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"Nul plus que moi ne connaît la difficulté de la situation [concernant] la question de la dette et des déficits", a déclaré le nouveau Premier ministre François Bayrou lors de la passation de pouvoir avec son prédécesseur Michel Barnier, vendredi 13 décembre à Matignon. Retrouvez ici l'essentiel de son discours.

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Transcription
00:00Nul plus que moi ne connaît la difficulté de la situation.
00:07J'ai pris des risques inconsidérés dans ma vie politique
00:14pour poser dans les élections les plus importantes,
00:17dans les échéances électorales essentielles,
00:20la question de la dette et des déficits.
00:25J'ai même conduit des campagnes présidentielles
00:29sur ce thème et tout le monde,
00:31nous en disions un mot avec le sourire tout à l'heure,
00:34tout le monde disait, il est complètement fou,
00:36on ne fait pas une campagne sur la dette.
00:39Eh bien, je crois que cette question-là,
00:42déficit et dette,
00:44c'est une question qui pose un problème moral,
00:48pas un problème financier seulement,
00:51un problème moral, parce que se débarrasser
00:54de ces charges sur ces enfants,
00:59dans les pays comme les nôtres,
01:01dans les pays de montagne, d'enracinement,
01:05c'est très mal vu, à juste titre.
01:09Et donc, votre message sur la gravité de la situation,
01:15je le reçois et je le partage.
01:20C'est le premier point.
01:22Et c'est pourquoi,
01:23devant une situation d'une telle gravité,
01:28ma ligne de conduite sera de ne rien cacher,
01:32de ne rien négliger et de ne rien laisser de côté.
01:37Je sais que la tentation est dure.
01:38Écoutez, prenez un ou deux sujets,
01:41concentrez-vous là-dessus et laissez faire le reste
01:47dans la médiocrité.
01:49Je ne choisirai pas cette ligne.
01:51Je pense que nous avons le devoir,
01:56dans un moment aussi grave pour le pays, pour l'Europe,
02:00et devant tous les risques de la planète,
02:03nous avons le devoir d'affronter,
02:06les yeux ouverts, sans timidité,
02:11la situation qui est héritée
02:15de décennies entières,
02:17dans lesquelles on n'a pas regardé
02:20comme nécessaire et urgent
02:23la recherche des équilibres
02:24sans lesquels on a du mal à vivre.
02:27Disons simplement que, les dernières années,
02:29l'accumulation de crises a été telle
02:32que les explications
02:35sont parfaitement compréhensibles.
02:42Je veux dire simplement que j'ai deux obsessions.
02:47Deux obsessions.
02:49La première obsession,
02:52qui est pour moi un des risques les plus graves,
02:55c'est le mur de verre qui s'est construit
02:59entre les citoyens et les pouvoirs,
03:03entre la base,
03:06les femmes et les hommes, les familles,
03:09ceux qui travaillent, ceux qui cherchent du travail,
03:12ceux qui sont à la retraite,
03:13ceux qui mènent la vie
03:17des Français dans le voisinage,
03:26ceux qui affrontent
03:30des difficultés dont ils ne voient pas le relais
03:33dans la vie publique.
03:36Ce mur de verre, cette séparation,
03:39cette rupture,
03:41pour moi, c'est un ennemi à combattre,
03:44et notamment la compréhension
03:47de ce que nous disons,
03:49les mots qu'on utilise pour décrire la situation,
03:52les éléments de langage qu'on dit.
03:56Si je peux,
03:57j'ai une absolue conscience de la difficulté de la tâche,
04:01si je peux,
04:03j'essaierai de débarrasser
04:06notre vie publique et nos débats
04:09des paroles artificielles,
04:12des mots dont on a le sentiment
04:14qu'ils étaient écrits bien avant qu'on les prononce,
04:17et d'ailleurs qu'on aurait pu deviner à l'avance
04:20ce que ce qui les prononce allait dire.
04:24Ca, c'est le premier point.
04:25Le deuxième point,
04:27qui était l'essentiel de la promesse
04:31du président de la République élu en 2017.
04:36Ce que le président de la République élu
04:40avait porté devant les Français,
04:43c'était l'idée que l'on ne pouvait pas
04:47se trouver devant un destin dont on n'était plus maître
04:50et dans lequel on n'avait aucune chance de progression.
04:57Et c'est pourquoi, naturellement, je pense à l'école,
05:01dont je me suis occupé pendant des années
05:04et qui n'a pas cessé d'être dans ma vie un point fixe.
05:10L'idée que, parce qu'on est né dans un quartier
05:16ou dans un village,
05:18on aurait tort d'oublier les villages,
05:21parce qu'on est né dans un quartier, dans un village,
05:24parce qu'on porte un nom,
05:27parce qu'on pratique une religion
05:30ou qu'on est attaché à cette religion,
05:34l'idée que, en réalité,
05:37les portes ne sont pas ouvertes pour vous,
05:41l'idée que c'est ceux qui ont les codes
05:47qui savent comment se diriger.
05:51Ceux-là connaissent la carte
05:55et ont la boussole pour se diriger dans la vie.
05:59Et si vous ne les avez pas, cette carte et cette boussole,
06:04ces connaissances, ces réseaux, ces moyens,
06:09alors vous vous trouvez, aujourd'hui,
06:11je le crains, dans une situation qui est moins ouverte
06:15qu'elle ne l'était il y a quelques décennies.
06:18Et pour moi, ceci est insupportable.
06:23Je viens de là.
06:26Je viens au pied des Pyrénées bleues.
06:30Je viens de milieux sociaux et de villages,
06:35et j'ai fait toute ma vie sans les quitter.
06:39Je viens de milieux sociaux et de villages
06:41qui n'ont pas la chance
06:44d'être protégés, favorisés.
06:48Je trouve que notre devoir
06:53de citoyen, de père de famille,
06:56notre devoir de républicain,
06:59c'est que nous soyons obsédés
07:04pour rendre des chances à ceux qui n'en ont pas.
07:08C'est, pour moi, un devoir sacré,
07:12et je n'ai pas l'intention de le négliger.
07:16C'était la promesse du président de la République,
07:19et c'est à cette promesse que je compte être fidèle
07:23dans les fonctions si difficiles.
07:28Que vous me transmettez.
07:33Je sais que les chances de difficultés
07:38sont beaucoup plus importantes
07:40que les chances de succès.
07:43Je n'ignore rien de l'Himalaya
07:47qui se dresse devant nous,
07:48de difficultés de toute nature,
07:50la première est budgétaire, naturellement,
07:53puis politique, et puis de l'éclatement
07:56de la société où nous sommes.
07:58Je sais tout ça. Je pense qu'il faut essayer.
08:01Et je pense que si on essaie,
08:03peut-être pourra-t-on trouver un chemin inédit.
08:08Et ce chemin, en tout cas, je sais de quoi il est marqué.
08:11Il est marqué de la volonté de réconciliation.
08:16Il se trouve que, comme tout le monde l'a noté,
08:19c'est aujourd'hui l'anniversaire
08:23de la naissance d'Henri IV.
08:25Comme vous le savez, c'est un ami pour moi.
08:30Un des seuls amis que j'ai eus toute ma vie
08:33et un des seuls qui m'est vraiment donné un coup de main.
08:37Je lui ai consacré beaucoup de livres
08:40et c'est une figure très importante.
08:45Il a fondé sa rencontre avec la France
08:49dans des temps aussi difficiles et plus difficiles
08:52que ceux que nous vivons aujourd'hui.
08:54Il a fondé cette rencontre sur la nécessité
08:59de sortir des guerres stupides ou des guerres secondaires
09:04pour se retrouver sur l'essentiel qui est l'avenir du pays.
09:07Si je peux, à mon tour,
09:11j'essaierai de servir cette réconciliation nécessaire.
09:14Et je pense que c'est là
09:16le seul chemin possible vers le succès.
09:20Merci de votre présence et de votre amitié.

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