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Dans la deuxième heure de son émission consacrée à la culture, Philippe Vandel reçoit chaque jour un invité.
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Transcription
00:00 La suite de Culture Média avec votre invité Philippe Bandel.
00:03 - Pierre Demarque était l'invité de Culture Média, aujourd'hui c'est Muriel Mayette Holtz et on est ravis.
00:07 Bonjour. - Bonjour.
00:09 - Vous êtes comédienne mais pas seulement, immense figure du théâtre en France,
00:12 mais pas seulement, vous avez été pensionnaire de la Comédie Française Sociétaire
00:15 avant d'en être nommée administratrice générale en 2006,
00:18 première femme à ce poste, huit ans plus tard vous démissionnez
00:21 lorsque vous êtes nommée directrice de la Villa Médicis à Rome et là encore,
00:24 la première femme à ce poste et vous dirigez depuis novembre 2019
00:28 le Théâtre National de Nice. Mais votre actualité c'est celle-ci,
00:31 une pièce montée à Nice justement, qui arrive à Paris au Théâtre Héberteau,
00:35 les Parents Terribles, pièce mythique de Jean Cocteau,
00:38 là c'est une distribution avec Charles Berling et Mariade Médéros,
00:41 pourquoi reprendre cette pièce ?
00:42 - Parce qu'elle est d'une modernité incroyable, ça parle de la famille,
00:46 parce que c'est un chef-d'oeuvre de la littérature française
00:49 et parce que surtout, c'est autant une pièce de boulevard qu'une tragédie.
00:54 - Je souris quand vous dites ça parle de la famille parce que les familles que je connais
00:56 elles ne sont pas tout à fait comme ça. Alors comment on peut résumer
00:59 l'intrigue des Parents Terribles ? Qu'est-ce que je dis ?
01:01 La double intrigue, voire la triple, voire peut-être même la quadruple intrigue,
01:05 qu'est-ce qu'on peut raconter sans trop dévoiler ? C'est à la fois un chef-d'oeuvre,
01:08 mais moi je vais vous dire, j'avais lu les Enfants Terribles
01:10 et j'avais lu les Parents Terribles mais j'avais oublié
01:12 tout ce détail et cet enchevêtrement. Racontez ce qu'on peut raconter.
01:16 - Oui, c'est une succession de chaos dans la famille, en gros c'est l'histoire d'une...
01:20 Alors je vais partir de mon personnage d'une mère, Yvonne,
01:25 qui vit avec sa soeur et son mari et son fils.
01:28 Et sa vie est autour de son fils, l'amour de sa vie c'est son fils.
01:31 Et ce fils, à un moment donné, ne rentre pas de la nuit
01:34 et elle apprend qu'il a une maîtresse. Et ça, et les chaos s'enchaînent,
01:38 c'est-à-dire qu'elle ne supporte pas de l'imaginer dans les bras d'une autre femme.
01:43 En même temps, on apprend que cette femme c'est aussi la maîtresse du papa.
01:48 Le papa invente qu'il y a un troisième homme pour la persuader de quitter le jeune homme.
01:53 Et puis, je ne vous raconte pas jusqu'au bout l'histoire,
01:56 parce que les chaos s'enchaînent de façon délirante.
01:59 - C'est une pièce qui a été écrite en 1938 par Jean Cocteau,
02:02 et c'est une allégorie de sa vie à lui, parce qu'il était fou amoureux de Jean Marais,
02:05 qui a créé le personnage du fils, Michel,
02:07 mais à une époque où l'homosexualité ne pouvait pas s'afficher.
02:10 - Exactement. C'est pour ça que ça parle d'un amour trop possessif.
02:15 D'ailleurs, la pièce a été interdite.
02:16 - Attendez, on va en parler, on ne racontait pas tout du premier coup.
02:18 Il y a déjà ça et il y a une autre allégorie dans la pièce,
02:20 que j'ai découvert en préparant cet entretien,
02:23 c'est qu'Yvonne prend de l'insuline,
02:24 elle fait des crises de sucre ou de manque de sucre,
02:26 et qui peuvent la tuer.
02:27 Et là, j'ai découvert que c'était une allégorie de l'opium,
02:30 dont Cocteau était consommateur régulier.
02:32 - Absolument. C'est cette dimension même onirique de la pièce,
02:35 puisque la mère se pique,
02:37 elle partira ailleurs, d'ailleurs, à force de se piquer,
02:42 elle est diabétique,
02:43 et il y a cette dimension un tout petit peu dans les nimbes.
02:50 - Alors vous en parliez, j'y arrive,
02:52 cette pièce a une histoire, elle a fait scandale.
02:54 Elle a donc été écrite par Cocteau en 1938,
02:56 créée à la fin de l'année au Théâtre des Ambassadeurs,
02:57 et le 3 janvier 1939,
02:59 suite à la seulement 9ème représentation,
03:02 le conseil municipal de Paris,
03:04 qui est propriétaire du Théâtre des Ambassadeurs,
03:05 interdit la représentation de la pièce, pour quel motif ?
03:10 - Parce que ça parlait de prostitution,
03:12 puisque la jeune femme dont est amoureux le fils,
03:14 est une jeune femme qui a un amant,
03:16 qui est entretenue par le père.
03:18 - Prostitution et inceste.
03:20 - Alors l'inceste, ça il n'est pas tout à fait avéré dans la pièce.
03:23 D'ailleurs mon personnage d'Yvonne dit,
03:27 "Qui peut empêcher une mère d'être amoureuse folle de son fils ?"
03:31 - Bah si c'est pas avéré,
03:32 et elle dit à sa soeur Léo, je l'ai noté,
03:34 "Il me mentait", c'est une maman qui parle de son fils,
03:36 elle dit à sa soeur, elle explique sa colère,
03:38 "Il me mentait, il me trompait, il m'a jeté par terre,
03:41 il avait les yeux d'un monstre, il ne m'aime plus."
03:43 - Ah oui une maman peut dire ça quand même !
03:45 - Une maman peut dire "mon fils me trompe" sans qu'il ait de l'inceste ?
03:48 - C'est un lapsus !
03:50 - Non, il n'y a pas de lapsus chez Cocteau, il n'y a pas de lapsus du tout !
03:52 - Non il n'y a pas de lapsus,
03:54 il y a un amour excessif, exagéré,
03:57 mais c'est ce qui fait de ce personnage
04:00 une femme aussi attachante qu'elle est insupportable.
04:03 Elle est restée enfant en fait.
04:05 - La pièce sera reprise au Théâtre des Bouffes parisiens mais en octobre 41,
04:08 là c'est différent, les Allemands sont à Paris,
04:10 c'est l'occupation, pièce à nouveau interdite
04:13 suite aux pressions de la presse Colabo pour le même motif,
04:16 et ensuite elle va être rejouée quand ? C'est quoi l'histoire de cette pièce ?
04:19 Ça revient dans quelles années ?
04:21 - Alors ça va revenir je crois dans les années 70 où Jean Marais,
04:23 qui avait joué le fils, jouera le père.
04:26 C'est ça qui est extraordinaire,
04:28 et c'est une pièce qui est incroyablement indémodable.
04:31 Parce qu'elle parle quand même de la cellule familiale,
04:34 on est entre Tanguy et l'excès de l'autre côté,
04:37 parce qu'en même temps le fils non plus n'arrive pas à se détacher de ce cocon familial.
04:42 - Un Tanguy très très très moderne où on se pique,
04:45 et où il y a aussi du polyamour, on n'en a pas encore parlé,
04:47 on marque une courte pause pour se remettre de ses émotions.
04:50 Vous restez avec nous Muriel Mayette-Holz, Culture Média continue sur Europe 1.
04:53 - Culture Média jusqu'à 11h sur Europe 1 avec Philippe Vandel.
04:56 - On parle avec Muriel Mayette-Holz de cette pièce "Les parents terribles",
05:00 c'est au Théâtre Héberthaud avec Charles Berling et Maria de Medeiros.
05:03 Je parlais de polyamour, ça raconte une famille,
05:06 une famille extrêmement étrange, on vit dans les beaux quartiers de Paris,
05:09 c'est même pas un appartement qu'ils ont, ils appellent ça la "roulotte".
05:12 On parlait éventuellement d'inceste, il y a aussi du polyamour,
05:16 cette jeune femme dont le fils Michel tombe amoureux, qui s'appelle Madeleine,
05:20 dit "je n'aime que toi, mais j'aime Georges aussi".
05:23 Georges c'est le père de Michel.
05:25 - Georges c'est le père de Michel, il a commencé par coucher avec Léo la sœur d'Yvonne,
05:29 puis finalement Léo l'a poussé vers Yvonne, il a fait un enfant avec Yvonne,
05:34 et le fils qui est amoureux d'une jeune fille,
05:36 finalement la jeune fille est la maîtresse du père.
05:39 Alors c'est sûr que vu de ce point de vue là, c'est pas tout à fait une famille classique.
05:43 - Je pense aux gens qui ont entendu ça, qui ont entendu au début de l'entretien dire
05:46 "c'est une famille comme les autres".
05:47 Qui est Yvonne votre personnage ? C'est un peu la daronne on dirait,
05:50 c'est un peu elle qui dirige tout, c'est un cafarnaum immense cet appartement.
05:54 - Oui c'est un cafarnaum, mais en fait c'est une amoureuse.
05:57 - Mais dans sa tête elle est comment ? Comment vous l'avez vue ?
05:59 - C'est un enfant, c'est une femme qui n'a pas grandi,
06:03 qui dit toujours la vérité, qui n'a pas de médiocrité ou d'arrière-pensée,
06:07 qui est beaucoup plus pure d'une certaine façon que les autres,
06:11 mais qui est excessive.
06:13 Et donc c'est un vivable.
06:14 Et à un moment donné on dit finalement "elle est plus heureuse morte que vivante",
06:19 c'est sans doute pas faux.
06:20 - C'est une pièce de Jean Cocteau, ses pièces précédentes n'avaient pas marché,
06:25 il en avait conçu une grande rancœur, tristesse, il voulait faire un succès,
06:29 et donc il a dit "vous voulez un Vaudville ? Je vais écrire un Vaudville".
06:34 Sauf que c'est à la fois un Vaudville et une parodie de Vaudville.
06:36 - C'est ça qui est génial, c'est un terrain de jeu pour les acteurs prodigieux,
06:40 parce qu'on peut faire des glissades, on peut être excessif, on peut exagérer.
06:48 Et moi je m'amuse comme une folle à jouer ce rôle, parce qu'ils sont extrêmes.
06:54 - Il y a une mise en abyme, il y a même du métalangage,
06:57 à un moment le personnage dit, parce qu'on sent que Georges c'est aussi Cocteau,
07:00 il dit "je ne suis pas un héros de tragédie",
07:02 je ne dis pas à quel moment ça vient dans la pièce,
07:04 il dit "je ne suis pas un héros de tragédie, je suis un héros de comédie,
07:07 et encore je me vante, c'est plutôt du labiche".
07:10 On ne se met pas à faire des références aux auteurs de théâtre dans du théâtre,
07:14 c'est extraordinaire.
07:15 - Mais je pense qu'il avait besoin aussi de reconnaissance et de succès,
07:18 et il a fait cette pièce qui est inclassable,
07:21 parce que vraiment elle passe sans cesse de la tragédie au boulevard, au grand boulevard.
07:27 - Et elle a cartonné un million de spectateurs, c'est énorme un million de spectateurs.
07:31 Quand vous faites un million de personnes à la télé, vous êtes heureux,
07:33 là ce n'est pas des gens qui sont dans leur salon,
07:35 ce sont des gens qui se déplacent,
07:36 qui affrontent la pluie, les embouteillages et qui payent leur place.
07:38 - C'est pour ça qu'on joue jusqu'au 30 avril, pour essayer de rivaliser.
07:42 - Vous n'aviez pas joué depuis 2006, c'est ça ?
07:45 Quand vous avez relancé cette... j'ai lu ça,
07:47 et je me disais "mais comment ça doit lui faire à Muriel Maillet de ne pas jouer
07:50 entre 2006 et le moment où vous remontez cette pièce,
07:54 le premier soir où vous êtes remonté sur scène ?"
07:55 - Alors d'abord c'est un grand cadeau que m'a fait le metteur en scène, Christophe Perton,
07:59 parce que c'est un rôle merveilleux,
08:01 mais j'avais quand même un peu joué,
08:03 là par exemple à Nice, je joue beaucoup avec la troupe,
08:06 là je viens de jouer La Loi du corps noir...
08:08 - Non mais quand vous avez relancé la pièce à Nice, c'est ça que j'avais lu ?
08:10 - À Nice, oui c'est vrai, il y a très longtemps que je n'avais pas joué.
08:12 - Vous n'avez pas joué de 2006 à 2020 ?
08:14 - Mais vous savez, ces métiers sont des métiers...
08:16 Moi j'ai commencé à 14 ans, donc en fait j'avais l'impression de retourner à la maison,
08:21 je me sens chez moi sur un plateau,
08:24 j'aime cette sensation du track, cette sensation...
08:27 - Vous aviez le track ?
08:28 - Ah oui, mais on est tendu avec le public,
08:31 et ça c'est une sensation où la vie est plus forte,
08:34 c'est une célébration de la vie, le plateau.
08:36 - Question de Béossien, vous n'étiez plus sur scène à partir de 2006,
08:40 car vous étiez administratif général de la Comédie française,
08:43 c'est pas que personne vous proposait des rôles, au contraire,
08:45 ça fait partie des statuts de ne plus jouer lorsqu'on dirige le français,
08:49 ou est-ce que c'était un choix personnel ?
08:51 - J'ai joué en fait quand je dirigeais,
08:53 pour remplacer des comédiennes au pied levé.
08:55 J'ai remplacé à 18h, j'ai appris que Dominique Constanza pouvait pas jouer
08:59 dans la pièce de Molière, "L'Avare",
09:04 je l'ai remplacée à 20h30, j'ai remplacé Toinette,
09:08 parce que j'ai grandi à la Comédie française, j'y ai passé 30 ans,
09:11 et donc on est habitué à être dans la pratique de notre métier,
09:15 dans cette artisanat.
09:17 Donc en fait, je jouais pas, je faisais pas de création,
09:20 mais je pouvais remplacer des actrices.
09:22 - Mais c'est dans les statuts ? Que disent les statuts ? Chacun est libre de faire ce qu'il veut ?
09:24 - Non, tu ne peux jouer que si tu es sociétaire de la Comédie française ou pensionnaire.
09:28 - J'ai mal posé ma question. Est-ce qu'on peut jouer en étant le patron ?
09:30 - Oui absolument, à condition que tu viennes de la troupe.
09:35 - Bah évidemment !
09:37 - Oui mais c'était pas le cas de tout le monde, Antoine Vitez
09:39 était pas dans la troupe quand il était administrateur, ou Jean-Pierre Michel.
09:42 Donc si c'est un sociétaire qui dirige, alors il peut jouer.
09:47 - Une des marques de votre passage à la Comédie française, Muriel Maillet,
09:50 c'est que vous avez encouragé les acteurs de la troupe à faire du cinéma.
09:52 J'ai relevé des noms, Denis Podalides qui est toujours,
09:55 Guillaume Gallienne, Laurent Laffitte, Pierre Ninet,
09:57 pour quelle raison ? Est-ce que ça prive pas une très belle maison de ses talents ?
10:02 - Non, parce qu'il faut s'adapter, il faut que cette maison qui a été créée au 17ème siècle,
10:06 elle vive au 21ème siècle.
10:08 Et donc il faut essayer d'ouvrir et de bouger un peu les statues.
10:12 Ce dont je suis le plus fier à la Comédie française, c'est d'avoir un peu modifié la troupe,
10:16 puisque sur 60 comédias, j'en ai engagé quasiment plus de la moitié.
10:20 Et donc, par exemple, Laurent Laffitte, qui était un de mes élèves au conservatoire,
10:27 voilà, elle...
10:29 Maintenant, on parle de la troupe de la Comédie française
10:32 comme une des plus grandes troupes de France.
10:34 - Je vais poser la question différemment, est-ce que ça ramène du monde,
10:37 ou est-ce que de toute façon vous êtes complet tous les soirs ?
10:39 - J'ai envie de dire les deux mots en général.
10:41 On est complet tous les soirs parce que c'est un théâtre génial,
10:44 et en même temps, quand on a un acteur qui est sous les projecteurs grâce au cinéma,
10:51 ce soleil rejaillit sur la maison, on appelle ça la maison la Comédie française.
10:57 - Est-ce que la pièce va partir en tournée ? Qu'est-ce qui est prévu ensuite ?
11:00 Vous dites que vous allez la jouer longtemps ?
11:02 - Alors, on a fait une grande tournée, on l'a créée, "Les parents terribles", à Nice,
11:06 on est allé jouer à Toulon, là où Charles Berling dirige son théâtre,
11:09 on est allé jouer à Marseille, et puis il y a eu la Covid,
11:12 donc on a arrêté, on a refait une grande tournée dans toute la France,
11:15 et là on a atterri à Paris,
11:17 et j'ai dit pour Frimé, on joue jusqu'au 31 villes, mais peut-être qu'on prolongera.
11:22 - Peut-être qu'ils vont prolonger, ça s'appelle "Les parents terribles",
11:24 c'est au Théâtre Héberteau, et c'est Murielle Maillette-Holz qui est notre invitée.
11:28 Pourquoi Holz ? Elle va nous le dire.
11:29 - Du théâtre au cinéma, il n'y a qu'un pas, on l'a vu avec certains sociétaires de la Comédie française,
11:34 et on va le voir dans un instant avec Olivier Benguemoun,
11:36 premier indispensable de cette émission qui vient nous parler, lui, de la cérémonie des Césars.

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