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Il a 18 ans et est étudiant. Ritchy Thibault milite avec ses camarades contre la réforme des retraites voulue par Emmanuel Macron, mais aussi pour défendre des revendications propres au monde étudiant.

C'est en ce sens qu'il a participé à un rassemblement spontané jeudi place de la Sorbonne à Paris. Une manifestation alors jugée comme "sauvage" par les autorités et réprimée par une vague d'arrestation.
Ritchy Thibault est alors amené en garde-à-vue où il passera la nuit et durant laquelle il notera plusieurs manquements à ses droits.

Il est l'invité de notre journaliste Cemil Sanli sur le plateau du Média pour cet entretien express.

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News
Transcription
00:00 [Générique]
00:05 Bonjour Ritchie !
00:07 Bonjour Djamil !
00:08 Comment vas-tu ?
00:09 Bah écoute, ma foi, je vais très bien, je suis même assez déterminé à continuer à prendre part au combat qui est le mien maintenant depuis l'âge de 14 ans et qui s'accentue en cette période de mouvement social.
00:18 Bien, alors merci déjà d'être là aujourd'hui.
00:20 Nous deux, on s'est croisés il n'y a pas très longtemps, le 31 janvier dernier dans les rues de Paris lors d'une grande manifestation contre la réforme, contre la contre-réforme comme disent les manifestants et les personnes contre la réforme de la retraite.
00:32 Alors, il semble que tu es, et tu viens de le dire, habitué des manifestants depuis 4 ans déjà, vu que tu as 18 ans, avec un certain gilet fluo.
00:39 Totalement, c'est ça. Moi si tu veux, je viens d'un milieu où on ne fait pas du tout de politique.
00:43 Je viens de la communauté de ciganes, je viens d'un milieu assez populaire où on est privé de ce droit de prendre part au débat politique et où finalement on en est de facto exclu.
00:51 Et alors que je n'avais pas de conscience politique, alors que je n'avais jamais lu plus d'un livre, je vois des gens sur les ronds-points qui se mettent à revendiquer des gens d'horizons extrêmement divers et épars.
00:59 Et je me mets, moi à 14 ans, collégien en échec scolaire, à aller discuter avec des papys, des mamies, des gens d'horizons extrêmement, encore une fois, variés.
01:08 Et donc ça m'a permis d'acquérir une grande culture politique.
01:10 C'est là que tu te politises.
01:11 D'une part, mais ça m'a aussi permis de prendre conscience, de prendre de l'auteur et de prendre conscience que je viens d'un peuple qui a de grands stigmates,
01:18 je viens d'un milieu qui est discriminé, je viens d'un milieu populaire qui souffre de la détresse sociale.
01:23 Et donc cette prise de conscience, elle a fait de moi un vrai militant ou du moins quelqu'un qui a la conscience politique que si on ne fait rien pour défendre notre avenir et nos droits,
01:31 personne ne le fera à notre place.
01:33 C'est très très clair au moins. Alors jeudi dernier, manifestation une fois de plus.
01:37 C'est assez courant ces dernières semaines contre la réforme.
01:41 Évidemment, mais ça ne s'est pas terminé comme prévu.
01:44 Peux-tu nous raconter déjà où vous étiez ?
01:46 Totalement. Alors jeudi dernier, à l'appel de la coordination antifasciste interuniversitaire, on s'est rassemblés avec des camarades de différents mouvements étudiants ou non,
01:55 sur la place de la Sorbonne à partir de 11 heures.
01:57 Et on a décidé de revendiquer finalement nos revendications propres en tant qu'étudiants à travers ce mouvement social.
02:02 Parce qu'il faut savoir qu'aujourd'hui, les urgences, elles sont multiples et elles sont loin de se limiter à la question de la réforme des retraites.
02:07 Et donc, avec ces mots d'ordre extrêmement différents, c'est-à-dire la contestation de la misère qui prolifère, des idées réactionnaires, comme vous l'avez évoqué tout à l'heure, qui prolifèrent également.
02:16 Et bien, on s'est mobilisés et on a décidé de manifester, non pas sur un trajet qui a été discuté en amont avec les sous-fifres de la préfecture,
02:23 mais dans une volonté de dépasser aujourd'hui l'agenda et les habitudes politiques classiques.
02:28 Manif sauvage donc.
02:29 Oui, disons-le. Et donc, on a fait ce manif en direction de Tolbiac, en soutien aux camarades qui sont mobilisés sur le campus de Tolbiac.
02:36 Et donc, une fois arrivés là-bas, il y a une horde de... Je ne sais pas si on peut les qualifier de policiers, mais du moins de militiais extrêmement violents,
02:43 au service du capital et de l'argent, qui sont venus nous entourer et qui nous ont interpellés sans faire de distinction.
02:49 Au passage, il y a même des journalistes indépendants qui ont été interpellés, des lycéens, énormément de mineurs.
02:53 Des personnes d'AB7, je crois, c'est ça ?
02:55 Oui, c'est ça. Des chefs de CAF, Apolline et Luc, également de QG. Et donc, des mineurs également, lycéens, et quelques étudiants dont je faisais partie.
03:02 Et donc, on nous interpelle. Alors, le premier scandale, parce qu'il y en a une série suite à cette interpellation,
03:08 c'est le fait qu'on nous interpelle à midi et demi, sans aucun motif d'ailleurs, en nous accusant de participer à un groupement en vue de commettre des violences
03:14 sur les biens et les personnes, personnification d'ailleurs des biens.
03:17 C'est assez classique, en l'âge de jeunesse, qu'est-ce qu'on incarne ?
03:19 C'est assez arbitraire et infondé. Donc, le premier hic, c'est qu'on nous considère comme gardés à vue à partir de midi et demi,
03:26 mais on nous notifie la garde à vue seulement à 16h. Donc, déjà, c'est assez problématique.
03:30 Une fois arrivé au commissariat, je contacte personnellement mon avocate, Anina Tutu, à 16h.
03:35 Et donc, elle se dit disponible, elle dit qu'elle veut venir. Et on lui interdit de venir.
03:40 Et on lui dit qu'elle ne pourra venir seulement le lendemain matin qu'à 9h.
03:43 Donc, je suis resté en garde à vue de midi et demi jusqu'à 9h, sans assistance juridique.
03:47 Et le plus scandaleux avec cette garde à vue, et après, on parlera du problème général,
03:52 c'est le fait que j'ai contacté des camarades députés avant d'être placé en garde à vue,
03:57 dans le camion qui nous transférait au commissariat avec les camarades lycéens et étudiants.
04:00 Et donc, les députés sont arrivés dans la nuit pour visiter le commissariat.
04:04 Et pendant ce temps-là, il y a six policiers qui sont venus me menotter avec l'étudiant majeur qui était avec moi en cellule,
04:10 nous emmener au troisième étage, nous enfermer dans un bureau,
04:13 et les députés exercer leur droit de visite des lieux sur lesquels il y a des restrictions de liberté.
04:18 Et pour ne pas qu'on puisse échanger avec eux.
04:20 – Comment tu as su ça ? Parce que ces députés étaient au courant de ta présence ?
04:23 – Totalement, oui, oui. Et donc, si tu veux, moi je les ai prévenus.
04:25 Et donc, c'est assez révélateur, moi, au-delà de mon cas personnel et de l'histoire de cette interpellation,
04:29 je veux revenir sur quelque chose qui est assez problématique.
04:32 C'est la répression du mouvement étudiant et du mouvement contestataire de la jeunesse,
04:36 qui signifie, qui met en exergue la terreur qui règne au gouvernement
04:40 vis-à-vis d'une possible mobilisation de la jeunesse.
04:42 Et ce qui s'est passé jeudi, c'est révélateur de la volonté du gouvernement
04:45 d'étouffer la mobilisation de la jeunesse.
04:47 C'est le cas d'ailleurs depuis le début du mouvement social,
04:49 avec des flics qui se permettent d'entrer dans les universités.
04:52 À Strasbourg, ça a été le cas pour déloger les étudiants qui sont en assemblée générale.
04:55 Avec des flics, pareil, qui viennent placer en garde à vue des étudiants
04:58 sur le campus Condorcet de l'HESS, et qui les torturent et qui les malmènent en garde à vue.
05:03 Avec des étudiants du lycée Racine, il me semble,
05:05 qui passent 36 heures en garde à vue alors qu'ils sont mineurs, des lycéens, pardon.
05:09 Si tu veux, tout ça, c'est assez scandaleux.
05:11 Et rien que cela, ces atteintes aux libertés et aux droits de mobilisation étudiants,
05:16 ça devrait être une raison majeure de nous mobiliser.
05:19 Mais derrière ces questions-là, il y a des questions bien plus larges,
05:22 et des raisons qui devraient nous pousser à la mobilisation.
05:24 Et je veux être très concret.
05:25 Le fait est que, par exemple, aux yeux du gouvernement actuel,
05:28 aux yeux de ceux qui sont au service de l'argent,
05:30 la vie des étudiants n'a pas de valeur.
05:32 Pourquoi ? Parce que selon eux, nous n'apportons pas une plus-value suffisante à l'économie.
05:36 C'est-à-dire que lorsque même il s'agit de donner des miettes aux étudiants,
05:39 c'est-à-dire un repas à 1 euro pour tous les étudiants,
05:42 et bien même dans ce cas de figure où il s'agit de donner des miettes,
05:44 le gouvernement dédaigne de le faire.
05:46 Et donc, il nous méprise.
05:48 Nos vies n'ont pas de valeur à leurs yeux,
05:50 comme toutes les vies de ceux qui ne produisent pas assez,
05:53 qui ne consomment pas suffisamment.
05:55 Et donc, l'appel que je formule, c'est que face à cette répression,
05:58 il est de notre devoir de nous mobiliser,
06:00 d'amplifier la mobilisation pour demander la dignité,
06:03 parce qu'il n'est pas normal qu'en tant qu'étudiants dans un pays aussi riche que le nôtre,
06:07 où les profits des milliardaires explosent, c'est du jamais vu,
06:11 et bien il n'est pas normal que dans ce pays-là, pour terminer,
06:13 on soit obligé de faire des queues devant des files alimentaires
06:16 pendant plusieurs heures pour se nourrir décemment,
06:18 que l'on soit obligé d'avoir recours à de multiples aides,
06:22 et de travailler en parallèle de nos études, d'accumuler des jobs précaires,
06:25 parce que la plupart des étudiants aujourd'hui accumulent des jobs précaires
06:28 en parallèle de leurs études.
06:29 Et cela, c'est approprement inadmissible.
06:31 Donc nous avons des revendications claires,
06:33 qui dépassent d'une part la question de la réforme des retraites,
06:35 parce que par exemple, il s'agirait de mettre fin à la sélection à l'université,
06:38 d'offrir le repas aux étudiants, et non pas de le plafonner à un euro,
06:42 mais de permettre à tous les étudiants de manger à leur faim gratuitement.
06:45 C'est un devoir.
06:46 Et également de construire des places d'hébergement crousse,
06:48 et de mettre fin à l'insalubrité de ces logements.
06:50 Donc vous voyez, les revendications sont très claires et très précises.
06:52 Elle dépasse, s'inscrit, parce que le lien qu'on peut faire,
06:56 il y a beaucoup de personnes, la question revient,
06:58 vous avez 18 ans, même moins parfois,
07:00 la retraite c'est super loin, parce que ça vient s'intégrer
07:03 dans ce mouvement social anti-réforme des retraites.
07:06 Comment on justifie ça ?
07:07 Parce que c'est un choix de société en fait.
07:09 C'est soit on veut vivre dans la société de la concurrence,
07:12 du libre-échange absolu,
07:13 où les individus sont en concurrence déloyale permanente,
07:17 où c'est le chacun pour soi, où il n'y a aucune solidarité,
07:19 où la sécurité sociale est malmenée,
07:21 où nos droits, qui ont été conquis au prix du sang par nos ancêtres,
07:24 sont détruits, sont piétinés.
07:26 Moi ce que j'aimerais dire, c'est qu'aujourd'hui,
07:28 on taxe beaucoup ceux qui sont dans la rue de casseurs.
07:30 Mais les vrais casseurs, ce sont ceux qui sont au gouvernement,
07:33 qui condamnent les gens à se casser le dos deux ans de plus au travail.
07:37 Et la jeunesse, elle ne veut pas de ce monde-là.
07:39 Elle ne veut pas de ce monde où on est obligé,
07:41 où la sécurité sociale, on y met fin,
07:43 où on est obligé de travailler jusqu'à 64, 65, 66, 67 ans,
07:46 et où in fine la retraite disparaît,
07:48 et elle est laissée aux mains des fonds de pension.
07:49 On ne veut pas de ce monde-là.
07:51 On ne veut pas du monde où nous les jeunes, on est dans la galère,
07:53 où les vieux sont dans la misère absolue,
07:55 où on voit nos parents, qui n'arrivent même pas à faire leurs courses
07:57 pour apporter la satiété à leur famille,
07:59 où on voit nos anciens, et moi j'ai perdu ma grand-mère,
08:01 et je vous en parle avec beaucoup d'émotion,
08:03 qui vivent avec des pensions misérables.
08:05 Et on ne peut pas tolérer ça.
08:06 Et puis il y a la question écologique aussi.
08:08 Comment se fait-il qu'on détruit le monde et notre avenir ?
08:10 Aujourd'hui, et on l'évoque,
08:12 les rapports ne cessent de tomber les uns après les autres.
08:14 Dans quelques années, on sera obligé de payer pour respirer de l'air sain.
08:18 Et donc finalement, le message que moi j'envoie,
08:20 et qu'on est nombreux à envoyer chez les jeunes,
08:22 c'est qu'on nous détruit notre avenir.
08:24 On nous supprime toutes les chances de jouir d'un avenir digne.
08:27 Et donc, mobilisons-nous, c'est le seul moyen de nous faire entendre,
08:30 et de pouvoir tendre vers un avenir joyeux, vers un monde meilleur.
08:33 Parce qu'au-delà de la contestation de ce monde pourri,
08:35 on peut, si on se mobilise, espérer tendre vers un monde meilleur.
08:38 Alors dernière question, tu dis, si on se mobilise,
08:41 les flics, pour te citer, écrasent la possible mobilisation des jeunes.
08:46 Je pensais que les jeunes étaient mobilisés, on pouvait le voir,
08:49 et pour toi ce n'est pas encore suffisant,
08:50 les jeunes sont possiblement mobilisables,
08:52 ce n'est pas encore le cas, qu'est-ce qui bloque ?
08:54 Disons que ça fait des décennies qu'on abrutit les gens,
08:57 la population en général, y compris les jeunes,
08:59 et qu'on essaie de nous étouffer, si tu veux,
09:01 de faire en sorte que l'idée d'une mobilisation nous échappe.
09:04 La culture politique, par exemple, dans les médias mainstream,
09:06 elle est totalement absente.
09:08 Les luttes passées sont totalement ignorées.
09:10 Moi je fais étudiant en histoire,
09:11 et c'est vrai que dans les médias traditionnels, les réseaux sociaux,
09:14 on n'entend pas tellement parler de l'héritage politique qui est le nôtre,
09:17 des combats qui ont été menés dans le passé
09:19 pour qu'aujourd'hui on puisse bénéficier de la sécurité sociale.
09:21 Vous faites ce travail-là aux médias, c'est primordial.
09:23 Et donc il y a cette bataille culturelle à mener
09:25 qui permettra la mobilisation de la jeunesse.
09:27 Mais néanmoins, je suis très confiant. Pourquoi ?
09:29 Parce que quand on a les abrutis d'éditorialistes de CNews,
09:32 qui nous disent "ouais mais comment se fait-il que ces jeunes sont pessimistes
09:36 et ne se mobilisent pas, ou se mobilisent du moins et se soucient de la retraite
09:39 alors qu'ils ont à peine entre 16 et 18 ans ? "
09:42 Mais je leur dis que s'ils étaient abrutis à notre âge, on ne l'est pas.
09:45 Et garde à vous, garde à eux,
09:46 parce que la jeunesse aujourd'hui, elle prend conscience du faité que
09:49 pour obtenir nos droits, il faut mener la bataille, il faut lutter.
09:52 Et cette bataille, ces combats politiques, on est prêt à les mener.
09:55 Et on va les mener. Et on va cesser d'être à genoux.
09:57 On va se mettre debout pour espérer tendre vers un monde meilleur.
10:00 Et pour mettre fin aux injustices qui prolifèrent.
10:02 Pour mettre fin, et j'aimerais toucher un mot là-dessus aussi,
10:05 aux discours réactionnaires qui gongrènent notre société.
10:08 Par exemple, je déborde un peu, mais tu vois,
10:11 et je profite du temps qui m'est accordé parce qu'on n'en parle pas dans les grands médias traditionnels,
10:14 moi je suis tzigane, je fais partie de ce qu'on appelle la communauté des gens du voyage,
10:17 et quand dans l'espace médiatique, il y a des gens qui disent, Hervé Marseille,
10:21 que l'Assemblée Nationale c'est un camp de gitan, mais c'est extrêmement grave.
10:24 C'est-à-dire qu'aujourd'hui on vit dans un pays où le fascisme se normalise.
10:28 On vit dans un pays où la misère prolifère.
10:30 Donc les raisons de se mobiliser, elles sont multiples.
10:32 Donc faisons-le, et construisons cette mobilisation.
10:35 Rendez-vous à partir du 7 mars, du 8 mars, du 9 mars, et des journées qui suivront,
10:40 pour mener ce combat, pour gagner la bataille sur les retraites,
10:43 mais pour aller plus loin, pour mener ce combat, et pour tendre vers un avenir plus juste.
10:47 Merci beaucoup. On lâche rien.
10:49 Merci, le message est passé.
10:50 [Bruit de l'air qui s'arrête]
10:52 [Bruit de l'air qui s'arrête]
10:54 [Bruit de l'air qui s'arrête]
10:56 [Bruit de l'air qui s'arrête]
10:58 [Bruit de l'air qui s'arrête]
11:00 [Bruit de l'air qui s'arrête]
11:02 Merci à tous !
11:04 [SILENCE]

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