne ouvre le pamphlet avec la citation
02:01 d'un mec d'Orient, un poète indien, Rabindranath Tagore.
02:06 La citation dit "L'Occident a posé de grandes questions auxquelles il n'a pas su répondre,
02:12 comme le conflit des sexes".
02:13 L'Occident a posé de grandes questions, louange, auxquelles il n'a pas su répondre,
02:17 t'emballes pas mon gars, comme le conflit des sexes.
02:20 Ah, nous y voilà ! Et d'ailleurs, voici le dernier paragraphe du pamphlet, avant que
02:25 démarre la deuxième partie.
02:26 Françoise Daubonne conclut la première partie en disant "C'est bien en Occident chrétien,
02:30 futur créateur de l'état de droit, que s'est manifesté le plus tôt et le plus
02:34 spectaculairement ce rêve de sexocide par le bûcher des sorcières".
02:39 Spectaculairement.
02:40 Et comme cet ouvrage est un pamphlet, c'est-à-dire un texte court et violent qui attaque une
02:44 institution, Françoise Daubonne charge spectaculairement.
02:47 Il s'agit de nous parler du livre "À l'origine du sexocide", un livre qui s'appelle "Le
02:52 marteau des sorcières", qui a été écrit par deux Dominicains, Kramer et Sprenger.
02:55 Un livre qui explique doctement la nature des sorcières et comment les capturer, les
03:00 juger, les torturer et les éliminer.
03:01 Coucou l'Inquisition !
03:03 "Françoise charge donc", disais-je, "titre du chapitre, le Mein Kampf de l'Inquisition".
03:09 Ding dong, point Godwin !
03:11 Françoise se fout absolument du ding dong des points Godwin.
03:15 Elle continue et elle écrit "il est parfaitement équitable de comparer le manuel d'antisémitisme
03:20 hitlérien au Marteau des sorcières.
03:22 Ces deux ouvrages appartiennent à l'hallucinante possibilité humaine de déchaîner un massacre
03:28 à partir d'un raisonnement digne d'un aliené".
03:32 Je ferme la citation.
03:34 En 2023, on commence à mieux connaître l'histoire du massacre des sorcières, notamment grâce
03:37 à Mona Chollet.
03:38 Enfin, les sorcières.
03:39 Celles qui étaient jugées comme telles, c'est-à-dire peu ou prou n'importe quelle
03:42 femme, puisque je cite le Marteau des sorcières, "toute sorcellerie provient du désir charnel
03:46 qui est insatiable chez la femme".
03:48 Donc, toutes les femmes, les savantes, les sages-femmes, les célibataires qui vivent
03:52 avec leur chat et leur balai, les mariées avec mari et enfant, y compris des fillettes
03:56 de 10 ans.
03:57 Françoise de Bonne a écrit bien avant Mona Chollet, c'était en 1999, parce que Françoise
04:02 de Bonne ne pensait pas que nous, les femmes, nous sommes sans passé ni histoire.
04:06 Merci, bisous, merci.
04:07 Merci à vous, Juliette Tarnot.
04:09 Et alors, où peut-on se procurer ce livre ?
04:11 Quelle est la maison d'édition ?
04:12 C'est la maison d'édition au Diable Veau Vert, dans une collection du Diable Veau
04:15 Vert qui s'appelle "Les nouvelles lunes".
04:17 Lunes, féminisme.
04:18 Et le Marteau des sorcières, on peut encore le trouver ?
04:21 Figurez-vous que ça se trouve plus facilement que Marie-Thérèse.
04:24 Non, c'est juste pour les repérer, c'est pas pour les capturer.
04:26 Bien sûr que pas.
04:27 C'est toutes les femmes, Alex.
04:28 Partez du principe que c'est toutes les femmes.
04:29 Ah, et bien, ça, j'avais un peu déjà cette intuition.
04:32 Même votre maman.
04:33 Non, ça c'est impossible, c'est pas ma mère.