DILEMME. Qui n’a pas vu un ami prendre des risques ? Pas des risques illégaux ou dangereux pour les autres, mais des risques pour lui ? Trop boire, trop parier en ligne... La question qui se pose à nous : une fois constaté que cette personne se moque de ce qu’on lui dit, faut-il prévenir ses parents, d’autres proches ?
Derrière, c’est la question de la liberté qui se pose. Jusqu’où doit-on respecter celle des autres ? D’ailleurs, cette personne est-elle vraiment libre quand elle se met à trop jouer ou trop boire ? En examinant ces questions sous l’angle du libertarisme (incarné notamment par Elon Musk), des sciences sociales, jusqu’à l’éthique du "care", on essaiera d’éclairer ce nouveau dilemme dans la vidéo à regarder en haut de cette page.
Retrouvez toute l’actualité, les reportages, les enquêtes, les opinions et les débats de "l’Obs" sur notre site : https://www.nouvelobs.com/
Derrière, c’est la question de la liberté qui se pose. Jusqu’où doit-on respecter celle des autres ? D’ailleurs, cette personne est-elle vraiment libre quand elle se met à trop jouer ou trop boire ? En examinant ces questions sous l’angle du libertarisme (incarné notamment par Elon Musk), des sciences sociales, jusqu’à l’éthique du "care", on essaiera d’éclairer ce nouveau dilemme dans la vidéo à regarder en haut de cette page.
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00:00 J'ai un ami ou une amie qui a commencé à jouer sur les applications de Paris en ligne.
00:04 Au début, c'était pas beaucoup.
00:05 C'est devenu de plus en plus.
00:07 Je lui en ai parlé, ça n'a rien changé.
00:09 Faut-il que je le dénonce à sa famille, ses proches, ses parents, ses amis ?
00:14 La première chose qu'on peut se dire, c'est que cette personne fait ce qu'elle veut.
00:22 Elle ne fait de mal à personne et après tout,
00:25 c'est pas plus con que dépenser son argent en fringues.
00:28 Plein de gens ont justifié ça dans l'histoire des idées.
00:31 On pense bien sûr aux libertariens,
00:33 qui ont une conception ultra élargie de la liberté
00:36 et qui ne supportent pas qu'on vienne leur dire ce qu'il faut faire ou ne pas faire.
00:40 S'ils pouvaient, les libertariens, ils supprimeraient même l'État.
00:43 De manière un peu moins caricaturale,
00:45 on pourrait citer le philosophe français Ruvénogien, qui est mort en 2007,
00:49 et ce qu'il appelait l'éthique minimale.
00:57 Autrement dit, personne ne peut dire que
00:59 "jouer c'est mal" et "épargner c'est bien".
01:02 Mais est-ce que c'est vraiment si simple ?
01:04 Quelqu'un qui commence à jouer, on peut considérer qu'il est totalement libre.
01:09 Mais quelqu'un qui devient accro, qui joue de plus en plus,
01:12 qui joue compulsivement, qui perd de l'argent,
01:15 est-ce qu'on peut considérer qu'il est toujours libre ?
01:17 D'autant qu'on sait que tout est fait pour nous inciter à jouer.
01:20 Il y a des pubs partout, dans le métro, à la télé,
01:24 et on sait très bien que les applis elles-mêmes sont designées
01:27 pour nous faire jouer continûment.
01:29 Tout ça, c'est ce que montrent les sciences humaines,
01:30 qui regardent très concrètement comment les choses fonctionnent.
01:33 La sociologie, par exemple,
01:37 examine comment nos comportements sont pris dans des logiques sociales.
01:41 La psychologie s'intéresse à ce qui se passe dans nos cerveaux.
01:44 Et donc, avec ça, on sait que notre liberté n'est jamais, jamais absolue.
01:49 Tout ça, ça lève l'obstacle de la liberté.
01:52 Si la liberté n'est plus réelle, si j'ai peur pour mon ami,
01:56 je me dois d'intervenir.
01:58 Mais alors, la question qui se pose, c'est comment ?
02:01 Le premier réflexe, ce serait de chercher de grands principes.
02:04 Ses parents sont responsables, j'appelle ses parents.
02:08 La personne qui partage sa vie serait la première à subir les conséquences,
02:12 donc j'appelle cette personne.
02:13 En fait, ces grands principes, peut-être qu'il faut les éviter.
02:17 C'est toute l'approche d'un courant qu'on appelle l'éthique du care.
02:20 Pour comprendre, il faut partir d'une expérience qui a été menée
02:23 par un psychologue américain du nom de Lawrence Kohlberg.
02:27 En gros, Kohlberg avait demandé à une petite fille et un petit garçon
02:31 de répondre à la question suivante.
02:33 Est-ce que je peux braquer une pharmacie pour y voler un médicament
02:37 qui sauverait la vie de mon conjoint ou ma conjointe ?
02:40 Le petit garçon a dit oui, évidemment.
02:42 La vie est un principe supérieur à la propriété, il faut voler le médicament.
02:46 Ça, c'est un raisonnement abstrait, de principe.
02:48 La petite fille, elle, répond qu'on peut essayer de discuter avec le pharmacien avant,
02:52 que peut-être il faut éviter d'aller en prison.
02:54 Bref, que ça dépend de la situation.
02:56 Pendant longtemps, on a déduit de cette expérience
02:58 que les hommes étaient supérieurs aux femmes
03:01 parce qu'ils étaient capables de prendre des décisions à partir de principes abstraits.
03:05 Mais les philosophes du care disent autre chose.
03:08 Et si, au contraire, ceux qui prennent vraiment soin des gens
03:12 n'étaient pas ceux qui s'intéressent aux situations particulières ?
03:15 Qui évitent de penser à partir de principes abstraits
03:19 qui ne s'appliquent pas toujours très bien à des situations particulières.
03:22 Si on suit l'éthique du care, tout dépend donc de mon ami.
03:26 S'il vit de mauvaise passe, s'il a des ressources financières ou pas,
03:30 si ses parents vont l'aider ou au contraire risquent de l'enfoncer davantage.
03:33 Bref, il faut être attentif.
03:36 À commencer par la peur que j'aurais de le perdre si j'interviens.
03:40 Mais ça, ça pose une autre question.
03:41 Faut-il fermer les yeux pour préserver l'amitié ?
03:45 Autre dilemme.
03:47 Sous-titrage ST' 501
03:49 [Musique]