Le livre des Rois ou Shâhnâmeh de Ferdowsi - La chronique de Juliette Arnaud

  • l’année dernière
Aujourd'hui, Juliette Arnaud nous parle du Livre des Rois aussi appelé Shâhnâmeh de Ferdowsi

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00:00 Et Juliette Arnault, vous aviez entamé la lecture d'un trésor iranien, un poème épique
00:06 en prose qui raconte l'histoire légendaire de l'Iran.
00:09 Ça s'appelle « Le Livre des Rois », aussi appelé, j'ai du mal à le dire moi, « Charnomé ».
00:14 C'est une sorte de compilation des légendes persanes et de ses héros.
00:18 Aussi d'une guerrière qui cache ses cheveux pour combattre, mais les révèle pour piéger
00:24 le guerrier.
00:25 Et aussi d'un roi super méchant qui s'appelle Zahak.
00:28 Marvel, Marvel des super héros, avait bien compris une chose, c'est qu'un super héros,
00:34 c'est la base de toute histoire.
00:36 Et comme le monde change, parfois le super héros, c'est une femme.
00:39 Parfois le super héros, il est noir.
00:41 Parfois même c'est une femme noire.
00:42 Et il y a des gens qui crient parce que c'est vraiment très grave.
00:44 Mais heureusement juste après, il y a une autre chose très très grave qui arrive.
00:46 Et pouf pouf, les gens sont très énervés, ils passent à autre chose.
00:48 Marvel avait compris une autre chose, c'est qu'il dit super héros, il dit super vilain.
00:53 Et Marvel a eu amplement le loisir de comprendre ça parce que des tas de grands récits sont
00:57 bien antérieurs au XXe siècle.
00:59 Ainsi, 10 siècles avant Marvel, Ferdowsi racontait un super vilain d'anthologie à mes yeux,
01:05 Zahak, dont on apprend dès le départ que son règne dura 1000 ans.
01:10 Ce qui fait un nombre certain de quinquennats.
01:13 D'autant que ce furent 1000 années de règne.
01:15 Par l'oppression et le crime, Zahak n'avait aucune vertu de roi, aucune loi, aucune foi.
01:21 C'est que dès le départ, Zahak est maléfiquement inspiré parce que Iblis, qui est l'esprit
01:27 du mal, commence par lui proposer de tuer son père pour obtenir le pouvoir.
01:32 Le père de Zahak.
01:33 Zahak est ok, il n'est pas perclu de sentiments filiales.
01:36 Alors Iblis lui pose un baiser sur chaque épaule et de là sortent deux serpents hideux
01:42 qui se nourrissent de cervelles humaines.
01:45 Il leur faut deux cervelles de deux jeunes hommes par jour.
01:49 Que multiplient 200 quinquennats, ce qui nous fait un total de vraiment beaucoup de morts.
01:55 D'où le titre de super vilain en chef.
01:58 Et puis un jour, dans ces 1000 ans de règne, il y a un mec qui en a ras la casquette.
02:02 Et c'est ça, c'est une des choses qui m'a passionnée dans le chornemais, c'est
02:06 que c'est pas un jeune héros ce type là, celui qui en a ras la casquette, c'est
02:09 pas un guerrier, c'est pas le roi d'un état voisin.
02:11 C'est un homme du peuple à qui on a déjà pris 17 fils pour nourrir les deux serpents.
02:16 Il s'appelle Kaveh, il est forgeron et il se rebelle.
02:19 Il rameute la foule en utilisant son tablier de forgeron pour en faire le drapeau de la
02:25 révolte.
02:26 Alors oui, ensuite il faudra un guerrier pour venir à bout de Zahaq, mais c'est
02:29 Kaveh le premier qui dit non.
02:31 Comme Antigone chez Sophocle et chez Anouï, Antigone qui est une petite jeune fille.
02:36 Ou comme César dans la planète des singes.
02:38 César qui est un singe, c'est lui qui dit non.
02:40 Bref, la substantifique moelle du super pouvoir, ce ne sont pas donc les gros muscles, c'est
02:46 la capacité à dire non.
02:47 Pour en revenir à l'épouvantable Zahaq, on aura noté que sa carrière de 200 quinquennats
02:52 commence avec un parricide.
02:53 Oui, c'est une chose qui arrive souvent dans les grands récits, c'est pas une spécialité
02:57 persane.
02:58 Notre histoire, à nous occidentales, ne cesse de faire référence à Edip, dont je vous
03:03 rappelle qu'il a assassiné Laïos, son père, et épousé sa mère.
03:06 Bien malgré lui, le malheureux ne savait pas que le type avec qui il s'embrouillait
03:09 pour une histoire de code de la route était son géniteur.
03:11 Et non, non, non, vraiment sûr.
03:15 Voilà, déjà il n'était pas là, mais moi j'ai lu le livre, et pas Edouard.
03:19 Il y a une histoire similaire dans le Livre des Rois.
03:32 Un père et un fils, deux héros, qui ne se connaissent pas et qui vont se livrer un combat
03:36 à mort.
03:37 Et ce n'est qu'au moment où le plus vieux tue le plus jeune, que le plus vieux apprend
03:41 que c'est la dépouille de son fils qu'il tient contre lui.
03:43 C'est un épisode absolument déchirant du Livre des Rois.
03:46 Et comment ne pas noter qu'ici, c'est l'inverse de l'ancestrale histoire grecque.
03:50 Ici, c'est le plus âgé qui triomphe.
03:52 Comment ne pas alors se souvenir que dans l'Iran moderne, la révolution de 1979 a
03:56 été menée par un vieillard qui voulait rétablir la tradition.
04:00 C'est assez troublant cette lecture à notre époque, où l'on suit de loin une autre
04:03 révolution qui résiste encore là-bas.
04:06 Une révolution qui s'appelle « Femme, vie, liberté » avec des cheveux et des corps
04:10 comme tabliers de forgeron.
04:11 On se dit que peut-être le temps symbolique du père qui tue le fils agonise, et que
04:15 le temps des filles est en train d'émerger et que ça s'appellerait le Livre des Reines.
04:19 Merci, bisous, merci.
04:20 Merci Juliette Arnaud.
04:21 Et d'ailleurs, à la faveur de cette pensée pour les Iraniennes et les Iraniens, nous
04:25 en avons aussi une pour les otages dans notre compatriote belge Olivier Van de Kasteel,
04:31 qui est toujours retenu arbitrairement en Iran depuis un an et un mois déjà.
04:35 Ce livre, Juliette, il est disponible de partout en édition de poche, il est très choisi.
04:42 Et sinon, pour ceux qui vont tomber vraiment amoureux du livre, il y a une magnifique édition
04:47 avec plein de dessins, d'illustrations.
04:51 Très bien.
04:52 C'est un livre qui a joué un rôle important dans la langue persanne, disiez-vous ?
04:55 S'il n'y a pas ce bouquin, il n'y a sans doute plus de langue persanne et on parlerait
05:01 arabe en Iran comme dans toutes les autres régions voisines.

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