Aujourd'hui, dans "Bienfait pour vous", Mélanie Gomez et Julia Vignali ouvrent le dossier santé du jour avec Jeanne-Siaud Facchin et Mohamed Boclet.
Retrouvez "La question du jour" sur : http://www.europe1.fr/emissions/vite-fait-tres-bien-fait
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00:00 Bien fait aux yeux.
00:02 Mélanie Gomez, Julia Vignali.
00:06 De retour dans votre émission "File gout de mieux vivre", on vous propose aujourd'hui de voir comment réussissent les cancres car bien heureusement la
00:12 réussite scolaire ne fait pas tout dans la vie. On fait le point grâce à Jansio Fachin,
00:16 psychologue clinicienne, psychothérapeute et puis on fait également le point avec Mohamed Bouclé
00:21 qui a vécu l'échec scolaire mais qui est aujourd'hui vice champion du monde de lecteurs rapides et fondateur de connaissances illimitées.
00:28 Alors Mohamed, je reviens vers vous. Il y a un facteur à prendre en compte dans votre histoire scolaire
00:32 compliquée, c'est que vous étiez dyslexique. Est-ce que ça a été diagnostiqué tôt dans votre parcours ?
00:38 J'ai été diagnostiqué à peu près à 9 ans parce que j'ai redoublé le CP,
00:41 après je devais encore redoubler, on m'a laissé passer à la coche de l'âge et en CE2, c'est à ce moment là qu'on a convoqué mes
00:46 parents pour dire à mon père tout simplement je peux plus rester à l'école et je dois aller en
00:51 perfectionnement parce que dans cette école là il n'y a pas de classe de perfectionnement, je devais changer. J'ai grandi dans le 93 à
00:55 Saint-Ouent et je devais aller à Barbès à Paris parce qu'il y avait une école spécialisée et quand mon père a refusé
01:00 ce que le directeur avait demandé, c'est à ce moment là qu'ils ont commencé à faire des recherches et c'est à ce moment là que je suis
01:04 parti chez l'orthophoniste et j'ai commencé et c'est là qu'on a
01:06 détecté ma dyslexie et que j'ai passé mes mercredis chez l'orthophoniste et également mes samedis.
01:10 Jeanne, parmi les dix, la collection des dix, parce qu'il y en a beaucoup,
01:14 là on parle de dyslexie avec Mohamed, mais j'imagine que justement les dyslexiques c'est facile, qu'ils soient diagnostiqués ou pas mais
01:19 je sais pas, un instituteur maladroit, un professeur,
01:22 c'est ceux chez qui j'ai l'impression on va plus vite en tout cas les
01:25 cataloguer de cancre, j'ai l'impression clairement.
01:27 Pas forcément, mais c'est effectivement la dyslexie et un des très gros
01:31 handicaps sur le chemin scolaire donc effectivement très vite
01:34 au CP, au moment de l'apprentissage de la lecture et de l'écriture, c'est une catastrophe, donc ça va interpeller
01:40 immédiatement et l'enseignant et les parents, mais à l'inverse, aujourd'hui en tout cas, la dyslexie est parmi
01:47 toute cette panoplie de dix le trouble le mieux connu et la rééducation la plus facile, j'exagère, mais en tout cas
01:55 celle qui la mieux
01:57 maîtrisée, au point quoi, c'est à dire que vraiment la dyslexie ça s'accompagne
02:01 relativement bien. Ce que je trouve plus difficile aujourd'hui dans cette panoplie des dix, c'est la dyspraxie, parce que la dyspraxie c'est cette
02:07 difficulté de coordonner l'œil et le geste et en fait ça va donner des grosses difficultés à l'écriture, d'organisation,
02:15 de trucs illisibles, de voix assez brouillons. - C'est le dix le plus le plus difficile à lire ? - C'est le plus difficile à
02:20 repérer comme un dix et qui va très vite aujourd'hui, les dyspraxiques entendent toute leur vie "fais un effort,
02:27 applique-toi, fais un effort, applique-toi"
02:30 Et ça c'est terrifiant parce que quand on est dyspraxique ou dyslexique d'ailleurs,
02:35 l'enfant fait beaucoup plus d'efforts qu'un enfant. - Ils sont épuisés. - Ils sont épuisés, ils en peuvent plus
02:43 et c'est très décourageant de ne jamais
02:46 avoir le fruit de ces efforts, c'est très décourageant. - D'ailleurs
02:50 heureusement il y a des bonnes nouvelles, il y a des dyslexiques qui ont mené des carrières incroyables ou qui ont eu recours
02:56 pardon, qui ont eu des parcours stupéfiants
02:59 de réussite dans tous les domaines d'ailleurs, appelons-le, beaucoup de portes restent ouvertes à ces personnes.
03:03 Est-ce que vous pouvez peut-être nous citer des noms de grands dyslexiques, de grands handicapés ?
03:08 - Moi-même, Einstein était dyslexique. - C'est ce qu'on dit en tout cas moi.
03:12 - Oui, Steve Jobs, mais par exemple Pierre Le Maître, qui est un grand dyspraxique et qui est aujourd'hui quand même
03:21 un ténor de la littérature et de la grande littérature.
03:25 Il y a Daniel Pena qui avait écrit ce livre magnifique "Chagrin d'école" et qui a bien expliqué les difficultés
03:30 qu'il avait eues sur son parcours scolaire. Donc on a bien évidemment autour de nous
03:35 des tas de personnes qui ont réussi, mais alors après
03:41 réussir... - Ça veut dire quoi ?
03:43 - C'est la définition de la réussite, effectivement. - Bien sûr, mais se sentir bien dans sa peau, avoir la sensation qu'on fait les choses qui nous conviennent,
03:48 qui nous nourrissent.
03:50 - Moi, Maître, comment ? Il y a quelque chose que je me demande depuis le début de l'émission, c'est que quand même on vous a présenté comme le vice-président,
03:56 vice-champion, pardon, de lecture rapide. Comment on peut être dyslexique et champion dans un domaine de la lecture ? C'est quand même de la folie.
04:04 - Oui, même moi des fois j'y crois pas.
04:07 - Quel est votre secret ? - Alors le secret c'est que
04:10 effectivement quand on est dyslexique, on trouve des alternatives à la base pour la lecture et il faut savoir que comme on veut
04:15 être comme tout le monde et qu'on va trouver des alternatives.
04:18 - Expliquons d'ailleurs ce que c'est la lecture rapide, parce que peut-être pour nos auditeurs c'est pas clair.
04:21 - La lecture rapide, comme le nom l'indique, c'est des techniques qui permettent de lire beaucoup plus rapidement. Une personne lambda peut lire un livre
04:26 de 200 pages en 3-4 heures. En lecture rapide, un livre de 200 pages est lu entre 35 et 45 minutes.
04:32 Assez simplement et il faut savoir que c'est lire, comprendre. - Oui, c'est pas juste. - C'est pas juste lire, c'est lire et comprendre.
04:37 - Et ça, il y a des techniques pour ça. - Effectivement. Et ce qui se passe c'est que à l'école on nous apprend la lecture syllabique
04:42 initialement, donc c'est deux lettres font une syllabe, une syllabe fait un mot. Il y a aussi la méthode globale.
04:46 Il y en a qui disent que c'est mieux la lecture syllabique, d'autres la méthode globale. C'est pas le sujet.
04:50 Mais il faut se dire qu'en lecture rapide on va utiliser notre mémoire sémantique,
04:53 tous les mots qu'on a engrangé depuis notre enfance et lorsqu'on va lire, on va pas s'arrêter sur chaque syllabe.
04:59 On va vraiment prendre le mot dans sa globalité et donc pour un dyslexique qui lui bug sur les lettres, confond les lettres,
05:04 il n'y a plus ce problème-là. Et donc ça permet, et plus on va aller vite, plus on va aller chercher dans notre cerveau les mots
05:09 qu'on a engrangé au fur et à mesure de notre histoire et plus on va taper dans cette mémoire
05:14 sémantique et plus on va pouvoir aller plus rapidement. Et c'est pour ça que ça marche énormément avec les dyslexiques et j'ai plein d'élèves
05:18 qui passent de 150-200 mots par minute à 600-700-1000 mots par minute avec ces techniques parce qu'ils se sentent libérés.
05:26 - C'est comme si vous faisiez des passerelles. - Effectivement.
05:29 - C'est des passerelles entre les mots, c'est ça qui est intéressant et d'ailleurs la dyslexie on l'a beaucoup montré.
05:33 Et en rééducation, les orthophonistes peuvent l'apprendre, c'est-à-dire c'est des stratégies compensatoires qui peuvent de ce fait
05:40 permettre d'engranger beaucoup plus rapidement. C'est une espèce de lecture en verticale en réalité.
05:44 - Mais dites-moi... - On attrape les mots ou on attrape le sens, mais on se fiche complètement de lire la lettre.
05:49 - Effectivement. Il y a même un texte d'une étude à Cambridge où on change l'ordre des lettres et on laisse que la première et la dernière lettre
05:54 de chaque mot et je fais souvent lire ce texte à des personnes dyslexiques, parce que ça fonctionne pour les dyslexiques, mais ça fonctionne pour tout le monde.
06:00 - Et vous vous êtes pas crevé, Jeanne, quand les dyslexiques que vous croisez, cette suradaptation qu'on voit chez Mohamed, ça fatigue pas ça ?
06:07 - Avec l'école oui bien sûr, avec l'école et avec la demande et les attentes scolaires ça fatigue énormément parce que
06:13 ce que dit Mohamed par rapport à la lecture rapide c'est formidable, sauf qu'à l'école ça marche pas du tout.
06:18 C'est pas du tout la tente de l'école et donc bien évidemment ça demande un effort permanent et une attention permanente,
06:25 c'est-à-dire qu'en termes de ressources attentionnelles c'est épuisant vraiment.
06:28 - Et tout le monde n'a pas ses ressources attentionnelles, puisqu'il y a des enfants aussi en échec scolaire, on a parlé de la dyslexie, de la dyspréxie,
06:34 mais il y en a, ils ont un trouble de l'attention, comment font-ils pour s'en sortir cela, Jeanne ?
06:37 - Eh bien cela en fait, d'abord c'est bien si le trouble a été diagnostiqué, identifié, qu'il est accompagné,
06:44 parce que tout ce qui est rééducation neuropsychologique, ça fonctionne pour les enfants qui ont des troubles de l'attention,
06:50 et en plus les enfants qui ont des troubles de l'attention ce sont souvent des enfants qui sont un chouïa plus intelligents que les autres,
06:55 et ça leur donne des ressources, je crois que chaque fois qu'on a une difficulté, n'importe quel type de trouble d'ailleurs,
07:00 on a toujours des ressources qui peuvent venir compenser, et pour chaque enfant il faut aller chercher les ressources qui sont les siennes,
07:05 pour souvent les dyslexiques par exemple, ils sont souvent créatifs, ils sont forts avec un crayon à la main,
07:11 ils ont d'autres possibilités, un enfant qui a un trouble de l'attention, on sait souvent,
07:14 c'est des enfants qui sont drôles, qui sont pertinents, qui sont lucides, qui font marrer les autres, et donc...
07:20 - Et donc ils vont s'en sortir. - Ils vont s'en sortir, oui, ils vont s'en débrouiller très bien.
07:23 - Mohamed, je crois que vous, vous voyez l'intelligence un peu comme un sport, et le cerveau comme un muscle d'ailleurs,
07:28 vous participez donc on l'a dit à des championnats dans lesquels vous donnez même des conseils d'hygiène de vie, comme à un athlète en fait, c'est ça ?
07:35 - Pour moi, alors le cerveau n'est pas un muscle, mais il peut se muscler,
07:38 c'est-à-dire qu'on doit le travailler comme une personne qui va à la salle de sport tous les jours,
07:41 et bien nous on va travailler notre cerveau, et plus on va le stimuler, plus on va faire de chemins neuronaux,
07:45 plus on va faire des connexions dans les informations, et en termes de sport, comme un sportif de haut niveau,
07:50 il doit avoir une certaine hygiène de vie, il faut travailler également sur l'alimentation, sur le sommeil,
07:53 et plein de solutions alternatives, en plus des techniques d'apprentissage.
07:57 Et plus on va habituer son cerveau à faire des choses, plus on va l'habituer à apprendre, plus on va l'habituer à lire, plus ça va être facile.
08:02 - C'est valable dès l'enfance, vous pensez que les enfants en difficulté scolaire, on doit les aider à s'entraîner comme ça ?
08:07 - Bien sûr, on doit les aider, et surtout, on a ce qu'on appelle les intelligences multiples.
08:10 On a Alfred Binet qui développe en 1900 le test du quotient intellectuel qu'on voit tous,
08:14 et qui met en avant deux intelligences, l'intelligence logico-mathématique et verbo-linguistique, la logique et les langues.
08:19 Et aujourd'hui, on s'est calé sur ce test-là pendant longtemps, et on a ce qu'on appelle aussi les intelligences multiples,
08:24 et il y a neuf types d'intelligence. Et aujourd'hui, on est tous intelligents, on a tous cette intelligence,
08:28 et il faut savoir tout simplement les utiliser.
08:30 - Mais vous parliez justement d'organisation, de nourriture, enfin j'avais vraiment l'impression que vous alliez courir un marathon,
08:37 mais certains vont le faire, certains vont avoir le bac cette année, le brevet, est-ce que vous avez un conseil à leur donner,
08:42 précisément, justement, pour qu'ils ne stressent pas trop ? C'est quoi votre conseil et votre transmission à vous ?
08:47 - On peut travailler sur la respiration, donc la cohérence cardiaque pour faire diminuer le niveau de cortisol,
08:51 c'est sûr qu'en amont des examens, travailler sur sa respiration, et même pendant l'examen,
08:54 on se rend compte que lorsque... Moi j'ai ma sœur qui est enseignante et elle fait ça avec des enfants de CP,
08:59 avant chaque contrôle, après la récréation, elle leur fait faire de la cohérence cardiaque,
09:02 et avant chaque contrôle, elle leur fait faire de la cohérence cardiaque.
09:04 Et elle se rend compte que les enfants, ils sont en CP, et ils ont des meilleurs résultats,
09:07 tout simplement parce qu'elle leur fait travailler sur la respiration.
09:09 - Vous en pensez quoi Jeanne ? Le cadre, la discipline, la respiration, c'est bien ou pas ?
09:14 - Oui, le fait que la respiration fasse diminuer le stress, on est absolument d'accord,
09:19 c'est vraiment très validé par toutes les neurosciences actuelles.
09:22 - Et la discipline alors ? Le cadre, c'est important ça pour un élève en échec ?
09:25 - Oui, mais en même temps, il faut que chacun puisse savoir de quel cadre il a besoin,
09:28 c'est-à-dire qu'on n'a pas tous besoin du même cadre.
09:30 Et chaque enfant doit savoir ce qui lui fait du bien et ce qui va lui permettre d'affronter
09:35 une épreuve avec le plus de sérénité possible en se sentant solide à l'intérieur.
09:40 Et on peut tous, je crois que chaque enfant a ses trucs,
09:45 et il ne faut pas hésiter de laisser les enfants développer leurs propres ressources et leurs propres trucs,
09:50 parce que c'est ça qui va faire la différence.
09:52 Et un petit mot pour les parents à ce niveau-là,
09:55 c'est que ce n'est pas parce que le parent trouve ça un peu étrange que ça ne fait pas du bien à l'enfant.
10:00 Et si lui, c'est important pour lui,
10:02 et qu'il sent que c'est ça qui va lui donner les ressources nécessaires pour réussir,
10:07 il faut le laisser faire.
10:08 - À fond.
10:08 - Comme écouter par exemple de la musique en travaillant ?
10:10 - Absolument.
10:11 - Ou bouger, moi j'en ai un qui gigote d'entrée de sens,
10:13 je l'ai abandonné de le faire à soi.
10:15 - Et bien merci à vous deux.
10:16 Par contre, vous, vous ne bougez pas, ceux qui nous écoutez,
10:19 on va continuer cet entretien autour des difficultés scolaires, évidemment,
10:22 que la scolarité ne fait pas tout dans la vie,
10:24 mais comment aider les enfants pour qui l'école n'est clairement pas un moment de plaisir ?
10:27 Comment les aider au moins, non pas à devenir premier de classe,
10:30 mais à sortir de la spirale de l'échec scolaire pour se projeter vers un avenir adieu ?
10:33 On y revient dans quelques minutes sur Europe 1.
10:35 - Tours l'Automobile Magazine, placement d'électeur 2022.
10:37 - Europe 1, bien fait pour vous.
10:41 - Julia Vignali et Mélanie Gomez.
10:43 - Merci d'écouter Europe 1, on est toujours en train de s'intéresser aux enfants.
10:47 En difficultés scolaires ce matin, on fait le point avec Jeanne Sioufachin,
10:50 psychologue clinicienne, psychothérapeute,
10:52 et puis avec Mohamed Boclet, enfant, il a connu l'échec solaire,
10:55 mais il est aujourd'hui vice-champion du monde de lecture rapide.
10:59 Mohamed, dans votre livre "Connaissance illimitée", paru chez Robert Laffont,
11:03 vous dites que vous vous sentiez nul par rapport à vos camarades en classe,
11:07 vous vous sentiez bête, mais aussi au regard de vos professeurs.
11:10 Vous, en fait, vous décrivez ce qu'on appelle le manque de confiance en soi, clairement.
11:14 J'imagine que ce manque de confiance en vous, qui a grandi au fur et à mesure des années,
11:18 il a quand même bien contribué à votre désamour de l'école.
11:22 - Oui, effectivement, quand c'est difficile et qu'on n'y arrive pas à avancer,
11:26 forcément, ça travaille sur notre confiance et on alimente.
11:29 C'est pour ça que j'ai commencé au tout début en disant que j'avais cette image d'un monstre que j'alimentais.
11:33 Et effectivement, j'allais des fois à l'école avec la boulante,
11:37 parce qu'il faut se dire que les enfants, malheureusement, à cet âge-là,
11:40 on n'est pas tous gentils.
11:42 On n'est pas tous gentils, donc si on prend la parole et qu'on a du mal à lire,
11:46 moi je me rappelle que... - Faut se moquer de vous ?
11:47 - Bah, facilement, parce qu'à cet âge-là, les enfants ne se prennent pas conscience,
11:50 mais surtout au collège, je me rappelle d'un jour où j'ai un contrôle de français,
11:55 j'ai lu le livre, pour une fois, je me dis "je vais le lire, je vais aller jusqu'au bout",
11:58 et l'enseignante me met 5 et me met "la prochaine fois, il faudra lire le livre".
12:02 Et donc tu ressors avec encore moins de confiance que la confiance que tu avais,
12:06 ou quand tu lèves la main pour répondre et que tes amis ou tes camarades te disent
12:10 "se moque de toi parce que tu t'es trompé", ou même des fois quand tu as la bonne réponse,
12:13 on peut se moquer de toi parce que, entre guillemets, j'aime pas trop cette expression,
12:16 mais arrête de faire le bouffon.
12:17 Donc c'est des choses avec lesquelles on vit et après on se met une carapace
12:21 et on n'a pas envie de grandir et aujourd'hui, je dis aux jeunes,
12:24 ça n'a jamais été aussi stylé d'être le bouffon de sa classe.
12:26 Parce que... Oui, c'est vraiment parce que...
12:29 - Soyez le bouffon de la classe, c'est bien, c'est cool !
12:31 - Mais aujourd'hui, il faut créer une génération de personnes qui soient fières de répondre aux questions,
12:36 fières d'avoir des bonnes notes, fières de se dire "oui, je suis au premier rang,
12:38 mais c'est pas parce que je suis au premier rang que je suis pas comme vous,
12:43 je suis comme tout le monde, c'est juste que j'ai envie de me baser,
12:44 j'ai envie d'avoir des bonnes notes et on verra à la fin qui réussira."
12:48 - D'ailleurs Jeanne, je crois que vous dites que chez les enfants qui ont des difficultés d'apprentissage,
12:52 les émotions sont au cœur de tout.
12:55 Donc ça veut dire quoi ? Que plus leur entourage est encourageant,
12:57 plus ces enfants-là vont progresser ?
13:00 - Oui, et puis leurs émotions propres aussi, effectivement.
13:03 Comme vient de le dire Mohamed, l'enfant éprouve une forme de fierté,
13:06 une forme de plaisir à avoir vaincu une difficulté,
13:12 une sorte de joie, une fierté partagée aussi avec les parents,
13:16 où effectivement la confiance en soi est un terreau sain et que les parents encouragent l'enfant.
13:22 Je pense que c'est très important d'être encouragé, mais aussi,
13:25 Mohamed disait tout à l'heure quelque chose qui est hyper important,
13:28 c'est qu'on n'explique pas aux enfants ce qui se passe dans la tête quand ils apprennent.
13:32 Et c'est vrai que, par exemple, apprendre par cœur,
13:35 ça rend fou un nombre considérable d'enfants et de parents d'ailleurs.
13:39 Et si on explique à l'enfant qu'apprendre par cœur,
13:42 c'est comme tracer une autoroute dans la tête,
13:45 et qu'après on n'aura plus besoin de s'en préoccuper,
13:47 d'apprendre une table de multiplication par cœur,
13:49 et bien on n'a plus besoin d'utiliser de l'énergie psychique,
13:51 des ressources intellectuelles pour résoudre la multiplication,
13:57 et que du coup on pourra penser à autre chose,
13:59 ça fonctionne si on leur explique ça aux enfants.
14:01 Moi je suis sidéré qu'on n'explique pas aux enfants les mécanismes d'apprentissage,
14:04 parce qu'il me semble que ça ouvrirait des voies nouvelles
14:08 où l'enfant se sentirait au cœur du process,
14:11 et non pas soumis à un système auquel il ne comprend rien.
14:16 - Oui c'est ça, pourquoi tu apprends ?
14:17 Apprendre aux enfants pourquoi ils apprennent ?
14:19 À quoi ça sert ?
14:20 - On leur dit "travaille", mais qu'est-ce que ça veut dire "travailler" ?
14:23 Qu'est-ce que ça veut dire "travailler" ?
14:25 - On nous demande d'apprendre toute notre vie,
14:26 mais on n'a jamais appris à apprendre.
14:28 C'est-à-dire que depuis l'enfance, on arrive à l'école,
14:30 on nous donne une poésie, on dit "apprends-le",
14:32 et on les répète, répète, mais on n'a jamais eu de cours de méthodologie
14:35 pour en dire "voilà comment tu vas faire pour te concentrer,
14:37 comment tu vas faire pour apprendre".
14:39 - Et puis à quoi ça sert ?
14:40 - Effectivement, le pourquoi et le comment.
14:42 On annule le pourquoi et défend le comment.
14:45 - Justement, je me fais l'avocat du diable,
14:46 à quoi ça sert d'apprendre par cœur une poésie jeune ?
14:49 - Ça sert d'abord comme si vous apprenez une chanson,
14:52 c'est-à-dire à partir dans le rythme de quelque chose,
14:55 et puis ça sert à engranger une espèce de...
14:58 Mohamed parlait de mémoire sémantique, qu'est-ce que ça veut dire ?
15:00 C'est-à-dire finalement la mémoire de plein de choses qu'on a en soi,
15:03 qu'on a stockées,
15:06 et ça permet d'avoir une base comme un terreau.
15:08 C'est comme si vous mettez du terreau pour vos plantes,
15:11 et bien plus vous apprenez, plus vous allez engranger d'informations,
15:14 - Des mots, le dictionnaire inconscient à la tête.
15:16 - Des mots, des rythmes, des poésies, des multiplications,
15:19 même des dates d'histoire,
15:21 et plus ça vous fait un terreau qui va vous libérer de l'espace
15:24 pour apprendre des choses qui vous amusent.
15:25 Parce que c'est ça le pitch,
15:26 c'est de dire aux enfants "apprends par cœur des choses qui t'amusent pas,
15:30 pour pouvoir apprendre des choses qui t'amusent
15:31 parce que ça te libère de l'espace dans ta tête".
15:33 - Mohamed, dans votre livre, vous dites aussi que vous vous attendiez
15:36 vous attendiez l'échec qu'on n'arrêtait pas de vous prédire finalement,
15:39 mais ça devait être terrible pour un enfant de 9 ans
15:43 de se dire "bon ben moi ma voie elle est tracée, je vais me louper".
15:45 - Effectivement, parce que c'est un peu la prophétie autoréalisatrice,
15:48 c'est qu'à force de me répéter que j'allais rater, j'y crois,
15:51 et j'ai ce biais de confirmation,
15:52 et donc à chaque fois que j'ai une difficulté,
15:54 je me dis "ah ben c'est ce qu'on m'avait dit,
15:56 de toute façon c'est l'autorité, le prof me l'a dit, un tel me l'a dit".
15:59 Je me rappelle même d'une anecdote, mais ça c'est beaucoup plus tard,
16:02 quand j'étais ingénieur, en école d'ingénieur,
16:04 une personne me dit "à mes yeux tu ne seras jamais ingénieur".
16:06 Quand tu reçois une phrase comme ça et que tu te bats tous les jours pour travailler,
16:09 et ben ça fait mal.
16:10 Il faut trouver des mécanismes et travailler sur sa confiance pour se dire
16:14 "ben non je vais aller au-delà".
16:15 - Comment on fait justement, là peut-être il y a des parents qui nous écoutent
16:18 et qui ont des enfants qui ont dit "tu n'auras jamais ton bac" ou je sais pas.
16:20 C'est quoi le mécanisme pour se défendre contre ça ?
16:23 - En vrai il faut trouver le pourquoi tu veux faire les choses.
16:25 Moi exemple, un de mes grosses motivations c'était de montrer à la personne qui m'a dit
16:29 "tu ne seras jamais ingénieur que si je peux être ingénieur".
16:31 Et donc chacun en soi doit aller chercher le pourquoi,
16:34 et en tant que parent, il va falloir définir avec l'enfant
16:36 les raisons profondes qui le poussent à atteindre tel ou tel objectif.
16:39 Pas lui dire juste "vas-y, tu vas avoir le bac",
16:41 mais pourquoi tu vas avoir le bac, à quoi ça va te servir de l'avoir.
16:44 - Parce que je veux faire des études supérieures qui m'intéressent beaucoup,
16:46 et pour celle-là j'ai besoin d'avoir le bac.
16:48 - Voilà exactement, tout à l'heure on a parlé de cinéma,
16:51 peut-être que pour être un super réalisateur,
16:53 il faut avoir fait telle école, et pour rentrer dans telle école,
16:55 il faut avoir le bac.
16:56 Et que le bac c'est juste une clé pour accéder à quelque chose de beaucoup plus grand.
16:59 Même si le bac ne te servira à rien,
17:01 mais il te servira à rentrer dans cette chose qui est plus grande.
17:03 - Dites-moi Jeanne, quand on voit que ça cloche à l'école pour notre enfant,
17:06 qu'est-ce qu'on fait ?
17:07 On lui parle ? On essaie de le motiver comme vous l'avez fait ?
17:09 De lui faire comprendre de l'intérêt d'apprendre,
17:12 le temps de cerveau disponible pour les choses qui l'intéressent ?
17:14 Ou on lui fait faire un bilan si c'est possible ?
17:16 - Oui c'est sûr qu'on ne lui dit pas "de toute façon, tiens Flemard,
17:18 on n'arrivera jamais à rien faire de toi",
17:19 parce que comme le disait Mohamed,
17:21 nos enfants finissent par devenir ce qu'on leur dit qu'ils sont.
17:24 - Vestablement ça ?
17:25 - Oui, ça c'est très important.
17:26 Il faut être très attentif à ça,
17:28 parce que vraiment les enfants finissent par s'identifier.
17:31 Même si on dit "de toute façon, tu es le comique de la famille",
17:33 l'enfant se croira obligé toute sa vie d'être...
17:36 - De devenir humoriste ?
17:37 - Oui, peut-être pas humoriste.
17:38 Et donc après, je crois que vraiment ce qui est important,
17:41 c'est de ne pas cataloguer d'emblée,
17:44 et de chercher à comprendre, de toujours chercher à comprendre.
17:48 Si un enfant est en difficulté,
17:49 il y a une raison pour laquelle il est en difficulté.
17:51 Donc, pouvoir dire à l'enfant de quoi tu as besoin,
17:54 qu'est-ce qui pourrait t'aider.
17:55 Et si on n'y arrive pas, de quoi tu as besoin,
17:57 c'est vraiment la phrase de base.
17:58 Et ensuite, si on n'y arrive pas comme ça,
18:00 il faut aller rencontrer les profs,
18:01 essayer de comprendre, mais avec bienveillance,
18:03 c'est-à-dire sans stigmatiser.
18:05 Et puis si nécessaire, aller voir des professionnels,
18:08 faire des bilans...
18:09 - Je m'insurge.
18:10 Parfois il y a aussi des profs, franchement Jeanne,
18:12 vous le savez, qui ne sont vraiment pas conciliants avec ça.
18:15 - Mais je ne vais pas dire ça maintenant, là, tout de suite.
18:17 - Non mais comment on fait quand...
18:19 - Il y en a plein de géniaux aussi.
18:20 - Un prof, un prof, ce qui est très...
18:24 Déjà, il ne faut pas considérer le prof comme un ennemi.
18:26 Si on arrive en disant au prof,
18:27 "Écoutez, j'en ai marre, vous ne comprenez rien à mon enfant,
18:30 vous ne faites pas ce qu'il faut..."
18:31 - L'année va être difficile.
18:32 - Voilà, da-da-da, et puis vraiment...
18:34 Donc, du coup, si le prof,
18:36 même là j'ai évidemment exagéré,
18:38 mais si le prof ressent un sentiment d'incompétence,
18:41 à ce moment-là, il peut devenir agressif et se fermer.
18:44 Ce qui est important, c'est de dire,
18:45 "Voilà, j'ai besoin de vous pour aider mon enfant.
18:48 J'ai besoin de vous."
18:49 À partir du moment où vous dites à quelqu'un,
18:50 "J'ai besoin de vous",
18:51 il faut quand même vraiment être étrange pour dire,
18:53 "Bah non, passez votre chemin."
18:55 - C'est ça.
18:56 - C'est vrai qu'en le prenant comme ça, oui, Mohamed...
18:58 - Je voulais en dire, on met également beaucoup d'étiquettes,
19:00 c'est par rapport à ce qu'on vient de dire,
19:01 il y a plusieurs étiquettes, déjà,
19:03 il y a des parents qui disent, "Moi, je suis nul normal,
19:04 donc si tu es nul, c'est normal, tu es comme papa."
19:06 - Ah oui, c'est vrai, on fait ça.
19:08 - Il y a l'étiquette aussi de l'élève qui est turbulent,
19:10 et même quand il n'a pas fait de bêtise, c'est lui.
19:12 C'est-à-dire, t'arrives dans la salle,
19:14 "Qu'est-ce que t'as fait, Mohamed ?"
19:15 "Bah non, je n'ai rien fait."
19:16 Mais à force de mettre cette étiquette,
19:18 l'enfant l'apprend et pense qu'il est réellement cette personne.
19:21 Et donc, il veut faire ce que les gens attendent de lui.
19:24 - Donc, il finit par mettre le souk.
19:26 - Et il finit par faire les actions qu'on attend de lui
19:28 parce qu'il dit, "De toute façon, j'ai cette étiquette
19:31 et donc je dois le faire."
19:32 - Alors, il ne le dit pas aussi clairement,
19:34 c'est-à-dire que tout ça est inconscient quand même.
19:36 Mais d'où la force de ça ?
19:38 D'où la force ?
19:39 - Alors, on a parlé de ces instituteurs ou professeurs
19:41 qui parfois, certains évidemment, pas tous,
19:43 peuvent casser le moral et la confiance des enfants.
19:47 Mais au contraire, il y a aussi parfois des professeurs,
19:49 des psys, des personnes comme ça qui ont compté,
19:51 qui ont laissé une trace positive
19:53 pour sortir de l'échec scolaire.
19:54 C'est votre cas, je crois, Mohamed.
19:55 En CM1, il y a Mme F,
19:57 vous en parlez dans le livre,
19:58 qui vous a remis un peu sur le droit chemin.
20:00 Pourquoi cette rencontre a été déterminante pour vous ?
20:02 - Parce qu'elle a vu en moi ce que je n'avais pas vu.
20:04 Elle a vu en moi que...
20:06 Elle m'a montré que je pouvais réussir
20:08 et elle ne m'a pas juste dit,
20:10 elle ne m'a pas juste dit "Mohamed, t'es intelligent".
20:12 Elle m'a montré par l'action, par des petites victoires.
20:14 À chaque fois, elle me faisait faire des petites victoires en classe,
20:16 jusqu'au jour où je le raconte dans le livre,
20:18 où j'ai appris une poésie,
20:20 et j'étais le seul au moment où elle a dit "Qui lève la main,
20:22 qui veut réciter la poésie ?"
20:24 J'ai levé la main, je ne la connaissais pas par cœur,
20:26 mais elle m'a quand même mis 20 sur 20,
20:28 elle m'a pris les trois quarts de la poésie.
20:30 Mais toutes ces actions-là m'ont permis de me mettre dans l'esprit
20:32 "Oui, en vrai, tu peux le faire,
20:34 tu peux réussir, tu peux avoir des résultats".
20:36 Et son visage, et l'image
20:38 qu'elle mettait vis-à-vis de moi
20:40 me permettait de prendre confiance en moi
20:42 et de me dire "En vrai, il y a des gens qui ont confiance en moi".
20:44 Même si mes parents avaient confiance en moi, ma famille avait confiance en moi,
20:46 mais tout l'entourage que j'avais
20:48 m'envoyait une mauvaise image
20:50 et cette personne m'envoyait une image très positive.
20:52 - Ça vous a fait un peu tant jeune, ça ?
20:54 - Oui, c'est très important parce que c'est ce qu'on peut aussi
20:56 appeler la personne ressource et il suffit qu'une fois
20:58 une personne porte sur vous
21:00 un regard d'amour inconditionnel, dans le fond,
21:02 et de dire "Qui que tu sois,
21:04 c'est bien. Et qui que tu sois,
21:06 tu peux être celui que tu as envie d'être
21:08 et ça suffit à
21:10 rassurer, rassérener,
21:12 même sur un plan neuroscientifique,
21:14 ça permet de déclencher
21:16 des doses d'ocytocine qui permettent
21:18 de créer un sentiment de sécurité.
21:20 Et dès qu'on se sent en sécurité, alors on peut donner
21:22 le meilleur de soi-même. - Dites-moi Jeanne, quel est le meilleur
21:24 conseil que vous donneriez aux parents d'enfants
21:26 en grande difficulté scolaire, qui ont l'impression
21:28 d'avoir tout essayé ? Les cours particuliers,
21:30 les cours de soutien, les punitions...
21:32 Par quoi il faut commencer ? Vraiment.
21:34 - Alors moi, une fois encore, je crois vraiment
21:36 qu'il faut se poser et essayer
21:38 de comprendre de quoi l'enfant peut avoir besoin pour s'en sortir
21:40 et puis surtout, je pense qu'il faut
21:42 mettre un peu de perspective. C'est-à-dire que certes,
21:44 l'enfant est en difficulté, donc l'enfant souffre.
21:46 Donc il faut s'occuper de cet enfant qui souffre,
21:48 il faut le rassurer, il faut le consoler, il faut dire
21:50 qu'ensemble on va trouver des solutions et pas
21:52 les uns contre les autres.
21:54 Et que finalement,
21:56 bien sûr, la scolarité est une grande part
21:58 de la vie de l'enfance, mais il n'y a pas que ça.
22:00 Et que l'enfant peut réussir dans mille autres disciplines,
22:02 en sport, en art,
22:04 et valoriser la moindre petite victoire.
22:06 - Pourquoi pas la artisanat ?
22:08 - Un mot de fin, on n'a plus beaucoup de temps, vous aussi.
22:10 - Oui, se focaliser sur les forces de l'enfant, c'est la plus
22:12 importante. Et réussir à atteindre,
22:14 résoudre les problèmes grâce aux forces et aux
22:16 intelligences de l'enfant. Tout simplement,
22:18 se focaliser sur le positif et montrer à l'enfant
22:20 qu'il faut le faire. - Bon, les intelligences, on a vu qu'il y en avait neuf,
22:22 on en a au moins une !
22:24 Merci vous, merci à tous les deux
22:26 pour cet éclairage sur l'échec scolaire,
22:28 qui est loin d'être une fatalité ni une fin en soi.
22:30 Julia, on va changer de sujet. - Et oui, dans quelques
22:32 toutes petites minutes, les bienfaiteurs d'Europe 1
22:34 vont arriver. Notre coach, Anouk Garnier, va nous
22:36 apprendre comment bien utiliser les pistolets
22:38 de massage pour sportifs, qu'on voit un petit peu partout
22:40 en ce moment. Et puis, il y aura aussi la chronique
22:42 "Gourmande" de Perla Servan-Schreiber.
22:44 Elle va partager avec nous sa recette du
22:46 "Sellerie rôtie", une recette délicieuse,
22:48 mais surtout simplissime. Et ça, on adore !
22:50 Alors, à tout de suite sur Europe 1.
22:52 Europe 1, bien fait pour vous.