Le politologue Guillaume Bigot était invité sur le plateau de La Matinale week-end, ce samedi 11 février, sur CNEWS. Il s’est exprimé sur le projet de la réforme des retraites : «L’opinion publique a bien compris que ce n’était pas une réforme vitale».
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00:00 Ce qu'on comprend, c'est que...
00:02 Alors, c'est toujours difficile d'utiliser des mots un peu grandiloquents
00:05 comme "le peuple" avec un grand P.
00:07 Difficile de savoir ce qu'est le peuple.
00:08 Mais précisément, il y a quand même aussi, à la fois dans les syndicats,
00:12 mais aussi à l'Assemblée nationale, un problème de représentativité.
00:15 C'est-à-dire que tout le corps électoral ne se retrouve pas à l'Assemblée nationale
00:19 parce que l'abstention est massive.
00:22 Et donc, on l'avait déjà fait, cette addition également.
00:24 Si vous prenez les abstentionnistes, plus le RN, plus LFI,
00:29 plus d'ailleurs un petit tiraillement, parce qu'au sein même de la majorité,
00:32 au sein de l'ER, il y a des gens qui ne sont pas tout à fait d'accord avec cette réforme.
00:34 Si vous additionnez le tout, vous vous rendez compte de toute façon,
00:37 tout de même qu'il y a une très très grosse majorité de Français,
00:40 et ça, toutes les enquêtes le montrent, sont contre cette réforme.
00:44 Et donc, ça c'est sûr et certain.
00:45 Mais regardons un instant.
00:47 Alors, pour nos auditeurs d'Europe 1, ils n'ont pas pu voir les images,
00:50 mais c'est deux personnes qui sont partie de la France des employés,
00:55 de la France, on dirait, assez modeste,
00:59 qui vraiment, attendent-ils avec impatience leur retraite,
01:02 on ne peut pas parler à leur place.
01:03 Mais on voyait dans le reportage, une planche de surf,
01:05 on voyait ce technicien qui avait une guitare électrique, enfin,
01:10 grosso modo, on sent que c'est une France qui est centrée sur,
01:14 pas seulement les loisirs, mais ce qui est centré sur la famille,
01:17 qui est centré sur l'individu, qui est centré sur le cocon familial.
01:20 En fait, comme il n'y a plus de grands récits,
01:22 si vous voulez, tout est très individualiste.
01:24 Et donc, là, qu'est-ce qu'il y a pour ces gens-là ? Qu'est-ce qu'ils pensent ?
01:27 Ils pensent qu'Emmanuel Macron, et ce n'est pas totalement faux,
01:30 veut surtout imposer cette retraite, veut surtout faire 18 milliards,
01:33 mais avec les concessions qui ont été faites, il n'y a plus que 10 milliards,
01:37 pour lui, pour, grosso modo, sa glorieule, enfin, son legue historique.
01:41 Voilà, je veux absolument ma réforme.
01:44 Et ces gens-là, ils disent non, on ne va pas travailler deux ans de plus,
01:46 on ne va pas profiter deux ans de moins de nos petits-enfants,
01:49 on ne va pas pouvoir profiter de la vie deux ans de moins, ça ne va pas.
01:53 Donc, en fait, on voit bien qu'il n'y a plus,
01:55 on pourrait dire, de grands récits collectifs qui peuvent embarquer les gens.
01:58 Une réforme comme celle-ci, si vraiment elle est...
02:01 Enfin, bon, moi, je ne vais pas me prononcer sur le fond de la réforme,
02:02 mais si elle était structurelle, on dirait, écoutez, il y a un enjeu majeur,
02:06 c'est l'avenir de la France, c'est notre destin à tous qui nous engage, etc.
02:10 Les gens pourraient faire des efforts,
02:12 mais là, ils ne perçoivent pas que ce sont des efforts.
02:14 Ils perçoivent qu'il y a un président de la République qui disait,
02:17 il y a quelque temps, qu'il ne fallait pas faire cette réforme,
02:19 en utilisant quasiment les mots de l'opposition, en disant,
02:21 oui, mais ce serait très hypocrite de faire travailler les gens au-delà de 62 ans.
02:24 C'est le président qui le disait.
02:25 On a un ministre Dussopt, ministre du Travail,
02:29 et je ne sais pas si vous avez vu, mais il y a un député PS
02:31 qui a utilisé mot à mot les arguments de M. Dussopt lorsqu'il était député PS,
02:36 avant de rejoindre Renaissance, et député PS,
02:38 contre le projet Werth de réforme des retraites.
02:40 On a utilisé le verbatim, c'est-à-dire le mot à mot de M. Dussopt,
02:43 contre M. Dussopt.
02:45 Et tout est comme ça, d'une certaine façon.
02:47 Donc, ça n'a pas l'air d'être quelque chose...
02:50 Enfin, c'est présenté à l'opinion publique comme une réforme vitale.
02:53 Et en fait, l'opinion publique a bien compris qu'elle n'était pas une réforme vitale.
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